Grammaire de l’hébreu biblique/Introduction/Paragraphe 2

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 2-4).
§ 2. Place de l’hébreu parmi les langues sémitiques[1].

a L’hébreu appartient au groupe des langues que, depuis 1781, on a commencé à appeler sémitiques (cf. Gn 10, 21-31). Ces langues peuvent, d’après leur répartition géographique, se diviser ainsi qu’il suit :

b Groupe du nord-est (Babylonie, Assyrie) : l’akkadien (terme générique récent, s’opposant au sumérien, langue non-sémitique parlée aussi en Babylonie). L’akkadien comprend les dialectes babylonien et assyrien. On possède des documents cunéiformes en akkadien depuis la seconde moitié du 3e millénaire avant J.-C. jusqu’aux environs de l’ère chrétienne.

c Groupe du nord-ouest (Mésopotamie, grande Syrie) : l’araméen, l’hébreu, le phénicien.

d L’araméen[2], parlé d’abord, semble-t-il, par des tribus du désert syrien, se répandit peu à peu dans les régions voisines à l’est et à l’ouest. À l’époque perse, il supplanta notamment la langue hébraïque en Palestine. Le plus ancien document araméen connu est l’inscription de Zkr, roi de Ḥama et de Lʿs, qui date du commencement du VIIIe siècle. Les inscriptions trouvées à Zindjirli sont un peu postérieures (VIIIe siècle).

Les dialectes araméens des âges suivants peuvent se diviser en orientaux (dans lesquels la préformante de la 3e personne du futur est n), et occidentaux (qui ont comme l’ensemble des langues sémitiques). Les principaux dialectes araméens orientaux sont le syriaque, originairement dialecte d’Édesse (qui se subdivise en syriaque oriental ou nestorien, et syriaque occidental ou jacobite), le dialecte juif du Talmud de Babylone, le mandéen. À l’araméen occidental appartiennent le dialecte des papyrus de la colonie juive d’Éléphantine (Ve siècle) et celui de quelques chapitres d’Esdras (4, 8 — 6, 18 ; 7, 12-26) et de Daniel (2, 4 — 7, 28) ; puis les dialectes postérieurs des Targum et du Talmud de Jérusalem ; d’autre part le samaritain, le palmyrénien (inscriptions du Ier au IIIe siècle après J.-C.), le nabatéen (inscriptions du Ier siècle après J.-C.).

e L’hébreu est un développement de la langue parlée en Canaan avant l’arrivée des Israélites. L’ancienne langue de Canaan est connue seulement par certaines gloses des lettres babyloniennes trouvées à Tell el Amarna (Haute Égypte). Ces lettres, qui datent des environs de 1400, sont écrites dans la langue diplomatique d’alors, le babylonien, au gouvernement égyptien, par des scribes du pays de Canaan qui emploient parfois des mots ou des formes de leur langue. En dehors des textes bibliques, l’hébreu ancien est représenté surtout par l’inscription de Siloé (vers 700). L’inscription de Mēšaʿ, roi de Moab (cf. 2 R 3, 4) (vers 850) est dans une langue qui ne diffère de l’hébreu que par quelques légères particularités.

f Le phénicien, qui est représenté par l’inscription du roi Klmu (IXe s.) et par des inscriptions assez nombreuses postérieures au Ve s., est étroitement apparenté à l’hébreu. Le dialecte punique, de Carthage et de ses colonies, se rattache au phénicien.

g Groupe méridional (Arabie, Abyssinie) : l’arabe, l’éthiopien.

h En arabe du nord on possède une inscription du roi Marʾulqais (328 ap. J.-C.). Par les conquêtes de l’Islam, l’arabe se répandit en Syrie, en Babylonie et en Mésopotamie, où il supplanta peu à peu les dialectes araméens, en Égypte, dans l’Afrique du nord, et jusqu’en Espagne.

Les principaux dialectes de l’arabe du sud sont le minéen et le sabéen.

i L’éthiopien ou geʿez est la langue d’une population qui émigra de l’Arabie méridionale en Abyssinie. Le plus ancien monument de cette langue est l’inscription du roi ʿEzana d’Aksum (IVe s. après J.-C.).

j Caractéristiques des langues sémitiques. Les langues sémitiques ont certains traits caractéristiques qui les différencient des autres groupes de langues. Parmi ces caractéristiques, qui se trouvent en particulier en hébreu, on peut énumérer celles-ci : 1) l’existence de certaines consonnes gutturales, en hébreu ח, ʿ ע ; 2) l’existence de consonnes emphatiques, en hébreu ט, צ, (q) ק ; 3) les racines sont pour la plupart purement consonantiques et trilittères ; 4) l’ossature consonantique du mot exprime l’idée générale, tandis que les voyelles expriment les diverses modalités qui déterminent cette idée.

k Affinité du groupe sémitique avec d’autres langues. L’égyptien ancien, dont le copte est issu, a certains traits communs avec les langues sémitiques. On admet qu’il a avec celles-ci une même origine, mais que, séparé de très bonne heure et soumis à des influences étrangères, il a subi une évolution toute particulière qui l’a profondément modifié.

Plus éloignée encore est la parenté des langues sémitiques avec les langues ḥamitiques modernes : langues berbères, langues koushites (Bischari, Saho, ʿAfar, Somali).

Quant à une parenté éloignée des langues sémitiques avec les langues indo-européennes, elle est très problématique. Les meilleurs travaux récents, notamment ceux de H. Möller[3] n’ont pas encore apporté une preuve convaincante de parenté[4].

  1. Nöldeke, Die semitischen Sprachen2 (1899) ; Brockelmann, Grundriss der vergleichenden Grammatik der semitischen Sprachen, 1 (1908), pp. 1-34 ; Lidzbarski, Handbuch der nordsemitischen Epigraphik (1898) ; Cooke, A textbook of north-semitic inscriptions (1903).
  2. Cf. J.-B. Chabot, Les langues et les littératures araméennes (1910).
  3. Semitisch und Indogermanisch, I. Teil : Konsonanten (1907) ; Vergleichendes indogerm.-sem. Wörterbuch (1911).
  4. Voir en particulier A. Meillet, dans la Rev. critique, 1910, I, p. 313.