Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Mai 1839 (INSURRECTION DU 12), dernière tentative armée du parti républicain sous le règne de Louis-Philippe

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 3p. 939).

Mai 1839 (insurrection du 12), dernière tentative armée du parti républicain sous le règne de Louis-Philippe. Les hardis conspirateurs avaient choisi, pour éclater, le moment d’une crise ministérielle ; six combinaisons avaient été tentées pour former un cabinet, et toutes avaient échoué ; l’opinion publique était inquiète et surexcitée. Il existait alors à Paris une société secrète, les Saisons, transformation des Familles, et qui comprenait mille à douze cents hommes résolus, dont les principaux chefs étaient Barbes, Blanqui, Martin Bernard, Nétré et quelques autres. Le moment parut favorable, et une prise d’armes fut décidée. Toutes les dispositions prises, le 12 mai, à 3 heures et demie de l’après-midi, pendant que les troupes étaient au Champ-de-Mars pour une revue, les sectionnaires, à un signal donné, se rassemblent rue Bourg-l’Abbé, enfoncent le magasin de l’armurier Lepage, se distribuent les fusils, puis des cartouches, qui avaient été cachées dans des maisons de dépôt. Le plan que Blanqui avait fait adopter consistait à s’emparer d’abord de la préfecture de police. Sans attendre même la réunion de toutes les forces insurrectionnelles, Barbes, suivi d’une poignée d’hommes, traverse la Seine, attaque et emporte le poste du Palais de justice, commandé par un lieutenant qui fut malheureusement tué dès lès premiers coups de feu, mais non pas assassiné, comme on 1 a souvent répété.

Dans l’intervalle, la préfecture de police avait eu le temps de prendre quelques mesures de défense, et en outre, le petit nombre des insurgés ne permettait pas de tenter une attaque sérieuse. Barbes repassa la Seine et alla rejoindre, à la place du Châtelet, la colonne dirigée par Martin Bernard, Blanqui et leurs amis. La réunion de ces forces ne composait encore qu’un faible total de combattants. Dans l’espérance de grossir leur troupe et d’achever leur armement par l’enlèvement de quelques postes, les insurgés s’engagèrent dans les rues étroites et populeuses, et se dirigèrent vers l’Hôtel de ville, dont ils s’emparèrent sans coup férir. Barbes lut une proclamation à la foule, qui accueillait les républicains avec sympathie, mais sans grossir’leur nombre d’une manière bien sensible. Un combat fori vif leur livra le poste de la place Saint-Jean. Ils occupèrent un moment, ensuite, la mairie du Vile arrondissement, où ils ne trouvèrent point les munitions qu’il sespéraient y rencontrer.

Cependant, revenu d un premier mouvement de stupeur, le pouvoir agissait vigoureusement ; la ville se remplissait de troupes, et bientôt les insurgés se trouvèrent enveloppés d’un cercle de fer. Contre leur espoir, le peuple, surpris par cette attaque inopinée, s’était ému, mais sans se jeter dans le mouvement. Abandonnés à eux-mêmes, les audacieux combattants, qui n’étaient qu’une poignée, se rejetèrent, pour prolonger leur résistance, dans les quartiers populeux, où l’émeute recrutait habituellement ses soldats, dans les rues Simon - le - Franc, Beaubourg, Transnonain, etc. Dans la rue Grenêtut, il3 élevèrent trois barricades et les défendirent avec une vaillance obstinée. Mais ce fut là le tombeau de l’insurrection. Plusieurs des chefs furent blessés. Barbes fut frappé à la tête, et les derniers défenseurs des barricades hachés sur leurs redoutes improvisées. Un jeune sectionnaire de seize ans, nommé Camille Huait, resté presque seul, combattit jusqu’à la dernière minute et fut percé de vingt-huit ou trénte coups de baïonnette. Il survécut cependant, parut devant la Cour des pairs et fut acquitté à cause de sa jeunesse. Le lendemain matin, 13, il y eut encore quelques tentatives de résistance sur quelques points, mais rapidement réprimées. La République était encore une fois vaincue.

L’insurreoiion du 12 mai n’eut d’autre résultat que de hâter l’enfantement d’un ministère, qui fut improvisé dans la nuit.

Le 27 juin suivant comparurent devant la Chambre des pairs, constituée en cour de justice : Barbes, Martin Bernard-, Mialon, Nouguès, Marescal et autres inculpés. Leur attitude, à tous, fut énergique et fière. Le premier fut condamné à mort ; mais le cri unanime de l’opinion publique imposa au pouvoir une commutation de peine. Il en fut de même pour Blanqui (qui était en fuite, mais qui fut pris plus tard). Martin Bernard fut condamné à la déportation, d’autres aux travaux forcés et à des peines graduées, mais généralement fort rigoureuses.