Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/IRLANDE, une des îles britanniques et un des trois royaumes qui forment le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 2p. 794-797).

IRLANDE, en latin Hibernia, lernis, Juvernia, Scotia major ; en anglais, Ireland, en irlandais, Erin, c’est-à-dire île verte, une des îles britanniques et un des trois royaumes qui forment le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande ; par 51° 15’et 550 15’ de lat. N., et 7° 43’ 12" 50’ do long. O. Le canal du Nord, la mer d’Irlande et le canal Saint-Georges, qui la séparent de l’Angleterre, la limitent au N.-E., à l’E. et au S.-E. L’Atlantique baigne les autres côtés de l’Irlande. On évalue sa superficie à 52,300 kilom. carr. L’Ile mesure 450 kilom. du N. au S., et 2S0 kilom. de l’E. À l’O. Population : 1,100,000 hab. en 1672 ; 2,099,094 en 1712 ; 2,845,932 en 17S5 ; 5,395,466 en 1805 ; 6,801,127 en 1831 ; 7,767,401 en 1S31 ; 8,175,121 en 18-41 ; 5,557,196 en 1867. Capitale, Dublin ; villes principales : Limerick, Cork, etc.

Le mot Irlande vient de l’anglo-saxon Ireland, Iratand, Scandinave Irland, c’est-à-dire le pays des Ires. Selon M. Pictet, le mot Irlande ne signifierait autre chose que pays des Ires, des Eres ou pays des Aryas, c’est-à-dire des hommes nobles, des guerriers, des héros. Ce fait, que le nom des Aryas, le plus ancien sans contredit des branches orientales de la famille, se retrouve aussi chez le peuple qui en forme la limite extrême à l’Occident, luit qui semble établi par M. Pictet, avec toute-l’évidence que comportent de semblables recherches, dans un savant article sur le nom originaire de l’Irlande, publié par la Revue de philologie comparée de Duhn et Schleicher, ce fait, disons-nous, est une forte raison de croire que le nom Arya a été celui de la race dans son unité primitive. Des indices de plus d’un genre, tirés, soit des langues, soit des données géographiques, tendent à montrer que les Celtes, et en particulier le rameau gaélique, ont été les premiers éinigrants vers les contrées lointaines de l’Europe. Cela peut expliquer comment seuls ils auraient emporté avec eux l’antiquo dénomination de la race que d’autres peut-être avaient déjà perdue avant de quitter l’Asie.

Aspect général. Orographie. La surface du so ! de l’Irlande présente une agréable succession de plaines et de collines ; mais ces dernières, généralement basses, se transforment rarement en crêtes de montagnes. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte géologique de l’Irlande pour se convaincre, selon les termes du rapport des commissaires du chemin de fer, « que la surface de cette île présente une vaste étendue de couches calcaires qui, occupant ses parties centrales, sont bordées le long des côtes par des chaînes de montagnes consistant principalement en roches primitives, et que ces chaînes de montagnes ne forment pas un système continu et ininterrompu, et ne se composent pas de roches analogues, mais que chacune d’elles a son caractère particulier et diffère des autres par la nature des terrains. » La plus grande partie des meilleures terres de l’Ile est comprise dans la grande plaine calcaire qui s’étend sans solution de continuité de la mer d’Irlande à Dublin, jusqu’à l’Atlantique à Galway, et qui envoie de nombreuses ramifications dans toutes les autres directions.

« La surface de l’Irlande a été comparée, dit M. Esqutros, à une plaine onduleuse, s’élevant dans quelques parties à une hauteur considérable, descendant, au contraire, dans d’autres, assez bas pour donner naissance à de vastes marais. Ses paysages se distinguent par la fraîcheur de leur végétation ; aussi l’a-t-on surnommée la verte Erin ou l’Ile d’Emeraude ; mais, en général, il ne faut pas lui demander la grandeur. Plus de la moitié de l’île consiste en terres arables ; un sixième est couvert de plantations ; le reste est occupé par les habitations, les marécages ou les eaux. ■ Il n’y a donc point de montagnes proprement dite3 ; toutefois, quelques collines atteignent une assez grande élévation. Les plus remarquables sont : Carrantual Màgilticuddy Reeks-Kerry, 1037 mètres ; Luynaguilla-Wicletow, 923 mètres ; Slieve Donard, Afourne Mautuins-Down, 819 mètres ; MulreaMayo, 816 mètres ; Comeragh- Waterford, 761 mètres ; Erriyal-Donégal, 748 mètres. Les promontoires et les golfes des côtes offrent un aspect très-pi tteïesque.

Hydrographie ; côtes. Les principales rivières de l’Irlande sont : te Shannon, qui traverséune grande partie de l’Ile dans la direction du N. À l’Û. ; le Bandon, la Lee, le blackwater, la Sure, la Liffy, la Boyne et lo Banu. Le Shannon est navigable sur une grande partie de son cours.

Il n’y a pas en Europe de contrée comprenant, toute proportion gardée, autant de lacs d’eau douce que l’Irlande. Ils se désignent par le nom général de Lottghs. Les plus étendus de ces lacs sont : le Lough-Erne, un N.-O., consistant en deux bassins et, d’une longueur d’environ 35 kilom. ; le Lough-Meagh au N.-E., le Lough-Corrib, les trois lacs de Killarney, dont les rives offrent des paysages si curieux et si pittoresques, et le lue Mucros au S. L’Irlande renferme aussi quelques lacs d’eau salée, parmi lesquels il faut citer le Lough-Conn, ou baie de Strangford, à l’E., le Lough-Foyle et le Lough-Swilly, au N. Le canal le plus important de l’Irlande est celui qui relie Dublin au Shannon. La fertilité du sol est diminuée par de "vastes marécages (boys), qui se divisent en marais à herbages et en marais fangeux et inaccessibles. En été, les troupeaux vont paîtro sur une grande partie des premiers, tandis que les seconds sont couverts de joncs et de tourbières. Contrairement aux marais de l’Angleterre, qui sont plats et unis, les marais de l’Irlande forment parfois comme un soulèvement du sol.

Les côtes de l’Irlande présentent un développement de 3,540 kilom. À l’O., elles s’inclinent en pentes douces, tandis qu’à l’E. et au S. elles sont abruptes et profondément échancrées par des golfes, des baies et des promontoires. D’énormes roches basaltiques entourent la partie septentrionale. Sur certains points, notamment à la Chaussée

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des Géants et au cap Pleaskin, ces roches font saillie dans la mer et forment comme des espèces de colonnades fantastiques. Ces côtes offrent peu d’îles, et aucune d’elles n’a une importance considérable. Nous signalerons : Bear Island’, Valentia, North et South Arran, Innisbafin, Clare, Achill, Aranmore, Rathlin et Lambay. Mais, comme nous l’avons déjà dit, les côtes sont profondément découpées, surtout dans la partie occidentale. Les principaux golfes qu’elles présentent sont ceux de Foyle, de Swilly, deMulroy, de Donégal, de Sligo, de Killala, de Broad-Haven, de Black-Lod, de New-Port de Galway, de Shannon, deTralee, deDingle, de Carlingford, de Strangford et de Belfast. Parmi ces golfes, les uns ne communiquent avec la mer que par un étroit canal, plusieurs forment d’excellents ports. On n’en compte pas moins de soixante-dix dans le circuit de toute l’Irlande.

