Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FRANÇOIS-XAVIER (saint), apôtre des Indes et du Japon

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 772).

FRANÇOIS-XAVIER (saint), apôtre des Indes et du Japon, né en 1506, au château de Xavier, près de Pampelune, mort dans l’île de San-Chan en 1552. Il était fils d’un conseiller de Jean III, roi de Navarre. C’était, dit un auteur contemporain, un gentilhomme accompli de manières et de sentiments ; brave, honorable, généreux, facile à entraîner et très-capable lui-même d’entraîner les autres ; facile à persuader et persuasif lui-même ; plein d’énergie, de patience et de résolution. À vingt-deux ans, il était professeur de philosophie à l’Université de Paris. Ce fut là qu’il fit la connaissance d’Ignace de Loyola, le fameux fondateur de l’ordre des jésuites, dont il devint bientôt l’ami intime et le compagnon. Peu après, il partit à la tête de la première troupe de prosélytes envoyés en pèlerinage à Rome par Loyola. Quand Jean III, roi de Portugal, voulut convertir les Indes portugaises, il choisit Bobadilla pour chef de cette croisade, et, à défaut de celui-ci, tombé malade, son choix se reporta sur Xavier. Le vaillant missionnaire partit aussitôt pour Lisbonne, vêtu d’une soutane rapiécée, dit la chronique, et avec un bréviaire pour tout bagage. De là, il s’embarqua pour Goa, sur un navire qui portait le gouverneur de cette ville et mille hommes de troupes. Il partait rayonnant de joie, à la pensée des âmes qu’il allait arracher à l’idolâtrie. En route, il refusa la cabine qu’on lui avait réservée, dormit sur le pont avec un rouleau de cordes pour oreiller et partagea l’ordinaire des matelots, soignant ceux-ci dans leurs maladies, les amusant par ses récits et s’en faisant adorer par sa bonté et sa simplicité. Arrivé à Goa, le pieux missionnaire fut épouvanté de la dépravation des habitants, des colons européens aussi bien que des indigènes. Il se mit à parcourir les rues avec une petite sonnette pour attirer le monde et pria qu’on lui envoyât les gens pour les instruire. Il visitait les malades, les lépreux, vivant dans les hôpitaux, et pénétrant jusque dans les lieux de débauche. Après avoir prêché à Goa, sur la côte de Comorin, à Ceylan, dans l’Île de Célèbes, à Meliapour, à Malacca, etc., et avoir fait, dit-on, d’innombrables conversions, et même des miracles, il passa au Japon (1549), où sa mission fut moins brillante. Enfin, après douze ans de fatigues incroyables, Xavier, entraîné par son zèle intrépide, allait passer en Chine, lorsqu’il mourut de la fièvre, dans l’île de San-Chan. Il avait fait faire des traductions en langue du pays du catéchisme, du Credo, des Commandements, du Pater et de quelques autres exercices, et les distribuait sur sa route. Il établit près du cap Comorin trente prédicateurs et pasteurs de trente églises chrétiennes, pauvres églises qui se composaient le plus souvent de simples huttes avec un crucifix. Sa canonisation eut lieu en 1622, et il est honoré le 3 décembre. Le P. Bouhours a écrit sa vie. On a de lui des Lettres, traduites en français par M. Léon Pages (1854), qui y a joint une vie du saint.

— Iconogr. Un tableau de Carlo Dolci, qui appartient au palais Pitti, représente saint François-Xavier on habit de pèlerin, le bourdon au côté, un chapelet pendu à la ceinture, les yeux levés au ciel et la tête ceinte d’une auréole. Ce tableau a été gravé par V. Benucci. D’autres figures du même saint ont été peintes par Rubens (gravé par P. van Ballius), A. Dieu (gravé par N. Bazin), R. Vanni (gravé par G. Chasteau), Largillière (gravé par N. Bazin), Ch. Natoire (gravé par Jean Aubert), etc. Diverses estampes relatives à ce saint sont dues à Martin Bass, Ad. Bartsch, Michel van Lochon, Schelte à Bolswert, B. Kilian, Ch. Audran, Et. Baudet, El. Hainzelmann, G. Massi.

