Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LA FAYETTE (Louise DE), une des maîtresses platoniques de Louis XIII

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 1p. 52-53).

LA FAYETTE (Louise DE), une des maîtresses platoniques de Louis XIII, née vers 1616, morte religieuse au couvent de la Visitation en 1665. Son père était le comte Jean de La Fayette, descendant du maréchal de France de ce nom sous Charles VII ; sa mère était une Bourbon-Busset. Elle fut placée comme fille d’honneur auprès de la reine Anne d’Autriche, et, pendant cette période, qui fut le règne des blondes, prouva qu’une brune aussi pouvait être jolie et gracieuse. Elle doit moins sa courte faveur à sa réelle beauté qu’au soin que l’on prit de la faire distinguer du roi. Richelieu, qui se défiait de M11" de Hautefort, première favorite tout aussi platonique que le fut la seconde, entreprit d’en détacher Louis XIII, et, pour donner un amusement à ce monarque ennuyé, jeta les yeux sur MUo de La Fayette. Louis XIII voulait moins une maîtresse qu’une confidente, et le cardinal n’était pas fâché de la lui fourniv de sa main, afin d’être en tiers dans la conversation. En quoi il se trompa ; aussi s’empressa-t-il de dénouer cette liaison. presque aussitôt qu’il l’eut formée.

Cette petite intrigue se passait en 1634, et rien ne peint mieux les manèges des cours. « Le cardinal, dit Montglat, pour séparer le roi de MU’ de Hautefort, voulut tâcher de lui faire prendre quelque autre inclination. Il se servit pour ce sujet des ducs d’Halluyn et de Saint-Simon, et de Sanguin, maître d’hâtel ordinaire, qui était fort familier avec le roi, lesquels lui dirent tant de bien de M’ic de La’Fayette, qu’il commença à lui parler pour faire dépit à l’autre ; mais comme il était homme d’habitude, à force de la fréquenter et de la voir, l’inclination lui vint pour elle, et, cette amitié s’augmentant, elle entra dans une grande faveur. »

La faveur de M1’» de La Fayette dura deux ans et demi. C’est elle surtout que le roi aimait à entretenir de ses ennuis, de son dépit contre lo cardinal, de ses incessants projets de se soustraire à. cette domination qui lui pesait, mais sans laquelle il eût été impuissant à gouverner. Les mémoires du temps no font que s’apitoyer sur ce monarque imbécile, opprimé par celui qu’ils appellent l’Homme rouge ; sans avoir un faible pour Richelieu, nous pensons que la France eut encore perdu au change, ’si cet habile homme d’État eût succombé et fait place aux ambitieux vulgaires qui, sous prétexte de rendre au roi son libre arbitre, ne voulaient que le régenter à sa place. Aussi tous ces désespoirs nous laissent-ils froids. M’o de La Fayette garda pour elle toutes les confidences du monarque. « Elle le fortifiait, dit Mmo de Motteville, dans son aversion pour le cardinal, voyant qu’il en était déshonoré pour se laisser trop bassement gouverner par ce ministre. Le cardinal fit son possible pour la gagner, comme toutes les personnes qui approchaient du roi ; mais elle eut plus de courage que tous les hommes de la cour, qui avaient la lâcheté de lui aller rendre compte de tout ce que le roi disait contre lui. Le roi, trouvant en elle autant de sûreté et de vertu que de beauté, l’estima et l’aima ; et je sais qu’il eut des pensées pour elle fort au-dessus des communes affections des hommes. Le même sentiment qui obligea cette fille généreuse à refuser tout commerce avec le cardinal de Richelieu la fit vivre avec assez de retenue avec la reine. »

Louis XIII passait toutes ses journées avec sa favorite. Si timide et si chaste qu’il fût, il ne put rester toujours aussi froid et aussi morne en présence de cette belle fille, qui lui plaisait tant. Un beau soir, sans doute après de longues incertitudes, il lui proposa de l’installer dans un appartement de Versailles, alors simple, rendez-vous de chasse, et de l’y aller voir en secret : c’était lui demander d’être sa maitresse. Pour la seule fois de sa vie, le pauvre sire se permettait une telle incartade. M"° de La Fayette, qui était vertueuse, et qui sans doute, prévoyant ce dénoûment, avait fait ses dispositions à l’avance, lui répondit que depuis longtemps elle voulait entrer en religion. Louis XIII, tout confus, n’insista pas ; il voulut seulement que cette vocation, si subite pour lui,fût bien et dûmeut examinée par des évêques, et voilà de nouveau toutes les soutanes en mouvement, comme lorsqu’il s’était agi de substituer une favorite à une autre. C’est par le confesseur du roi, le P. Caussin, que l’affaire fut menée. Ce bon père a raconté lui-même toutes les peines qu’il eut à. examiner de près cette vocation, ses démarches pour la faire agréer au roi quand il fut convaincu qu’elle était réelle. « Il est vrai que Mlle de La Fayette m’est bien chère, dit Louis XIII, mais si Dieu l’appelle en religion, je n’y mettrai point d’empêchements. » Leurs adieux s’effectuèrent au château de Saint-Germain. Le monarque pleura ; il parla même d’entrer aussi dans un cloître. Dès qu’elle fut enfermée au couvent des Filles de Sainte-Marie (19 mai 1637), il voulut la revoir, et il eut avec elle un long entretien de trois heures. Pendant les quatre mois qui suivirent, il la revit de même et entretint avec elle une correspondance assidue qui inquiéta Richelieu. Afin d’être le maître des secrets du roi, le cardinal acheta le valet chargé de porter les lettres, Boisenval, et toute la correspondance passa par ses mains. En supprimant quelques lettres, en altérant les autres par l’intercalation de mots qu’il savait les blesser tous deux, il refroidit leur amour et finit par les brouiller. Leur dernière entrevue (décembre 1637) mérite d’être relatée. On assure que Mlle de La Fayette y pressa Louis XIII de se réconcilier avec la reine, et c’est le soir même que, rentrant au Louvre, où il n’était pas attendu, il accepta l’hospitalité chez Anne d’Autriche. Il en résulta Louis XIV.

La favorite délaissée prit le voile sous le nom de mère Angélique. Elle mourut à l’âge de cinquante ans, supérieure du couvent de la Visitation, à Chaillot.