Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Nom/Paragraphe 91
a Quand il s’agit de choses qui vont par deux, comme les yeux, les oreilles, au lieu du pluriel on emploie le duel. Dans l’hébreu biblique le duel est employé d’une façon assez restreinte ; on ne le trouve que dans quelques substantifs (§ c), jamais dans les adjectifs.
b La finale du duel est ◌ַ֫יִם. Dans les nom sans finale féminine, la forme du mot est celle du singulier, modifiée, s’il y a lieu, d’après les lois phonétiques : יָד main, יָדַ֫יִם ; רֶ֫גֶל pied, רַגְלַ֫יִם (d’après le primitif *ragl) ; עַ֫יִן œil, עֵינַ֫יִם (comp. זַ֫יִת olive, pluriel זֵיתִים) ; שֵׁן dent, שִׁנַּ֫יִם (d’après le primitif *šinn) ; כָּנָף aile, כְּנָפַ֫יִם ; יָרֵךְ cuisse, יְרֵכַ֫יִם[1].
Dans les noms avec finale féminine sing. ◌ָה, le ת primitif se maintient devant la finale du duel : שָׂפָה lèvre, שְׂפָתַ֫יִם. Dans un nom à finale segolée נְחֹ֫שֶׁת airain, le duel est נְחֻשְׁתַּ֫יִם chaînes (comparer fr. les fers). Dans le mot חוֹמָה muraille la finale du duel est ajoutée à la finale du pluriel dans בֵּין הַחֹֽמֹתַ֫יִם entre les deux murailles (4 f.). On a semblablement גְּדֵֽרֹתָ֫יִם Double-Mur (nom de ville, Jos 15, 36 †).
À côté du régulier קַרְנַ֫יִם cornes on a (dans Daniel) קְרָנַ֫יִם, avec le ◌ָ prétonique du pluriel des noms segolés (comp. pl. קְרָנוֹת) probablement à l’analogie du pluriel. On a de même לְחָיַ֫יִם mâchoires (au lieu de לֶחְיַ֫יִם*, de לְחִי, לֶ֑חִי), דְּלָתַ֫יִם porte double, דְּרָכֵ֫יִם voie double.
Dans 1 R 16, 24 ; 2 R 5, 23 כִּכְּרַ֫יִם כֶּ֫סֶף deux kikkar d’argent il y a probablement une lectio mixta (§ 16 g) donnant le choix entre כִּכְּרֵי (construction au génitif) et כִּכָּרַ֫יִם (avec apposition ou accusatif).
c Le duel se trouve dans les noms de nombres : 2 שְׁנַ֫יִם, 200 מָאתַ֫יִם, 2000 אַלְפַּ֫יִם ; dans les noms de deux choses comptées, quand elles sont considérées comme formant une unité : יוֹמַ֫יִם deux jours consécutifs, biduum, שְׁנָתַ֫יִם deux années consécutives, שְׁבֻעַ֫יִם (1 f.) deux semaines consécutives, אַמָּתַ֫יִם deux coudées, כִּכָּרַ֫יִם deux kikkar. De plus on a le duel dans les noms de choses qui vont par deux, soit dans la nature, soit dans l’art : יָדַ֫יִם mains, bras (cf. § b), מֹֽאזְנַ֫יִם balance. De זְרוֹעַ bras on a ordinairement le pluriel זְרוֹעוֹת (p. ex. Jug 15, 14 les (deux) bras de Samson) ; on a probablement le duel dans 2 R 9, 24 בֵּין זְרוֹעָיו entre ses épaules, et p.-ê. dans Gn 49, 24 ; Is 51, 5 qui ne sont pas clairs. De נַ֫עַל on a le pluriel נְעָלִים, excepté Am 2, 6 ; 8, 6 où il s’agit précisément d’une paire de sandales : נַֽעֲלַ֫יִם. On remarquera qu’on n’a pas le duel mais le pluriel pour כְּלָיוֹת reins (sg. כִּלְיָה*).
d Les noms qui, pris au sens propre, sont au duel, se mettent au pluriel quand ils sont pris au sens figuré ; tel est le cas notamment quand il s’agit d’objets artificiels : עֲיָנוֹת sources, כַּפּוֹת poignées, palmes, coupes, כְּנָפוֹת coins, extrémités, קְרָנוֹת cornes (de l’autel), יָדוֹת tenons, essieux et même au sens de bras (du trône de Salomon 1 R 10, 19), רְגָלִים (fém.) fois. On remarquera que la plupart de ces pluriels féminins sont en וֹת (cf. § 134 q).
e Plusieurs noms employés au duel n’ont pas de forme plurielle, soit absolument, soit pour le sens propre ; on emploie alors le duel pour le pluriel : אַרְבַּע רַגְלַ֫יִם 4 pattes Lév 11, 23 ; שֵׁשׁ כְּנָפַ֫יִם 6 ailes Is 6, 2 ; Éz 1,6 ; שִׁבְעָה עֵינַ֫יִם 7 yeux (d’une pierre, Zach 3, 9 ; ici עַ֫יִן masc. § 134 a N) ; שְׁלשׁ שִׁנַּ֫יִם 3 dents (d’une fourchette, 1 S 2, 13) ; כָּל־בִּרְכַּ֫יִם tous les genoux Éz 7, 17 ; כָּל־יָדַ֫יִם toutes les mains 21, 12 ; מְצִלְתַּ֫יִם (plusieurs) cymbales Néh 12, 27 ; שְׁפַתַּ֫יִם (plusieurs) crochets doubles Éz 40, 43.
f Finales apparentes du duel. Dans מַ֫יִם eau, eaux et שָׁמַ֫יִם ciel, cieux (§ 98 e) on a un pluriel anormal, non un duel. Dans ces deux mots la finale du pluriel īm a été réduite à ĭm sous l’influence du ton. On peut comparer en aram. biblique le participe pluriel du type בָּנַ֫יִן bâtissant (pour bå̄nai̯ + īn) des verbes ל״י. De même en arabe un nom tel que *muṣṭafa(i̯) fait au pluriel (du génitif-accus.) muṣṭafái̯na avec abrègement de la finale īna ; le futur *i̯arḍa(i̯) fait à la 2e p. sg. f. tarḍái̯na, avec abrègement de la finale īna.
g Le mot עַרְבַּ֫יִם dans la locution בֵּין הָֽעַרְבַּיִם ne peut être qu’un duel : entre les deux soirs[2]. Il s’agit probablement des deux parties extrêmes du temps appelé עֶ֫רֶב[3]. Dans צָֽהֳרַ֫יִם midi le duel pourrait p.-ê. s’expliquer en considérant le point de midi comme le sommet de deux lignes qui se rencontrent ; mais il semble plus probable que *a̦i̯m est ici la dissociation d’une finale *ām (le lieu ou le temps[4] de midi). La finale de נַהֲרַ֫יִם Mésopotamie (?) est diversement expliquée, ainsi que celle de מִצְרַ֫יִם Égypte.
h Les finales ◌ַ֫יִם, ◌ָם; ◌ַ֫יִן, ◌ָן de localités peuvent dans certains cas représenter le duel. Mais dans le cas où l’idée du duel n’est pas justifiée, il y a finale locale ; ai̯ est alors dissocié de ā. Exemples דֹּתַ֫יִן Gn 37, 17 et דֹתָן 2 R 6, 13 ; עֵינַ֫יִם Gn 38, 21 et הָֽעֵינָם Jos 15, 34. — Comparer la finale adverbiale de p. ex. אַרְבַּעְתַּ֫יִם au quadruple § 100 o. Pour l’état construit du duel cf. § 92 g.