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Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Nom/Paragraphe 134

La bibliothèque libre.
Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 409-412).

CHAPITRE IV : NOM.

§ 134. Genre des noms.

a Le genre du nom offre de multiples difficultés. Les textes bibliques ne permettent de déterminer le genre que pour la moitié des noms environ[1]. Plusieurs noms présentent des variations de genre dues à diverses causes[2]. C’est au dictionnaire qu’il appartient de les indiquer.

On a vu (§ 89 a) que souvent le genre est indiqué par les finales du genre. Ici nous donnerons quelques indications sur le genre des mots d’après leur sens.

b Dans les êtres vivants les noms pour le mâle et pour la femelle ont naturellement le genre correspondant (genre physique).

Pour certains êtres, le nom féminin diffère du nom masculin par l’addition d’une finale féminine : אָח frère, אָחוֹת sœur ; חָם beau-père, *חָמוֹת belle-mère ; בֵּן fils, בַּת fille ; עֶ֫לֶם (2 fois) jeune homme, עַלְמָה jeune fille ; מֶ֫לֶךְ roi, מַלְכָּה reine ; עֵ֫גֶל veau, עֶגְלָה génisse ; פַּר bouvillon, פָּרָה vache ; כֶּ֫בֶשׂ agneau, כִּבְשָׂה agnelle ; גְּדִי chevreau, *גְּדִיָּה chevrette.

Pour certains autres êtres, le mâle et la femelle sont désignés par des noms disparates : אִישׁ homme, אִשָּׁה femme ; אָב père, אֵם mère ; אַ֫יִל bélier, רָחֵל brebis ; תַּ֫יִשׁ bouc, עֵז chèvre ; חֲמוֹר âne, אָתוֹן ânesse.

c Mais parfois il n’existe (ou l’on ne trouve) qu’un seul nom, soit masculin, soit féminin, lequel désigne tout individu de l’espèce, abstraction faite du sexe (nomina epicoena : qui ont un (seul) genre en commun). Ainsi pour l’ours il y a l’unique nom דֹּב lequel est toujours traité comme masc. (même en parlant de la femelle : Os 13, 8 דֹּב שַׁכּוּל ourse privée de ses petits), sauf 2 R 2, 24. On ne trouve que le masc. pour כֶּ֫לֶב chien, זְאֵב loup ; que le fém. pour אַרְנֶ֫בֶת lièvre, יוֹנָה colombe, חֲסִידָה cicogne (avis pia), דְּבוֹרָה abeille, נְמָלָה fourmi.

d Dans quelques cas un nom masculin est traité comme féminin en parlant d’une femelle, p. ex. גָּמָל chameau est fém. dans Gn 32, 16 גְּמַלִּים מֵֽינִיקוֹת chamelles allaitantes ; le collectif בָּקָר les bœufs est fém. dans Gn 33, 13 (vaches allaitantes) ; Job 1, 14. Comp. אֱלֹהִים dieu employé 1 R 11, 5 pour déesse[3].

Par contre le collectif צֹאן petit bétail (espèce ovine et caprine), qui est féminin, semble parfois traité comme masculin. (Il est masc. dans la Mishna).

e En dehors des êtres vivants le genre est métaphorique : certains noms sont masculins, à l’analogie des êtres mâles ; les autres sont féminins, à l’analogie des êtres femelles. Il faut avouer, du reste, que souvent la raison qui a déterminé le genre nous échappe.

Les noms abstraits à finale féminine sont féminins ; les autres sont masculins : p. ex. fém. שְׁאֵלָה demande, אָלָה serment ; masc. : חַ֫יִל force, כָּבוֹד gloire.