Quant aux promontoires qui hérissent les côtes de l’Irlande, nous mentionnerons : au N., les caps de Bloody, Foreland, liorn, Fannet, Molin, Innishowen, Bengore et Fuir ; à l’E., Clogher, Howth, Bray, Wicklow, Greenore etCarnsore ; au S-, Bagenloun, Hook, Hclwick, Mine, Ardmore, Blackball, Gally et Mizen ; à l’O., Sheep, Crow, Cod, Bolus, Bren, Dunmore, Sybil, Brandon, Kerry, Loop, Hag, Black, Slyne, Achill, Erris, Benwee, Downpatrick, Rathlee, Knoeklane, Slievh Leagen, Teelin et Glen.

Climat. Le climat de l’Irlande est plus tempéré que celui de l’Angleterre ; les étés n’y sont pas aussi chauds ni les hivers aussi froids ; toutefois, il y tombe une bien plus grande quantité de pluie. « Les Irlandais, dit M. Emmanuel Domenech, vantent beaucoup la beauté de leur île et de son climat ; je crois qu’ils flattent l’un et l’autre. Le paysage, en général, est rempli d’attraits, mais le climat est détestable, ou du moins très-humide. Il n’est pas étonnant que l’Irlande soit mal ou peu connue ; on ne peut l’apercevoir les deux tiers de l’année qu’à travers l’épaisseur d’un parapluie... Il m’est arrivé pendant quinze jours de me dire tous les soirs en me couchant : Demain je verrai la campagne sous un bel aspect ; toute l’eau du ciel a dû tomber sur la terre aujourd’hui. Mais, hélas ! la prodigieuse fécondité de l’atmosphère nationale paraissait tenir du miracle, et le lendemain le ciel semblait se fondre ; il laissait tomber de telles cascades, qu’on aurait dit que l’Océan déménageait et prenait la place des nuages. Le déluge universel n’est point un phénomène pour 1 Irlande, il y est en permanence. La terre y est si fréquemment arrosée que le soleil n’a guère le temps de dorer les moissons. Si les blés y mûrissent, cela doit être au clair de lune, par habitude, ou bien parce que c’est la destinée de toutes les choses d’ici-bas de jaunir en vieillissant. »

Agriculture. L’Irlande est loin d’être, sous le rapport agricole, comme sous beaucoup d’autres, dans une situation aussi florissante que l’Écosse et l’Angleterre. C’est cependant, dans son ensemble, la plus fertile des deux îles. Sur ses huit millions d’hectares, deux sont couverts par les rochers, les lacs et les marais ; deux autres sont formés de terres médiocres ; le reste, c’est-à-dire lu moitié, est en terre grasse, à sous-sol calcaire, d’une prodigieuse fertilité. Aucun pays, en outre, n’a été plus heureusement doté par le ciel pour la navigation tant intérieure qu’extérieure. Sa configuration ne se prête pas moins aux voies de communication par terre. Malgré ces dons naturels, la misère du peuple irlandais est proverbiale. Tout le inonde sait par quelles causes l’Irlande est restée si longtemps en arrière de l’âpre Écosse et de la verdoyante Angleterre. Conquise par sa voisine, elle s’est soulevée à plusieurs reprises, et chaque fois elle a été domptée à nouveau avec d’épouvantables violences. Son sol presque tout entier a été confisqué sur les propriétaires indigènes et donné à des Anglais qui l’ont exploité de loin. Ces propriétaires étrangers louaient leurs domaines a de grands entrepreneurs qui sous-louaient à des intermédiaires. Ceux-ci sous-louaient à leur tour à des cultivateurs du pays. Ce système avait divisé le sol à l’infini ; on y comptait, en 1847, 300,000 fermes au-dessous de 2 hectares ; 250,000 de 2 à 6 hectares ; 80,000 de 6 à 18 hectares ; 50,000 seulement avaient au delà de 12 hectares. Ce peuple de petits cultivateurs vivait misérablement, se livrant principalement à la culture de la pomme de terre. Cette plante ayant été la proie de !a maladie en 1846, il s’ensuivit une horrible famine qui enleva un huitième de la population et en fit émigrer en Amérique un autre huitième. Le gouvernement anglais fit alors vendre aux enchères, par une mesure spéciale, les terres les plus endettées. Depuis cette mesure, la face de l’Irlande est changée ; les substitutions perpétuelles qui grevaient la propriété ayant enfin cessé, les trop petites fermes ont été supprimées et les cultures épuisantes ramenées à de plus justes proportions. Encore quelques années, et cette lie si favorisée par la nature pourra devenir aussi prospère que l’Angleterre.

En général, les terres d’Irlande sont exploitées par des fermiers ; quelquefois des baux de 21, 31 ou 61 ans sont consentis. Les prix de vente des terres libres de toute charge

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représentent un capital donnant 3 à 5 pour 100 par le fermage. Les héritages sont communément substitués et se transmettent habituellement au fils aîné. Les cultivateurs j-ossèdent rarement des capitaux suffisants pour améliorer ou exploiter leurs terres. Les petits fermiers trouvent peu de crédit. L’émigration et la diminution de la population ont notablement élevé les salaires des journaliers depuis quelques années ; mais le nombre des ouvriers ruraux reste au-dessus des besoins de la culture, parce que le pays n’offre guère d’autre ressource que les travaux des champs.

L’Irlande produit beaucoup de laine, de beurre et de lait, presque pas de fromage, et une grande quantité d’œufs et de volailles. Le froment est cultivé sur 300,000 acres, le seigle sur 10,000, l’orge sur 150,000 et l’avoine sur 1,698,000. On ne cultive pas la maïs et très-peu le sarrasin. Les pommes de terre sont cultivées sur 1,050,000 acres, les légumes secs sur 15,000, les légumes frais sur 63,000, les betteraves sur 20,000, le chanvre et le lin sur 63,000. On voit peu ou point de plantes oléagineuses, de tabac et de houblon. La culture du fin s’est beaucoup développée par suite de la demande des manufactures du nord de l’Irlande. On ne fabrique pas de Sucre indigène ; mais l’alcool indigène est un produit très-important, quoiqu’il ait diminué à cause de l’élévation des droits d’accise, qui se sont élevés en 1860 à 10 schellings par gallon.

Il a été construit beaucoup de chemins de fer depuis vingt ans. La plupart des routes sont depuis longtemps bien entretenues, L’État ne perçoit aucun impôt spécial sur le sol ni sur ses produits. Les taxes locales sur la propriété foncière sont la taxe des pauvres, la taxe du comté et la dime. La quotité moyenne de la taxe des pauvres est d’environ 1 schelling par livre sterling, soit 5 pour 100 de l’évaluation de la location. Cet impôt a produit, en 1864, 596,455 liv. sterl. La taxe du comté est destinée à l’entretien des routes, ponts, etc., aux frais de justice, prisons, police, hôpitaux, travaux publics, etc. Elle a produit, en 1864, 1,060,401 liv. sterl. Ces deux derniers impôts sont payés par le fermier. Le propriétaire du sol paye la dîme, qui a rapporté 300,000 liv. sterl. en 1864. Les droits d’enregistrement sur les actes de vente, baux, etc., varient selon la nature de l’acte et s’acquittent au moyen de timbres. Les droits de mutation sont de 5 schellings pour une valeur au-dessous de 500 liv. sterl., de 10 au-dessous de 1,000, et de 2 sohellings 6 pence pour chaque livre sterling en sus ; mais ces transmissions de propriété donnent lieu à une foule d’autres formalités très-coûteuses et toutes soumises à des taxes diverses. La bière, la drèche et les spiritueux sont soumis à un impôt à la fabrication. Les producteurs payent en outre une licence. Il n’y a pas de droits sur les sels et pas d’octroi. L’impôt sur la fabrication des spiritueux a produit, en 1865, 2,468,650 liv. sterl., la drèche 340,000 liv. sterl. L’assiette de l’impôt sur les spiritueux est de 10 schellings par gallon.

