Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/confession s. f.

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Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 4p. 897-901).

CONFESSION s. f. (kon-fè-si-on — lat. canfessio ; de confiteri, confessum, avouer). Aveu : La confession généreuse et libre énerve le reproche et désarme l’injure. (Montaigne.) || Aveu de ses fautes : Pour moi, je veux faire ici ma confession sans détour. (J.-J. Rouss.). Paruta fait devant ses lecteurs une confession publique, acte de componction déclamatoire. (E. Quinet.)

— Se dit particulièrement de l’aveu des péchés fait avec l’intention d’en obtenir l’absolution : Le tribunal de la confession. La confession autorise le crime, par l’assurance d’être absous. (St-Evrem.) Il y a, dans toutes les confessions, un péché qu’on ne dit pas. (Volt.) La confession est une chose excellente, un frein aux crimes invétérés- (Volt.). Il n’y a peut-être point d’établissement plus sage que la confession ; la plupart des hommes, quand ils sont tombés dans de grands crimes, ont naturellement des remords. Les législateurs, qui établirent des mystères et des expiations, voulurent empêcher les coupables de se livrer au désespoir et de retomber dans leurs crimes. (Volt.) La confession est très-bonne pour engager les cœurs ulcérés de haine à pardonner, et pour faire rendre aux voleurs ce qu’ils peuvent avoir dérobé au prochain. (J.-J. Rouss.) Que de restitutions, de réparations, la confession ne fait-elle pas faire chez les catholiques ! (J.-J. Rouss.) La confession seule demande le célibat. (J. de Maistre.) L’humble confession est l’antidote suprême de l’orgueil. (Gerbet.) Quand le prêtre et le pénitent sont sincères, la confession peut être encore secourable, (G. Sand.) La confession n’a plus qu’une utilité sociale fort restreinte. (G. Sand.) La confession est la pensée de Dieu. (Ventura.) Je ne crois à la sincérité d’aucune confession faite aux hommes. (Mme C. Bodin.) La confession est une double humiliation. (P. Félix.) || Action d’entendre les aveux d’un pénitent, en parlant du prêtre : Faire la confession, d’un criminel. Les pénitentes étaient nombreuses, la confession lui a pris toute la soirée.

Confession générale, Celle qui s’étend aux péchés de la vie entière : La confession générale brise le lien si étroit qui unit les pasteurs aux troupeaux. (Gerbet.) || Confession auriculaire ou privée, Celle qui est faite en secret à un prêtre. || Confession publique, Celle qu’on faisait autrefois devant le peuple assemblé.

Sceau ou secret de la confession, Obligation pour le prêtre de ne rien faire connaître de ce qu’il a appris par la confession. || Fam. Sous le sceau de la confession, Sous le secret le plus rigoureux : Je vous dis ceci sous le sceau de la confession.

Billet de confession, Certificat de confession qu’on exige particulièrement de ceux qui veulent contracter un mariage religieux, dans l’Église catholique. || Autrefois, Certificat d’adhésion à la bulle Unigenitus, qu’on exigeait des moribonds avant de leur administrer les derniers sacrements.

— Loc. prov. On lui donnerait le bon Dieu sans confession, Son extérieur inspire toute confiance, au point qu’on croirait qu’il n’aurait pas besoin de se confesser avant de communier. Ne se dit guère qu’en mauvaise part, d’une personne hypocrite.

— Théol. Affirmation publique de sa foi : Le spectateur céleste de notre confession nous rendra nos corps plus glorieux et plus éclatants. (Mass.) || Formule catholique d’aveu des péchés, aussi appelée Confiteor, parce qu’elle commence par ce mot. || Confession de foi ou simplement Confession, Tableau résumé des articles qui contiennent la déclaration de la foi d’un individu ou d’une Église : Peu de gens sont disposés à signer une confession de foi en blanc. (Pasc.)

— Hist. relig. Confession d’Augsbourg, Confession de foi protestante présentée à Augsbourg à l’empereur Charles-Quint.

— Liturg. Lieu où l’on garde les reliques des saints : La confession de Saint-Pierre à Rome.

— Jurispr. Diviser la confession, Prendre et laisser dans les aveux d’un accusé : Il ne faut pas diviser la confession.

— Rhét. Figure qui consiste dans un aveu fait à son adversaire. Ex. : L’accusé avait tort, j’en conviens ; mais la faute est-elle condamnée par la loi ?

— Plur. Ouvrage contenant des aveux sur la vie de l’auteur : Les Confessions de saint Augustin, de J.-J. Rousseau. On a dit beaucoup de mal de Rousseau et de ses confessions, tout en les goûtant. (Ste-Beuve.)

Syn. Confession, aveu. V. AVEU.

Antonymes. Dénégation, déni, dissimulation, négation, protestation.

Encycl. Confession auriculaire dans l’antiquité et chez différents peuples. La confession auriculaire paraît avoir été pratiquée par un grand nombre de religions différentes et remonter à une haute antiquité. Nous emprunterons à l’abbé Guillois quelques observations très-curieuses sur ce sujet. « On se confessait, dit-il, dans les mystères de Bacchus, de Vénus et d’Adonis. Les prêtres qui entendaient les confessions portaient une clef pendue aux épaules ; c’était le symbole du secret qu’ils devaient garder. À Samothrace, des sacrifices expiatoires, une confession en règle, précédaient l’admission de l’initié aux mystères cabiriques. Le prêtre qui y présidait se nommait kœès (purificateur, prophète) ; il avait le pouvoir d’absoudre du meurtre ; mais le parjure était considéré comme un crime capital. À Éleusis, ce n’était qu’après avoir subi de longues et difficiles épreuves qu’on pouvait être initié aux mystères de Cérès. Un prêtre était chargé d’examiner et de préparer les candidats ; ceux qui s’étaient rendus coupables de grands crimes étaient exclus ; le prêtre soumettait les autres à des expiations fréquentes, et leur faisait sentir la nécessité de préférer la lumière de la vérité aux ténèbres de l’erreur ; il les exhortait à réprimer toute passion violente, à mériter par la pureté de l’esprit et du cœur l’ineffable bienfait de l’initiation. » À ce sujet, Plutarque raconte l’anecdote suivante : « Lysandre étant sommé par un prêtre de se confesser, lui demanda : « Est-ce à Dieu ou à l’homme que je dois me confesser ? — À Dieu, répondit l’hiérophante. — Alors, retire-toi donc, ô homme ! » s’écria le général lacédémonien. » Les empereurs eux-mêmes n’étaient pas exempts de ces épreuves et de cette confession. L’histoire nous rapporte que Marc-Aurèle, en s’associant aux mystères de Cérès Eleusine, fut obligé de se confesser à l’hiérophante. Chez la plupart des peuples de la Grèce et de l’Asie, les personnes agitées par des remords de leur conscience trouvaient moyen de se délivrer d’un si terrible poids, en se soumettant à l’examen d’un prêtre particulier appelé l’auditeur. C’était à lui qu’il fallait s’adresser pour faire l’aveu de ces mêmes crimes. On ne pouvait être lavé que par le serment d’être vertueux et de mener une vie nouvelle. « Cela est si vrai, dit Voltaire, que l’hiérophante, dans tous les mystères de la Grèce, en congédiant l’assemblée, prononçait deux mots égyptiens qui signifiaient : Veillez et soyez purs. » Il y avait dans l’Élide des devins qui dirigeaient les consciences, et que l’on consultait pour savoir si certaines actions étaient conformes ou non à la justice divine. Chez les Chinois, lorsque l’empereur, à la tête de la nation, remplit l’office de sacrificateur, il pratique un grand nombre de cérémonies, parmi lesquelles se trouve la confession : il s’avance d’abord vers l’autel, fait diverses protestations, brûle des parfums, et prend ensuite le yu-pé, pièce de satin sur laquelle il a écrit le détail de ses actions, bonnes ou mauvaises ; il lit cet écrit à voix basse, fait des actes de repentir sur ce qu’il reconnaît avoir été mal, se propose de mieux faire à l’avenir, dépose le yu-pé dans une cassette, et y met le feu pour le consumer et le réduire en cendres.

