Aller au contenu

Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BARBE (Collége SAINTE-), à Paris, près du Panthéon

La bibliothèque libre.
Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 1p. 211-213).

BARBE (Collége SAINTE-), à Paris, près du Panthéon. Tous les historiens de Paris ont répété, après Félibien (Histoire de la ville de Paris, publiée en 1725, tom. II, p, 1047), que Sainte-Barbe doit sa fondation à un professeur de droit canon, nommé Jean Hubert, lequel prit à cens, de l’abbaye de Sainte-Geneviève, une maison avec un terrain, située dans la rue de Reims, en face du collège de Reims. Mais le nom de Sainte-Barbe ne se rencontre ni du vivant de Jean Hubert ni pendant les premières années qui suivirent sa mort, et, comme le prouve très-bien M. Jules Quicherat, dans son excellente Histoire de Sainte-Barbe (3 vol. in-8° 1860, libr. Hachette), Sainte-Barbe fut fondée, en 1460, par Geoffroy Lenormant, un des prêtres professeurs qui eurent le plus de vogue du temps de Charles VII. Il dirigeait la section de grammaire au collège de Navarre, où son frère puîné, Jean Lenormant, avait une position encore plus éminente, comme principal et régent des artiens, c’est-à-dire directeur de la section de philosophie et en même temps professeur dans cette section.

Geoffroy Lenormant fonda Sainte-Barbe, non pas comme pédagogie, mais comme collège, en y instituant des classes, en y mettant des professeurs qui devaient, sous sa direction, appliquer les méthodes, répéter les leçons qui avaient fait le succès des deux frères. De dotation, il s’en passa. Il s’en rapporta à sa raison, qui lui disait que l’avenir d’un collège a sa garantie, moins dans les richesses qu’il possède, que dans la bonne discipline et l’excellence de l’enseignement. Ce régime fut le premier trait par lequel se distingua une maison dont le destin était de garder toujours un caractère à part, entre les autres établissements de l’université.

Le nom qu’elle reçut fut encore une singularité. Il n’était pas d’usage à Paris que les collèges fussent placés sous l’invocation des saintes ; tous portaient le nom de leur fondateur ou celui du pays dont ils recevaient les boursiers. L’asile que Geoffroy Lenormant ouvrit aux études devant abriter la jeunesse de tous les pays, il n’eut pas à lui donner le nom de tel ou tel lieu ; il fut assez modeste aussi pour ne pas vouloir qu’il portât son propre nom. Et puis, ajoute M. Quicherat « Barbe, c’est-à-dire Barbara, dans sa forme latine et universitaire, n’était pas seulement le nom d’une sainte, ce fut aussi le terme qui, dans le langage des écoles, signifiait l’argument élémentaire, le syllogisme articulé par majeure, mineure et conséquence, sur des généralités positives. L’exposition de la logique commençait par la définition de barbara, et la plupart des grandes vérités morales se résolvaient en barbara. N’y aurait-il pas là, à cause de la double entente, un motif pour notre fondateur d’avoir préféré le vocable de Sainte-Barbe ? Ces sortes de considérations, que nous taxerions de puérilités, étaient fort dans le goût de l’époque. Si Geoffroy Lenormant n’y songea point, il y a à parier que l’allégorie fut relevée par d’autres, et que plus d’un tireur d’horoscope prédit les hautes destinées de l’enseignement des arts qu’on inaugurait sous l’invocation de Barbara. »

La première année de l’existence de Sainte-Barbe vit mourir Charles VII, et revenir de l’exil, pour lui succéder, le redoutable Louis XI. Paris fut le théâtre de cérémonies tour à tour tristes et joyeuses, où le nouveau collège eut l’occasion de montrer sa bannière en public. Ses élèves formèrent une compagnie de plus dans l’interminable défilé de l’armée scolastique. On les appela dès lors les Barbarains, Barbarini et quelquefois Barbaristœ. C’est de cette dernière forme que dériva plus tard l’appellation toute française de Barbistes.

Nous empruntons à l’histoire de M. Quicherat la liste des principaux, supérieurs et directeurs qui ont gouverné Sainte-Barbe, sous les divers régimes par lesquels elle a passé depuis son origine.