La flore et la faune de l’Irlande sont à peu près les mêmes que celles des autres pays de l’Europe situés sous la même latitude ; seulement, en Irlande comme en Angleterre, on ne trouve plus d’animaux dangereux.

Le granit forme la base des montagnes de l’Irlande. On y trouve, en outre, différentes espèces de pierres calcaires, du marbre (le plus beau est extrait dans le comté de Kilkenny), du basalte, du jaspe, des améthystes et autres pierres précieuses. Un torrent du comté de Wicklow roule de l’or natif. L’Irlande possède des mines d’argent et de plomb. Les mines de plomb sont seules exploitées de nos jours. Les mines d’argent furent abandonnées au xvue siècle. Le cuivre et le fer sont communs. Diverses parties de l’île renferment des mines de houille. Celle de Castle - Coomer, dans le comté de

PROVINCES. COMTÉS.

/ Wexford

Kilkenny

Carlow

Wicklow

Kildare

Queen’s-County....

King’s-County

West-Meath

Longford

Meath ou East-Meath.

Dublin

Louth

Antrim

Down

Arinagh

Tj’rone

Londonderry

Monaghan

Cavan ’....

Fermanagh

Donégal

Sligo

Mayo

Guhvay

Roseommon

Leitrim

Clare

Limerick

Kerry

Cork

Waterford

Tipperary

Leinster.

Ulster.

Connaught.

Munster’.

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Leinster, est la plus productive, mais elle est trop éloignée des ports de mer et ne suffil pas aux besoins de la consommation. Les tourbières couvrent une partie considérable de la superficie du pays. Jadis, le sol de l’Irlande était en partie couvert d’immenses forêts. Il n’en subsiste plus que de rares débris, parce que, depuis la conquête de l’île par les Anglais, elles ont été défrichées ou dévastées.

Industrie, commerce, voies de com.itunication. Les troubles politiques et la rivalité écrasante de l’Angleterre ont de tout temps été un obstacle au développement de l’activité industrielle de l’Irlande ; très-certainement, sans ces entraves, cette activité, qui se manifesta de bonne heure, serait aujourd’hui arrivée à un haut degré d importance. C’est surtout dans la fabrication des tissus que l’Irlande acquit une grande célébrité, ijous le règne de Henri VIII, elle était moins renommée par ses toiles que par ses tissus de laine. Mais sous celui de Guillaume III, dans ie but de ruiner, au profit de l’Angleterre, cette industrie, l’exportation des lainages irlandais à l’étranger fut prohibée, et l’importation de l’Angleterre ne put se faire qu’au moyen de droits énormes. Alors l’activité des habitants se porta principalement sur la fabrication des toile3 et du fil. Le montant des exportations de cette branche d’industrie est évalué à 110 millions de francs. Les manufactures de colon n’y ont pas atteint la même importance ; toutefois, depuis le siècle dernier, elles ont suivi une progression constante, et l’on évalue à 2,600,000 kilogrammes le poids du coton qu’elles emploient. Depuis que les entraves qui ruinèrent les fabriques de laine ont cessé d exister, les habitants de l’Irlande se sont adonnés à la fabrication des grosses étoffes ; actuellement, le pays en exporte environ 800,000 mètres par an. Les fabriques do soieries consomment annuellement 1G0,000 livres de matières premières. Les distilleries produisent 480,000 hectolitres d’eau-de-vio, et la brasserie est une industrie qui tend à se généraliser de plus en plus. Grâce à la navigation à vapeur, le commerce irlandais a fait de notables progrès depuis le commencement de ce siècle. En 1816, il n’existait pas encore, en Irlande, un seul bateau à vapeur, tandis qu’en 1865 on n’en comptait pas moins de 161, jaugeant ensemble 293,728 tonneaux. Les céréales, les farines, les bestiaux, la viande salée et le beurre sont les principaux aliments de l’exportation pour l’Angleterre et l’Écosse. Les importations de la Grande-Bretagne consistent surtout en fer, en articles de grosse quincaillerie, en houille, en denrées coloniales, en bière et en produits manufactures. L’Irlande fait un commerce considérable avec la France et l’Amérique du Nord, où elle trouve surtout un vaste débouché pour ses toiles. Sans comprendre tes bâtiments employés au petit cabotage, elle possédait, le 1er juin iges : 2,055 navires à voiles, d’un tonnage total de 333,753 tonnes- ; plus, les 161 bâtiments a vapeur mentionnés ci-dessus. Le commerce est favorisé par de nombreux établissements de crédit, tels que succursales de la Banque d’Angleterre, banques particulières, comptoirs, etc., et par de nombreuses voies do communication.

L’Irlande est partout sillonnée par de belles routes, même dans ses parties les plus pauvres. Trois chemins de 1er partent de Dublin : 1" celui du Nord, pour Drogheda, Dundalk, Newry et Belfast, avec embranchement de Dundalk sur Enniskillen, Omagh, Liffard et Londonderry ; 2° celui de l’Ouest, pour Mullingar, Athlone, Ballinasloe et Galway ; 3° celui du Sud-Ouest, pour Kildare, Maryborough, Mallow, Cork, Waterford et Limerick.

Divisions administratives. L’Irlande est partagée en quatre provinces ecclésiastiques : le Leinster ou Lagénie à l’E., l’Ulster ou Ultouie au N., le Connaught ou Connacie à l’O., et le Munster ou Moinunie au S. Ces quatre provinces se subdivisent elles-mêmes en 3 ? comtés :

CHEFS-LIEUX. Wexford. Kilkenny. Carlow. Wicklow. Kindare. Maryborough. Tullumore. Mullinger. Longford, Trim. Dublin.

..... Dundalk. Belfast. Down-Patrick. Armagh.

...’.. Omngn. Londonderry. Monaghan. Cavan. Enniskillen. Donégal. Sligo. Castlebar. Galway. lloscommon. Carrick-on-Shannon. Ennis. Limerick. Tralee. Cork. Waterford. Tipperary. Gouvernement. Le pouvoir exécutif en Irlande est confié à un lord-lieutenant ou vice-roi, et, en son absence, aux lords justiciers. Un conseil privé, nommé par le souverain, et un secrétaire général, qui est membre de la Chambre des communes, assistent le lord-lieutenant, dont la résidence est à Dublin. A moins d’un changement de ministère, c’est-à-dire de politique, le lord-lieutenant exerce ses fonctions pendant cinq années consécutives. Le secrétaire général partage toujours la fortune des ministres ; élevé par eux, il tombe avec eux. Les autres fonctionnaires principaux sont l'attorney gênerai et le sollicitor gênerai.

