Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/BONAPARTE (Charles-Lucien-Jules-Laurent), fils aîné de Lucien

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Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 3p. 953-954).

BONAPARTE (Charles-Lucien-Jules-Laurent), fils aîné de Lucien, né à Paris le 24 mai 1803. Par suite de la rupture de son père avec l’empereur Napoléon, il fut élevé en Italie, où il prit le goût des sciences naturelles. Le 29 juin 1822, il épousa à Bruxelles sa cousine Zénaïde, fille du roi Joseph, lequel vivait, sous le nom de comte de Survilliers, à Philadelphie, où il alla le rejoindre. Se livrant exclusivement à sa passion pour l’ornithologie, il fit connaître un grand nombre d’oiseaux du nouveau monde, qui avaient échappé au naturaliste Wilson, à l’ouvrage duquel il ajouta un supplément. Ce fut ce livre qui donna à Audubon l’idée de son travail sur les oiseaux d’Amérique. En 1828, Charles quitta la Pensylvanie, pour se fixer en Italie auprès de son père, le prince de Canino. L’Académie d’Upsal le nomma membre honoraire à la suite de la publication d’un ouvrage magnifique, l’Iconografia della fauna italica. Il se rendit en 1835 à Paris sans l’autorisation du gouvernement de Louis-Philippe ; il ne fut cependant pas inquiété, car on savait que le but de son voyage était tout scientifique. Le 29 juin 1840, devenu par la mort de son père prince de Canino et de Musignano, il accepta le grade de colonel, que lui proposait la république de Saint-Marin. Membre de l’Académie des sciences de Berlin, il fut nommé, le 18 mars 1844, membre correspondant de l’Institut de France.

Le prince Charles, président des congrès scientifiques de Turin, de Milan, de Lucques de Pise, de Padoue, de Naples, de Florence, dans lesquels il avait lu d’intéressants travaux d’histoire naturelle, ne s’était jusque-là occupé que de sciences ; mais, en 1847, au congrès de Venise, il se mêla de politique et reçut du gouvernement autrichien l’ordre de quitter la ville. Il retourna plus tard à Rome, après avoir visité Londres et Copenhague, et se déclara contre le pape, lorsque, par une évolution inattendue, celui-ci s’opposa aux progrès de la liberté. Nommé membre de la junte suprême et provisoire établie après la retraite au pape à Gaëte, il proposa d’élire une régence temporaire, en place de la commission qu’on voulait charger de prendre, avec le ministère, les mesures nécessaires au salut de l’État. Viterbe l’envoya, en 1849, à l’Assemblée nationale, où il fut nommé membre de la commission chargée de rédiger un projet de loi sur la responsabilité des ministres et du pouvoir exécutif, et de présenter le projet de loi organique de la république romaine. M. Cursi ayant voulu faire reconnaître la dette publique comme nationale et inviolable, le prince Charles fut seul à s’opposer à cette mesure. Élu vice-président de l’Assemblée constituante, il dirigea les délibérations avec habileté et signa, le 23 mars, lorsque le canon tonnait, la proclamation qui appelait le peuple aux armes. À la nouvelle que les Français occupaient les États de l’Église après être débarqués à Civita-Vecchia, il recommanda de préparer la défense, mais de ne pas attaquer les Français, puisque les deux peuples pouvaient encore se resserrer par des liens de fraternité. Il ne quitta Civita-Vecchia qu’après l’occupation de Rome par les troupes françaises. Il faisait route vers Paris ; mais, à son passage à Orléans, comme il n’avait pas tenu compte de l’interdiction du territoire français prononcée contre lui par son cousin Louis-Napoléon, président de la République, il fut arrêté, escorté jusqu’au Havre et embarqué pour l’Angleterre. Ayant obtenu l’année suivante de résider à Paris sans condition, il s’y consacra exclusivement à ses travaux scientifiques. Voici ses principaux ouvrages : American ornithology, or History of the birds of the United-States(Philadelphie, 1825 à 1833), faisant suite à l’ouvrage de Wilson, publié en 1808 ; Ornithology of the North America (New-York, 1826) ; Observations on the nomenclature of some species, rectification de la nomenclature de Wilson, qui ne comptait que 270 espèces d’oiseaux, dont neuf aquatiques, et que le prince Charles a élevée à 370. dont 151 fréquentent les eaux ; Specchio comparativo delle ornitologie di Roma e di fïladelfia (Pise, 1827) ; Sulla seconda edizione del regno animale del barone Cuvier osservazioni, avec quatre monographies en appendice (Bologne, 1830) ; Saggio di una distribuzione metodica degli animali vertebrali (Rome, 1832) ; Iconografia della fauna italica (Rome, de 1832 à 1841), le plus important des ouvrages du prince, traitant des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des amphibies et des poissons ; Cheloniorum tabula analytica (Rome, 1836) ; Catalogo metodico degli uccelli europei (Bologne, 1842) ; Geographical and comparative list of the birds of Éuropa and North America (Londres, 1838) ; Catalogo metodico dei pesci europei (Naples, 1845) ; Selachorum tabula analytica (Neufchâtel, 1838) ; Catalogo metodico dei mammiferi europei (Milan, 1845) ; Conspectus systematis ornithologiœ (Amsterdam, 1849) ; Revue critique de l’ornithologie européenne de M. Degland (Bruxelles, 1850) ; Monographie des loxiens (Leyde, 1850), en collaboration avec Hermann Schlegel ; Conspectus generum avium (Leyde, 1850) ; Conspectus systematis mastozoologiœ (Leyde, 1850) ; Notices ornithologiques sur les collections rapportées en 1853 par M. A. Delettre, et classification parallélique des passereaux chanteurs (Paris, 1854) ; Conspectus systematis erpetologiœ et amphibiologiœ ; Conspectus systematis ichthyologiœ (Leyde, 1850) ; Tableau des oiseaux de proie (Paris, 1854) ; Conspectus volucrum zygodactylorum ; Conspectus volucrum anisodactylorum (Paris, 1854) ; Tableau des oiseaux-mouches ; Tableau des perroquets (Paris, 1854) ; Genus novum phalendinarum (Londres, 1854) ; Coup d’œil sur l’ordre des pigeons (Paris, 1855) ; Ornithologie fossile, servant d’introduction au tableau comparatif des ineptes et des autruches (Paris, 1856) ; Mélanges ornithologiques (Paris, 1856) ; Excursions dans les divers musées d’histoire naturelle d’Allemagne, de Hollande et de Belgique (Paris, 1856) ; Catalogue des oiseaux d’Europe (Paris, 1856) ; Monographie des héliornitides (Paris, 1856) ; Iconographie des pigeons ; Iconographie des Perroquets, en collaboration avec M. de Pouancé (Paris, 1857-1859).