Rubens a peint Saint François-Xavier prêchant aux Indes (musée du Belvédère, à Vienne) ; Th. Chassériau a retracé le même sujet, dans l’église Saint-Roch, à Paris ; Poussin a représenté Saint François-Xavier ressuscitant une Japonaise (musée du Louvre): nous donnons ci-après la description de ces trois peintures. Un tableau représentant Saint François-Xavier au Japon a figuré comme œuvre de Van Dyck à la vente de la célèbre galerie de Pommersfelden (1867). Corn. Galle a gravé, d’après Érasme Quellyn, Saint François-Xavier guérissant un malade ; F. de Louvemont a gravé, d’après Ciro Ferri, Saint-François-Xavier priant Dieu de faire cesser la peste. Un tableau de M. Alexandre Desgoffe, commandé par le ministère de l’intérieur et exposé au Salon de 1840, représente saint François-Xavier en extase dans un paysage solitaire. La Mort de saint François-Xavier a été peinte par Carle Maratte (gravé par Mallia), par Palcko (gravé par Bartolozzi), par L. Giminiani (gravé par le comte de Caylus et Lesueur, dans le Cabinet Crozat), par M.-E.-J. Lafon (lithographie par Soulange-Teissier, 1857). Un bas-relief de Luc Breton, figurant l’Apothéose de saint François-Xavier, se voit au musée de Besançon.

François-Xavier évangélisant les Indiens et ressuscitant les morts (SAINT), chef-d’œuvre de Rubens ; musée du Belvédère, à Vienne. Le saint missionnaire, vêtu de la robe noire de son ordre, est debout, à gauche, sur une haute estrade assez semblable à un piédestal ; derrière lui est un jeune moine portant un livre sous le bras. Une foule nombreuse, composée de gens appartenant à diverses nations, est accourue pour entendre l’apôtre. Celui-ci, la main gauche levée vers le ciel, la droite tendue vers ceux qui l’entourent, a un air vraiment inspiré. À sa voix, les morts ressuscitent. Au premier plan, un homme qui vient d’être ainsi rappelé à la vie est entouré de trois femmes, dont l’une le débarrasse de son linceul, tandis que les deux autres témoignent au saint toute leur gratitude. Une femme, tenant dans ses bras son enfant mort, implore la puissance miraculeuse de l’apôtre. Un peu plus loin, un nègre soutient son maître, ressuscité. Dans le fond de la composition, s’élève un temple magnifique orné d’idoles, dont l’une vient de tomber de son piédestal sous les yeux de ses adorateurs épouvantés. Sur les nuées apparaît la Religion, ayant à la main un calice et entourée d’anges dont quelques-uns soutiennent une croix.

Ce tableau est considéré à bon droit comme un des plus beaux ouvrages de Rubens. « La composition, dit Smith, est ordonnée avec un art si consommé, la lumière et les ombres sont distribuées avec une si merveilleuse habileté et la couleur a une telle puissance, que l’effet général a une magnificence tout à fait extraordinaire. » Ce chef-d’œuvre a été gravé par Marinus.

François-Xavier ressuscitant la fille d’une Japonaise (SAINT), tableau de Poussin ; musée du Louvre (n° 434). La jeune fille, étendue sur sa couche funèbre, renaît à la vie ; une femme, remarquable par sa beauté, lui soulève la tête ; une autre, d’un âge plus avancé, placée au pied du lit, tend les bras vers la ressuscitée. Saint François et Jean Fernandez, son compagnon, prient de chaque côté du lit. Le premier, les mains jointes, lève les yeux vers le ciel où le Christ apparaît entouré d’anges. Plusieurs Japonais regardent avec étonnement et admiration cette scène miraculeuse.

Ce tableau, dans lequel Poussin a déployé ses qualités accoutumées d’expression et de style, fut peint en 1641 pour le noviciat des jésuites, à Paris, et devint la propriété du roi en 1763. Il a été gravé par Gantrel, par P. Brevet et dans le recueil de Landon (III, pl. 23). On nous saura gré de reproduire ici l’appréciation que Sauval a faite de ce chef-d’œuvre dans son livre sur les Antiquités de la ville de Paris (I, p. 462). « Poussin a disposé ses figures en sorte qu’elles voient toutes le miracle, et a remué leurs passions avec un jugement et une adresse qui lui est toute particulière. Il a conduit et manié leur douleur et leur joie par degrés, à proportion des degrés du sang et de l’intérêt, ce qui paraît visiblement sur leurs visages et par leurs attitudes toutes différentes. L’un s’étonne du miracle, l’autre en doute ; l’un, par sa gaieté, témoigne son contentement ; l’autre, par la continuation de sa tristesse, montre qu’il ne s’en rapporte ni au récit d’autrui, ni à sa vue. La femme, au chevet du lit, est plantée et courbée avec une science et une force toute spirituelle et tout à fait merveilleuse. On remarque dans les yeux, la bouche, le mouvement des bras, lès plis du visage et toutes les actions de l’autre qui est au pied du lit, que la douleur qui s’était emparée de son âme ne cède qu’à grande force à la joie… Il n’y a que Poussin au monde capable d’exprimer ce combat de passions si opposées dans une même personne et sur un même visage… La figure du Christ est toute majestueuse et divine ; elle est si finie dans toutes ses parties, qu’il n’y a que le seul Raphaël qui en puisse faire une semblable. »