Grammaire de l’hébreu biblique/Introduction/Paragraphe 4

La bibliothèque libre.
Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 6-9).
§ 4. Histoire de la grammaire hébraïque.

a Les premiers travaux de grammaire hébraïque commencent au Xe siècle, sous l’influence de la grammaire arabe, avec le Gaon Saʿadia du Fayyoum († 942). Les principaux grammairiens juifs dont nous possédons les œuvres sont Ḥayyug (vers 1000), Abuʾl Walid Merwan ibn Ǵanah‍̣ (vers 1030), Ibn Ezra († 1167), David Qimh‍̣i († vers 1235), son père Joseph et son frère Moïse. Ces savants juifs avaient pour les éclairer la connaissance de l’araméen et de l’arabe.

b La première grammaire publiée par un chrétien est celle de Jean Reuchlin (De rudimentis hebraicis, 1506). C’est à lui que remontent bon nombre des termes techniques usités en grammaire hébraïque. Le Juif Elias Levita († 1549) contribua beaucoup, par ses ouvrages et par son enseignement, à répandre la connaissance de l’hébreu chez les savants chrétiens. Jean Buxtorf († 1629) et ses successeurs restent encore étroitement fidèles à la doctrine grammaticale des Juifs. Au XVIIIe siècle A. Schultens († 1750) met à profit sa connaissance de l’arabe pour expliquer et approfondir l’hébreu. Mais c’est au XIXe siècle que la grammaire hébraïque se transforme et prend un aspect de plus en plus scientifique.

c W. Gesenius († 1842) fut l’initiateur du mouvement. Sa grammaire eut plusieurs éditions ; avec de nombreuses et profondes transformations, elle devint un livre quasi nécessaire, auquel renvoient la plupart des commentateurs de l’Ancien Testament. E. Rödiger (14e-21e éd.) et E. Kautzsch (22e-28e éd.) améliorèrent sans relâche l’œuvre de Gesenius. Les dernières éditions données par Kautzsch renferment une masse très considérable de faits sous un volume assez restreint. La doctrine grammaticale est plutôt conservatrice ; l’exposé est en général clair et précis ; la littérature du sujet est à peu près complète. Après la mort de Kautzsch († 1910), la 29e édition a été publiée par G. Bergsträsser, qui a profondément transformé l’œuvre de son prédécesseur. C’est en réalité un ouvrage entièrement nouveau, où l’ordre même des matières diffère notablement de l’ancien ; c’est un livre beaucoup plus érudit, beaucoup plus critique, faisant une part bien plus large à l’histoire du développement de la langue[1].

H. Ewald († 1875) chercha à ramener les faits grammaticaux à des lois et à expliquer celles-ci rationnellement. Sa grammaire (Ausführliches Lehrbuch der hebr. Sprache, 8e [et dernière] éd. 1870) est encore utile, surtout pour la syntaxe.

J. Olshausen († 1882) dans son Lehrbuch der hebr. Sprache, 1861, qui ne renferme que la phonétique et la morphologie, cherche à expliquer les formes de l’hébreu d’après le sémitique primitif, représenté généralement par l’arabe.

F. Böttcher († 1863) dans son Ausführliches Lehrbuch der hebr. Sprache, édité par F. Mühlau (2 vol. 1866, 68) n’a pu également donner que la phonétique et la morphologie (celle-ci incomplète, cf. t. 2, p. VI). Tel quel, cet ouvrage est le répertoire le plus complet des formes, et à ce titre reste très utile.

B. Stade († 1906) n’a publié aussi que la phonétique et la morphologie (Lehrbuch der hebr. Grammatik, 1879). La morphologie du verbe renferme un répertoire à peu près complet des formes du parfait, du futur et de l’impératif, classées par personnes. Cette disposition est commode pour les recherches et la comparaison des formes.

E. König a donné une grammaire très considérable en trois volumes : Lehrgebäude der hebr. Sprache, t. 1 (1881) pronom et verbe ; t. 2 (1895) nom et particule, morphologie générale et phonétique ; t. 3 (1897) syntaxe. Il est souvent plus complet que ses prédécesseurs ; sur beaucoup de points il cite et discute les diverses opinions : c’est éminemment une grammaire critique.

H. Bauer et P. Leander ont publié une Historische Grammatik der hebräischen Sprache[2]. Cet ouvrage est non seulement une grammaire historique, comme l’indique le titre, mais encore une grammaire descriptive. Dans la partie historique l’hypothèse joue un rôle considérable ; la partie descriptive, par ex. la formation nominale, est riche et très soignée. Les auteurs, utilisant les travaux de détails et la grande synthèse de grammaire sémitique comparée de Brockelmann, ont voulu élever la grammaire hébraïque à la perfection scientifique atteinte par la grammaire des langues indo-européennes.

d Outre ces travaux d’ensemble de première importance, il convient de signaler comme particulièrement utiles la Hebrew Syntax de A. B. Davidson (3e éd. 1912) et l’excellent ouvrage de Driver, A treatise on the use of the tenses in hebrew and some other syntactical questions (3e éd. 1892). Il faut noter aussi la Stylistique de König (Stilistik, Rhetorik, Poetik, 1900), utile complément de sa grammaire.

e La lexicographie a fait au XIXe et au XXe siècle des progrès importants ; mais il en reste encore à faire beaucoup. Le Thesaurus linguae hebraicae de W. Gesenius (publié de 1829 à 1858), vieilli dans plusieurs de ses parties, reste encore un trésor où l’on trouve beaucoup de choses excellentes dont plusieurs ont été abandonnées à tort. Les éditions allemandes du dictionnaire de Gesenius ont été peu à peu profondément remaniées par les éditeurs successifs. La dernière (16e) édition donnée par F. Buhl est de 1915 : W. Gesenius’ hebr. und aram. Handwörterbuch[3]. Ce dictionnaire est particulièrement utile pour l’abondante littérature citée, la partie étymologique, l’indication des corrections de texte proposées. Sur ces points l’Oxford Lexicon de Brown, Driver et Briggs (A hebrew and english lexicon of the Old Testament, 1906) lui est inférieur. En revanche il est souvent plus complet et plus soigné. Les parties spécialement grammaticales, notamment les particules, traitées par Driver, sont excellentes. Il manque malheureusement un index anglais-hébreu. L’ordre des mots par racines, parfois discutable (cf. § 34 b) ou arbitraire, a de plus l’inconvénient d’être moins pratique que l’ordre purement alphabétique du Gesenius-Buhl.

Le dictionnaire de König (Hebr. und aram. Wörterbuch, 1910), beaucoup moins étendu que les précédents, a l’avantage de renvoyer assidûment à la Grammaire de l’auteur.

f Parmi les Concordances hébraïques, la plus récente et aussi la plus complète est celle de S. Mandelkern (Veteris Testamenti Concordantiae hebraicae atque chaldaicae, 1896). L’édition abrégée (editio minor exemplis omissis) contient uniquement les références.

  1. Cf. Biblica, 1 (1920), p. 111. Nous n’avons pu utiliser que le 1er fascicule (Phonétique), 1918.
  2. Nous n’avons pu utiliser que les fascicules 1 (1918) et 2 (1919).
  3. 17e édition (reproduction anastatique de la 16e), 1920.