On doit encore au prince Charles un grand nombre de mémoires sur l’histoire naturelle, publiés dans divers recueils scientifiques.

Il a eu de son mariage avec sa cousine Zénaïde quatre fils et huit filles : 1° Joseph-Lucien-Charles-Napoléon, né à Philadelphie le 13 février 1824, jouissant depuis 1856 du titre d’altesse, en sa qualité de membre de la famille civile de l’empereur ; 2° Lucien-Louis-Joseph-Napoléon, né à Rome le 15 décembre 1828, prêtre et camérier secret du pape Pie IX ; 3° Julie-Charlotte-Zénaïde-Pauline-Laetitia-Désirée-Bartholomée, née à Rome le 6 juin 1830, mariée au marquis de Boccagiovine, Alexandre del Gallo ; 4° Charlotte-Honorine-Joséphine, née à Rome le 4 mars 1832, mariée le 4 octobre 1848, à Pierre, comte Primoli ; 5° Marie-Désirêe-Eugénie-Joséphine-Philomène, née à Rome le 18 mars 1835, mariée le 2 mars 1851, à Paul, comte de Campello ; 6° Auguste-Amélie-Maximilienne-Jacqueline, née à Rome le 9 novembre 1836, mariée le 2 février 1856 à son cousin, le prince Placide Gabrielli ; 7° Napoléon-Grégoire-Jacques-Philippe, né à Rome le 5 février 1839, qui a épousé, le 26 novembre 1859, Marie-Christine Ruspoli. Colonel d’état-major de la garde nationale parisienne, il a depuis 1861 rang à la cour et le titre d’altesse, sous le nom de Napoléon-Charles Bonaparte ; 8° Bathilde-Aloïse-Léonie, née à Rome le 26 novembre 1840, mariée le 14 octobre 1856, à Louis, comte de Cambacérès, député au Corps législatif, morte à Paris le 8 juin 1861.

Les quatre autres enfants sont morts en bas âge.

Comme naturaliste, le prince Charles occupe une place distinguée parmi les savants ; dans la courte carrière qu’il a fournie comme homme politique, il a prouvé que les gens de cabinet savaient dans l’occasion se transformer en hommes d’action.