Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FRANÇOIS DE SALES (saint), évêque de Genève

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 771-772).

FRANÇOIS DE SALES (saint), évêque de Genève, né au château de Sales, près d’Annecy, en 1567, mort à Lyon en 1622. Il acheva ses études classiques à Paris, étudia le droit à Padoue, se fit recevoir avocat à Chambéry, refusa la dignité de sénateur, et abandonna tout à coup la carrière du barreau pour entrer dans les ordres sacrés. S’étant rendu auprès de l’évêque de Genève, Granier, qui résidait alors à Annecy, ce prélat lui conféra la prêtrise (1593), le nomma prévôt de sa cathédrale, et, frappé de son éloquence douce et persuasive, le chargea de missions dans le Chablais. Malgré les nombreux obstacles qu’il rencontra, François de Sales parvint à ramener à la foi catholique un assez grand nombre de protestants. Les succès qu’il avait obtenus dans cette œuvre difficile engagèrent le pape à demander au prévôt de Genève de tenter une conversion à laquelle il attachait un grand prix, celle du célèbre Théodore de Bèze (1597). À trois reprises, François de Sales eut des conférences avec de Bèze, qui l’accueillit avec les plus grands égards, l’écouta avec intérêt, mais ne se laissa point convaincre. Nommé, vers cette époque, coadjuteur de l’évêque de Genève, avec le titre d’évêque de Nicopolis, François se rendit quelque temps après à Paris (1602), prêcha avec un grand succès à la cour de Henri IV et succéda cette même année à l’évêque de Genève, qui venait de mourir. Deux ans plus tard, il rencontra à Dijon Mme de Chantal, dont il devint le confesseur, dont les vertus le charmèrent et qu’il ne tarda pas à associer à ses œuvres de charité envers les pauvres. À cette époque, l’évêque de Genève commença à étendre sa réputation et son influence en dehors du cercle étroit des cantons suisses et des vallées de la Savoie. Il entra en correspondance avec Henri IV, qui voulut à plusieurs reprises, mais inutilement, le fixer en France par un évêché, fut choisi pour arbitre dans les conflits qui s’élevaient dans les communautés, fonda, en 1607, l’Académie florimontane, et fit paraître, en 1608, son Introduction à la vie dévoie, dont le succès fut énorme. Ce fut en 1610 que Mme de Chantal se rendit auprès de lui à Annecy. François de Sales, qui avait formé depuis longtemps le dessein de fonder une congrégation destinée au soin des pauvres et des malades, sous le nom de Visitation de la Vierge, put alors réaliser son projet. Il mit à la tête de la nouvelle congrégation, érigée quelque temps après en ordre, Mme de Chantal, qui s’associa d’abord deux dames de ses amies et se dévoua entièrement au développement de cette institution charitable. En 1614, l’évêque de Genève établit des chartreux à Ripaille et des barnabites à Annecy. Dans les controverses religieuses qui s’élevèrent à cette époque, il se prononça toujours dans le sens de la modération, s’attachant à rapprocher les partis adverses. Comme Henri IV, Louis XIII voulut l’attacher à la France, et le cardinal de Retz lui proposa d’être son coadjuteur ; mais François de Sales, très-attaché à son diocèse, refusa toutes les dignités qu’on lui proposa. Il était sur le point de se démettre de ses fonctions épiscopales pour vivre dans la retraite, lorsque, dans le cours d’un voyage, il mourut d’une attaque d’apoplexie à Lyon. François avait eu des relations avec les personnages les plus distingués de son temps et comptait saint Vincent de Paul au nombre de ses plus chers amis. Comme orateur sacré et comme écrivain, François de Sales se distinguait par un ascétisme que tempérait l’onction, la douceur, par un style plein de charme et d’originalité, et par les effusions d’un mysticisme qui se renfermait toutefois dans les limites de l’orthodoxie. Il fut canonisé en 1665 par Alexandre VII, et il est honoré par l’Église le 29 janvier. Ceux de ses ouvrages qui firent la plus grande sensation sont : l’Introduction à la vie dévote (1608), qui eut plus de quarante éditions et qui fut traduite dans toutes les langues, et le Traité de l’amour de Dieu. Ses Œuvres complètes, qui contiennent un grand nombre de lettres intéressantes, ont été publiées à Paris (1835, 16 vol. in-8o). En 1856, on a découvert au Mans quelques Lettres inédites de lui.