Dans le Thibet, non-seulement tous les religieux, mais presque tous les laïques, ont leur père spirituel, à qui ils font en général l’accusation de leurs péchés. Aussitôt que le pénitent a prononcé cette formule : J’ai péché, le directeur fait sur lui une prière pour lui obtenir le pardon qu’il demande. Quatre fois par mois, le 14 et le 15, et ensuite le 29 et le 30 de la lune, les lamas, religieux thibétains, s’assemblent pour entendre l’explication de leur règle. Avant de paraître dans l’assemblée, le grand lama se confesse à celui à qui il a confié la direction de sa conscience ; purifié lui-même de cette manière, il entre dans le temple et commence à recommander à chacun de se confesser. Cet avertissement répété trois fois, s’il y en a qui s’avouent coupables, le supérieur de la communauté s’approche et fait sur leurs têtes certaines prières.

Dans le royaume de Siam, il existe une espèce de religieux mendiants appelés talapoins. Chaque jour, vers six heures du matin, ils vont demander l’aumône ; ils doivent tout recevoir sans rien dire, et même sans saluer, ce qu’ils font ponctuellement. Rentrés dans la pagode, ils vont se prosterner aux pieds du supérieur, et lui font leur confession ; la confession faite, le supérieur inflige une pénitence convenable.

Les gones, ministres de la religion des Cingalais, nation nombreuse et puissante qui habite l’Île de Ceylan, sont regardés comme les médecins des âmes.

En Perse, les ministres de la religion, appelés mages, se divisent en cinq classes : on nomme destouran-destour ceux qui entendent les confessions, décident les cas de conscience, et éclaircissent les points de la loi ; les livres des mages ordonnent de pardonner à celui qui a offensé, s’il s’humilie et confesse sa faute. Outre les neaesch, qui sont des prières humbles et soumises, et des afergans, qui sont des prières en forme de remercîments, les livres contiennent des patets, qui sont des actes de repentir des péchés que l’on a commis, et qui constituent une véritable confession générale.

C’est une maxime parmi les Indiens que celui qui confesse son péché en recevra le pardon. Ils célèbrent tous les ans une fête pendant laquelle ils vont se confesser sur le bord d’une rivière, afin que leurs péchés soient entièrement effacés. Dans le fameux sacrifice Tkiam, la femme de celui qui y préside est obligée de se confesser, de descendre dans le détail des fautes les plus humiliantes, et de déclarer jusqu’au nombre de ses péchés. Le Nittialarma, ou rituel des brahmanes, attribue la vertu d’effacer les péchés à certaines prières qui ressemblent assez aux actes de contrition des chrétiens.

La confession était également connue des anciens habitants du Japon, et voici de quelle singulière façon elle se pratiquait. Celui qui veut expier ses péchés se rend dans un désert, où il est reçu par des ermites qui l’entraînent au fond de solitudes effrayantes, lui font gravir des rochers très-ardus, et le soumettent à un régime sévère de jeûnes et de mortifications. S’il paraît trouver cette vie trop dure, on le suspend à une branche d’arbre au-dessus d’un précipice, et on l’abandonne en cet état. Celui qui a subi toutes les épreuves arrive enfin au haut d’une montagne ; là, on le met dans une balance suspendue au-dessus d’un abîme, et, à chaque nouvel aveu que fait le pénitent, la balance s’abaisse vers le gouffre. S’il a l’air de ne pas faire un aveu complet, on le précipite au fond ; mais si, au contraire, sa confession est complète, les balances se relèvent, il est réconcilié avec Dieu, il paye grassement le prêtre et va se livrer en paix au plaisir et à la bonne chère.

L’Église catholique, en mettant la confession au nombre des devoirs rigoureux qu’elle impose aux fidèles, n’a donc fait que s’approprier, en la modifiant, une institution que presque toutes les religions avaient pratiquée depuis un temps immémorial. La confession est définie par le catéchisme du concile de Trente ; une accusation que le pénitent fait de ses péchés à un prêtre qui a juridiction sur lui, pour en recevoir pénitence et absolution. On distingue plusieurs sortes de confessions. La confession est : 1° auriculaire, lorsqu’on fait l’aveu de ses fautes à l’oreille du prêtre ; 2° publique, lorsqu’on le fait devant l’assemblée des fidèles ; 3° particulière, lorsqu’on n’accuse que les péchés commis depuis une confession précédente, ordinairement depuis la dernière fois qu’on a reçu l’absolution ; 4° générale, lorsqu’on accuse les péchés qu’on a commis pendant toute sa vie.

Selon l’enseignement actuel de l’Église, le sacrement de pénitence, dont la confession est une partie constitutive, a été institué par Jésus-Christ lui-même, et, pour soutenir cette doctrine, on cite les textes que nous allons rapporter.

Dans l’Évangile selon saint Matthieu (ch. VIII, v. 18), Jésus dit à ses apôtres : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel. Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Dans saint Jean (ch. XX, v. 22), il dit encore : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez ; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » — « Si nous confessons nos péchés, dit saint Jean, Dieu juste et fidèle dans ses promesses nous les remettra. » Enfin saint Jacques dit, dans son Épître : « Confessez vos péchés les uns aux autres. » Tels sont les textes de l’Écriture sur lesquels on s’appuie pour soutenir que la confession est d’institution divine.

Non-seulement ces textes n’ont rien de plus convaincant que la plupart de ceux qu’invoquent les théologiens à l’appui de leurs assertions, mais les faits prouvent invinciblement qu’on ne leur donna pas d’abord le sens que leur prêta plus tard l’Église. Pendant les premiers siècles de l’Église, la confession fut purement facultative, et encore n’était-ce que la confession publique qui existait. On voyait les chrétiens les plus fervents venir s’accuser de leurs fautes au milieu de leurs frères, et cet aveu, exigé de la part des nouveaux convertis, leur semblait d’autant moins extraordinaire que semblable cérémonie existait dans la religion païenne. Quant à la confession auriculaire, il n’en était nullement question ; elle ne s’introduisit que peu à peu, et non sans avoir fait naître de nombreuses protestations. À la fin du VIe siècle, saint Goar reprochait à l’évêque de Trêves de s’être jeté à ses pieds pour lui confesser une faiblesse, au lieu de la révéler à Dieu seul. Saint Gilles remettait les péchés à ceux qui s’en repentaient, sans exiger qu’ils en fissent l’aveu ; et saint Jean Chrysostome recommandait de se confesser, non aux hommes, mais à Dieu.

L’abbé de Longuerue étant à son abbaye du Jard, ses religieux lui demandèrent un jour quel était son confesseur : « Quand vous m’aurez dit, leur répondit-il, quel était celui de saint Augustin, je vous montrerai le mien. » Nous avons, en effet, les Confessions de ce grand saint ; mais il n’y parle pas de son confesseur.