Vingt-huit pairs temporels et quatre pairs ecclésiastiques représentent l’Irlande au Parlement-Uni. Les pairs temporels sont élus

pour toute leur vie par tous les pairs irlandais. Les quatre pairs ecclésiastiques siègent à tour de rôle d’après une rotation annuelle. Depuis le bill de Réforme, l’Irlande envoie 105 membres a la Chambre des communes. 64 de ces 105 députés sont élus par les comtés, 39 par les cités et les bourgs, 2 par l’université de Dublin. Le droit électoral s’acquiert comme en Angleterre.

Administration de la justice ; force publique- L’autorité judiciaire est exercée en Irlande par le lord chancelier, le maître des rôles et douze juges. La cour supérieure composée par ces quatorze dignitaires se divise en quatre cours : 1° la cour de chancellerie (court of chancery) ; 2» la cour du banc du roi ou de la reine (court of king’s bench or queen’s bench) ; 3° la cour des plaids communs (common pleas), et la cour de l’échiquier (exchequer). Chaque cour est composée de quatre juges, L’Irlande est divisée, en outre, pour l’administration de la justice, en six districts, que deux des juges parcourent deux fois chaque année, afin d’y juger les causes civiles et i criminelles. Les juges des cours spéciales appelées cours de prérogatives, de l’amirauté et ’ consistoriales, sont des avocats qui exercent leur profession quand ils ne siègent pas ; mais les juges de la cour des débiteurs insolvables et de la cour des banqueroutes ne peuvent pas pratiquer. Ce sont aussi des barrislers (avocats) qui président les cours des sessions trimestrielles composées des magistrats des comtés. Les petty sessions se tiennent toutes les semaines ou au moins tous les quinze jours dans chaque district. La présence de deux magistrats au moins est exigée pour que leurs décisions soient valables. Chaque bourg érigé en corporation a un juge ou recorder et des magistrats locaux nommés par la corporation, et plusieurs seigneuries possèdent d’autres cours présidées par un sénéchal dont la nomination appartient au seigneur. Le maintien de la paix publique dans les comtés est confié a un lord-lieutenant, assisté d’un certain nombre de fonctionnaires, tous nommés par la couronne. La police, en temps ordinaire, se compose d’environ 9,000 agents, placés sous les ordres d’un inspecteur général, aidé de quatre inspecteurs provinciaux. La force militaire s’élève, en Irlande, à environ 16,000 hommes, placés sous les ordres d’un commandant général auquel obéissent cinq officiers généraux, chargés du commandement particulier des cinq districts militaires de l’île.

Divisions ecclésiastiques. Sous le rapport ecclésiastique, le pays est divisé en quatre provinces ; Armagh, Dublin, Cashel et Tuam,

Gouvernées chacune par un archevêque de Église anglicane ; le nombre des évoques suffragants est de 18. L’Église anglicane, qui compte tout au plus 500,000 fidèles, est desservie par un clergé dont le personnel atteint le chiffre de 1,700 individus. Les catholiques forment au moins les trois quarts de la population totale. L’Église catholique est gouvernée par un archevêque et plusieurs évoques. Le nombre des prêtres catholiques s’élève à 2,000. On trouve aussi 800,000 presbytériens trinitaires ou unitaires ; des méthodistes, qui forment 27 congrégations ; des quakers, des moraves, etc.

Instruction publique. Le premier établissement d’instruction publique est, en Irlande, l’université de Trinity Collège ; en outre, l’université de la Reine (Queen’s University), comprenant des collèges à Belfast, à Cork et à Galway, a été fondée en 1845. Ces deux universités distribuent l’enseignement aux élèves, sans distinction de croyances religieuses. Il existe aussi plusieurs collèges catholiques, dont les plus importants sont ceux de Maynooth, de Dublin et de Tuam. Les écoles nationales, répandues dans tout le pays, se chargent de l’enseignement primaire. Divers rapports publics, rédigés, soit par le gouvernement anglais, soit par les journaux, constatent que 1 instruction a fait de grands progrès en Irlande dans ces dernières années. « Si on juge de l’instruction des écoles par les livres d’éducation, dit un voyageur contemporain, elle est certainement très-bien dirigée et nourrie de notions qui peuvent développer les germes heureux qu’annonce la physionomie intelligente de presque tous les enfants en Irlande. Outre les traités d’arithmétique et da géométrie usuelles, ce sont des éléments d’histoire, de géographie, de physique et de géologie, de physiologie végétale et animale, d’histoire naturelle et de chimie, etc. ; des morceaux littéraires empruntés aux poëtes et aux pro-

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-sateurs, espèces de leçons de littérature morale. Les salles d’école ne sont plus des taudis humides, malsains, puants ; les murailles y parlent, comme dans les écoles d’Angleterre, par des sentences morales et pieuses, inscrites en gros caractères typographiques. »

a Les maîtres d’école du système national, dit M. Amédée Pichot (l'Irlande et le pays de Galles), ne sont plus ces magisters catholiques qui bravaient la proscription pour ne pas mourir de faim, mais croyaient faire du patriotisme irlandais en vantant aux enfants les exploits dos bandits, ou faire du catholicisme orthodoxe en entretenant la superstition, trop dépendants, d’ailleurs, des prêtres, qui les recommandaient à leurs ouailles, et des parents, qui leur donnaient leur salaire comme aumône. Ce ne sont plus ces magisters protestants aux gages d un titulaire cumulard, qui martyrisaient le corps des petits catholiques pour mieux assouplir leur intelligence. Leur nomination appartient aux comités locaux et aux patrons des écoles, qui ne les acceptent qu’après les épreuves faites de leur moralité et de leur capacité. Déjà, d’ailleurs, les écoles normales {training schools), fondées en mémo temps que les écoles élémentaires, produisent d excellents sujets. Ces écoles normales sont la base la plus solide de la nouvelle institution. »

Les écoles primaires, ou écoles nationales, ont pris, depuis leur fondation, des développements considérables, ainsi qu’on peut en juger par ce tableau officiel :

Numéro et date Nombre Nombre des du rapport. des écoles, enfants enregistrés.

1 31 déc. 1833 789 107,042

2 31 mars 1S3Ô 1,106 145,523

3 — 1830 1,181 153,707

4 — 1837 1,300 100,029

5 — 1838 1,344 109,546

6 31 dèc. 1839 1,581 192,971

7 — 1840 1,978 232,500

8 — 1841 2,337 281,849

9 — 1842 2,721 319,792

10 — 1843 2,912 355,320

11 — 1S44 3,159 395,550

12 — 1S45 3,426 432,844

13 — 1S4Û 3,700 440,601

14 — 1847 4,088 444,000

Ajoutons que, depuis 1847, le nombre des écoles irlandaises s’est considérablement accru.

