Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FRANÇOIS V, ex-duc de Modène, fils du précédent et de Marie-Béatrix de Savoie

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 775-776).

FRANÇOIS V, ex-duc de Modène, fils du précédent et de Marie-Béatrix de Savoie, né à Modène le 1erjuin 1819. Il succéda à son père le 21 janvier 1846. Précédemment déjà (30 mars 1842), le jeune prince avait épousé la princesse Aldegonde de Bavière. Peu après son avènement au trône, il donna l’aînée de ses sœurs au comte de Chambord, et la seconde à don Juan d’Espagne. Le règne de François V fut une pâle copie de celui de François IV. La même loi suprême, c’est-à-dire l’arbitraire le plus effréné, continua de régir Modène. Les arrêts de la justice n’étaient comptés pour rien, et le duc les corrigeait à son gré par des rescrits.

Cependant le réveil de l’Italie approchait, et les premiers symptômes éclataient de toutes parts. François V aurait pu consolider à jamais son trône en acceptant les ouvertures de Pie IX relatives à la ligue douanière entre les États italiens ; mais, au contraire, le jeune prince les repoussa avec défiance et se serra de plus en plus contre l’Autriche. Quelque temps après, Metternich lui dictait cet étrange traité qui faisait de Modène une province autrichienne et de son duc un simple proconsul. Le 20 décembre 1847, l’armée autrichienne venait prendre possession du duché. Quelques mois plus tard, à la nouvelle des constitutions qui étaient proclamées dans toute l’Italie, le jeune prince, conseillé par son oncle l’archiduc Ferdinand, qu’on appelait à cette époque le bourreau de la Gallicie, refusa de pactiser avec le libéralisme. Puis, amené malgré lui à quelques concessions insignifiantes qui ne firent qu’exciter les esprits, le duc partit au milieu du mécontentement général. Cependant, sous l’influence d’un honnête homme, le président Scozia, le duc, en quittant ses États, délia les troupes du serment de fidélité, accorda une amnistie complète et laissa le pouvoir à une régence chargée de donner au pays un statut semblable à celui du Piémont. La révolution fut, comme dans toute l’Italie, modérée et honnête ; et lorsque le 10 août 1848, le duc put rentrer à Modène, il retrouva tout à sa place, jusqu’à une montre qu’il avait oubliée dans sa chambre. Pendant l’intervalle qui s’écoula entre l’armistice de Milan et la bataille de Novare, le duc, complètement incertain de l’avenir, cherchait à ménager les libéraux par de mensongères promesses de constitution, tandis qu’il faisait désarmer la garde nationale. Il réorganisa quelque peu son gouvernement, s’assigna une modeste liste civile de 600,000 fr. et établit quatre ministères sous les noms de ministères de l’intérieur, des finances, de la justice et des affaires ecclésiastiques, et de buon governo, c’est-à-dire de la police. Après la bataille de Novare (avril 1849), ses troupes rentrèrent en possession des provinces situées en deçà des Apennins (Massa et Carrare), et s’y livrèrent à de honteux et sanglants excès. En même temps, comme François V n’avait plus peur de la révolution, il proscrivit sans se gêner. Il rappela les jésuites (1850) et confia le jugement des délits politiques à des commissions militaires qui, sur 518 individus jugés, en condamnèrent 470. Ces conseils de guerre étaient formés d’Autrichiens, mais tout le sang versé doit retomber sur la tête du prince, qui ordonnait les exécutions. Pourtant François V consentit à la publication de quelques bonnes lois et de codes plus modernes ; la confiscation des biens fut un peu adoucie. La politique extérieure de François V n’était pas moins tranchée que son administration. Auteur, dès sa jeunesse, d’un plan d’invasion de la France, il refusa toujours de reconnaître Napoléon III, dans l’espoir de voir arriver au trône son beau-frère, le comte de Chambord. Le 11 juin 1859, il partit, poursuivi par la haine de tous ses sujets. Retiré avec ses troupes dans les pays autrichiens, il assista à la bataille de Solferino. Depuis, il a lancé de bruyantes protestations contre la réunion de ses anciens États à l’Italie. Il n’a pas d’enfants, et son frère, l’archiduc Ferdinand, n’a qu’une fille.