La maison fut d’abord un établissement libre, appartenant soit au principal qui la gouvernait, soit à des particuliers qui en confiaient la direction à un principal de leur choix, agréé par l’Université. Voici les principaux qui se succédèrent dans cette première période :

1460. Lenormant (Geoffroy).
1465. Lenormant (Jean).
1474. Lemaistre (Martin).
1482. Lenormant (Jean), de nouveau.
1483. Bonet (Étienne).
1497. De Fontenay (Pierre).
1511. Pelin (Antoine).
1517. Morel (Mathurin),
1520. De Gouréa (Jacques) l’ancien.
1530. De Gouréa (André).
1534. De Gouréa (Jacques) le jeune.
1540. De Gouréa (Jacques) l’ancien, de nouveau.
1548. De la Halle (Jacques).
1550. Phélippeaux (Jean).
1553. Dugast (Robert).

En 1556, Robert Dugast, propriétaire de Sainte-Barbe depuis 1512, et principal depuis 1553, donna au collège une existence indépendante, en lui constituant une dotation. Trois dignitaires et quatre boursiers devaient être entretenus à perpétuité, au moyen de cette dotation, qui comprenait le fonds même de Sainte-Barbe, des maisons dans la rue d’Écosse, au faubourg Saint-Marceau et à Vitry-sur-Seine, et de plus une rente sur l’Hôtel de Ville.

Les principaux qui dirigèrent la maison sous ce nouveau régime, et tant que le plein exercice y fut maintenu, sont :

1556. Certain (Robert).
1568. Le Marchand (Nicolas).
1569. De Tremblay (Antoine),
1585. Dinet (Pierre).

Les troubles de la Ligue amenèrent la dispersion des élèves et la clôture de la maison, en 1589. Depuis la réorganisation de l’université par Henri IV, jusqu’à la fin du XVIe siècle, le collège se trouve réduit à la fondation Dugast, sous la direction successive de :

1595. De Gazil (Raoul).
1596. Le Chappelier (Nicolas).
1607. Gaultier (François).
1629. Berthould (Henri).
1644. Berthould (Jean).

En 1691, un docteur de Sorbonne, qui ne tarde pas à devenir principal du Plessis, Thomas Durieux, loue une partie des bâtiments affectés à la dotation de Sainte-Barbe, rue des Chiens et rue de Reims, et y établit la communauté de Sainte-Barbe.

Les bâtiments de Sainte-Barbe sont alors occupés simultanément par le collège Sainte-Barbe, réduit à trois dignitaires et quatre boursiers, et par la communauté de Sainte-Barbe, qui compte bientôt de nombreux élèves :

PRINCIPAUX DU COLLÈGE
ayant droit de police sur la communauté.

1691. Berthould (Jean).
1693. Delaroche (Louis).
1719. Menassier (Simon).

1727. Menassier (François).
1731. Menassier (Simon), de nouveau.
1732. Dela maison (Jacques).

supérieurs de la communauté.

1691. Durieux (Thomas).
1718. Besoigne (Jérôme).
1722. Roussel (Jean-Baptiste).
1727. Lenglet (François).
1732. Gaillande (Noël).
1745. Machet (L.-A.) et Parquet (Ni.).
1748. Machet (L.-A.) et Ducrocq (A.-M.).
1749. Ducrocq (Adrien-Maurice).
1754. Thiébault.
1757. Seconds (Jean-Joseph).

En 1764, le collège Sainte-Barbe est transporté au collège Louis-le-Grand avec sa dotation, qui est employée tout entière à l’entretien de huit boursiers, après l’extinction des dignitaires en exercice. La communauté de Sainte-Barbe occupe alors la totalité des bâtiments du collège.

GRANDS-MAÎTRES DU LOUIS-LE-GRAND
spécialement chargés des affaires de Sainte-Barbe.

1764. Fourneau (Gui-Antoine).
17… Gardin du Mesnil.
17… Bérardier (Denis).
1791. Champagne (Jean-François).

SUPÉRIEURS DE LA COMMUNAUTÉ.

1764. Seconds (Jean-Joseph).
1773. Baduel (Antoine).
1791. Filleul, principal constitutionnel.
1791. Licenciement de la communauté.

L’an VII (1798), Victor de Lanneau, sous-directeur du Prytanée, loue les bâtiments de Sainte-Barbe et reconstitue le collège sous le nom de Collège des sciences et arts, ci-devant Collège Sainte-Barbe, et bientôt après : Collège Sainte-Barbe. Les Directeurs du collège, dans cette dernière période de son histoire, sont :

1798. De Lanneau (Victor) et Miellé.
1801. De Lanneau (Victor).
1814. De Lanneau (Victor) et Mouzard.
1816. De Lanneau (Victor) et Adam.
1819. De Lanneau (Victor et Adolphe).
1823. De Lanneau (Adolphe).
1838. Labrouste (Alexandre).
1866. Dubief (Louis).

