Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 51

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 113-115).
§ 51. Conjugaison nifal.

a Le nifal est la conjugaison réfléchie de l’action simple (§ 40 a). La caractéristique du nifal est un נ, lequel exprime l’idée du réfléchi. Après une préformante, et donc aux futur, impératif, infinitif, le נ est assimilé à la consonne suivante ; ces formes sont donc caractérisées par le redoublement de la 1re radicale.

Parfait. La forme primitive est naqtal. Le premier a s’affaiblit en i, d’où נִקְטַל (§ 29 g)[1]. Cependant l’a s’est maintenu dans le type *nau̯šab > נוֹשַׁב (§ 75 a), et, en syllabe ouverte, dans les types נָסַב (§ 82 c), נָקוֹם (§ 80 f).

Futur. La forme primitive est i̯anqatil, d’où i̯inqatil (par affaiblissement de a en i), d’où יִקָּטֵל.

Impératif. La préformante est ה : הִקָּטֵל. On a la même forme à l’infinitif construit. À l’infinitif absolu on emploie soit la forme de l’inf. cst. הִקָּטֵל, soit cette même forme avec la voyelle finale הִקָּטֹל, soit la forme נִקְטֹל faite d’après le parfait (§ 49 b).

Le participe actuel, qui a supplanté une ancienne forme à préformante מ, a la forme du parfait, mais avec ◌ָ dû au caractère nominal du participe : נִקְטָל (§ 50 f). Flexion § 50 g.

b Remarques sur les diverses formes.

Futur. À la 1re p. sg. à côté de אֶקָּטֵל on a aussi souvent אִקָּטֵל (avec i, qui est normal en syllabe aiguë) et toujours אִקָּֽטְלָה ; toujours aussi dans les verbes פ״ו : type אִוָּשֵׁב (§ 75 a N).

Au pluriel fém. la finale est toujours ◌ַ֫לְנָה (§ 29 d).

Pour le futur inverti, cf. § 47 b.

Impératif. On a toujours הִשָּׁ֫מֶר avec le ton mileʿel, sans doute à l’analogie de l’usuel הִשָּׁ֫מֶר לְךָ, où il y a nesīgah.

Infinitif construit. On trouve quelques formes où le ה est syncopé après une préposition, p. ex. לֵֽרָאוֹת pour se montrer Is 1, 12 (pour לְהֵֽרָאוֹת), בֵּֽעָטֵף Lam 2, 11. Mais dans les deux exemples cités, comme aussi dans la plupart des autres, la vocalisation peut être fautive. Ainsi dans Is 1, 12 on peut lire le qal לִרְאוֹת et dans Lam 2, 11 il faut probt lire le qal בַּֽעֲטֹף en languissant, comme Ps 61, 3 (remarque analogue pour le hifil, § 54 b).

Infinitif absolu. Dans le verbe régulier la forme la plus fréquente est הִקָּטֵל (forme de l’inf. cst.) ; on l’emploie pour motif d’assonance dans des cas comme אִם הִפָּקֵד יִפָּקֵד s’il venait à manquer 1 R 20, 39 ; cf. Nb 15, 31 ; Dt 4, 26 ; 1 S 27, 1. Au contraire, la forme נִקְטֹל (§ 49 b) est associée au parfait dans 1 S 20, 6 נִשְׁאֹל נִשְׁאַל il a instamment demandé pour lui (comp. § 81 e et cf. § 123 p).

c Sens. Le sens premier, réfléchi, est souvent conservé. Ainsi נִשְׁמַר signifie presque toujours se garder, נִקַּם presque tj. se venger ; נִשְׁעַן tj. s’appuyer ; *נֶחְנַק s’étrangler, 1 f. D’autres nifal ont en même temps le sens passif, p. ex. נִסְתַּר se cacher et ê. caché ; נִגְאַל se racheter et ê. racheté.

Nifal tolerativum. Dans quelques cas le sens est celui de laisser faire, généralement avec idée d’action efficace, p. ex. נִדְרַשׁ se laisser interroger, et cela efficacement, d’où pratiquement répondre (en parlant de Dieu) ; נִזְהַר se laisser avertir, et cela efficacement, d’où pratiquement tenir compte de l’avertissement ; נוֹסַר se laisser corriger, se corriger ; נֶעְתַּר se laisser prier (efficacement), exaucer[2].

Le nifal peut avoir le sens du moyen grec, p. ex. נִשְׁאַל demander pour soi ; le sens réciproque, p. ex. נוֹעַץ se consulter, délibérer ; נוֹעַד se rencontrer (au rendez-vous) ; נִלְחַם combattre.

Très souvent le nifal aboutit à un sens purement passif, p. ex. נוֹלַד ê. enfanté, naître ; נִקְבַּר ê. enseveli. (Pour le passif du qal cf. § 58)[3].

Bien que le nifal soit proprement le réfléchi (et souvent le passif) du qal, on le trouve aussi comme le réfléchi (ou passif) du hifil[4] et aussi du piel (dont le réfléchi propre est le hitpael) ; ainsi, le nifal נִחַם au sens de se consoler est le réfléchi du piel נִחַם consoler ; נִזְהַר se laisser avertir, le réfléchi de הִזְהִיר avertir.

La plupart des sens du nifal se trouvent aussi, naturellement, au hitpael, qui est la conjugaison réfléchie intensive.

  1. Peut-être cet affaiblissement a-t-il commencé dans des formes comme *naqtaltém, loin du ton.
  2. Comparer le hifil de consentement, p. ex. הִשְׁאִיל prêter (§ 54 d).
  3. Quand le nifal a le sens passif, le participe fait double emploi avec le participe passif du qal, p. ex. נָתוּן (4 f.) et נִתָּן (3 f.) donné. Mais il peut y avoir différenciation de sens ; ainsi קָרוּא = invité, convoqué, élu, נִקְרָא = nommé (2 f.), lu (1 f.).
  4. Par ex. Néh 6, 1 נִשְׁמַע לְ il fut fait entendre à = on apprit à (non : il fut entendu par).