Un fait qu’on n’a pas assez remarqué, c’est que ce n’étaient pas les chrétiens qui primitivement pratiquaient la confession. C’étaient les nouveaux prosélytes qui, en sortant, de la corruption païenne pour embrasser la morale éminemment pure du christianisme, sentaient le besoin de faire un aveu public de leurs fautes ou même de leurs crimes ; cette confession (confessio, aveu) était le signe de leur rupture avec le passé. Aussi, même au IIIe siècle, une secte importante, celle des novatiens, continuait à refuser à l’Église le droit de remettre les péchés après le baptême. La confession précédait donc primitivement la réception de ce sacrement et, par conséquent, ne pouvait nullement concourir à la rémission des péchés, ou bien, si elle venait après le baptême, elle était tout simplement une pratique d’humilité et de pénitence. Il est vrai que les novatiens furent condamnés comme hérétiques ; ils étaient venus un siècle trop tard ; la doctrine ou plutôt la discipline de l’Église avait changé. Plus tard, la confession publique fut encore admise pour ceux qui, ayant apostasié, désiraient rentrer dans le christianisme, et bientôt après pour les pécheurs scandaleux. Les uns et les autres avaient renoué avec le passé ; il fallait donc une seconde rupture. Cependant la confession publique commençait à trouver un rude adversaire dans l’amour-propre ; cet aveu humiliant, cet étalage de ses misères était devenu d’autant plus pénible que le nombre des membres de la religion nouvelle s’était accru et que la confiance qui régnait entre eux lorsqu’ils n’étaient que quelques-uns s’était naturellement affaiblie. On dut alors restreindre le nombre des auditeurs, les laisser au choix du confessant, et, par une pente naturelle, on alla si bien que, au lieu de confesser ses péchés devant l’assemblée elle-même, on ne les confessa plus qu’à l’oreille du président, de l’évêque (episcopos, surveillant, président).

Ainsi se trouvaient réunis dans la même main deux droits très-distincts à leur origine : le droit de remettre les péchés, que les évêques possédaient comme successeurs des apôtres, et le droit d’entendre la confession des péchés, qui ne leur appartenait que par une tacite délégation de l’assemblée des fidèles ; comme conséquence du dernier, ils devenaient les conseillers naturels du pécheur, et lui indiquaient les pratiques de pénitence les plus propres à expier ses fautes et à l’empêcher d’y retomber. Ces trois privilèges, qui n’étaient d’abord que réunis dans la main de l’évêque, furent plus tard confondus, et constituèrent, par leur confusion, ce qu’on appelle le sacrement de la pénitence, dont l’évêque resta le dispensateur. À une époque où la société chrétienne était peu nombreuse, où elle formait une sorte de petit cénacle veillant activement sur la conduite de ses membres, comme le font encore aujourd’hui certaines sectes américaines, on comprend ces sortes de confessions, plus souvent forcées que volontaires, et qui n’embrassaient guère que les actes de la vie extérieure. De cette confession primitive à la confession auriculaire telle que l’ont décrétée les conciles de Saint-Jean-de-Latran et de Trente, et telle qu’elle est pratiquée dans l’Église depuis une dizaine de siècles, il y a un abîme. L’évêque, ne pouvant suffire à écouter la confession de tous les fidèles, délégua ce droit aux prêtres, se réservant la connaissance de quelques crimes particuliers. C’est de là qu’est venue cette théorie des cas réservés, qui est si singulière, pour ne pas dire plus. Le prêtre à le droit d’absoudre le meurtre, le viol, l’adultère, le parricide, qui sont les plus grands crimes, et il ne saurait accorder le pardon à celui qui a levé la main sur un clerc. Cette théorie a toujours été celle de l’Église, qui a de tout temps regardé les assassins, les voleurs comme moins coupables que celui qui attentait au moindre de ses droits. Cette doctrine des cas réservés eut pour effet, au moyen âge, de pousser nombre de pèlerins vers Rome, où ils allaient chercher le pardon et porter leur argent. Dans le Roman du Renard, le héros, obligé d’aller à Rome pour se faire absoudre de fautes dont son confesseur ne peut lui donner le pardon, s’écrie : « Eh ! pourquoi m’envoyer chercher si loin un pardon que le ciel peut tout aussi bien m’accorder ici ? C’est donc pour nous faire courir que le pape garde pour lui seul un pouvoir que lui seul est le maître de communiquer ? » Ces paroles du renard étaient répétées par tous ses contemporains, qui se lassaient des nombreux pèlerinages qu’on leur ordonnait chaque jour pour pénitence. Après être restée longtemps facultative, la confession auriculaire fut rendue obligatoire par une décision du fameux concile de Latran, tenu en 1215 sous le pontificat d’Innocent III. Le vingt et unième canon enjoint à « toute personne de l’un et de l’autre sexe, parvenue à l’âge de discrétion, de confesser tous ses péchés au moins une fois l’an à son propre prêtre. Que si quelqu’un, pour une juste cause, veut confesser ses péchés à un prêtre étranger, il en demandera et en obtiendra l’autorisation de son propre prêtre, parce qu’autrement cet étranger ne pourrait le lier ni le délier. » Cette décision a été reproduite par le concile de Trente, qui a fait un devoir aux curés de la lire au prône, chaque année, à l’ouverture du temps pascal. Cette obligation de se confesser à son propre prêtre, c’est-à-dire au curé de sa paroisse, avait été mise là à dessein et pour prévenir de nombreux scandales qui avaient lieu chaque jour dans l’Église. Le sacrement de pénitence était d’un bon rapport pour celui qui le conférait. Non-seulement le confesseur ordonnait des aumônes, des offrandes à l’Église, mais il dirigeait l’esprit de son pénitent, jouissait d’une grande influence sur lui, et attendait l’heure de la mort pour porter les plus grands coups, faire les demandes les plus considérables. Même de nos jours, nous gémissons souvent en voyant les déplorables effets produits par l’esprit d’intrigue du clergé. (V. le mot captation.) Ce n’est rien toutefois en comparaison de ce qui se passait autrefois. Déjà, de son temps, saint Jérôme rougissait pour l’Église de l’avidité insatiable de ses membres, et trouvait que les empereurs avaient eu raison de les empêcher de recevoir rien par testament. Qu’eût-il dit, s’il eût vu au moyen âge ces honteuses déprédations proclamées ouvertement et même passées en lois ? Non-seulement l’Église exigeait de tout mourant qu’il lui laissât une part de ses biens, sous peine de ne pas recevoir les derniers sacrements et de ne pas être enterré en terre sainte ; mais elle était allée jusqu’à déterminer la part qui lui revenait. Cette part, fixée d’abord au dixième, monta jusqu’au quart, et nos rois furent obligés de réagir par des lois contre des abus aussi scandaleux. Voilà comment, à la fin du XVIIe siècle, le tiers du territoire appartenait au clergé, et c’est ce que les écrivains ecclésiastiques appellent des dons pieux et volontaires. Les parlements réclamaient vainement contre cette avidité ; quant aux poëtes, ils se contentaient d’en rire. Une des plus jolies pièces dirigées contre cette vénalité de l’Église est un fabliau intitulé : le Testament de l’âne. Il s’agit d’un âne auquel un curé tenait beaucoup ; l’animal étant mort, son maître, qui ne voulait pas qu’il fût écorché, l’inhuma dans son cimetière. L’évêque, l’ayant appris, cita le curé à son tribunal, comptant le condamner à une bonne amende. Mais celui-ci, qui savait à qui il avait affaire, avait pris ses précautions, et, quand l’évêque lui demanda quelles bonnes raisons il apportait pour avoir ainsi profané la terre sainte, il répondit : « Écoutez-moi, sire, et si vous me jugez coupable, je me soumets à la pénitence que vous jugerez que j’ai méritée. L’âne dont on vous a parlé m’a servi vingt ans. C’était un animal excellent, bon travailleur et bon économe. Tous les ans, il mettait vingt sous de côté pour se préparer une ressource dans sa vieillesse. Enfin, à sa mort, se trouvant avoir amassé vingt livres, il en disposa par testament et vous supplie de les accepter, dans l’espérance que vos prières tireront son âme de l’enfer. — Que Dieu, répondit le prélat en prenant la bourse, pardonne au défunt tous ses péchés et lui accorde son saint paradis ! »

