Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 81
a Ce qui a été dit pour l’explication des verbes ע״ו vaut pour les ע״י, verbes avec deux consonnes radicales, entre lesquelle, dans l’état normal de la racine, il y a une voyelle longue ī, p. ex. dīn « juger »[1]. Les verbes ע״י sont beaucoup moins nombreux que les verbes ע״ו ; on en énumère une quinzaine. En réalité il y en a plus que ne l’admettent généralement les lexicographes, qui ont une tendance à donner comme ע״ו des racines pour lesquelles il y a doute ou même ignorance complète, faute d’indices suffisants. Les indices suffisants manquent pour déterminer la racine de p. ex. אָץ presser, הֵמִיר échanger, הֵנִיף agiter, הֵסִית inciter, הֵרִיעַ crier. D’après l’analogie de l’arabe la rac. de כָּל mesurer serait plutôt כיל. Mais la comparaison des langues n’est pas toujours concluante ; ainsi, pour ê. étroit l’hébreu צוק et le syr. ܥܘܩ ont u̯, tandis que l’arabe ḍāq ضَاق a i̯. Dans certains cas la racine ע״ו et la racine ע״י semblent avoir coexisté, p. ex. דושׁ et דישׁ fouler, רוח et ריח souffler[2]. C’est surtout dans les formes proprement verbales du futur et de l’impératif qu’apparaît la racine. Ainsi il faut statuer les racines שׂים[3], לין, שׂישׂ malgré l’infinitif anormal en ū (§ b) שׂוּם mettre, לוּן passer la nuit, שׂוּשׂ se réjouir (cf. § 80 c N), ou malgré quelque forme isolée et p.-ê. fautive. Il faut très probablement statuer la racine ריק ê. vide, רישׁ ê. indigent, זיד ê. orgueilleux (cf. adj. זֵידוֹן = zai̯d + ọ̄n).
b Qal : Futur : יָדִין avec l’état normal *dīn ; jussif יָדֵן avec l’état réduit *din. Ces formes sont semblables au hifil soit des ע״י, soit des ע״ו.
L’impératif דִּין a, anormalt, la voy. longue (comme קוּם § 80 c).
L’infinitif cst. a généralement la voyelle du futur, p. ex. דִּין, שִׁית placer. Dans 3 verbes l’inf. est en ū[4] : שׂוּם mettre (35 f.) ; לוּן passer la nuit (6 f. ; 1 f. לִין dans Gn 24, 23 לָ֫נוּ לָלִין, p.-ê. pour éviter une seconde suite vocalique å-u) ; שׂוּשׂ se réjouir (1 f.).
Le participe passif est très rare : שִׂים[5], שׂוּם (? cf. 2 S 13, 32).
L’adjectif verbal, avec valeur de participe, est comme dans les verbes ע״ו, p. ex. דָּן (comme קָם) ; sur le type מֵת on trouve לֵן passant la nuit, Néh 13, 21 (comp. les adj. זֵד orgueilleux, לֵץ insolent).
Le parfait normal דָּן est formé de l’adjectif verbal, comme dans les ע״ו (§ 80 e).
c Le nifal est comme dans les ע״ו (§ 80 f), p. ex. נָדוֹן, נָבוֹן.
Le hifil est comme dans les ע״ו (§ 80 g), p. ex. הֵבִין.
Remarque. Dans ces verbes le hifil est parfois secondaire ou apparent (pseudo-hifil § 54 f), p. ex. הֵקִיא vomir (avec le sens du qal). Le futur qal, p. ex. יָקִיא, ayant l’apparence d’un hifil, de ce futur considéré comme un hifil on a formé secondairement un parfait הֵקִיא. Autres exemples probables : הֵקִיץ (§ 76 d), הֵשִׂים, הֵרִיב.
d Verbe irrégulier בִּין. Pour le sens comprendre la forme ordinaire et ancienne est הֵבִין ; donc le futur יָבִין est un hifil. Cette forme יָבִין ayant l’apparence d’un qal, d’après ce futur on a créé secondairement un parfait בָּן comprendre (dont les exemples sont très rares). Outre ce parfait qal il y en a un autre encore plus secondaire בִּין (seulement 2 fois : Dn 9, 2 ; 10, 1). C’est une forme hybride créée d’après le parf. הֵבִין, et fléchie comme lui : Dn 9, 2 בִּינֹ֫תִי (cf. Job 33, 13 רִיב֑וֹתָ).
Le hifil הֵבִין, outre le sens comprendre (originairement faire une distinction, distinguer) a le sens faire comprendre. La création des parfaits secondaires בָּן, בִּין est p.-ê. due au désir de distinguer les deux sens, en réservant à הֵבִין le sens faire comprendre[6].
Les formes בּוֹנֵן, הִתְבּוֹנֵן sont comme dans les ע״ו § 80 h.
e Remarques sur quelques formes. (La plupart des particularités ou anomalies se trouvent aussi dans les ע״ו).
Parfait. Dans Zach 5, 4 לָ֫נֶה pour לָנָה il a nesīgah ; le ◌ָ s’est abrégé en ◌ֶ (comp. לָ֫מֶה à côté de לָמָה § 37 d).
Futur. Jussif : p. ex. וַיָּ֫שֶׂם, mais וַתָּ֫שַׁר devant ר, Jug 5, 1 ; avec אַל : אַל־תָּ֫שֶׁת Ex 23, 1 ; אַל־תָּ֫שֶׂם 1 S 9, 20 (§ 47 a N).
Inf. absolu. Au lieu de la forme propre en ọ̄, p. ex. רֹב Jug 11, 25, on a l’infinitif cst. en fonction d’inf. abs. רִיב יָרִיב Jér 50, 34 ; בִּין תָּבִין Pr 23, 1 pour l’assonance (comp. § 51 b et cf. § 123 q).
f Comparaison avec les formes nominales.
Formes avec י : דִּין jugement, רִיב dispute, procès, שִׁיר cantique ; בִּינָה intelligence, § 88 B e.
Formes sans י : שָׁר chantre ; זֵד orgueilleux, לֵץ insolent ; מָדוֹן querelle (rac. דין) ; שָׂשׂוֹן joie (sas + afformante *ān ; cette forme imite qatalān comme les adjectifs verbaux קָם, דָּן imitent qatal) ; de même זָדוֹן orgueil, לָצוֹן insolence (cf. § 88 M b).
- ↑ Opposer les verbes avec i̯ consonantique איב (pf. אָיַ֫בְתִּי Ex 23, 22 ; part. אֹיֵב ennemi) ; עָיֵף* (?) ê. fatigué ; הָיָה et חָיָה § 79 s.
- ↑ Du reste les deux consonnes vocaliques u̯ et i̯ étant analogues, le passage de l’une à l’autre est facile : ainsi à l’intensif des ע״ו, au lieu du type קִוֵּם on a plutôt קִיֵּם (§ 80 h).
- ↑ En syriaque, ce verbe a la 2e radicale i̯ : pf. ܣܳܡ, f. ܝܣܺܝܡ.
- ↑ Probablement sous l’influence de quelque forme nominale en ū ; cf. Biblica, 1, 370.
- ↑ שִׂים comme infinitif passif, § 58 c.
- ↑ Cf. Biblica 1, pp. 356−7.