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Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Convention nationale (HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA), par M. Maron

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Administration du grand dictionnaire universel (5, part. 1p. 42).

Convention nationale (HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA), par M. Maron, (1860). Ce n’est pas l’histoire des genres littéraires, de la poésie, du roman, des œuvres d’imagination sous le règne de la Convention ; c’est l’histoire de cette terrible souveraine elle-même, considérée dans ses rapports avec les lettres ; c’est la Convention parlant, écrivant, car elle a une autre voix que celle du canon et elle écrit autrement qu’avec du sang ; c’est la Convention discutant ses principes, ses dogmes, ayant pour écho la voix de cent clubs et les déclamations de cent journaux. La Convention a ainsi une double littérature qui lui est propre, littérature parlée, littérature écrite, et c’est sous ce point de vue intéressant et animé que M. Maron a écrit l’histoire d’une assemblée politique dont les actes sont plus connus que les paroles et dont l’influence littéraire se perd dans les destinées révolutionnaires. Les girondins ont naturellement une grande place dans la littérature oratoire de la Convention. Ce sont les vrais et presque les seuls orateurs de l’époque. Nous les voyons so»s la pression des violences du dehors, mal soutenus en dedans par des hommes honnêtes, mais faibles, « qui les estiment, les applaudissent, mais ne les suivent pas, » s’épuiser en efforts d’éloquence, grands, nobles, parfois sublimes, mais toujours impuissants : « Il est temps, s’écrie Kersaint, d’élever des échafauds pour les assassins ! » Cette exclamation : Il est temps ! reviendra à tout moment dans la bouche des girondins : « Il est temps, dit Gensonné, que les divisions cessent. « « Il est temps, redit Louvet, de savoir s’il existe une faction. » * Il est temps, répète Gensonné, de signaler cette faction "à la nation entière. » « Il est temps, reprend Barbaroux, que l’autorité municipale s’abaisse devant l’autorité nationale. » Exclamations stériles qui n’aboutiront qu’à de vains ordres du jour. Si les girondins ne sont que des orateurs, ne nou3 en étonnons pas ; l’éloquence est leur seule arme et leur seule force ; insultés, ils ne peuvent se venger que par l’ironie ; attaqués, ils ne peuvent se défendre que par l’invective ; menacés, ils ne peuvent répondre que par l’indignation. Ces trois figures reviendront toujours dans leurs discours ; aussi leur éloquence sera-t-elle plus passionnée que politique ; elle abondera en expressions vives, en images, en apostrophes où se refléteront tour à tour l’irritation, la colère, la tristesse, le désespoir d’hommes à la tête d’une armée qui ne les pousse en avant que pour s’enfuir et ne les encourage que pour les abandonner. » Chez les montagnards la parole a un tout autre caractère ; elle révèle moins d’effort et elle est plus terrible. Sûrs de l’appui des masses frémissantes, les orateurs les plus secondaires parlent avec une impérieuse autorité. Ils sentent qu’ils s’appellent Légion. Ils abordent résolument les questions ; ils les tranchent, Ils parlent au nom du peuple qui est derrière eux, à leurs ordres, et qui a pour argument irrésistible deux cent mille piques. Deux orateurs de la Montagne néanmoins se donnent beaucoup de mal pour relever la raison du plus fort par la force de la raison : ce sont Robespierre et Saint-Just, que M. Maron qualifie avec justesse ■ des écrivains plutôt que des orateurs. » Il fait du premier une étude complète et proportionnée à la grande place que prit dans les séances de la Convention le terrible président du comité de Salut public. Dans toutes ses appréciations, M. Maron ne s’arrête pas seulement à la forme oratoire des idées qui se produisent dans la Convention, il entre dans la discussion des théories émises, spécialement sur l’instruction publique et sur les questions économiques. Le journalisme politique est étudié à fond et soutenu ou refuté selon que l’auteur approuve ou désapprouve son attitude. Mais M. Maron ne réduit pas seulement au journalisme la littérature écrite sous la Convention, il étudie les philosophes de ces temps agités, les AnacharsisCloots, lesCondorcet, les Saint-Martin, etc. ; il montre l’influence du régime politique sur les œuvres d’imagination, la comédie, la tragédie, l’ode, la chanson. Il n’a pas non plus oublié les fondations scientifiques et littéraires,

CÔNV*

l’École polytechnique, l’École normale ; il nous fait assister aux premiers cours et nous fait connaître les ’professeurs et les élèves. En un mot, M. Maron n’a rien négligé pour que son Histoire de la littérature sous la Convention fût un tableau complet dt la littérature sous la Révolution. Mérite bien rare, il tient plus que son titre ne promettait.