Victor de Lanneau était entré, jeune encore, dans l’ordre des théatins, avait été professeur au collège de Tulle, puis vicaire épiscopal à Autun (1791), avait quitté l’habit ecclésiastique, était devenu maire d’Autun et député suppléant à l’assemblée législative. Il fut un excellent instituteur et un homme de bien.

Le premier acte de sa direction fut d’écrire, sous le titre de règlement, un véritable De officiis, un traité des devoirs par lesquels il entendait enchaîner tout le monde dans sa maison, et lui le premier, car le chapitre qui concerne le directeur n’est pas celui qui contient les obligations les moins nombreuses. Il retoucha plusieurs fois ce travail, pour l’accommoder aux métamorphoses incessantes dont la politique affecta l’ordre social, et, par suite, l’éducation publique, dans les premières années de notre siècle. En sachant discerner, dans l’héritage du passé, les choses qui avaient fait leur temps de celles qui constituent le fonds immuable de la sagesse humaine, le restaurateur de Sainte-Barbe mérita de passer, aux yeux de ses contemporains, pour l’homme qui comprenait le mieux l’organisation d’un collège. Cet hommage lui fut rendu par François de Neufchâteau, par Fourcroy, par Frochot, par Lacépède, lorsqu’ils venaient présider les exercices publics de la maison ; par M. de Fontanes, lorsqu’il faisait, pour son instruction de grand-maître, une étude particulière du règlement dont nous venons de parler ; par l’abbé Sicard, lorsqu’il vantait, comme « un monument de la connaissance la plus parfaite de toutes les parties qui regardent la conduite des jeunes gens, » des instructions que M. de Lanneau lui avait tracées, sur sa demande, pour l’Institut des sourds-muets ; par MM. Massin, Goubaux, Guyet de Fernex, Jubé, Dufau et tant d’autres instituteurs renommés, qui, eux aussi, empruntèrent d’utiles dispositions au code de Sainte-Barbe, ou se guidèrent par les conseils de son chef ; enfin, par le dernier oratorien placé à la tête de Juilly, le vénérable Père Miel, qui, ne sachant encore en quelles mains il remettrait cette maison, pensa plus d’une fois à M. de Lanneau, et dit avec l’expression du regret : « Voilà l’homme qu’il nous faudrait pour continuer notre œuvre. »

Son cœur brûlait d’une charité ardente, et, dès le commencement, il fit sortir de son administration une source de bienfaits d’autant plus méritoires, qu’ils restèrent, le plus souvent, un secret entre le bienfaiteur et l’obligé. On peut dire que la plus grande partie de ses bénéfices s’en alla en bonnes œuvres, par le nombre d’élèves gratuits qu’il entretint dans sa maison. Les aveux de la reconnaissance ont appris cela dans la suite. Plusieurs furent exprimés sur sa tombe. Nous répéterons un mot plein de délicatesse divulgué, à ce moment suprême, par l’honorable M. Bellaigue, qui fut député de l’Yonne en 1830. M. Bellaigue était élève de Sainte-Barbe en l’an XII, lorsqu’il perdit son père, dont la profession faisait toute la fortune. Le correspondant de la famille étant venu exposer à M. de Lanneau la situation de l’orphelin et l’impossibilité de le laisser dans la maison, il reçut pour réponse ces propres paroles : « Je vois au contraire l’impossibilité qu’il en sorte. » On raconte un trait pareil au sujet de quatre frères dont le père avait fait faillite. M. de Lanneau répondit à la personne qui venait pour les retirer, « qu’il entendait garder dans sa maison des enfants qui y avaient toujours donné le bon exemple. » Tout bon sujet devenait ainsi, pour le directeur de Sainte-Barbe, un fils d’adoption, dont il ne consentait plus à se séparer.

Aujourd’hui, on conserve religieusement au collège le buste de Victor de Lanneau ; c’est le génie du lieu. Cette image vénérée est transportée tous les ans dans le salon où se tient le banquet des anciens élèves, et, pour toutes les cérémonies que le collège tient hors de ses murs, on la fait également voyager. C’est la doctrine du gouvernement barbiste que là où est le buste de Victor de Lanneau, là est Sainte-Barbe : touchante tradition, qui ne fait qu’un et de l’œuvre et du fondateur, et qui enseignera, dans le temps à venir, que la Sainte-Barbe moderne est fondée sur l’amour dont une jeunesse généreuse s’enflamma pour un homme de bien.