Histoire. L’Irlande était connue dans l’antiquité. Aristote, qui en fait mention, lui donne déjà le nom celtique d’Ierne. Selon Festus Avienus, géographe et poète latin, le Carthaginois Himilcon visita l’Irlande, appelée Sacra insula, et où les Carthaginois avaient des relations commerciales. Les Romains n’avaient sur l’Irlande que des notions fort obscures ; ils lui donnent le nom d’Hibernia. « Les vieilles traditions de l’Irlande sont obscures, dit un historien, et ses monuments, ses inscriptions sont muets. Quant aux histoires bardiques, les détails merveilleux et minutieux dont elles sont chargées leur ôtent toute apparence de vérité ; il faut donc rejeter leur témoignage, et s’en tenir à Tigernach et aux autres annalistes du moyen âge. Ces écrivains commencent leurs histoires 200 ans av. J.-C. »

Il est probable que les premiers habitants de l’Irlande furent des Celtes, qui, chassés de la Gaule et de la Bretagne par les conquêtes des Romains, vinrent y chercher un refuge, et y conservèrent leur nationalité dans toute sa pureté. « Les Celtes, ajoute l’auteur que nous avons cité plus haut, furent vaincus par les Firbolgs, peuplade issue de la grande famille gothique ; à leur tour, les Firbolgs subirent le joug des Thuatades-Danaans. L’origine de ces derniers est obscure : on croit qu’ils étaient du même sang que les Firbolgs. Enfin, l’Irlande vit descendre sur ses côtes la dernière tribu qui s’y établit, les Scots, guidés par les fils de Milésius. Les bardes disent que cette colonie venait de l’Espagne ; d’autres ont songé à une origine scythique, en dérivant Scotus du mot grec ΣχὐΘης. Ils ne tardèrent pas à dominer dans l’île, et la descendance de Milésius donna des rois à l’Irlande jusqu’à sa conquête par l’Angleterre. L’Irlande était divisée en six royaumes : celui de Tara, le plus petit, mais le plus fertile et dans une position centrale, était le siège du gouvernement suprême ; aussi, lorsqu’on dit roi d’Irlande, ne désigne-t-on que le roi de Tara. Les cinq autres royaumes étaient subdivisés en cinq fiefs chacun, et les possesseurs de ces fiefs s’appelaient aussi rois. Toutes les couronnes, tant celles des rois vassaux et arrière-vassaux que celle du roi suzerain, étaient héréditaires quant à la famille, mais électives quant à la personne. Du vivant de chaque roi, ses sujets procédaient à l’élection de son successeur, et ce roi futur, avec le titre de roydamna, possédait toujours le commandement en chef des troupes de son prince. Sous le nom de Fez de Tara, il y avait un parlement triennal. Ces institutions subirent de grandes modifications à diverses époques. L’an 200 av. J.-C, Kimbath régna sur l’Irlande ; son règne marque la première date avérée dans cette histoire. Parmi ses successeurs, on trouve Hugony le Grand ; mais on ne sait pas trop comment il mérita ce surnom flatteur. Puis, pendant deux siècles, les rois se succédèrent avec une rapidité effroyable. Les annalistes rapportent que, de trente-deux rois successifs, il n’y en eut que trois qui moururent dans leur lit ; les vingt-neuf autres furent assassinés ou tués sur le champ de bataille. Le règne de Crimthan (l’an 72 de J.-C) fut remarquable par les incursions que ce roi fit en Angleterre pour harceler les Romains, sous Agricola. Après la mort de Crimthan, une guerre civile mit la couronne sur la tête de l’usurpateur Carbrécat-Can ; il régna cinq ans. Après sa mort, son fils, Moran, avec une rare abnégation, céda le trône à Férédach, fils du feu roi Crimthan. Cormach-Lfadah (274) forma la Fianna-Eirin, ou milice d’Irlande ; il en confia le commandement à Fingal, le père du poète Ossian et le héros de ses chants. Sous le règne de ce roi, les annalistes commencent à marquer les dates, dans leurs ouvrages, en ajoutant à chaque règne un précis de l’histoire contemporaine des autres pays de l’Europe. Ce fait est presque incroyable à une époque si reculée.

Après Fingal, nous voyons les héros irlandais portant leurs armes jusque dans la Gaule, et Dathy (400), un de leurs chefs, frappé de la foudre sur le chemin de Rome. Vers l’an 430, le missionnaire Patrick, Écossais de naissance, vint prêcher l’Évangile aux Irlandais, et, en même temps, il leur apporta l’écriture et quelques éléments de connaissances scientifiques. Dès le VIe siècle, l’Irlande devint le foyer des sciences dans l’Occident. Cette civilisation monastique s’éteignit lorsque les pirates du Nord eurent envahi cette contrée riche et peuplée d’habitants laborieux. Aux invasions sans cesse repoussées succédèrent malheureusement les luttes intestines, et c’est à travers ces luttes que l’histoire franchit des siècles pour arriver à 1150, époque à laquelle un des rois irlandais, Dermot, souverain du Leinster, renversé de son trône, vint solliciter l’appui de Henri II, roi d’Angleterre. Ces premiers rapports d’un monarque irlandais avec l’Angleterre devaient amener la chute de la nationalité.

En 1156, une bulle du pape Adrien IV donna le royaume d’Irlande à Henri II, roi d’Angleterre ; treize ans après, les Anglais envahirent cette contrée pour la première fois. Le peuple irlandais, dont les forces étaient épuisées par la lutte contre les Normands et par les guerres intestines, trop religieux, du reste, pour mal accueillir un prince qui se présentait à lui avec un mandat solennel du souverain pontife, se laissa surprendre par une poignée d’aventuriers, et la conquête de l’île fut faite presque sans coup férir. Mais, bientôt après, une lutte terrible s’engagea entre les envahisseurs et la nation envahie ; cette lutte se prolongea pendant des siècles, et ne se termina que sous le règne de Henri VII. C’est la première phase ou la première époque de la domination anglaise en Irlande. La seconde époque comprend le drame religieux du XVIIe et du XVIIIe siècle ; elle commence à la Réformation, c’est-à-dire sous le règne de Henri VIII, et ne se termine que sous le règne de Guillaume III : c’est le long martyrologe de l’Irlande.

