Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Voyant, ante adj.

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1223).

VOYANT, ANTE adj, (voi-ian ou vo-ian, on-te — rail. voir). Qui voit, qui jouit du sens de la vue : Vieiiturds aveugles et voyants.

— Qui possède la vision des choses surnaturelles : Un prophète Voyant. Il Qui possède le don de clairvoyance : La femme est voyante à certains jours ; elle a l’aile infinie du désir’et du rêve. (Michelet.)

— Qui a un grand éclat, qui attire l’œil : Une couleur voyante. Dans la classe moyenne de la société anglaise, l’homme s’excède de travail pour donner à sa femme des robes trop voyantes et pour mettre dans sa maison les cent mille brimborions du demi-luxe. (H. Taine.)

Frères voyants, Nom qu’on donne, aux Quinze-Vingts, aux hou.mes qui jouissent de la vue et qui sont mariés k des femmes aveugles, il Sœur voyantes, Dans le même établissement, Femmes qui jouissent de la vue et qui sont mariées k des aveugles,

— Art vetér. Se dit d’un cheval affecté de myopie : Les chevaux voyants ont les yeux bombés et sont généralement peureux. (Cardini.)

VOYfî

— Substantiv. Personne qui possède la vision des, choses surnaturelles : Samuel le voyant, Il y avait des voyants en Syrie, en Chaldée. (Volt.) La chasteté a été la vertu ou l’ambition des voyants les plus illustres. (Challemel-Lacour.)

— Par ext. Personne qui jouit d’une grande pénétration ; Il a la vue d’un lynx et la pénétration d’un voyant. (Balz.) On a répété à outrance que M. de Balzac était un observateur, un analyste ; c’était mieux ou pis, c’était un voyant. (Pli. Cbasles.) I ! Personne qui, sous l’influence du somnambulisme, prétend avoir la vision des choses surnaturelles.

— s. m. Mar. Instrument dont on se sert pour mettre en place les tins d’un bâtiment en construction, et pour juger de la courbure des ponts.

— Géod, Plaque de deux couleurs, mobile le long de la tige de la mire employée dans les opérations de nivellement.

— s. f. Hist. relig. Nom donné k des sortes d’illuminées des États-Unis.

— Encycl. Les voyantes des États-Unis d’Amérique sont les prêtresses d’un dogme nouveau. Elles ont pour fondatrice et pour pontife Elisabeth Denton. Les voyantes ont un but et l’avouent, c’est de remplacer la vaine science des anciens temps par une science nouvelle ; elles voient a travers les pierres comme à travers les hommes ; elles sont douées, voila tout ; ce n’est pas leur fauta. Ces illuminées du nouveau monde admettent parmi elles quelques hommes, mais par pure complaisance ; elles leur permettent quelquefois de venir partager leurs richesses et de propager leur Évangile. Elles se réservent le ■ don, lu grâce, l’influence, » c’est-à-dire « l’extase et la clairvoyance, » inaccessibles k leurs frères grossiers et k leurs rudes, maris. La première voyante se nommait Anne Bridge. Son frère, William Denton, géologue, médecin, collectionneur, mari d’Elisabeth Démon, la fondatrice, mérite d’èlie signalé parmi les caractères de l’Amérique moderne. Rabelais ou Molière auraient fait un bon chapitre de l’événement pharmaceutique qui donna l’impulsion au nouveau dogme. Ayant appris d’un de ses amis, médecin, nommé Buchanan, que certaines malades pouvaient être purgées par la seule imagination, c’est-à-dire en plaçant dans la paume de leur main les pilules purgatives, Denton, émerveille de cette délicatesse d’organes, pria sa sœur d’essayer ; elle ne manqua pas de correspondre au vœu fraternel et de prouver l’exquise sensibilité de ses nerfs, non-seulement en se purgeant par la paume de la main, mais en lui annonçant qu’elle lisait à première vue k travers toutes les enveloppes de lettres. Vous placiez sur le front de la voyante une lettre cachetée ; aussitôt dans les plis de son cerveau se dessinait la figure de l’homme qui l’avait écrite ; elle reconnaissait la taille, la physionomie, la couleur des cheveux. Elle livrait à son frère une description détaillée du personnage. Après bien des recherches, le mari de l’illuminée Unit par déclarer que te soleil avait dû photographier, pendant qu’on écrivait la lettre, l’image, invisible à tous les yeux,’de la personne qui tenait la plume. Ni lui, Denton, ni sa femme n’apercevaient cette photographie, mais elle était claire et visible pour des sens plus aiguisés ; la sœur Anne déchiffrait tout. Puis bientôt Elisabeth Denton, la femme du géologue, voulut avoir sa part de ia découverte, et avec un peu d’exercice elle y réussit parfaitement. La secte fut fondée et fit quelques progrès, sans toutefois faire parler d’elle outre mesure et sans expédier eu Europe un échantillon de-ses

voyantes.