C’est, en effet, cet amour des barbistes pour leur ancien maître, qui créa cette vaste association amicale par laquelle sont unis entre eux tous les anciens élèves de Sainte-Barbe, et qui donna aussi au collège sa forme, son organisation, sa prospérité actuelle.

Association amicale des anciens barbistes. En 1816, les anciens élèves de Victor de Lanneau, indignés des injustes persécutions qui étaient venues troubler la vieillesse de cet homme de bien, se réunirent spontanément pour protester contre d’odieuses calomnies, et donner à leur maître vénéré un témoignage public de gratitude, de sympathie et de respectueux dévouement. En se retrouvant dans un premier banquet fraternel, la grande famille se compta, se comprit et résolut de fonder, entre les barbistes de toutes les époques et de tous les pays, une association dont le but unique serait de continuer, au delà des murs du collège, les amitiés qui s’y sont formées, et de maintenir de touchantes et étroites relations d’affection et d’assistance. Durant les premières années, les réunions finissaient par des collectes en faveur de quelques barbistes malheureux ; en 1820, pour régulariser ces bonnes œuvres, on a arrêté des statuts qui sont devenus la constitution même de l’association, modèle de tant d’autres du même genre.

Alexandre Bixio, mort récemment (décembre 1865), entra dans le gouvernement de l’association amicale à la fin de 1832. Maintenu depuis 1832 jusqu’à sa mort, par une suite non interrompue de réélections, il ne cessa pas d’être de la partie laborieuse du comité, de celle à qui arrive la confidence de toutes les infortunes, et qui s’occupe de les soulager. Il ne cessa pas non plus de travailler à étendre le cercle de l’assistance fraternelle, en recrutant autant de souscripteurs qu’il pouvait découvrir d’anciens barbistes. Il acquit promptement l’ascendant exercé par ceux qui apportent avec eux le mouvement d’où résulte la vie. Il fut considéré par tous comme l’âme de l’association.

Sous cette vive et énergique impulsion, le nombre des membres, qui n’était encore que de 900 en 1851, s’accrut rapidement dans ces dernières années, et l’association compte aujourd’hui plus de 3, 000 membres, dont 1674 souscripteurs et 1403 fondateurs. Les recettes s’améliorèrent dans la même proportion. Le comité, qui n’avait reçu que 8, 000 fr. par an jusqu’en 1851, a reçu, en 1862, 50, 074 fr. ; en 1803, 81, 898 fr. ; en 1864, 118, 503 fr. L’association possède actuellement 10, 000 fr. de rente, représentant un capital de 360, 000 fr.

Voici les principaux articles des statuts :

« 1° Il existe, depuis 1820, entre les anciens élèves du collège Sainte-Barbe, une association fondée sur leur amitié mutuelle. Son nom est Association amicale des anciens Barbistes. Son siège est au collège Sainte-Barbe, place du Panthéon, à Paris.

« 2° L’objet unique de l’association est d’établir entre tous les anciens barbistes un centre commun de relations amicales, et de venir en aide aux camarades malheureux.

« 3° Tout ancien barbiste peut devenir membre de l’association, en versant un capital de 240 fr., une fois payé, ou une cotisation annuelle de 12 fr. Dans le premier cas, il est fondateur de l’association, son nom est inscrit à perpétuité dans les annuaires, et son versement est converti en inscriptions de rentes sur l’État qui ne peuvent jamais être aliénées. — Dans le second cas, il est souscripteur annuel, et son nom est inscrit sur la liste des souscripteurs de chacune des années pour lesquelles il verse sa cotisation. — Tout ancien barbiste qui, outre le capital de fondateur (240 fr.), verse une somme au moins égale, devient donateur ; son nom est inscrit à perpétuité dans les annuaires sur la liste des fondateurs et sur la liste des donateurs, et son don est converti en inscriptions de rentes sur l’État, qui ne peuvent jamais être aliénées.

« 4° Pour avoir recours à l’association, il n’est pas nécessaire d’en être membre ; il suffit d’être ancien barbiste. — L’association peut, dans certains cas, venir en aide aux enfants, aux mères, aux pères, aux veuves, aux sœurs et aux frères d’anciens barbistes.

« 5° L’assemblée générale des membres de l’association se réunit le 4 décembre de chaque année ; elle nomme le comité, elle entend et elle approuve, s’il y a lieu, les comptes annuels des recettes et dépenses.