Le but primitif de la confession avait été d’indiquer à ceux qui s’étaient rendus coupables de quelque faute la pénitence à l’aide de laquelle ils pouvaient la racheter. C’est ainsi que, dans les premiers siècles, on était souvent banni de l’intérieur de l’église et obligé de se tenir à la porte, le corps couvert d’un cilice et des cendres sur la tête. Mais quand la première ferveur se fut dissipée, que le nombre des fidèles se fut accru considérablement, ce qui était possible pour une petite réunion ne le fut plus pour toute une ville. Le genre de pénitence ne changea pas moins que la confession elle-même. On ordonna bien encore le jeûne, la discipline, les pèlerinages, mais seulement aux fidèles de bonne volonté, aux religieux, aux simples et aux pauvres ; quant aux riches et aux puissants, comme leur ferveur n’était plus assez grande pour se soumettre à de telles expiations, l’Église, qui a su toujours se faire toute à tous, remplaça ces pénitences d’abord par des aumônes, puis par des offrandes, et enfin par des redevances fixes qui entraient, non dans la poche des pauvres ou dans le tronc des églises, mais dans le trésor du pape lui-même. La chose serait incroyable si l’on n’en avait des preuves irrécusables ; malgré le soin que la cour romaine a pris pour les dissimuler et les faire disparaître, il existe encore des exemplaires de ce curieux ouvrage, intitulé : Taxes de la chancellerie romaine, dans lequel tous les crimes possibles sont tarifés. Quand vint la Réforme, ce livre fut souvent invoqué par ceux qui accusaient la confession d’immoralité et la cour de Rome de vénalité. D’Aubigné en parle en plusieurs endroits, et le sieur Antoine du Pinet en a donné une traduction annotée, sous le titre de : Taxe des parties casuelles de la boutique du pape. Nous parlerons plus longuement, dans un article spécial, de ce curieux ouvrage.

Le quatrième concile de Latran impose au confesseur le devoir de garder un secret inviolable sur ce qui lui a été dit dans le confessionnal ; c’est ce qu’on appelle le sceau de la confession. Ce secret ne fut pas toujours bien gardé : Césarius, moine de Cîteaux, s’était confessé à son abbé d’avoir célébré les saints mystères sans être prêtre, et continua à le faire après la confession. L’abbé, sans désigner le coupable, porta l’affaire devant l’assemblée des religieux, qui décida qu’il fallait en référer au pape. C’était Innocent III. Celui-ci assembla les cardinaux, qui furent d’avis qu’on ne devait pas se servir contre le coupable des preuves que l’on n’avait que par la confession. Telle ne fut pas cependant l’opinion du pape, qui se prononça pour la violation du secret et pour la punition du moine sacrilège. Le continuateur de la Chronique de Nangis rapporte que, en l’an 1331, Robert, comte de Beaumont, produisit devant le parlement de Rouen de fausses lettres pour justifier ses prétendus droits au duché d’Arras ; qu’un jacobin, son confesseur, interrogé dans une assemblée tenue à Paris sur la valeur de ces lettres, déclara qu’il ne savait autre chose que ce qu’il avait appris par la confession et qu’il le révéla sur l’avis de Jean de la Palud, patriarche de Jérusalem, lequel invoqua la raison d’État. Les autres docteurs furent de son avis. Dans le même siècle, saint Jean Népomucène aimait mieux mourir dans les tourments que de révéler à l’empereur Wenceslas la confession de l’impératrice son épouse. Les moralistes décidèrent la question en sens divers jusqu’à ce que Clément VIII, par un bref du 20 mai 1594, déclarât qu’il n’était pas permis de faire usage, dans l’administration, de ce que l’on avait appris au confessionnal. Saint Liguori estime même que le prêtre ne doit pas éviter des embûches dont il n’a connaissance que par la confession. Mais, comme tous les autres principes, celui-ci a été violé par ceux qui avaient intérêt à le violer, et, dans tous les temps, on a vu quelques prêtres respecter aussi peu le secret de la confession que leurs vœux de chasteté, de pauvreté et d’humilité. L’Étoile raconte que le P. Cotton, voyant un jour le jeune roi Louis XIII tout pensif, lui demanda ce qu’il avait : « Je n’ai garde de vous le dire, répondit le jeune roi, car vous l’écririez tout aussitôt en Espagne, comme pour tout ce que je vous avoue. » Au siècle dernier, l’impératrice Marie-Thérèse était le seul souverain d’Europe qui soutînt les jésuites, que Clément XIV voulait abolir ; pour vaincre sa résistance, on lui mit sous les yeux la copie exacte de ses confessions, qui était chaque semaine envoyée au Gesu à Rome. Cet argument valut mieux que tous les autres, et elle ne s’opposa plus à la dissolution de l’ordre.

Nous avons vu comment le clergé a pu être conduit, par le désir d’accroître son influence et ses richesses, à étendre de plus en plus l’importance religieuse de la confession ; mais il a trouvé sous ce rapport un auxiliaire puissant dans le zèle et l’exaltation d’esprit des dévotes. La femme que les années envahissent, que le monde abandonne, à qui son miroir lui-même est odieux, parce que, comme Laïs, elle ne peut s’y voir ni telle qu’elle était jadis ni telle qu’elle est maintenant, a besoin de trouver un aliment à son activité, quelque chose qui occupe son cœur et son esprit : elle se jette dans la religion. Ce qui représente la religion, c’est le confesseur, et, quel que soit son âge, le confesseur, c’est toujours l’homme. À toutes les femmes on pourrait dire le mot de Boufflers. La marquise sa mère lui disant qu’elle désespérait de jamais arriver à aimer Dieu, celui-ci lui répondit : « Oh ! ma mère, s’il se faisait homme une seconde fois, vous en viendriez bien à bout. » La femme n’a jamais vu Dieu qu’à travers l’homme. Mais un autre motif attire encore la femme vers le confessionnal, c’est que là elle parle d’elle à quelqu’un qui s’en occupe exclusivement. « La femme, a dit un moraliste, aime tellement qu’on s’occupe d’elle, qu’elle aimera mieux avouer des fautes qu’elle n’a pas faites que de ne rien dire du tout. » Voila pourquoi elle aime son confesseur, et pourquoi cet amour devient de plus en plus intense à mesure qu’elle vieillit. Sous Louis XIV et sous Louis XV, les femmes, trouvant qu’un prêtre ne leur suffisait pas pour les diriger dans la la voie du salut, en eurent deux, le confesseur et le directeur. Au mot directeur, nous donnerons de curieux détails sur ce singulier genre de dévotion.

