Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Teste (Jean-Baptiste)

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TESTE (Jean-Baptiste), jurisconsulte et homme d’État français, frère du précédent, né à Bagnols (Gard) en 1780, mort à Paris en 1852. Il faisait ses études au collège des Joséphistea lorsque ces religieux furent expulsés en 1792. En ce moment, son père prenait une grande part au mouvement qui régénérait la France. Jean-Baptiste Teste, malgré son extrême jeunesse, se mêla aux débats politiques des réunions publiques. Doué d’une grande facilité de parole, il se fit tellement remarquer qu’il fut un des délégués que le club de Bagnols envoya à Valence en 1793 pour assister à une grande assemblée populaire, convoquée pour aviser aux moyens d’assurer dans le Midi l’autorité de la Convention contre les fédéralistes. De là, il se rendit avec Dedelay d’Agier à Marseille, où il combattit également le fédéralisme. Après la journée du 9 thermidor, il dut se réfugier avec son père à l’armée des Alpes, où il obtint un emploi dans l’administration. À la suite des événements du 13 vendémiaire, il revint à Bagnols et devint secrétaire de la municipalité. En 1799, son père l’envoya à Paris pour y étudier le droit. Deux ans plus tard, il était reçu avocat, et ses professeurs avaient conçu de son talent une telle opinion que, quelques mois plus tard, il était nommé professeur suppléant à l’Académie de législation, dont il devint membre en 1805. En même temps, il exerçait la profession d’avocat. Cambacérès, qui eut l’occasion de l’entendre plaider, fut vivement frappé de son talent oratoire. Après la mort de son père (1807), Teste alla se fixer à Nîmes, où il tint le premier rang au barreau. Il résidait encore dans cette ville lorsque, en mars 1815, Napoléon quitta l’Ile d’Elbe et marcha sur Paris. Peu après, le duc d’Angoulême traversait avec une petite armée le département du Gard. Les libéraux, redoutant le fanatisme des royalistes, chargèrent Teste de se rendra à Paris et de demander à Bonaparte d’envoyer des secours dans le Midi pour étouffer le mouvement royaliste, qui y était menaçant. À la suite d’une entrevue qu’il eut avec ce dernier, il fut chargé de porter des instructions aux généraux Grouchy et Piré, et « il mit à cette mission tant de zèle et d’activité, dit Michaud, qu’en peu de jours le duc d’Angoulèrae, accablé par le nombre, fut contraint de signer une capitulation dont la dispersion de son armée et son embarquement pour l’Espagne furent la conséquence. » Envoyé comme commissaire général de police à Lyon, où régnait une grande fermentation, Teste parvint à y maintenir l’ordre. Pendant ce temps (25 mai), il était nommé par les électeurs du Gard membre de la Chambra des députés, où il ne put siéger. Après la seconde rentrée des Bourbons, Teste, compris sur les listes de proscription, alla s’établir à Liège, où il exerça la profession d’avocat. Appelé à défendre le Mercure surveillant, journal démocratique qui paraissait dans cette ville et était poursuivi comme ayant outragé les souverains signataires du traité de la Sainte-Alliance, non-seulement il ne put, malgré une éloquente plaidoirie, obtenir un acquittement, mais encore il reçut l’ordre de quitter Liège. Teste se rendit alors à Bruxelles. Après la publication de l’ordonnance du 15 septembre 1816, il revint à Paris, où il na put se faire inscrire un barreau, et publia des articles dans un journal de l’opposition. Voyant les difficultés qu’il éprouverait à reprendre sa profession d’avocat, il résolut de retourner à Liège. Ce fut dans cette ville qu’il habita jusqu’en 1830, plaidant avec un très-grand succès et possédant une belle clientèle. Le roi Guillaume le chargea de diriger ses affaires domaniales, et lors du procès qui eut lieu, au sujet du duché de Bouillon, entre les Rohan et les d’Orléans, il fut appelé à plaider pour ces derniers. À la nouvelle de la révolution de 1830, Teste revint à Paris. S’étant fait inscrire au barreaa, il s’y plaça aussitôt au premier rang et fut nommé avocat du domaine et du trésor. Aux élections de 1831, le collège électoral d’Uzès l’envoya siéger à la Chambre des