« 6° Le comité est composé : 1° de vingt membres élus tous les deux ans par l’assemblée générale du 4 décembre ; 2° de membres à vie (on obtient ce titre après dix élections, c’est-à-dire après vingt ans d’exercice). Le comité représente et administre l’association ; il nomme ses présidents, ses secrétaires et son trésorier.

« 7° Le trésorier ne peut disposer des fonds que sur un mandat signé par sept au moins des membres du comité. Il dresse, chaque année, la liste des fondateurs, la liste des donateurs, la liste des souscripteurs, ainsi que les comptes des recettes et des dépenses, sans y énoncer le nom des camarades secourus. Ces comptes, s’ils sont approuvés par le comité, sont soumis à l’approbation de l’assemblée générale du 4 décembre, puis imprimés et adressés, au plus tard en février, à tous les membres de l’association. »

Le comité qui administre l’association se compose actuellement de MM. le général comte Christian Dumas ; Agathon Prévost, agent général de la Caisse d’épargne ; Edmond Kellermann, duc de Valmy, ancien député ; le baron Edmond Renouard de Bussière, ancien pair et ambassadeur (tous quatre membres à vie, après dix élections) ; Antonin Bellaigue, avocat à la cour de cassation ; Constant Benoist, avoué au tribunal de la Seine ; Joseph Bertrand, de l’Académie des sciences ; Eugène Besson, professeur à Sainte-Barbe ; Alfred Coulon, avoué au tribunal de la Seine ; Devinck, ancien député ; A. Donon, banquier, consul général de Turquie ; Ganneron, agent de charge ; Charles Godart, sous-directeur de l’école préparatoire de Sainte-Barbe ; Jozon, notaire ; Clovis Lamarre, sous-préfet des études à Sainte-Barbe ; Désiré Laverdant ; Albert Liouville, avocat ; Paul Lefevre, juge au tribunal de la Seine ; Antoine Mongis, conseiller à la cour impériale ; Gustave Servois, archiviste paléographe ; Jules Brochu, général de division. — Bureau du comité : président, Joseph Bertrand ; vice-président, Antonin Bellaigue ; trésorier, Ganneron ; secrétaire, Eugène Besson ; secrétaires-adjoints, Clovis Lamarre et Albert Liouville.

Organisation actuelle du collège. Ce fut un bon mouvement qui donna naissance à l’association amicale des anciens barbistes ; ce fut aussi un bon sentiment qui créa la société actuelle des actionnaires de Sainte-Barbe.

Les événements et les vicissitudes de 1814 et de 1815 avaient eu, pour Victor de Lanneau et pour son institution, de fâcheuses conséquences. Il avait lutté néanmoins contre la mauvaise fortune, soutenu surtout par le respect et l’attachement de ses élèves anciens et nouveaux, et le collège était resté toujours à la hauteur de sa renommée, et par le nombre des écoliers, et par l’éclat des succès universitaires. Mais, après la crise financière de 1831, Victor de Lanneau étant décédé, et M. Adolphe de Lanneau, son fils, lui ayant succédé dans la direction de l’établissement, les anciens élèves crurent que le moment était venu pour eux de donner un témoignage solennel de leurs sentiments de reconnaissance pour le père, d’attachement pour le fils, en venant se grouper autour de ce dernier, et en apportant les fonds nécessaires pour préserver d’une catastrophe la maison de Sainte-Barbe et la famille de son fondateur. Ce concours, loyalement offert, loyalement accepté, sauva le collège, lui rendit une nouvelle vie, lui assura une nouvelle gloire.

On peut dire que la société dont il s’agit est l’application, à une entreprise généreuse et utile, de l’esprit d’association compris dans toute sa pureté et sa féconde libéralité.

Les fondateurs la présentèrent avec confiance à leurs anciens camarades ; ils s’adressèrent à eux et à eux seuls, parce que, grâce à cette sympathie qui existe entre eux, l’administration du collège, concentrée entre les barbistes, devait rester fidèle à la pensée de sa fondation, conserver cette unité de vues et de principes qui doit en perpétuer le succès et en assurer les bienfaits.