Devenue protestante, l’Angleterre ne voulut pas que l’Irlande restât catholique, et, pour arriver à son but, le gouvernement britannique employa tour à tour la persécution, la guerre, les confiscations en masse, l’expulsion des catholiques du sol irlandais et leur remplacement par des colons protestants. L’œuvre commencée par Henri VIII fut continuée par Élisabeth et ses successeurs. Sous Charles Ier, une réaction terrible eut lieu. En peu de temps, douze mille protestants anglicans ou presbytériens furent mis à mort par les Irlandais révoltés. Cromwell porta en Irlande une guerre d’extermination. Selon l’énergique expression de Tacite, le farouche puritain obtint la paix en créant la solitude. Après les exterminations de la guerre vinrent les exécutions de la justice. Mais, tout compte fait, il se trouva que les catholiques, en Irlande, étaient huit contre un protestant, « résultat décourageant, dit M. Gustave de Beaumont, pour les auteurs de tant de violences, qui, après s’être rués le fer à la main sur l’Irlande, après avoir massacré, dispersé, abattu tout ce qui se rencontrait sous leurs pas, voyaient se relever et reparaître, plus animée que jamais, cette fourmilière de catholiques, où il y avait eu bien des victimes, mais dont la masse, quoique foulée aux pieds, n’avait point été écrasée. » On refoula alors les catholiques dans la province de Connaught, et les trois quarts de l’île, devenus ainsi vacants, furent vendus ou donnés à des officiers, à des soldats et aux négociants qui avaient avancé des fonds pour soutenir la guerre. « L’Irlande, dit Villemain, devint un fonds sur lequel on acquitta toutes les créances que réclamaient les vainqueurs ; elle servit à combler la dette immense de la guerre civile et à satisfaire l’avidité de l’armée. » À la Restauration, les Irlandais, connaissant l’attachement de Charles II au catholicisme, eurent un moment d’espoir. « Mais Charles II, dit un historien, fut obligé de persécuter le catholicisme eu Irlande, et, s’il lui eût été favorable comme Jacques II, il fût tombé comma lui. Les catholiques Irlandais essayèrent vainement de soutenir le premier souverain de l’Angleterre qui ne les eût pas persécutés. Guillaume d’Orange, prince protestant, et choisi, en cette qualité, pour roi par l’aristocratie anglaise, passa en Irlande, et, le 14 juin 1690, remporta la fameuse bataille de la Boyne sur Jacques II, Le catholicisme irlandais paya cher l’audace qu’il avait eue de relever la tête. La persécution légale, telle est la troisième phase ou période de la domination anglaise en Irlande, qui s’étend de 1690 aux premières années du règne de Georges III. Après le traité de Limerick, qui suivit la bataille de la Boyne, et qui accordait aux catholiques le libre exercice de leur religion et la liberté d’émigrer, le parlement anglais exigea du parlement irlandais, qui jusqu’alors avait été indépendant, qu’il reconnût sa suprématie ; il s’attribua le droit d’imposer à l’Irlande toutes sortes de lois sans le concours de la législature irlandaise (excepté la loi des subsides), et celle-ci n’en put faire aucune pour l’Irlande elle-même sans l’approbation expresse ou tacite du parlement d’Angleterre. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le parlement anglais enjoignit au parlement irlandais de détruire les manufactures d’étoffes de laine, qui faisaient une redoutable concurrence à celles d’Angleterre, et le parlement irlandais s’empressa de ratifier cette résolution, qui contenait la ruine de l’Irlande.

Sous cet horrible régime, pendant lequel on vit cependant la population protestante décroître en même temps que s’accroissait la population catholique, la malheureuse Irlande, comprimée jusqu’à l’étouffement, ne donna signe de vie que par des convulsions momentanées ; telle fut en 1870 l’insurrection des white boys (enfants blancs) ou niveleurs, ainsi appelés parce qu’ils portaient des chemises blanches par-dessus leurs habits, en signe de reconnaissance, et parce que l’un de leurs principaux objets était la destruction et le nivellement des barrières placées autour des terres nouvellement encloses. Malgré sa puissante organisation, cette insurrection, amenée par l’extrême misère du peuple, resta sans résultats. En 1772, l’exemple donné par l’Amérique vint apprendre à l’Irlande qu’un peuple dépendant peut devenir libre, et à l’Angleterre qu’il est dangereux de refuser la liberté à qui peut la prendre. Cet enseignement, rendu plus sensible par l’insurrection des hearts of oak (cœurs de chêne), amena la réforme des lois pénales de l’Irlande (1778), et les améliorations matérielles qui vinrent bientôt s’y joindre. En même temps, un parti libéral se forma parmi les protestants. Le 19 juillet 1782, le parlement irlandais se déclara indépendant du parlement anglais, et proclama le principe qu’aucun pouvoir sur la terre n’a le droit de faire des lois obligatoires pour l’Irlande, si ce n’est le roi, les lords et les communes d’Irlande. Quoique exclusivement composé de protestants, ce parlement émancipé manifesta son indépendance par quelques actes favorables aux catholiques, qui obtinrent le droit d’acquérir, de disposer, de vendre, d’acheter, de posséder la propriété comme les protestants, d’avoir des chevaux valant plus de 5 l. st., d’être instituteurs, etc. Mais ce parlement était vénal ; il ne suffisait pas de le rendre libre de nom, il fallait encore changer le système électoral dont il émanait ; la corruption rendit bientôt illusoire l’indépendance du parlement irlandais, et l’on sait au juste le chiffre de ce que dépensa l’Angleterre pour ravir encore une fois à l’Irlande sa liberté légale. Cependant, quand éclata la Révolution française, l’Angleterre, effrayée des sympathies des Irlandais pour les patriotes français, accorda concessions sur concessions ; mais ces sympathies se traduisant par des complots contre la domination britannique, le cabinet anglais essaya de les comprimer par des mesures d’une atroce rigueur. En 1791, une société populaire s’organisa sous le nom d’Irlandais-Unis. Les vexations que cette société eut à subir de la part du parlement développèrent les germes d’insurrection qui fomentaient dans son sein. En 1796, une révolte éclata ; les chefs du parti populaire obtinrent des secours du Directoire de la république française ; un gouvernement provisoire s’installa même à Wexford sous le nom de Directoire exécutif de la république irlandaise ; mais le mouvement n’avait pas été simultané. Les insurrections de l’est et du sud de l’île étaient comprimées au moment où commença celle du nord, et déjà cette dernière était presque apaisée, lorsque le débarquement de 1,500 français, sous les ordres du général Humbert, vint apporter aux Irlandais un secours tardif. Toutes les troupes anglaises, après avoir triomphé sur différents points des paysans irlandais armés de piques et de bâtons, concentrèrent leurs forces pour attaquer les Français, qui furent battus et faits prisonniers. Un autre corps d’armée fort de 3,000 hommes, porté par un vaisseau de ligne et huit frégates sous les ordres du général Hardy, débarqua sur les côtes de l’Ulster, au nord de l’Irlande, à l’entrée du golfe Swilly, où, à la suite d’un combat naval terrible, soutenu contre les flottes anglaises, il lui fallut se rendre. Ces malheureuses tentatives d’invasion, dont quelques esprits attendaient la régénération de l’Irlande, ne furent pour celle-ci que la cause ou le prétexte de nouvelles et plus terribles invasions.

Cependant, en acceptant le pacte d’union, le peuple irlandais avait conçu l’espérance de trouver dans une constitution nouvelle les gages d’une prospérité durable. Il n’en fut rien. Ces espérances, les dernières, s’évanouirent à leur tour, et quatre ans après la signature du pacte d’union, un comité réformiste devait s’organiser pour lutter en faveur de l’émancipation des catholiques. Le chef et le fondateur de ce comité fut John Heogh, dont la popularité d’abord très-brillante s’est éclipsée devant l’éclat de celle du fougueux O’Connell. Cet homme, qui occupa pendant plusieurs années l’attention politique de l’Europe, personnifie l’Irlande contemporaine. La vie du célèbre tribun (v. O’Connell) s’est passée tout entière dans la lutte pour la défense de sa patrie.

Nous ne savons quel est l’avenir réservé à l’Irlande. Le gouvernement britannique paraît être entré franchement dans la voie des réformes libérales en faveur de ce pays si cruellement éprouvé. Le parlement s’occupe de la réorganisation de l’Église d’Irlande, et il est probable qu’il ne s’en tiendra pas là, pourvu que d’inopportunes tentatives des fénians ne viennent pas provoquer de nouvelles mesures de rigueur.