députés, où il fit partie du tiers parti libéral. Teste prit part principalement aux discussions relatives à la législation, un commerce et aux travaux publics. Le 10 novembre 1834, il reçut le portefeuille du commerce, qu’il ne garda que trois jours, puis il devint vice-président de la Chambre et, le 8 mars 1839, ministre de la justice. Pendant son passage à ces fonctions, il nomma une commission chargée d’étudier les moyens de supprimer la vénalité des offices ministériels. Le 29 octobre 1840, il déposa les sceaux pour prendre le portefeuille des travaux publics et fit voter trois lois importantes, celle de l’expropriation pour cause d’utilité publique (1841), la loi des chemins de fer (1842) et celle des brevets d’invention (1843). Le 16 décembre 1843, il quitta le ministère, reçut un siège à la Chambre des pairs et fut nommé, peu après, président de chambre à la cour de cassation. Teste jouissait de la plus haute considération, lorsqu’il se vit tout à coup compromis dans un procès qui eut un retentissement énorme et qui contribua puissamment à mettre en pleine lumière la corruption et la vénalité qui s’étaient implantées dans les hautes régions gouvernementales. En 1847, le général Despans-Cubières, ancien ministre de la guerre, fut poursuivi par plusieurs de ses coassociés dans l’exploitation des mines de sel de Gouhenans, comme ayant reçu des sommes dont l’emploi ne paraissait pas suffisamment justifié. Le 1er mai 1847 le journal le Droit publia des extraits d’une correspondance du général Cubières, dans laquelle on lisait ce passage d’une lettre adressée à l’un de ses associés en 1842 : « Il n’y a pas à hésiter sur les moyens de nous créer un appui intéressé dans le sein même du conseil. J’ai le moyen d’arriver jusqu’à cet appui ; c’est à vous d’aviser aux moyens de l’intéresser... N’oubliez pas que le gouvernement, est dans des mains avides et corrompues, que la liberté de la presse court risque d’être étranglée sans bruit l’un de ces jours et que jamais le bon droit n’eut plus besoin de protection. » Cette lettre désignait clairement Teste, ministre des travaux publics en 1842 et qui avait accordé, le 3 janvier 1843, la concession des mines de sel gemme de Gouhenans. L’opinion s’émut vivement de cette révélation, contre laquelle Teste protesta énergiquement devant la Chambre des pairs le 4 mai 1847. Le lendemain, une ordonnance royale traduisit devant la Chambre des pairs le général Despans-Cubières et ses complices. Le procureur général Delangle fut chargé de l’instruction, qui aboutit, le 8 juin, à un arrêt mettant en accusation Cubières, Parmentier, Pellapra, sous l’accusation de tentative de corruption et d’escroquerie, et Teste, comme « ayant reçu des dons et présents pour faire un acte de ses fonctions non sujet à salaire. » Le 7 juillet suivant, Teste se démit de toutes ses fonctions et dignités et, le lendemain, il comparut avec ses coaccusés devant la Chambre des pairs. Teste nia énergiquement avoir reçu de Despans-Cubières, par l’intermédiaire de Pellapra, une somme de 94,000 fr. pour concéder les mines de Gouhenans ; mais, le 12, Pellapra, qui était en fuite, fit parvenir à la cour des pièces accablantes pour Teste. À cette nouvelle, l’ancien ministre, désespéré, tenta de se tuer en se tirant à la tempe et dans la région du cœur deux coups de pistolet qui ne produisirent qu’une blessure légère. Il ne put comparaître à l’audience suivante, écrivit au chancelier qu’il considérait le débat comme clos et consommé définitivement à son égard et renonça à se défendre. Le 17 juillet, la cour condamna Teste à trois ans d’emprisonnement, à la restitution de 94,000 francs et à une amende de pareille somme devant être versée dans la caisse des hospices de Paris. Transféré à la Conciergerie, il y resta jusqu’au 13 août 1849. À cette époque, Louis Bonaparte, alors président de la République, l’autorisa à terminer sa peine dans une maison de santé à Chaillot et lui fit remise de 50,000 francs sur l’amende qu’il avait encourue. En juillet 1850, Teste quitta la maison de santé et mourut moins de deux, ans plus tard.


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