Germinie Lacerteux/LXVII

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Charpentier (p. 263-264).
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LXVII.


Brisée par ces émotions, par ce dernier spectacle, Mlle de Varandeuil se mit au lit en rentrant chez elle, après avoir donné de l’argent au portier pour les tristes démarches, l’enterrement, la concession. Et quand elle fut dans son lit, ce qu’elle avait vu revint devant elle. Il y avait toujours auprès d’elle la morte horrible, ce visage effrayant dans le cadre de cette bière. Son regard avait emporté au dedans d’elle cette tête inoubliable ; sous ses paupières fermées, elle la voyait et en avait peur. Germinie était là, avec le bouleversement de traits d’une figure d’assassinée, avec ses orbites creusés, avec ses yeux qui semblaient avoir reculé dans des trous ! Elle était là, avec cette bouche encore tordue d’avoir vomi son dernier souffle ! Elle était là, avec ses cheveux, ses cheveux terribles, rebroussés, tout debout sur sa tête !

Ses cheveux ! cela surtout poursuivait mademoiselle. La vieille fille pensait, sans y vouloir penser, à des choses tombées dans son oreille d’enfant, à des superstitions de peuple perdues au fond de sa mémoire : elle se demandait si on ne lui avait pas dit que les morts qui ont les cheveux ainsi emportent avec eux un crime en mourant… Et, par moments, c’étaient ces cheveux-là qu’elle voyait à cette tête, des cheveux de crime, tout droits d’épouvante et tout roidis d’horreur devant la justice du ciel, comme les cheveux du condamné à mort devant l’échafaud de la Grève !

Le dimanche, mademoiselle se trouva trop malade pour sortir de son lit. Le lundi, elle voulut se lever pour aller à l’enterrement, mais, prise d’une faiblesse, elle fut obligée de se recoucher.