— Iconogr. La Vie symbolique du bienheureux François de Sales, par A. Gambart, publiée à Paris en 1664 (in-12), est ornée de cinquante-deux gravures d’Alb. Flamen. Des estampes retraçant la vie du même saint ont été gravées par F. Chauveau en 1657. D’autres gravures consacrées à saint François de Sales ont été exécutées par Charles Audran, Germain Audran (1683), Jean Audran, N. Bazin (d’après A. Dieu), A. Boudon, Gr. Huret, Michel Lasne, Jean Morin, etc. Gilbert Francart, élève de Rubens, a peint Saint François de Sales recevant les hommages des anges : ce tableau, exécuté en 1664, l’année qui a précédé celle où fut canonisé l’évêque de Genève, est placé au couvent de la Visitation de Dijon. D. Gabbiani a peint, pour l’église des Saints-Apôtres, de Florence, une composition analogue à celle de Francart, la Gloire de saint François de Sales. Un tableau de J. Amiconi, peint pour l’église de Notre-Dame-de-Consolation, à Venise, et qui a été gravé par Fr. Bartolozzi, représente Saint François de Sales terrassant l’hérésie. Plus récemment, Alexandre Hesse a peint, dans une chapelle de l’église Saint-Sulpice, à Paris, trois compositions remarquables relatives à saint François de Sales : nous leur consacrons ci-après un article spécial. Un autre artiste de talent, M. Jobbé-Duval, a exécuté, pour une chapelle de l’église Saint-Louis-en-1’lle, à Paris, deux peintures à la cire d’un coloris un peu lourd et d’un modelé un peu sec, mais d’une belle ordonnance : l’une représente saint François de Sales commençant, à Thonon, la conversion des protestants ; l’autre nous montre le même saint apportant des secours et des consolations à des paysans réduits à la misère par la chute des avalanches. Citons enfin un tableau de M. Loyer, exposé au Salon de 1864 : Saint François de Sales dans le Chablais.

François de Sales (LES ACTES et LA GLORIFICATION DE SAINT), peintures murales d’Alexandre Hesse (église Saint-Sulpice, à Paris). Ces peintures, qui décorent une chapelle dédiée au saint évêque de Genève, sont au nombre de trois : deux sont exécutées sur les parois verticales ; la troisième, qui représente la Glorification du saint, orne la voûte.

Sur l’une des parois verticales, l’artiste a peint la Prédication de saint François dans le Chablais. Le vénérable prélat est debout sur un petit roc, à l’ombre d’un arbre au tronc vigoureux ; d’une main, il tient un crucifix ; de l’autre, il montre le ciel. Devant lui, quinze à vingt paysans, vieillards et enfants, jeunes hommes et jeunes femmes, les uns debout, les autres assis, d’autres agenouillés ou même prosternés, l’écoutent avec une expression de recueillement et de foi naïve. Les physionomies de ces auditeurs rustiques sont pour la plupart très-vraies, très-heureusement rendues. Quelques attitudes semblent un peu exagérées, par exemple celle d’un paysan qui s’est jeté la face contre terre, et celle d’une jeune fille qui embrasse le roc avec ses deux bras convulsivement levés. D’autres figures manquent un peu de la gravité du style religieux. « M. Alexandre Hesse, a dit M. Fournel, s’est préoccupé du pittoresque un peu plus qu’il n’était nécessaire en pareil sujet. Qu’il se soit attaché à la variété des groupes, des personnages, des attitudes, des costumes, je le conçois, et il le devait. Cette mère qui tient son poupon dans ses bras ; ce mendiant caduc, couvert d’un sayon de poil de chèvre, la gourde pendue au côté et les pieds enveloppés de bandelettes ; cette vieille au capuce jaunâtre ; cet homme à la tête intelligente qui écoute, drapé dans son manteau et adossé à un arbre, tout cela diversifie heureusement la scène et forme autant d’épisodes étroitement liés au sujet ; mais le bout de l’oreille du peintre de genre passe dans quelques détails anecdotiques ou familiers, assez peu d’accord avec la sévérité du grand style religieux : tels sont ce voyageur qui s’est arrêté, en passant, avec son paquet suspendu sur l’épaule au bout d’un bâton, et, à l’arrière-plan, près d’une chaumière en ruine, cette paysanne qu’on voit arrivant, un pot sur la tête, comme la Perrette de La Fontaine. Mais ce ne sont là que des détails perdus dans l’ensemble et qui enlèvent peu de chose à la sérieuse valeur de l’œuvre. »

La composition qui fait vis-à-vis à celle que nous venons de décrire nous montre Saint François de Sales remettant à sainte Françoise de Chantal les constitutions de l’ordre de la Visitation. Vêtu de ses insignes épiscopaux, debout sur les marches d’un autel, au milieu de ses diacres, le prélat présente à la sainte, agenouillée devant lui, le livre qui contient la règle du nouvel ordre. Deux autres religieuses sont également à genoux et prient derrière leur mère. Le reste de la composition est rempli, à gauche, par des prêtres et des moines, à droite, par une foule pressée de seigneurs et de grandes dames. En haut, le ciel s’est ouvert, et on entrevoit dans une gloire la Vierge tenant entre ses bras l’enfant Jésus à qui saint Augustin montre la pieuse cérémonie. Suivant M. Fournel, cette peinture est d’un coloris moins séduisant que la précédente ; elle n’en a pas la souplesse, l’aisance, la légèreté lumineuse ; le dessin est parfois contourné, et le maniérisme apparaît ça et là.

Le plafond représente le saint s’élevant au ciel, guidé par un ange qui le tient par la main, et entouré d’autres anges dont l’un porte sa crosse et sa mitre, l’autre son Introduction à la vie dévote. Cette composition se distingue par la simplicité de son ordonnance et l’élévation du style.