Gorgias (trad. Croiset)/Sommaire
SOMMAIRE
Préambule : Socrate et Chéréphon arrivent chez Calliclès pour interroger Gorgias sur « ce qu’il est » de son métier (447 a-d) — Chéréphon pose la question à Gorgias ; brusque intervention de Polos, qui répond par l’éloge du métier de Gorgias (447 d-448 c).
Socrate intervenant réclame une réponse précise et fait rentrer en scène Gorgias lui-même, qui se déclare maître de rhétorique (448 d-449 c).
PREMIÈRE PARTIE : SOCRATE ET GORGIAS
Recherche dialectique d’une définition précise de la Rhétorique. — 1o La rhétorique est l’art des discours (449 c-e) ; — 2o dans les arts où le discours est le principal (450 a-c) ; — 3o spécialement dans ceux qui se rapportent aux matières politique (450 c-452 d) ; — 4o elle est, en ces matières particulièrement, ouvrière de persuasion (452 d-453 a). — 5o Mais quelle sorte de persuasion produit-elle ? Celle qui enseigne ou celle qui fait croire (453 a-454 a) ? — 6o Différence entre la croyance et la science (454 b-454 e). La rhétorique est ouvrière de croyance (454 e-455 a). — Socrate exprime un doute sur l’objet propre de la rhétorique. Sa puissance est universelle et merveilleuse, répond Gorgias (455 a-456 c) ; mais il faut en user justement, sans qu’elle doive d’ailleurs être rendue responsable du mauvais usage que certains peuvent en faire (456 c-457 c).
Intermède : l’idée de justice, ainsi introduite, provoque chez Socrate un nouveau doute ; avant de continuer la discussion, il explique dans quel esprit il veut le faire (457 c-458 b). — Les auditeurs, consultés, désirent que la discussion continue (458 b).
Reprise de l’entretien entre Socrate et Gorgias. Socrate : La rhétorique, qui permet de parler d’une manière persuasive sur tout sujet sans en posséder la science, dispense-t-elle d’avoir la science de la justice, ou l’implique-t-elle (458 e-460 a) ? — Gorgias : elle la donne à qui ne la possède pas d’avance (460 a-b). — Socrate : mais alors comment pouvais-tu dire qu’un orateur pût être injuste (460 b-461 a) ?
Brusque intervention de Polos, qui reproche à Socrate des sophismes. Socrate se déclare prêt à discuter avec lui, pourvu que Polos renonce à ses longs discours (461 b-462 b).
DEUXIÈME PARTIE : SOCRATE ET POLOS
Socrate définit la rhétorique un empirisme, et non un art (462 b-463 a), et cet empirisme fait partie d’un ensemble qui relève de la flatterie. — Théorie socratique de la flatterie, qui ne vise qu’au plaisir, non au bien véritable, et qui a inventé quatre routines empiriques (toilette, cuisine, sophistique, rhétorique), contrefaçons de quatre arts véritables (gymnastique, médecine, législation, justice) (463 a-466 a).
Mais les orateurs, dit Polos, ne sont-ils pas considérés et tout-puissants dans les cités ? — Nullement, dit Socrate, si tu appelles « puissance » une chose bonne pour qui la possède (466 a-b). La prétendue puissance des orateurs et des tyrans n’en est pas une, si, faute de raison, ils se trompent sur leur véritable but, qui est leur bien (466 b-468 e).
Instance de Polos : Socrate ne porterait-il pas envie à un homme libre d’agir à sa guise dans la cité ? — Réponse : Non, si l’action envisagée n’était pas juste, car le plus grand des maux est de commettre l’injustice, et il n’y a de bien que ce qui est juste (468 e-470 c).
Polos conteste, et, pour prouver que l’homme injuste peut être heureux, allègue l’exemple du tyran Archélaos, à qui tous ses crimes réussissent (470 c-471 d). Réponse de Socrate : il n’admet pas cette façon de discuter ; des témoignages ne sont pas des preuves. Il ne veut d’autre témoignage que celui de son interlocuteur. Quant au fond, il maintient sa thèse — l’homme injuste ne peut être heureux — et il l’aggrave — le coupable qui ne satisfait pas à la justice est plus malheureux que celui qui satisfait (471 d-472 e).
Position de la question (473 a-474 c) et discussion dialectique : Socrate avance et soutient successivement, 1o que commettre l’injustice est pire que la subir, parce que, étant plus laid, c’est aussi plus nuisible (474 c-476 a) ; 2o que ne pas expier une faute commise est pire que d’en être puni, parce que le châtiment délivre de l’injustice, qui est le plus grand des maux (476 a-478 e). Conclusion sur les rapports de la justice et du bonheur (478 e-479 e).
Conclusion générale sur la vraie utilité de la rhétorique (480 a-481 b).