C’est dans cet esprit que les statuts ont été arrêtés comme il suit : … Art. 2. L’objet de la société est de conserver et de régir l’institution connue sous le nom de collège Sainte-Barbe. Son but est de donner à cette institution, sous le rapport du bien-être des enfants, de la moralité, de l’éducation et de la supériorité des études, tous les développements dont elle peut encore être susceptible. — Art. 5. Le capital de la société, fixé d’abord à 52,000 fr., a été porté par ordonnance du 18 juin 1843 à 600,000 fr., et, par ordonnance du 20 septembre 1845, à un million. — Art. 6. Le fonds social est divisé en deux mille actions de cinq cents francs, nominatives et indivisibles. Et dans le but de conserver autant que possible à l’association l’esprit qui a présidé à sa formation, les personnes appartenant ou ayant appartenu à l’une des trois catégories ci-après indiquées ont été seules admises à souscrire les actions, savoir : élèves de Sainte-Barbe ; parents ou alliés d’élèves de Sainte-Barbe, en ligne directe ou collatérale, jusqu’au deuxième degré inclusivement ; professeurs ou fonctionnaires de l’institution depuis six années au moins. — Art. 9. La société est administrée par un conseil composé de quinze membres au moins, de vingt et un au plus, qui seront nommés par l’assemblée générale. Les membres du conseil doivent être anciens élèves de Sainte-Barbe. — Art. 13. Le conseil est renouvelé tous les deux ans par tiers. Les membres sortants peuvent être réélus. Sont nommés membres du conseil d’administration, pour en exercer les fonctions jusqu’à la première assemblée générale : MM. Baudelocque, ancien notaire ; Bayard, homme de lettres ; Bellaigue, ancien député ; Bérenger, juge de paix ; Bernard, député ; Alexandre Bixio ; Christofle, négociant ; Christian Dumas ; H. Ganneron, député de Paris ; Eugène Lamy ; Leclercq ; Louis le Mercier, député ; Louveau ; Ch. Paravey, maître des requêtes au conseil d’État ; Agathon Prévost ; Eugène Scribe, de l’Académie française ; Vatout, député ; Vavin, député de Paris. — Art. 14. M. Adolphe de Lanneau, ancien directeur de Sainte-Barbe, fils aîné du fondateur de l’établissement, est nommé président honoraire du Conseil. — Art. 17. Le directeur actuel est M. Pierre-Victor-Alexandre Labrouste, ancien élève de Sainte-Barbe.

M, Labrouste avait été un des élèves les plus remarquables du collège ; il s’y était distingué, non pas seulement par les études qu’il y avait faites, mais encore par les qualités de son caractère, par un ensemble de douceur et d’affabilité qui se traduisait dans son abord et son accueil, dans son regard et son langage, et qui inspirait à ses camarades la plus amicale confiance. Victor de Lanneau, en rendant le jeune écolier à son père, à la fin de ses études, lui écrivait : « Nous allons donc perdre l’honneur et l’exemple du collège ! » M. Labrouste n’a pas démenti l’éloge que faisait de lui son ancien maître, et dans la double carrière qu’il a parcourue, il n’a pas cessé d’honorer ses fonctions et de servir à tous d’exemple et de modèle.

Il obtint une dispense pour être avoué à vingt-quatre ans. Il exerça cette charge pendant seize ans, et en sortit plus pauvre qu’il n’y était entré, n’en tirant d’autres avantages que d’y faire l’apprentissage de la bienfaisance, qu’il devait exercer sur une grande échelle comme directeur de Sainte-Barbe. Ses anciens amis racontent qu’après s’être donné bien du mal pour une affaire difficile, quand son client ne pouvait pas s’acquitter envers lui, M. Labrouste, non seulement ne réclamait pas d’honoraires, mais souvent même payait de sa bourse les frais de la procédure ; et quand on lui en faisait reproche : « Qui voulez-vous qui les paye, répondait-il, si je ne le fais pas ? »

Nommé, en 1830, suppléant de juge de paix à Paris, le ministre garde des sceaux lui offrit bientôt de le présenter à la nomination du roi comme juge de paix titulaire. Il déclara ne pouvoir accepter, et on ne pouvait s’expliquer son refus. Pressé par un de ses anciens camarades, M. Labrouste, dans un moment d’expansion, lui en fit connaître la cause : « Je ne suis pas assez riche, dit-il. Tu ne sais donc pas que la plupart de ceux qui viennent devant les justices de paix sont des malheureux ? Je les ai vus, ils ont besoin d’être secourus, mes émoluments n’y pourraient jamais suffire. »

Il consentit à accepter, en 1838, la direction du collège auquel il consacrait déjà depuis sept ans, comme secrétaire du conseil de surveillance, l’intelligence et le dévoûment qui devaient rendre de si grands services à Sainte-Barbe. Ce fut lui qui fonda, en 1840, la société actuelle dont nous venons de parler.

