Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARGUERITE D’ANJOU, reine d’Angleterre, fille du roi René

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1168-1169).

MARGUERITE D’ANJOU, reine d’Angleterre, fille du roi René, née en 1429, morte en 1482. Mariée en 1445 à Henri VI, roi d’Angleterre, elle prit sur son faible époux un ascendant absolu, et ne tarda pas à être la véritable souveraine du royaume. Marguerite s’unit aussitôt avec le cardinal de Beaufort et le marquis de Suffolk contre l’ancien régent Glocester, dont elle redoutait l’influence. À la suite d’une réunion du Parlement, le duc de Glocester fut arrêté (11 février 1447), et peu après il mourait dans sa prison. Marguerite dirigea alors les affaires publiques avec Suffolk, fonda le Queen’s collège à l’université de Cambridge, établit des manufactures de laine et de soie, et fit de grands efforts pour développer l’industrie de la Grande-Bretagne.

Cependant, à l’exception de Calais, Charles VII avait repris en France toutes les possessions qui étaient alors entre les mains des Anglais (1453). La nouvelle de ces échecs produisit une vive irritation en Angleterre. On en fit retomber la responsabilité sur le marquis de Suffolk et sur la reine elle-même, dont le père, le roi René, venait d’être remis en possession du Maine et de l’Anjou. L’ambitieux duc d’York, qui aspirait au trône, profita de ces circonstances pour augmenter le nombre de ses partisans, préparer la ruine de Suffolk et exciter des mouvements populaires Malgré l’appui du roi et de la reine, Suffolk, décrété d’arrestation par la Chambre des communes, fut enfermé à la Tour de Londres, d’où il ne parvint à s’échapper que pour être massacré par le peuple (1450). Cette même année eut lieu la formidable insurrection fomentée par John Cade, qui s’empara de Londres et força le roi et la reine à s’enfuir. Cette insurrection venait d’être comprimée lorsque le duc d’York chercha à renverser Somerset, qui avait succédé à Suffolk dans la direction des affaires. La lutte commença entre eux dans l’assemblée tenue à Temple-Gardens, où, pour la première fois, les partis en présence prirent pour signe de ralliement une rose rouge et une rose blanche. La reine se mit à la tête du parti de la Rose rouge, pendant que les adhérents du duc d’York formaient le parti de la Rose blanche. En 1452, le duc d’York leva l’étendard de la révolte en déclarant, toutefois, qu’il prenait les armes, non contre le roi, mais pour obtenir le renvoi de Somerset. Ayant obtenu du roi l’arrestation de ce dernier, il déposa les armes, et consentit à prêter serment de fidélité au roi ; mais, peu après, ce dernier fut frappé d’aliénation mentale. Marguerite mit au monde, sur ces entrefaites, un fils, Édouard prince de Galles (13 octobre 1453), et demanda au Parlement de lui conférer les pouvoirs nécessaires pour gouverner au nom de son mari. Mais le Parlement, au lieu d’accéder à sa demande, conféra au duc d’York le titre de protecteur du roi. Deux mois plus tard le roi, ayant recouvré la raison, prononça à l’instigation de sa femme la dissolution du Parlement et réintégra Somerset dans ses dignités. Alors la guerre civile éclata. Le 24 mai 1454, l’année royale fut battue par les troupes du duc d’York à Saint-Albans, où le roi fut blessé et où Somerset trouva la mort. Rentré en triomphateur à Londres, le duc d’York reprit son titre de protecteur et confina la reine et le roi dans le château d’Hertford. Mais, peu après, Marguerite parvint à rallier ses partisans, se rendit dans le centre de l’Angleterre, où sa beauté, son énergie provoquèrent en sa faveur la sympathie du peuple, et fit rendre à son mari l’intégrité d’un pouvoir qu’elle exerça en réalité. Elle songea alors à mettre un terme à la guerre civile et convoqua dans ce but à Londres les chefs des deux partis (1458). Un accord y fut en effet conclu, et l’on vit la reine donnant la main au duc d’York se rendre solennellement à l’église Saint-Paul pour y célébrer leur réconciliation. Mais, peu après, la guerre recommença et le duc d’York posa nettement ses prétentions à la couronne. Marguerite se mit alors à la tête de l’armée, éprouva un échec à Blorehearth, remporta un succès à Ludlow (1459), mais vit à Southampton, non-seulement ses troupes mises en fuite, mais encore le roi fait prisonnier (1460). Pendant que l’imbécile Henri VI consentait à reconnaître pour héritier le duc d’York à l’exclusion de son fils, Marguerite se réfugiait dans le pays de Galles, recrutait une armée de 18,000 hommes, reprenait l’offensive, et remportait à Wakefield une éclatante victoire. Le duc d’York et le comte de Salisbury, qui tombèrent entre ses mains, eurent la tête tranchée, puis elle marcha sur Londres. Mais cette ville lui ferma ses portes et proclama roi le fils du duc d’York, sous le nom d’Édouard IV (1461). Loin de se laisser abattre, Marguerite redoubla d’énergie, augmenta le nombre de ses troupes et marcha contre le prétendant. Mais la fortune trompa ses espérances et les partisans de la maison de Lancastre furent écrasés à la bataille de Towton (28 mars 1461). Marguerite dut s’enfuir en Écosse avec son fils et son mari, et de là elle passa en France. Ayant obtenu de Louis XI des secours en hommes et en argent, elle repassa le détroit, débarqua en Écosse, éprouva de nouveaux échecs (1463), courut mille dangers, tomba même au pouvoir d’une bande de brigands, et dut revenir en France. Elle s’y trouvait depuis sept ans, lorsqu’elle entama des négociations avec le fameux Warwick, dit le faiseur de rois. Pour le gagner à sa cause, elle fit épouser à son fils, le prince de Galles, la fille du comte de Warwick (1470), et ce dernier rétablit Henri VI sur le trône. Mais elle était à peine arrivée en Angleterre que son défenseur Warwick était vaincu à la bataille de Barnet (13 avril 1471) et fait prisonnier avec Henri VI. Marguerite essaya de continuer la guerre ; mais vaincue par Édouard IV, elle fut jetée en prison à Londres, pendant que le prince de Galles, son fils, était mis à mort par le vainqueur (1471). Cinq ans plus tard, grâce à la médiation intéressée de Louis XI, Marguerite recouvra la liberté. Elle alla vivre auprès de son père au château de la Reculée, en Anjou, et, après la mort de ce dernier (1480), elle se retira au château de Dampierre, où elle termina ses jours.