Les noms concrets à finale féminine sont presque tous (cf. § 89 b) féminins. Les autres sont ou masculins ou féminins. Sur le genre de ces noms concrets sans finale féminine on peut faire quelques remarques utiles.

f Sont généralement masculins les noms de fleuves : נָהָר fleuve, יְאֹר canal, הַיַּרְדֵּן הַזֶּה ce Jourdain Gn 32, 11 etc. ; d’autres noms relatifs à l’eau : םַ֫יִם eau ; יָם mer ; les noms pour pluie : מָטָר, גֶּ֫שֶׁם, זֶ֫רֶם. Mais fém. : בְּאֵר puits, עַ֫יִן source (et œil, § j).

g Par contre, les noms de plusieurs catégories de concrets sont féminins :

1) Les noms de pays (probt à l’analogie de אֶ֫רֶץ (f.) pays, terre) et de villes (probt à l’analogie de עִיר (f.) ville) : בָּבֶל Babel (Babylone et Babylonie), צִידוֹן Sidon (ville et pays). Plusieurs noms désignent à la fois le peuple et le pays : ils sont masculins dans le premier cas, féminins dans le second, p. ex. יְהוּדָה masc. Is 3, 8 ; fém. 7, 6 ; אֱדֹם masc. Nb 20, 20 ; fém. Jér 49, 17. Cependant les noms de peuples sont parfois traités comme des féminins (§ 150 e), p. ex. יִשְׂרָאֵל 1 S 17, 21 ; 2 S 24, 9 ; מִצְרַ֫יִם Ex 12, 33 ; מוֹאָב 2 S 8, 2 ; אֲרָם 2 S 8, 5, 6 ; Is 7, 2 ; עֵילָם 21, 2 ; מָדַי ib. ; קֵדָר 42, 11 ; שְׁבָא Job 1, 15. De plus, la population d’un pays ou d’une ville peut être personnifiée et représentée comme une femme, p. ex. Is 54, 1 ; d’où l’emploi fréquent de בַּת, p. ex. בַּת בָּבֶל, בַּת צִיּוֹן (§ 129 f), בְּתוּלַת בַּת צִיּוֹן etc. (§ 129 r).

Remarque. Les noms de villes avec בַּ֫יִת (m.) sont du masculin, p. ex. בֵּית־לֶ֫חֶם Mich 5, 1 ; בֵּית־אֵל Am 5, 5.

h 2) La terre et ses parties : אֶ֫רֶץ terre, pays (cf. § g), עִיר ville (cf. § g), תֵּבֵל (poét.) l’orbe, le disque terrestre ; שְׁאוֹל le sheol, inferi (demeure des ombres) ; כִּכָּר cercle (territorial) ; צָפוֹן nord, תֵּימָן sud.

i 3) Les noms d’instruments et autres objets : חֶ֫רֶב épée, יָתֵד piquet, כּוֹס coupe, כַּד cruche ; — נַ֫עַל sandale (duel § 91 c), עֶ֫רֶשׂ couche, lit.

j 4) Les noms de membres doubles ou qui vont par deux[4] : עַ֫יִן œil (et source, § f)), אֹ֫זֶן oreille, שֵׁן dent, לְחִי mâchoire, כָּתֵף épaule, זְרוֹעַ bras (génért), יָד main (et aussi, p.-ê. par analogie, יָמִין main droite), כַּף paume, אֶצְבַּע doigt, צֵלָע côte, יָרֵךְ hanche, cuisse, בֶּ֫רֶךְ genou, שׁוֹק jambe, cuisse, רֶ֫גֶל pied ; — קֶ֫רֶן corne, כָּנָף aile.

Exceptions : שַׁד sein (m.) Os 9, 14 ; מָתְנַ֫יִם reins, flancs (m.).

k Autres noms féminins : אֶ֫בֶן pierre, בֶּ֫טֶן ventre, נֶ֫פֶשׁ âme (parfois traité comme masc. par syllepse : pour homme, Gn 46, 25, 27 ; Nb 31, 28), נֹ֫גַהּ (poét.) éclat (de la lumière).