Quant à l’influence des confesseurs sur les jeunes femmes, sur les jeunes filles ; quant aux résultats forcés de cette intimité, qui est aussi contraire à nos mœurs ordinaires qu’aux lois générales de la bienséance, écoutons Paul-Louis Courier : on ne saurait ni plus ni mieux dire : « Quelle vie, en effet, quelle condition que celle de nos prêtres ! on leur défend l’amour et le mariage surtout, on leur livre les femmes ! Ils n’en peuvent avoir une, et vivent avec toutes familièrement ; c’est peu ; mais dans la confidence, l’intimité, le secret de leurs actions cachées, de toutes leurs pensées. L’innocente fillette, sous l’aile de sa mère, entend le prêtre d’abord, qui, bientôt l’appelant, l’entretient seule à seul ; qui, le premier avant qu’elle puisse faillir, lui nomme le péché. Instruite, il la marie ; mariée, il la confesse et la gouverne. Dans ses affections, il précède l’époux et s’y maintient toujours. Ce qu’elle n’oserait confier à sa mère, avouer à son mari, lui prêtre le doit savoir, le demande, le sait, et ne sera point son amant. En effet, le moyen ? n’est-il pas tonsuré ? Il s’entend déclarer à l’oreille, tout bas, par une jeune femme, ses fautes, ses passions, ses désirs, ses faiblesses, recueille ses soupirs sans se sentir ému, et il a vingt-cinq ans ! Confesser une femme ! imaginez ce que c’est. Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, de guérite, est dressée contre le mur exprès, où ce prêtre, non Mingrat, mais quelque homme de bien, je le veux, sage, pieux, comme j’en ai connu, homme pourtant, et jeune (ils le sont presque tous), attend le soir après vêpres sa jeune pénitente qu’il aime ; elle le sait ; l’amour ne se cache point à la personne aimée. Vous m’arrêterez là : son caractère de prêtre, son éducation, son vœu… Je vous réponds qu’il n’y a vœu qui tienne, que tout prêtre sortant du séminaire, sain, robuste et dispos, aime, sans aucun doute, une de ses paroissiennes. Il n’en peut être autrement ; et si vous contestez, je vous dirai bien plus, c’est qu’il les aime toutes, celles du moins de son âge ; mais il en préfère une, qui lui semble, sinon plus belle que les autres, plus modeste et plus sage, et qu’il épouserait ; il en ferait une femme vertueuse, pieuse, n’était le pape. Il la voit chaque jour, la rencontre à l’église ou ailleurs, et, devant elle assis aux veillées de l’hiver, il s’abreuve, imprudent ! du poison de ses yeux. Or, je vous prie, celle-là, lorsqu’il l’entend venir le lendemain, approcher de ce confessionnal, qu’il reconnaît ses pas, et qu’il peut dire : c’est elle, que se passe-t-i dans l’âme du pauvre confesseur ? Honnêteté, devoir, sages résolutions, ici servent de peu, sans une grâce toute particulière du ciel. Je le suppose un saint ; ne pouvant fuir, il gémit apparemment, soupire, se recommande à Dieu ; mais si ce n’est qu’un homme, il frémit, il désire, et déjà malgré lui, sans le savoir, peut-être, il espère. Elle arrive, se met à ses genoux, à genoux devant lui, dont le cœur saute et palpite. Vous êtes jeune, monsieur, ou vous l’avez été, que vous semble, entre nous, d’une telle situation ? Seuls la plupart du temps, et n’ayant pour témoins que ces murs, que ces voûtes, ils causent, et de quoi ? hélas ! de tout ce qui n’est pas innocent. Ils parlent, ou plutôt murmurent à voix basse, et leurs bouches s’approchent, leur souffle se confond. Cela dure une heure ou plus, et se renouvelle souvent. » On n’a eu que trop souvent des exemples des résultats déplorables qu’amène cette intimité forcée entre une jeune femme ou une jeune fille et un homme condamné au célibat. Nous ne parlerons ni des Mingrat, ni des Contrafatto, ni de tant d’autres. Nous constaterons seulement qu’un revirement salutaire se fait dans les esprits ; que tous les gens sérieux comprennent que la confession, qui a pu être bonne à des époques de grossière ignorance où il fallait la crainte de l’enfer pour retenir sur la pente du vice, est superflue et même nuisible aujourd’hui que la moralité humaine s’est placée sur un terrain plus élevé. George Sand a écrit contre la confession un de ses plus éloquents romans, Mademoiselle de la Quintinie ; et, à l’exemple de son héros, nombre de jeunes gens préfèrent ne pas se marier, plutôt que de voir l’ombre du confesseur sans cesse interposée entre eux et leur femme.

Aujourd’hui, le pénitent est libre de choisir pour confesseur tout prêtre approuvé. Il n’en était pas ainsi autrefois. Le quatrième concile de Latran (1215) obligeait le fidèle à se confesser à son curé, à son propre prêtre, qui se montrait d’autant plus jaloux de son droit qu’il retirait de l’administration du sacrement de pénitence ce qu’on appelait le denier de confession, offrande volontaire en argent que le pénitent faisait à son confesseur. Cependant certains ordres religieux s’arrogeaient, comme nous l’avons déjà vu, le droit de confesser même sans la permission des curés ; mais leurs prétentions furent condamnées par le concile de Trente (sess. 23, ch. xv), qui interdit formellement à tout prêtre séculier ou régulier, n’ayant pas charge d’âmes, d’entendre la confession des fidèles. Mais si les ordres religieux avaient contre eux les conciles, ils réussissaient presque toujours à mettre les papes de leur côté ; ainsi la clémentine Dudum autorise les ordres mendiants à confesser, à la seule condition qu’ils auront demandé l’autorisation à l’évêque, lors même qu’ils auraient éprouvé un refus. Pour résister à cette invasion du clergé régulier que favorisait la cour de Rome, le concile de Bordeaux (1614) défendit aux religieux de confesser sans la permission de l’évêque, malgré les indults qu’ils auraient obtenus de la pénitencerie romaine, et refusa l’eucharistie à ceux qui se confesseraient hors de leur diocèse sans autorisation. Plusieurs autres conciles intervinrent et se prononcèrent dans le même sens, ce qui n’empêcha pas le clergé régulier de triompher, grâce à l’appui des papes.

L’esprit de réglementation s’est exercé sur la confession comme sur les autres pratiques du culte catholique. Les canonistes ont été jusqu’à chercher à déterminer quel serait le confesseur de chaque chrétien, suivant la place qu’il occupait dans l’Église, en commençant par le pape pour finir aux simples laïques.

Confesseur du pape. Jean de Dieu, fameux canoniste de Bologne, après avoir établi que le pape n’est pas impeccable, se demande quel doit être son confesseur. D’après plusieurs canonistes, dit-il, ce devrait être l’évêque d’Ostie, parce qu’ayant le privilège de le sacrer il a sur lui une espèce de supériorité ; d’après d’autres, il pourrait choisir entre les cardinaux qui l’élisent. Enfin il émet sa propre opinion, et conclut en disant que, le pape ayant le droit de s’accorder à lui-même ce qu’il accorde aux autres, il peut se soumettre à la juridiction d’un inférieur, avec d’autant plus de raison d’ailleurs que cet inférieur tient la place de Dieu.

Confesseurs des cardinaux. D’après le même Jean de Dieu, les fautes des cardinaux étant d’autant plus considérables qu’ils sont eux-mêmes plus élevés dans l’Église, il faut pour les expier des pénitences longues et grandes. Il en est qui prétendent que les cardinaux prêtres doivent prendre le pape pour confesseur ; les cardinaux diacres, les cardinaux prêtres, et ainsi de suite. Jean de Dieu estime que, hors de Rome, ils peuvent se confesser à un prêtre quelconque, et, lorsqu’ils sont à Rome, au pape pour les fautes publiques et au grand pénitencier pour les fautes secrètes.

Confesseurs des patriarches. C’est encore le pape pour les fautes publiques ; mais, pour les péchés occultes, ils peuvent s’adresser à un prêtre quelconque.

Confesseurs des archevêques et des évêques. Pour les fautes publiques, ils doivent se confesser, les premiers, au pape ou au patriarche ; les seconds, au primat, au moins au temps du concile provincial ; pour les péchés occultes, à un prêtre quelconque. Il faut cependant excepter, dans le dernier cas, les crimes d’homicide et de simonie, pour lesquels les évêques doivent recevoir l’absolution du métropolitain.