Continuant l’œuvre de Victor de Lanneau, il imprima au collège une impulsion extraordinaire, et l’on vit, sous son administration, le nombre des élèves s’élever de 130 à 1,250. Il avait pris part à la fondation de cette École préparatoire dont Sainte-Barbe est fière à si juste titre. Il ne fut pas moins bien inspiré quand, pour répondre à la tendre sollicitude des mères de famille, il créa, à Fontenay-aux-Roses, cette pépinière de Sainte-Barbe des Champs, qui servit bientôt de modèle à d’autres établissements du même genre, et qu’imita tout d’abord le lycée Louis-le-Grand, en fondant le petit collège de Vanves, devenu depuis peu lycée du prince impérial.

La modestie de M. Labrouste le portait continuellement à vouloir s’effacer, et elle le grandissait encore. Ses collaborateurs et ses élèves se rappellent ce qu’il disait à un ministre, ancien Barbiste, venant le décorer à une distribution de prix : « Si je devais partager ce ruban avec tous ceux dont le mérite me le fait obtenir, à peine en resterait-il un fil à ma boutonnière. » — Sa supériorité était admise par tout le monde, parce qu’elle était aussi douce que réelle. Les chefs d’institution réunis le choisirent pour leur président. Le conseil impérial de l’instruction publique l’appela dans son sein, et sa parole y fut toujours écoutée avec attention, parce qu’elle fut toujours sensée et honnête.

C’est dans son cœur que M. Labrouste puisait sa principale force, pour être aimé de ses élèves comme le père le plus tendre, et pour être chéri de ses collaborateurs comme le frère le plus affectueux. Il y avait dans toute sa personne ce je ne sais quoi qui attire par la bienveillance, et qui impose le respect par la dignité. On comprenait que c’était bien là le chef du collège Sainte-Barbe, et l’âme de cette association amicale, qui repose sur le sentiment barbiste.

À sa mort (18 février 1866), les membres du conseil répondirent à ses dernières pensées, en lui donnant pour successeur M. Louis Dubief, inspecteur de l’Académie de Paris, ancien élève lauréat de Sainte-Barbe, docteur ès lettres, chargé de la direction de l’instruction publique à la préfecture de la Seine.

La nomination du conseil a été ratifiée par l’assemblée générale des actionnaires du 16 mars 1866. M. Dubief a déjà donné des gages de sa capacité dans les fonctions administratives qu’il a remplies ; de plus, il est imbu depuis son enfance des sentiments barbistes : il saura maintenir intactes toutes les saines traditions de Sainte-Barbe.

Actuellement, Sainte-Barbe compte 1,230 élèves internes, répartis en trois divisions bien distinctes. : 1° l’École Préparatoire ; 2° la maison classique de Paris, divisée elle-même en grand collège et moyen collège ; 3° le petit collége ou Sainte-Barbe-des-Champs.

1° L’École préparatoire compte 275 élèves ; elle a pour directeur des études M. Blanchet, et pour sous-direcreur des études M. Godart, ancien barbiste. Elle fait recevoir chaque année un grand nombre de ses élèves dans les grandes écoles de l’État. Voici le total de ces admissions pour les trois dernières années :

École centrale des arts et manufactures 89
École forestière 37
École militaire 61
École des mines (élèves externes) 33
École navale 25
École normale supérieure 21
École polytechnique 72

Total des élèves de l’École préparatoire de Sainte-Barbe reçus aux grandes écoles de l’État, dans les trois dernières années : 338.

La maison classique de Paris compte 530 élèves ; elle a pour préfet des études M. Molliard, agrégé des classes supérieures, ancien barbiste, et pour sous-préfet des études M. Lamarre, docteur ès lettres, ancien barbiste. Sur les 530 élèves, 330 suivent uniquement les cours intérieurs de Sainte-Barbe, et les 200 autres, tout en profitant des leçons de l’intérieur, assistent en qualité d’externes aux classes du lycée Louis-le-Grand. Ces 200 élèves, chargés de représenter Sainte-Barbe dans le concours universitaire, ont obtenu, l’année dernière (août, 1865), 10 prix et 29 accessits au concours général, et 153 prix, 326 accessits au lycée, en tout 518 nominations.