l Noms généralement féminins : אוֹת signe, presque toujours féminin (ת du fém.), אֵשׁ feu, דֶּ֫רֶךְ chemin (au sing. généralement fém., au pl. touj. masc.), לָשׁוֹן langue, עֵת temps, presque tj. fém. (probt ת du fém.), p. ex. בָּעֵת הַהִיא en ce même temps, רוּחַ vent (de même les noms de vents צָפוֹן Is 43, 6 ; Ct 4, 16, תֵּימָן ib. ; cf. § h), שֶׁ֫מֶשׁ soleil.

m Noms dont le genre varie. Parmi ces noms, qui sont nombreux, nous citerons אוֹר lumière, אֹ֫רַח (poét.) sentier, גַּיְא vallée, כֶּ֫רֶם vigne, חָצֵר enclos, cour, parvis, שַׁ֫עַר porte ; — מָקוֹם lieu est très rarement fém. : Gn 18, 24 ; Job 20, 9 (cf. Jug 19, 13 ; 2 S 17, 12).

n On forme des noms abstraits féminins en ajoutant la finale féminine à un adjectif ou à un participe : רָעָה le mal, טוֹבָה le bien, יְשָׁרָה le droit (Mich 3, 9), נְכֹחָה le juste (Am 3, 10), עַל־נְקַלָּה en légèreté = à la légère (Jér 6, 14). Surtout au pluriel : טוֹבוֹת de bonnes choses (2 R 25, 28), קָשׁוֹת des choses dures (Gn 42, 7), גְּדֹלוֹת de grandes choses (Ps 131, 1), נִפְלָאוֹת de très grandes choses (ib.), נְכֹחוֹת choses justes (Is 26, 10).

o On forme de même des noms collectifs féminins en ajoutant la finale féminine à un adjectif ou à un participe : דַּלָּה les pauvres gens (2 R 24, 14), אֹֽרְחָה caravane (proprement qui chemine) ; mais יוֹשֶׁ֫בֶת habitante (Is 12, 6 etc.), אֹיֶ֫בֶת ennemie (Mich 7, 8 etc.) sont plutôt des personnifications que des collectifs.

p D’un collectif sans finale féminine on forme, rarement, un nom d’unité en ajoutant la finale féminine : אֳנִי (m. et f.) flotte, אֳנִיָּה navire ; שֵׂעָר le poil (coll.), *שַֽׂעֲרָה un cheveu. Par contre דָּגָה poisson est surtout collectif, דָּג surtout nom d’unité.

q On a parfois un doublet féminin pour le sens figuré : מֵ֫צַח (m.) front, מִצְחָה jambière (sorte de front pour les jambes) ; יָרֵךְ (f. § j) hanche, cuisse, יַרְכָֿתַ֫יִם côtés. (Comp. § 91 d : fém. pluriel au lieu du duel pour le sens figuré).

r Les doublets (masc. et fém.) de noms abstraits (§ e) sont nombreux : נָקָם (17 f.) et נְקָמָה (27 f.) vengeance ; עֵ֫זֶר et עֶזְרָה secours ; סַ֫עַר et סַֽעֲרָה tempête ; מָעוֹן et מְעוֹנָה habitation ; מַֽעֲלֶה montée et מַֽעֲלׇה degré ; Is 3, 1 מַשְׁעֵן וּמַשְׁעֵנָה appui et appui = toute espèce d’appui.

  1. Cf. K. Albrecht, Das Geschlecht der hebr. Hauptwörter (Z. für alttest. Wissenschaft, t. 15 (1895) 313-325 ; t. 16 (1896) 41-121).
  2. Ainsi le sens figuré peut causer un changement de genre : עַ֫יִן (fém.) œil est traité comme masc. Zach 3, 9 ; 4, 10 † où il s’agit d’yeux gravés (mais p.-ê. textes altérés ; cf. Mayer Lambert, Rev. des Études juives, t. 71, 206) ; שֵׁן (fém.) dent est masc. en parlant de la pointe d’un rocher, 1 S 14, 4, 5. — Voir inversement la forme féminine employée pour le sens figuré § q.
  3. Il est remarquable que l’hébreu n’ait pas de mot propre pour déesse.
  4. Ces noms ont un duel, § 91 b.