Confesseurs des prêtres et des clercs. L’évêque était autrefois le confesseur ordinaire des prêtres de son diocèse, d’après Chrodegand, évêque de Metz (744). En 1300, le synode de Troyes recommande aux évêques de leur nommer des confesseurs auxquels ils seront tenus de s’adresser. Le concile d’Oxford (1222) dit qu’il y aura deux confesseurs de prêtres dans chaque archidiocèse. Cependant il paraît, par certains règlements, que, depuis la seconde moitié du XIIIe siècle, ils étaient ordinairement libres de s’adresser à tel prêtre qu’ils voulaient ; il leur était seulement recommandé de ne pas se confesser à quelqu’un dont ils venaient d’entendre la confession,

Confesseurs des moines. Saint Athanase rapporte, dans la Vie de saint Antoine, que les religieux écrivaient leurs fautes et leurs pensées pour se les communiquer les uns aux autres. Mais ce n’était pas là la confession sacramentelle. On sait, du reste, par saint Jean Climaque, qu’il y avait dans les ordres religieux deux sortes de confession : la première se faisait à l’abbé, la seconde en public ; celle-ci fut même recommandée aux fidèles laïques par Jonas, évêque d’Orléans. Le pouvoir de confesser fut longtemps contesté aux moines. Mais Urbain II, au concile de Nîmes (1096), résolut la question affirmativement en traitant d’insensés ceux qui soutenaient le contraire. Non-seulement donc les abbés avaient le droit de confesser leurs religieux, mais encore les moines pouvaient confesser les laïques, s’ils étaient appelés par l’évêque du lieu. On sait, du reste, par le témoignage de Nicéphore Cartophylax, que, dès le VIIIe siècle, il y avait des moines qui confessaient ; et, en 829, le sixième concile de Paris, dans la crainte de les voir s’emparer presque entièrement de la confession, grâce à une indulgence excessive, établissait que les religieuses devaient se confesser aux séculiers, ainsi que les clercs et les laïques, et que les religieux seuls pouvaient se confesser aux moines.

Confesseurs des religieuses. La confession des religieuses est la partie que les conciles semblent avoir traitée avec le plus de prédilection. D’après la règle de saint Basile, elles devaient se confesser à leur supérieure, laquelle était chargée de raconter leurs fautes au confesseur. Il paraît cependant qu’elles pouvaient quelquefois se confesser directement au prêtre ; mais, même dans ce cas, la supérieure était ordinairement présente, parce que, selon la réponse de Jonas, évêque d’Orléans, cela était plus bienséant. Cependant les abbesses, au lieu de se contenter de recevoir la confession de leurs religieuses pour la transmettre au prêtre, voulurent s’arroger le droit de tout faire par elles-mêmes ; elles voulurent être et quelques-unes se firent de véritables confesseurs ; mais le concile de Mayence, en 816, condamna cette prétention. Déjà, du reste, elles étaient assujetties à se confesser au prêtre seul, en l’absence de la supérieure ; mais aussi que de mesures prises par les conciles ! En 816, le concile d’Aix-la-Chapelle ordonne qu’elles se confessent dans l’église, en présence des fidèles, afin qu’on ne puisse avoir de soupçons sur leur conduite ou leur conversation avec le confesseur ; en 819, le concile de Paris exige qu’elles se confessent devant l’autel lorsqu’il y aura du monde dans l’église, et cela… aux prêtres désignés par l’évêque, non aux moines. Le concile de Milan, tenu sous l’épiscopat de saint Charles Borromée, recommande de leur donner des confesseurs âgés, sages et craignant Dieu, et de les changer tous les deux ou au moins tous les trois ans ; il défend au confesseur d’entrer dans le couvent sans l’autorisation de la supérieure, même pour voir des malades, et d’y passer la nuit, d’accepter des cadeaux des religieuses, sous quelque prétexte que ce soit, etc. Enfin il ordonne l’interposition d’un rideau devant la grille du confessionnal, et prononce l’exclusion contre tout confesseur qui aura confessé sans rideau. Aujourd’hui, les religieuses ont pour confesseur ordinaire l’aumônier du couvent et, en outre, des pères spirituels, envoyés par l’évêque de temps en temps, une fois par an au moins.

Nous voulons bien admettre que les confesseurs de nonnes sont souvent des prêtres consciencieux qui remplissent honorablement les devoirs attachés à leurs fonctions. Mais la vérité nous oblige à dire que plus d’une fois on en a vu qui abusaient étrangement du prestige que leur caractère sacré leur donnait sur de pauvres recluses privées de tous les bonheurs dont la nature leur fait sentir, comme à toutes les personnes de leur sexe, l’irrésistible besoin. Pour connaître ce qui se passe quelquefois entre de jeunes religieuses et celui qu’elles appellent leur directeur, il faut le demander à celles qui ont mené cette vie. Voici ce qu’en dit Mme Enrichetta Carracciolo, qui fut trente ans religieuse, et qui publia en 1864, les Mystères des couvents de Naples, livre qui fit grande sensation : « Si la pratique des sacrements est simple et facile pour les moines, il n’en est pas de même pour les nonnes. L’affaire de la confession absorbe ces dernières jour et nuit, envahit toutes leurs pensées, les préoccupe incessamment et fournit un aliment inépuisable à leurs loisirs. Peu à peu la confession devient pour elles la condition sine qua non de leur existence, science occulte qui s’apprend dans le silence du cloître, tant par expérience personnelle que par enseignement mutuel ; espèce de camorra qui a ses adeptes, ses règlements tacites, ses chefs et son Code pénal. Supposez un concile qui supprimerait dans les couvents de femmes le bonheur suprême du confessionnal ! L’État pourrait se dispenser de faire des lois contre l’avenir du monachisme ; les couvents de femmes se fermeraient d’eux-mêmes au bout de quelques semaines. » Pour la femme enfermée dans cette tombe anticipée qu’on appelle un cloître, le confesseur est le lien qui la rattache à cette vie extérieure dont elle est pour jamais séparée ; c’est l’appui, le soutien de cette enfant isolée, désarmée devant les haines et les tyrannies de ses supérieures, et pour laquelle, d’après les lois fondamentales de la vie religieuse, ses compagnes ne peuvent prendre parti ; c’est le guide, la pensée, pour ainsi dire, de ces êtres que l’obéissance passive du couvent a conduits à l’annihilation, à l’abêtissement le plus complet. « Il y a des religieuses, dit Mme Carracciolo, qui n’osent pas même dresser la liste du linge à laver sans l’intervention de leur confesseur. L’une d’elles voyait le sien trois fois par jour ; le matin, elle lui portait des provisions pour son dîner ; plus tard, lorsqu’il venait de dire la messe, elle lui servait des biscuits et du café, et, après le dîner, elle restait avec lui jusqu’à une heure avancée pour faire, disait-elle, le compte de ce qu’elle avait dépensé dans la matinée. Du reste, non contente de si nombreuses entrevues, elle lui écrivait encore deux fois dans l’intervalle des visites. » Mais ce que la religieuse voit surtout dans son confesseur, ce n’est pas le prêtre, c’est l’homme, l’homme pour qui elle était faite et vers lequel une curiosité invincible l’attire ; on a beau contrarier la nature, on n’en saurait triompher. Parcourez l’histoire de tous les couvents, et ce fait vous frappera, toujours le même, toujours inévitable, le confesseur séduisant ses religieuses comme le jésuite Girard et tant d’autres, le confesseur séduit par ses religieuses, comme Urbain Grandier ; car le confesseur est homme, lui aussi, et de plus il est prêtre, c’est-à-dire il a autorité sur celles à qui il s’adresse, peut leur imposer ses paroles et, à l’aide de raisonnements subtils, peut les entraîner dans l’abîme en invoquant les paroles des Pères de l’Église ou même les textes de l’Évangile, comme la chose a eu lieu plusieurs fois. Dans le fameux procès fait à Virginie de Leyva et aux autres religieuses du couvent de Monza, au commencement du XVIIe siècle, figure le confesseur don Arrighone ; il enseignait aux nonnes ce qu’elles devaient faire, et voici comment : « Saint Augustin, leur disait-il, vous défend sans doute de rompre votre clôture ; néanmoins, sans péché, même véniel, vous pouvez, avec l’autorisation de votre directeur, y introduire un amant, même deux amants, et trois et quatre, s’il le faut ; car, ajoutait-il, votre vœu vous défend de sortir de votre cellule, mais non d’y introduire d’autres personnes. » Écoutons le récit que fait une de ces religieuses : « Un autre prêtre enfin, le plus importun de tous par ses assiduités opiniâtres, prétendait être aimé de moi à tout prix. La poésie profane n’offre point d’images, la rhétorique point de sophismes, la parole de Dieu point d’interprétations auxquelles il n’ait eu recours pour m’amener à ses fins. Voici un échantillon de sa manière de raisonner : Ma belle enfant, me dit-il un jour, savez-vous ce que c’est que Dieu en réalité ? — C’est le Créateur de l’univers, répondis-je sèchement. — Non, non, non ! ce n’est pas tout, reprit-il en riant de mon ignorance. Dieu est amour, mais l’amour abstrait qui reçoit son incarnation par l’affection mutuelle de deux cœurs qui s’adorent. Donc vous ne pouvez ni ne devez aimer Dieu dans l’existence abstraite ; vous devez, au contraire, l’aimer dans son incarnation, c’est-à-dire dans l’amour exclusif d’un homme qui vous idolâtre, quod Deus est amor, nec colitur nisi amando. — Ainsi, répliquai-je, en adorant son amant une jeune fille adorerait la divinité elle-même ? — Certainement, répéta-t-il sur tous les tons, encouragé par ma réplique et heureux du succès qu’il croyait avoir obtenu. — En ce cas, repris-je vivement, je choisirais pour amant un homme du monde plutôt qu’un prêtre. — Dieu vous préserve de cette peste, ma fille, ajouta mon interlocuteur avec effroi ! Aimer un homme du monde, un profane, un impie, un mécréant, un infidèle ! mais vous iriez immédiatement en enfer. L’amour du profane est un crime ; la foi du prêtre émane de la foi prêtée à la sainte Église, celle du profane est mensongère et fausse comme la vanité du siècle. Le prêtre purifie chaque jour son affection, l’homme du monde (si toutefois il osait aimer) balaye jour et nuit avec son amour tous les ruisseaux fangeux de la rue. — Mais mon cœur et ma conscience m’éloignent du prêtre. — Eh bien ! si vous refusez de m’aimer parce que je suis votre confesseur, je trouverai le moyen de lever vos scrupules. Le nom du Christ présidera toujours à nos épanchements amoureux ; ainsi notre amour deviendra une offrande agréable au Seigneur, et il montera au ciel imprégné de parfums, comme la vapeur de l’encens dans le sanctuaire. Dites-moi, par exemple : Cette nuit, j’ai rêvé de vous en Jésus-Christ ; vous aurez la conscience tranquille, car de cette manière tous vos transports seront sanctifiés. »

