Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MIRABEAU, famille originaire de Florence

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Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 1p. 311).

MIRABEAU, famille originaire de Florence, où elle jouait un rôle important dès le XIIe siècle. Son nom patronymique était Arrigheti. Philippe Arrigheti, banni de Florence avec toute sa famille en 1268, vint s’établir dans la ville de Seyne, en Provence. Azzucio Arrigheti, un des fils de Philippe, fut père de Pierre, qui francisa plus ou moins son nom en le changeant en celui de Riquetti, et qui fut élu premier consul de la ville de Seyne en 1340. Ce Pierre, en considération des services qu’il avait rendus à René d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence, fut nommé capitaine et châtelain de la même ville. Antoine Riquetti, fils et successeur de Pierre, fut successivement juge des cours royales du palais de la ville de Marseille et des villes de Tarascon et de Digne. Il laissa, entre autres enfants, Jacques Riquetti, coseigneur de la ville de Riez, père d’Antoine II, mort vers 1509. Ce dernier avait eu, entre autres enfants, Reynier, souche des comtes et marquis de Caraman, du nom de Riquet, et Honoré Riquetti, coseigneur de Riez et des Sieyès, qui se distingua à la défense de la ville de Marseille, assiégée par le connétable de Bourbon en 1524. Jean Riquetti, fils d’Honoré, acquit la terre de Mirabeau et fut élu premier consul de la ville de Marseille en 1568. De son mariage avec Marguerite de Glandevès naquit Honoré II de Riquetti. seigneur de Mirabeau, premier consul de la ville de Marseille, puis gentilhomme ordinaire de la chambre du roi Louis XIII. Il mourut en 1622, laissant Thomas de Riquetti, marquis de Mirabeau, qui se distingua dans les différentes campagnes de la guerre de Trente ans et également pendant les troubles de la Fronde. De son mariage avec Anne de Pontevès sont issus, entre autres enfants, Honoré III, qui a continué la filiation ; Jean-François de Riquetti, dit le Bailli de Mirabeau, abbé de Saint-Gervais ; François de Riquetti, dit le chevalier de Mirabeau, chevalier de Malte, major des galères ; Thomas-Albert de Riquetti, dit le chevalier de Beaumont, capitaine de vaisseau et lieutenant des gardes du duc de Vendôme ; Bruno de Riquetti, comte de Mirabeau, gouverneur du Quesnoy, qui s’est signalé par sa bravoure dans les campagnes du règne de Louis XIV. Honoré III de Riquetti, marquis de Mirabeau, après avoir servi pendant plusieurs années et reçu plusieurs blessures, devint, en 1678, premier consul d’Aix. De son mariage avec Élisabeth de Rochemore, il eut, entre autres, Jean-Antoine de Riquetti, marquis de Mirabeau, comte de Beaumont, brigadier d’infanterie, qui reçut vingt-sept blessures dans les différentes campagnes qu’il fit depuis 1684 jusqu’en 1710. Il mourut en 1742, laissant de Françoise de Castellane, sa femme, Jean-Antoine-Joseph-Charles-Elzéar de Riquetti, chevalier de Mirabeau, capitaine de vaisseau, puis général des galères de l’ordre de Malte ; Victor do Riquetti, marquis de Mirabeau, l’économiste et l’Ami des hommes (v. ci-dessous) ; il avait épousé Marie-Geneviève de Vassan et eut d’elle, entre autres enfants, Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de Mirabeau, le grand orateur, et André-Boniface-Louis de Riquetti, vicomte de Mirabeau, dont on trouvera la notice plus loin.

Les Mirabeau furent une race d’hommes singulièrement énergiques, indépendants et audacieux. Eux-mêmes se vantaient d’être tout d’une pièce et sans jointure. Vraie race féodale, orgueilleuse et rude, mais d’une physionomie originale et forte, et qui avait gardé la sève, l’imagination fougueuse et les libres allures des grandes familles de l’Italie républicaine. Le grand Mirabeau a lui-même écrit dans sa jeunesse une notice détaillée sur sa maison et particulièrement sur son grand-père Jean-Antoine, dont il a été question plus haut, et qui combattit vaillamment dans les guerres de Louis XIV. Au combat de Cassano, sous le duc de Vendôme, il avait été blessé à la défense d’un pont et toute l’armée ennemie lui avait passé sur le corps. Sa tête n’échappa que grâce à une marmite de fer qu’un vieux sergent lui avait jetée en fuyant. On le releva vivant encore, mais dans l’état le plus affreux. Il dut prendre sa retraite, et resta privé de l’usage de son bras droit et forcé de porter un collier d’argent pour soutenir sa tête. Présenté à Louis XIV, qui lui adressa un compliment banal, il répondit durement, que « si, quittant les drapeaux, il était venu à la cour payer quelque catin, il aurait eu plus d’avancement et moins de blessures. » Vendôme, effarouché, dit à ce terrible homme : « Désormais, je te présenterai à l’ennemi, mais jamais au roi. »

Toutefois, son état l’obligea à quitter le service. Il se retira dans ses rochers de la Provence, travailla à des défrichements et transforma ses tristes domaines en vergers d’oliviers. À plus de quarante ans, il se maria, et c’est de cet homme si mutilé que sortit encore cette génération de fer : le bailli, le marquis et le fils de ce dernier, le grand orateur de la Révolution.