Langue. La langue irlandaise ■ appartient au rameau gaélique de la branche des langues celtiques. Par son extension, sa culture et l’ancienneté de ses monuments écrits, elle est de beaucoup le plus important des dialectes gaéliques. Ces monuments sont fort nombreux ; ils embrassent l’histoire, la philologie, la législation, la poésie ; la date peut en être fixée, pour la plupart, du xe au xive siècle ; quelques-uns même remontent très-probablement jusqu’au vno et au vie. On trouve, sur ce sujet, une mine très-riche de documents dans le bel ouvrage publié par le docteur O’Connor, aux frais du duc de Buckingham, et intitulé : Jierum hibernicarum scriptores veieres (1814-1826, 4 vol. in-4o). O’Connor est le premier qui ait porté, dans les études de l’ancienne Irlande, un esprit de critique sage et éclairée. Il y a peu de sujets historiques qui aient autant occupé les philologues et les antiquaires que celui des habitants primitifs de l’Irlande et de l’époque de leur premier établissement dans ce pays. On a composé sur ce sujet des vocabulaires volumineux, de savants ouvrages et des essais remplis d’érudition. Un auteur a réfuté ce qu’un autre avait avancé ; celui-ci a nié ce que celui-là s’était efforcé de démontrer, et le jour commence à peine à se faire sur une question discutée depuis des siècles. Les traditions nationales font venir de l’Espagne les premiers habitants, et les appellent Scuits, nom donné aujourd’hui exclusivement au peupie du nord de la Grande-Bretagne.

Les poëmes d’Amergin nous oifrent, selon toute probabilité, le fragment le plus ancien qui nous reste de la langue celtique. Ces poèmes remontent à deux siècles avant l’ère chrétienne et sont écrits dans une langue bien différente de la langue irlandaise de nos jours.

Mais, avec la connaissance du sanscrit, l’étude comparative des langues celtiques a été faite à un point de vue plus étendu, et les travaux des William Edwards, des Pritchard, des Pictet, des Diefenbach, des Zeus ont prouvé l’affinité de ces langues avec l’idiome antique des Aryas.

L’irlandais a cinq voyelles : a, e, t, o, a (ou), dont chacune est longue ou brève. La différence de quantité, indiquée par un accent aigu, détermine fréquemment le sens des mots. Ainsi, ban, avec un accent sur l’a, signifie blanc, et ban, sans accent, femme. La combinaison des voyelles entre elles a donné naissance a treize diphthongues et à cinq triphthongues. Les voyelles se distinguent en fortes et faibles (lénifiait et caol) ; a, o, a sont fortes, e, i sont faibles. Le nombre des signes alphabétiques adoptés pour les consonnes à l’état simple est de treize, savoir : 6, e ou k, d, f, g, h, l, m, n, p, r, s, t ; mais les mutations diverses dont la plupart de ces consonnes sont susceptibles font plus qu’en doubler le nombre. L’alphabet latin s’est trouvé insuffisant pour exprimer tous ces sons divers, et il a fallu recourir à divers moyens graphiques pour les indiquer. Ce procédé ne s’applique qu’aux consonnes initiales, qui subissent certains changements, suivant la position grammaticale des mots ou leur emploi en composition. Les consonnes soumises à cette loi sont appelées muables ; ce sont e, p, t, g, b, d, m, /, s. Les lettres l, r, n sont immuables Les mutations comprennent deux classes, la forme aspirée et l’éclipse. Cette dernière comprend, sous une même dénomination, la forme douce et la forme nasale des muables en kymrique. Au lieu de substituer à la consonne primitive sa mutation douce et nasale, les Irlandais écrivent les deux consonnes successivement ; la première seule se prononce et rend l’autre quiescente ; de là le mot uird/iioghadh, éclipse, pour exprimer ce procédé. Ainsi, par exemple, le< ? initial de gort, jardin, prend la forme nasale après le pronom ar, notre, et l’on écrit ar vgort, quoique l’on prononce ar nort.

Voici le tableau des mutations de consonnes en irlandais :

Forme radicale : c. p. t. g. b. d. m. f. s.

Forme aspirée : ch. ph. th. gh.bh. dh. mh. fh. sh.

Eclipse 'doucï :e- b- <••—- -l»(v).t

nasale :

n. m. n. — —

Le c aspiré, ch, est guttural comme le ch allemand ; le t et le d aspirés, th et dh, ont respectivement le son fort et le ton doux du th anglais, comme dans thief et tkis.

IRLA

L’irlandais a deux genres et deux nombres. Le duel est figuré, dans quelques cas, par des composés avec le nombre deux. Ainsi on dit diucain, les yeux, diulamh, les mains, etc., avec le substantif au singulier. Dans la déclinaison, l’irlandais n’a de flexions proprement dites que pour trois cas, le génitif singulier, le nominatif et le datif pluriel. Les autres cas s’indiquent par des moyens secondaires, tels que 1 article, la permutation de la consonne initiale, etc. Le comparatif s’exprime au moyen de suffixes, et le superlatif par des prépositions. La faculté de composition dans la langue irlandaise est très-grande. On cite quelques faits intéressants, qui peuvent donner une idée de la nature riche et flexible de cette langue. Dans la poésie surtout, elle possède des combinaisons de noms qui se rapprochent, k quelques égards, du sanscrit. Ainsi, un adjectif complexe, comme glan-shoilseach (.ittéralement, purbrillant), peut intercaler un substantif entre ses deux composants. Par exemple, glanreall - shoilseach { pur - étoile - brillant), et cet adjectif, appliqué comme épithète à la nuit, signifie alors qui a des étoiles à l’éclat pur, ce qu’on rendrait, en allemand, par reinstem-scheinig. Dans une autre espèce de composés, le premier terme est un substantif et le dernier un adjectif, et entre deux viennent se placer d’autres adjectifs et substantifs composés. Ainsi, gruaigh-sgainéogach signifierait qui a des cheveux tombants épars, et le poëte peut intercaler entre ces deux noms tout ce qui sert à mieux dépeindre ces cheveux. Il dira, par exemple, oighfheargruaigh-fhin-shioa-fliavi-dhual-scaineogach : un jeune homme ayant de beaux cheveux de soie retombant épars en anneaux contournés... Si, dans ces composés, le dernier mot est un substantif, alors le tout devient un substantif ; comme tréanard-shluagh-chathc/ieannsalair, puissant chef de bataille de la forte armée. De tels composés, produits de l’imagination des poètes, n’ont d’analogues qu’en sanscrit. Les autres langues celtiques n’offrent rien de semblable.

Les pronoms irlandais sont indéclinables. Les formes de la conjugaison et les éléments de la formation du verbe se sont conservés d’une manière beaucoup moins incomplète que celles de la déclinaison. L’irlandais possède trois temps composés, le prétérit, le futur et le conditionnel. L’infinitif est considéré comme un nom et employé en cette qualité. Il régit le génitif au lieu de l’accusatif dans des cas comme le suivant : chuaid se a sealtain chrainn, il alla voir l’arbre ; littéralement, il alla (au) voir de l’arbre.

On range l’irlandais parmi les premières langues pour la richesse et l’élégance. L’ancien langage, ainsi qu’il a été dit plus haut, différait de celui qu’on parle maintenant, et il se divisait en plusieurs dialectes. Le baron d’Eckstein attache un prix inestimable à l’étude de cette langue et pense qu’elle peut nous ouvrir l’intelligence de la Gaule primitive, dont le peuple parlait un idiome parent de 1 irlandais.