Confesseurs des rois, des princes et des grands seigneurs. Les rois, les princes et les grands seigneurs ont été pendant longtemps, jusqu’à la seconde moitié du XIIIesiècle, obligés de s’adresser à des confesseurs qui leur étaient imposés par l’autorité ecclésiastique. C’était ordinairement l’évêque qui se réservait le droit de les confesser, lors même que pour les autres fidèles il établissait des pénitenciers dans son diocèse. Ferdinandus Castiglius raconte que, en Aragon, le confesseur du roi était choisi par l’État. En 1281, Martin IV permit à Magnus, roi de Suède, de choisir lui-même son confesseur, et Boniface VIII donna la même autorisation à Édouard, roi d’Angleterre. Les rois de France, depuis Philippe le Hardi, jouirent du même privilège ; ce fut Grégoire X qui l’accorda à ce prince. En 1351, Clément VI, dans une lettre adressée au roi Jean, lui permet de choisir tel confesseur qu’il lui plaira, séculier ou régulier, et autorise celui qu’il choisira à changer ses vœux, à l’exception des vceux de chasteté et de continence, en d’autres œuvres de piété ; il lui donne encore le pouvoir d’absoudre des serments, de dispenser l’armée du maigre, excepté les vendredis du carême et la veille des grandes fêtes, d’accorder au roi les mêmes dispenses et de donner des indulgences plénières à la mort ou au moment d’une bataille. Une lettre du pape Urbain V au même roi confirme à son confesseur le dernier privilège (1370). Grégoire XI, en 1376, permet à Charles V de se faire accorder par son confesseur de manger des œufs, du beurre et du lait pendant le carême, sur un certificat du médecin, et à ses officiers d’avaler de ces choses, lorsqu’ils doivent en faire l’essai avant que le prince en mange. Enfin, Clément V permet aux gens de la cour d’y recevoir les sacrements, mais sans préjudice du droit des curés (denier de confession), qui cependant ne pourront les inquiéter à ce sujet ; il accorde, en outre, aux officiers des maisons royales la liberté de choisir leur confesseur et permet au chapelain de les confesser tous.

De tous les postes de confesseur, celui de confesseur du roi a toujours été le plus recherché à cause de l’influence qu’il donnait ; en France, c’était ordinairement le confesseur du roi qui avait la feuille des bénéfices. Il fallait pour ce poste des hommes bien souples et bien adroits, qui sussent faire plier la religion aux exigences de leur royal pénitent ; c’est pourquoi il a presque toujours été rempli par les jésuites, dont la morale facile est bien connue. On sait que Mme de Montespan appelait le P. Lachaise, confesseur de Louis XIV, la chaise de commodité, et l’histoire a ratifié ce surnom. Après lui vint le P. Le Tellier, qui ne fut pas moins indulgent aux faiblesses du roi, et qui lui fit expier ses fautes sur les protestants et les jansénistes, qu’il persécuta odieusement. C’est lui qui encouragea Louis XIV à lever de nouveaux impôts sur ses sujets écrasés par la guerre et la famine, en lui disant que tous les biens de son royaume lui appartenaient. Louis XIV eût dû imiter un roi d’Angleterre, qui, recevant un jour un conseil de cette sorte, commença par s’emparer des biens de celui qui le lui donnait. On peut voir dans tous ceux qui ont approché des rois et qui ont laissé des mémoires, quelles nombreuses intrigues s’ourdissaient à la cour pour donner au prince soit un confesseur, soit une maîtresse, ces deux grandes influences des monarchies absolues et dont le pouvoir a été également funeste. Les débauches de Louis XV peuvent être attribuées en partie au confesseur de Marie Leczinska. Ce prêtre ambitieux avait conseillé à la reine de prendre toute autorité sur son époux et de le bannir de son lit quand il ne voudrait pas accéder à ses désirs. La tentative ne fut pas heureuse : Louis XV déserta le lit conjugal pour se livrer à la corruption la plus effrénée. C’était en ce moment que le cardinal Fleury essayait de donner une maîtresse au roi pour ressaisir l’influence : le ministre et le confesseur se valaient. En Espagne, les confesseurs jouaient également un grand rôle auprès du roi. Philippe V n’allait voir sa maîtresse qu’accompagné de son médecin et de son confesseur, qui l’attendaient à la porte. Un jésuite en mourant, voulant reconnaître les bontés que le roi, son pénitent avait eues pour lui, lui conseilla de ne jamais prendre de jésuite pour confesseur. Mais ceux qui voudront connaître plus amplement les intrigues qui s’agitaient autour des confesseurs des rois doivent se reporter aux détails que nous avons donnés sur ce sujet à l’article confesseur.