TROISIÈME PARTIE : SOCRATE ET CALLICLÈS
Calliclès demande à Socrate s’il se moque ; Socrate répond en comparant l’amoureux de Démos et l’amoureux de la philosophie (481 b-482 c).
Thèse de Calliclès : La Nature et la Loi ; dans l’ordre de la Nature, la force est la loi suprême, et le plus fort doit avoir la plus forte part. La philosophie est incapable de comprendre cela : Socrate est invité à renoncer à elle pour se consacrer à la politique (482 c-486 d). — Compliments ironiques de Socrate : règles établies pour la discussion (486 d-488 b).
Examen du principe posé par Calliclès : Qu’est-ce que Calliclès entend par les plus forts ? Il ne peut sans se contredire mettre la force dans le nombre (488 b-489 d) ; successivement il admet qu’elle appartient aux plus intelligents et aux plus courageux (489 e-490 a) et cela dans le domaine de la politique (490 a-491 c) ; finalement, poussé par Socrate, il proclame que l’homme vraiment conforme à l’ordre de la Nature est celui qui a le plus de passions et est capable de les entretenir (491 d-492 e) — Discussion de cette conception, 1o par des allégories d’inspiration pythagoricienne (492 e-494 e) ; 2o par deux raisonnements dialectiques dirigés spécialement contre la thèse de l’identité du plaisir et du bien (495 a-499 b). Conclusion sur ce point : force est d’admettre qu’il y a des plaisirs bons, c’est-à-dire utiles, et des plaisirs mauvais, c’est-à-dire nuisibles. Notre but étant notre bien, il faut un art, une méthode, pour distinguer entre les uns et les autres (499 b-500 a).
Retour au problème soulevé par Calliclès : il s’agit, en fait, de choisir entre deux genres de vie, la vie suivant la rhétorique, la vie suivant la philosophie (500 a-d). Reprise, pour décider du choix, de la théorie exposée à Polos sur les disciplines qui ne visent qu’au plaisir, soit du corps, soit de l’âme, lesquelles ne sont que des flatteries, et sur celles qui tendent à leur bien et qui seules sont vraiment des méthodes. Dans quelle catégorie rentrent les discours politiques ? Que valent, à cet égard, les orateurs qui ont exercé une influence à Athènes : en est-il un seul qui ait rendu les Athéniens meilleurs (500 e-503 c) ? — Question préalable : En quoi consiste le bien de l’âme ? Qu’exige-t-il ? Pour Socrate, il est essentiellement dans l’ordre et l’harmonie, et il exige le contraire de ce dérèglement, de cette absence de contrainte (ἀκολασία), que prêche Calliclès : le châtiment, la répression (τὸ κολάζεσθαι) des âmes (503 d-505 b).
Intermède. Calliclès renonce à discuter et ne répondra plus que pour la forme (505 b-506 c).
QUATRIÈME PARTIE : SOCRATE SEUL
Socrate pose comme résultat des discussions précédentes, que, pour atteindre le bonheur, on doit tendre toutes ses forces et toutes celles de la cité vers l’acquisition de la justice et de la tempérance (506 c-508 c). Partant de là, il reprend, en deux points, la question du choix à faire entre deux genres de vie : 1o Il se peut que la philosophie ne lui assure pas le moyen de protéger son existence ; mais le seul moyen d’être assuré contre l’injustice, qui est de se rendre semblable au souverain (= de le flatter), conduit presque fatalement à la commettre (508 c-511 a) ; — et d’ailleurs, l’essentiel n’est pas de sauver sa vie, mais de bien vivre (511 a-513 c). 2o Si l’on s’en tient à la distinction faite entre les deux sortes de disciplines (types médecine-cuisine), il reste que le seul but qu’on puisse se proposer en abordant la politique est de rendre les citoyens les meilleurs possible ; or ce principe condamne les orateurs allégués en exemple par Calliclès pour justifier la rhétorique (513 d-517 a) ; — sans doute ils ont été de bons serviteurs du peuple ; mais en allant au-devant de ses appétits, sans l’avoir d’abord corrigé de ses défauts, ils lui ont fait perdre même ses avantages antérieurs, et peut-être leurs successeurs paieront-ils encore pour eux. Paradoxe sur l’impossibilité pour les hommes politiques d’être injustement victimes de leurs concitoyens (517 b-520 e). — Socrate conclut : il restera fidèle à la tâche qu’il s’est fixée, ne cherchant pas à plaire et n’ayant en vue que le bien. S’il compromet ainsi sa tranquillité et sa vie, il n’aura du moins aucune faute à se reprocher et affrontera la mort sans inquiétude (521 a-522 e).
Mythe final : la vie future et le jugement des morts (522 e-527).