Gabriel (Hetzel, illustré 1854)/Scène P1
PROLOGUE
Scène PREMIÈRE.
Votre altesse est-elle toujours aussi fatiguée ?
Non. Ce vieux vin est ami du vieux sang. Je me trouve vraiment mieux.
C’est un long et pénible voyage que votre altesse vient de faire… et avec une rapidité…
À quatre-vingts ans passés, c’est en effet fort pénible. Il fut un temps où cela ne m’eût guère embarrassé. Je traversais l’Italie d’un bout à l’autre pour la moindre affaire, pour une amourette, pour une fantaisie ; et maintenant il me faut des raisons d’une bien haute importance pour entreprendre, en litière, la moitié du trajet que je faisais alors à cheval… Il y a dix ans que je suis venu ici pour la dernière fois, n’est-ce pas, Marc ?
Oh ! oui, monseigneur.
Tu étais encore vert alors ! Au fait, tu n’as guère que soixante ans. Tu es encore jeune, toi !
Oui, monseigneur.
Toujours aussi bête, à ce qu’il paraît ? (Haut.) Maintenant laisse-nous, mon bon Marc, laisse ici ce flacon.
Va, mon ami…
Monseigneur… est-ce que je n’avertirai pas le seigneur Gabriel de l’arrivée de votre altesse ?
Ne vous l’ai-je pas positivement défendu ?
Vous savez bien que son altesse veut surprendre monseigneur Gabriel.
Vous seul ici m’avez vu arriver. Mes gens sont incapables d’une indiscrétion. S’il y a une indiscrétion commise, je vous en rends responsable.