Sainte-Barbe-des-Champs compte 425 élèves ; elle a pour directeur des études M. Guérard. On va à Fontenay-aux-Roses par curiosité, pour voir l’infirmerie du collège, ses dortoirs, sa salle de bains, son parc magnifique ; on admire les distributions ingénieuses de ces diverses parties et le luxe qui y règne. Ces choses sont l’ouvrage des deux habiles architectes, à qui est due la reconstruction de la maison de Paris, les deux frères de M. Labrouste. Elles répondent au goût du jour ; elles enchantent ceux qui ne jugent que par les yeux ; mais ce n’est pas tant de cela que Sainte-Barbe-des-Champs se glorifie, que du bon ordre dont elle a été un modèle depuis sa fondation. Elle sait que, si elle mérite d’être louée, c’est parce que tout est réglé chez elle de manière à obtenir le développement promis par les conditions de sérénité et de salubrité où sont placés à la fois les esprits et les corps ; sa récompense est dans les résultats qu’elle a obtenus dès l’origine.

Ces trois grandes divisions de Sainte-Barbe sont placées toutes trois sous la haute direction de M. Dubief, aidé de son conseil d’administration. Ce conseil se compose actuellement de MM. Devinck, membre du conseil municipal de Paris, (président) ; Joseph Bertrand, membre de l’Institut, (vice-président) ; Châtelain, notaire honoraire, (trésorier) ; Ganneron, agent de change, (secrétaire) ; Eugène Bayard, maître des requêtes ; Bellaigue fils, avocat à la cour de cassation ; Danyau, médecin ; le baron De Bussierre ; Gabriel Dehagnin, banquier ; Armand Donon, banquier, consul général de Turquie ; le général comte Christian Dumas ; De Prêt ; Eugène De Lanneau ; Jooss, ancien avoué ; Eugène Lamy, conseiller à la Cour de cassation ; Mongis, conseiller à la Cour impériale de Paris ; Charles Paravey, ancien conseiller d’État ; Agathon Prévost, agent général de la Caisse d’épargne ; J. Quicherat, professeur à l’école des Chartes ; Rigault, avocat ; le général de division Trochu ; Adolphe De Lanneau, (président honoraire) ; Bellaigue, père, ancien député ; Louveau, ancien juge de paix à Paris.

Ces renseignements, est-il besoin de le dire, ont été pris à la source même : un des employés les plus jeunes et les plus distingués du collège de Sainte-Barbe nous les a communiqués avec une aménité et une complaisance dont nous le remercions sincèrement. Maintenant, passons la plume au Grand Dictionnaire, qui va terminer ce long article en donnant à cette noble maison une fraternelle et respectueuse poignée de main.

À certaines époques, mais surtout au printemps, quand le bourgeon sort de la branche, quand la chrysalide devient papillon et que le ver blanc se métamorphose en hanneton, il se produit, dans un certain nombre de pensionnats et de lycées de Paris, de petites velléités d’indépendance, sur lesquelles le quos ego du maître de pension n’exerce pas toujours le même empire que celui de Neptune ; mais ces bouillonnements se produisent surtout à l’époque de nos bouleversements politiques ; les jeunes collégiens jouent aux révolutionnaires comme nos petites filles jouent à la maman, et ces révoltes prouvent que des fils bien élevés doivent toujours marcher sur les traces de leurs pères. Ici, les modernes Spartacus ne se proposent pas précisément la prise de Rome ; ils demandent un changement de régime… dans les choses du réfectoire, dans le gouvernement des haricots. Eh bien, l’antique maison de Sainte-Barbe se ressent rarement du contre-coup de ces bourrasques. On voit peu de tempêtes dans ce verre d’eau… et d’abondance. C’est parce que les élèves savent que Sainte-Barbe est une noble maison ; n’entre pas qui veut dans ce temple, dont Homère et Virgile sont les deux grands dieux ; il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ; on y fait plus souvent queue qu’au théâtre de l’Odéon, et le portier dit à quiconque soulève le marteau : Montrez-moi patte blanche, c’est-à-dire, avez-vous pris un numéro d’inscription ? n’auriez-vous pas été mis en disponibilité par quelque autre établissement, où vous ne concouriez pas pour le prix de sagesse ? appartenez-vous à une famille bien rentée ? etc., etc.

Au moment même où nous écrivons ces lignes, éclate sur notre tête, comme une bombe, la nouvelle d’une révolte qui vient de se produire à l’école préparatoire de Sainte-Barbe. Faut-il donc biffer cet article et bouleverser toute notre mise en pages ? Ma foi non, mon siège est fait ; ce qui est écrit est écrit ; et, aux susceptibles qui ne trouveraient pas ces deux axiomes suffisamment péremptoires, je répondrai par ce troisième : l’exception confirme la règle au lieu de la détruire.