Dans les chansons et poèmes irlandais, principalement dans les contes et romans, qui, pour l’originalité de l’invention et l’élégance de l’expression, le disputent aux histoires orientales dont l’Europe fit si longtemps ses délices, la langue irlandaise a déployé les plus grandes beautés ; il en est de même des compositions lyriques, pour lesquelles elle a conservé une supériorité remarquable. Malgré les vicissitudes que cet idiome a éprouvées, la plupart des beautés qui le caractérisent sont restées intactes. On a particulièrement célébré son énergie pathétique : à Si vous plaidez pour votre vie, plaidez en irlandais, i est un adage bien connu. Ceux qui ont traité ce peuple avec inépris n’ont pas épargné son langage. On peut en trouver dans Stanihurst, écrivain du temps d’Elisabeth, un exemple curieux. Stanihurst assure ses lecteurs que l’irlandais ne pouvait être prononcé par le prince des ténèbres, et, pour le prouver, il rapporte gravement le cas d’un possédé, à ltome, qui parlait toutes les langues connues, excepté l’irlandais, parce qu’il n’aurait pu ni voulu s’exprimer dans cette langue, k cause de son intolérable dureté. On dit que cette fable fit tant d’impression sur l’esprit ensorcelé de Jacques Ier d’Angleterre, qu’il conçut pour cette langue, que le diable ne pouvait parler, une antipathie aussi grande que celle qu’il éprouvait à la vue d’une épée nue.

Les anciens poèmes irlandais, chantés par les tiléas et les ménestrels, furent accentués pour en faciliter le chant. La structure métrique de ces poèmes était subordonnée, en grande partie, à la musique ; la voix du barde retranchait ou suppléait à la quantité de syllabes longues ou brèves, afin de les approprier k la mélodie. Cette licence avait besoin d’être restreinte par certaines règles ; de là les différents genres de vers mentionnés dans les Meures du barde.

Les principaux ouvrages à consulter pour l’étude de la langue irlandaise sont : le Dictionnaire irlandais - anglais d’Edward O’Reilly, avec la grammaire du même auteur (Dublin, 182ï, in-4o) ; le Dictionnaire anglais-irlandais de Mac - Curtin, et la grammaire qui y est annexée (Paris, 1732, in - ) ; la Grammaire d’O’Brien (Dublin, 1809, in-8o) ; les Transactions de l’Académie royale irlandaise (Dublin

IRLA

et Londres, 178S et ann. suiv.). Ce recueil se composait déjà de 21 volumes en 1S4S.

Irlande (L’) sociale, politique et religieuse, par M. Gustave de Beaumont, 1840. Dans la préface de son excellent ouvrage, l’auteur remarque avec raison que nul pays, plus que l’Irlande, ne mérite l’attention du moraliste et de l’homme politique. Il n’en est aucun, en effet, qui, pendant une durée non interrompue de sept siècles, ait, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre, subi une si constante et si dure oppression. Il n’est aucun pays où la tyrannie ait produit des effets plus visibles et, par une juste expiation, créé pour les tyrans plus d’embarras et plus de périls. Cependant, la situation de l’Irlande n’avait pas encore été décrite d’une manière satisfaisante. Pour connaître le véritable état des choses, M. de Beaumont n’a rien négligé ; il a fait deux voyages en Irlande et visité les recoins les plus obscurs et les plus ignorés de ce malheureux pays. Il a lu tous les documents anciens ou modernes qui pouvaient l’éclairer, et, ce qui vaut mieux encore, il a interrogé les hommes notables de tous les partis. Puis, recueillant ses souvenirs, il a écrit un livre dont la lecture est indispensable à quiconque veut bien connaître l’Irlande.

Ce qui a frappé d’abord M. de Beaumont, et ce qui frappe tous ceux qui visitent l’Irlande pour la première fois, ce sont les contrastes qu’elle présente. L’Irlande n’est certainement pas le seul pays où il y ait un luxe insolent en haut, et en bas une révoltante pauvreté ; mais il existe d’ordinaire une série de situations intermédiaires qui forment transition et atténuent la dissonance. En Irlande, dans les campagnes du moins, ces situations intermédiaires manquent, et l’œil n’aperçoit que des châteaux magnifiques ou des huttes misérables, que des riches qui ne se refusent aucune de leurs fantaisies ou des pauvres qui meurent de faim. En Irlande, en un mot, la classe moyenne ne fait que de naître, et, sur une population de huit millions d’hommes, on ne compte guère moins de trois millions d’indigents. C’est là un état de choses dont l’humanité gémit, dont la politique s’inquiète et qui ne saurait durer sans menacer sérieusement le repos et la puissance des trois royaumes unis. Aussi l’Irlande est-elle devenue, en Angleterre et en Écosse, la principale préoccupation publique. Quelle est la cause des malheurs de l’Irlande et comment peut-on y remédier ? Telle est la double question que se posent les hommes d’État de tous les partis, et que M. de Beaumont a essayé de résoudre, en demandant surtout à l’Irlande des siècles passés l’explication de l’Irlande actuelle. Aussi a-t-il fait précéder la partie critique d’une introduction qui résume rapidement les principales phases d’une histoire trop peu connue. C’est la base de l’édifice

Si la constitution, qui fait la prospérité de l’Angleterre, cause la ruine de l’Irlande, cela tient à ce que, dans la métropole, l’aristocratie est à la tête du parti national, tandis qu’elle l’opprime en Irlande. Ainsi, la principale source des maux de l’Irlande, c’est une mauvaise aristocratie. Tel est le point de départ de M. de Beaumont, tel est le fait duquel, par une analyse rigoureuse, il déduit successivement tous les autres. Là, comme toujours, c’est le despotisme qui a tort ; il faut donc attaquer le mal dans sa racine en frappant l’aristocratie dans ses pouvoirs et ses privilèges. Il faut empêcher six cent mille protestants d’accabler six millions de catholiques. Il faut que l’Angleterre répare le mal qu’elle a fait et s’associe sincèrement et activement à la régénération commencée par le grand patriote O’Connell, avec lequel sympathisent toutes les âmes généreuses.

Cette rapide analyse suffit pour démontrer l’importance du livre écrit par M. de Beaumont. Quant à l’étendue et à la variété des connaissances qu’un tel ouvrage suppose, nous laisserons parler le Dublin Magazine, qui appartient au parti orangiste : « M. Gustave de Beaumont, dit à peu près textuellement le Magazine, analyse et explique si bien les institutions de l’Angleterre et de l’Irlande, qu’il nous paraît impossible que cette partie de l’ouvrage ait été composée par un étranger. Nous sommes donc convaincus qu’elle lui a été fournie toute faite par un radical de Dublin. » Un tel éloge de la part d’un adversaire ne vaut-il pas mieux que tout ce que nous pourrions dire ? Nous nous contenterons de répondre au Magazine que M. Gustave de Beaumont est un esprit assez remarquable par lui-même pour n’avoir pas besoin d’aller chercher des secours en Angleterre ni en Irlande. Nous ne lui pardonnons son affirmation orgueilleuse qu’en lui donnant pour excuse l’amertume de la défaite.