L’idée de la confession était bonne par elle-même, puisque l’antiquité l’avait pratiquée ; celle d’un guide spirituel n’était pas moins heureuse. Au commencement de l’empire romain on voyait les philosophes stoïciens remplir ce rôle, donner des conseils pour bien vivre et accompagner jusque sur le gibet ceux qui allaient mourir, pour soutenir ou exciter leur courage. Le désir insatiable de domination, l’avidité sans bornes de quelques membres du clergé catholique ont gâté ces deux institutions, qui pouvaient être salutaires et fécondes, et qui deviennent quelquefois une école de corruption et d’immoralité. C’est là que la jeune tille entend parler pour la première fois d’actions dont elle ignore jusqu’au nom, que la femme apprend plus de choses en un quart d’heure qu’en vingt ans de mariage. Lisez Sanchez, lisez Suarez, pour connaître le vocabulaire des cas de conscience et voir toutes les questions immondes que des confesseurs peuvent poser à leurs pénitentes ; car si tous ne sont pas immoraux, beaucoup sont imprudents, naïfs ou indiscrets, et toutes les femmes n’ont pas la présence d’esprit de celle à qui son confesseur demanda brusquement son n om, et qui lui répondit simplement : « Mon père, mon nom n’est pas un péché ! » Quand ce n’est pas la vertu de la femme qui est menacée, c’est le bonheur du mari. Quel est le ménage qui n’a pas été troublé, divisé par ces hommes qui s’interposent entre ce que Dieu a uni, et sous prétexte de religion y sèment la discorde et la désunion. Enfin, au point de vue social, ne voit-on pas qu’il y a quelque chose de profondément immoral dans ces pratiques ? N’est-ce pas une doctrine dangereuse que celle qui proclame que l’aveu fait à un prêtre suffit pour effacer toute souillure, et un esprit faible ne peut-il pas aisément se laisser entraîner au vice quand on lui apprend qu’il est si facile de s’en purifier ? C’est ainsi que Louis XI se permettait toutes sortes de cruautés, certain de les expier par une prière à la Vierge, une donation à un monastère ; c’est ainsi que Philippe-Auguste, revenant de la terre sainte, demandait au pape de le délier du serment qu’il avait fait à Richard Cœur de Lion, de ne pas attaquer ses États durant son absence ; et c’est aussi parce que cette doctrine pernicieuse a complètement faussé son sens moral que l’Italien va se confesser et se faire absoudre d’un crime qu’il a l’intention de commettre, et qu’il va en effet perpétrer en toute sûreté de conscience au sortir du confessionnal. Combien est plus élevée et plus féconde la conviction de celui qui a le sentiment de sa dignité et le respect du droit de ses frères ! Comme lady Macbeth, il sait que les eaux de l’Océan ne suffiraient pas pour effacer une tache de sang, et que toutes les absolutions du monde sont impuissantes à réparer le tort fait à un de ses semblables.

Billets de confession. Terminons cet article par quelques détails sur ce que l’on désigne généralement par cette alliance bizarre de mots : billet de confession. On vient de voir plus haut l’importance que le catholicisme a toujours attachée à la confession, à cette Sorte de poule aux œufs d’or, source, principe de puissance, d’autorité et de richesse. Pendant la domination absolue du catholicisme, alors que le droit civil se confondait avec le droit canon, la confession était une obligation imposée a tous, et personne n’eût osé s’y soustraire sous peine d’être soupçonné d’hérésie et de se voir atteint par l’excommunication, qui n’était pas une peine purementspirituelle, mais qui emportait alors t’amende, la prison et la confiscation des biens. Ceux qui étaient morts sans confession par accident ou autrement, et sur lesquels l’Église n’avait plus de prise, étaient privés de la sépulture en terre sainte et une partie de leurs biens était confisquée au profit de l’Église. Aussi cette pratique futerie vivement critiquée par les réformateurs, qui en proclamèrent bien haut l’immoralité et la mirent à l’index. Quand Louis XIV eut, de son autorité de droit divin, supprimé la religion calviniste et ordonné à tous ses sujets Je rentrer dans le giron de l’Église catholique, il fallut un contrôle pour s’assurer oe la sincérité de ces nouveau* convertis, que

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le Sabre des dragons avait poussés vers l’autel, et il fallut prendre des mesures pour les empêcher de retourner à leurs anciennes erreurs. On exigead’eux des billets de confession délivrés par les curés des paroisses. Cette confession si odieuse à leurs yeux, acceptée par eux, était un gage qu’ils acceptaient également les autres parties du culte, et qu’ils étaient redevenus sincèrement catholiques. Le billet de Confession devint pour eux une sorte de passeport sans cesse exigible, et sans lequel ils n’avaient aucune sûreté. Mais c’est surtout des malades que cette preuve de sincérité fut exigée ; beaucoup de ceux qui avaient abjuré sous la pression de la violence et pour conserver leurs biens et leur liberté se rétractaient au lit de la mort. C’est contre eux qu’avait été rendue cette terrible ordonnance : « Ceux qui, dans une maladie, refuseront les sacrements seront après leur mort traînés sur la claie, et leurs biens confisqués. » L’absence du billet de confession suffisait pour faire prononcer ces graves condamnations, soit contre les morts, Soit contre les vivants, et cela non en justice, mais par la simple décision d’un intendant. Aussi les abus furent-ils énormes, et les vexations très-nombreuses. Les curés, poussés par un zèle fanatique, venaient de force s’implanter au pied du lit des mourants, et, quand on leur refusait la porte, requéraient l’assistance de l’autorité. Les intendants se livraient à l’arbitraire le plus inique, envoyant des hommes dont la science et le mérite égalaient l’innocence finir leurs jours dans les galères. Il suffit de parcourir l’histoire de la révocation de ledit de Nantes, et de voir le rôle qu’y ont joué les billets de confession, pour connaître les excès inévitables dans lesquels on tombe toutes les t’ois qu’on veut tyranniser la conscience humaine.

Les billets de confession ont également joué un grand rôle au xvme siècle. Pendant la querelle des jansénistes et des tuolinistes, les scandales les plus déplorables curent lieu, les violences les plus condamnables se produisirent. Tous les prêtres se divisaient en acceptants, appelants et réappelants. Le moribond qui à son Ht de mort voulait recevoir les sacrements de l’Église devait présenter un billet de confession attestant qu’il avait reçu l’absolution d un prêtre non janséniste. A celui qui ne pouvait présenter ce billet, -on refusait impitoyablement les secours de la religion. Vainement le parlement s’en mêlait, ordonnait par un arrêt spécial de porter lus sacrements au malade : les curés, encouragés par le fanatique de Beaumont, ne tenaient aucun compte des ordres des magistrats, et laissaient mourir dans le désespoir ceux qui ne pensaient pas comme eux. Un fait suffira pour faire voir à quel degiè l’intolérance était arrivée. L’abbé de l’iïpée, un des grands bienfaiteurs de l’humanité, avait été suspendu de ses fonctions ecclésiastiques à cause de ses opinions jansénistes ; un jour il se présenta à Saint-Koch, sa paroisse, pour recevoir les cendres avec tous les fidèles ; le prêtre qui officiait le repoussa publiquement, et refusa de déposer une pincée de cendres sur son front. 1-e vénérable abbé se leva et répondit en ces ternies : « J’étais venu, pécheur contrit, m’huniilier à vos pieds, votre refus ajoute à ma mortification ; mon but est atteint, je n’insiste pas, pour ne pas tourmenter votre conscience. « Ce qui rendait ces démonstrations intolérantes encore plus odieuses, c’est qu’elles avaient lieu à une époque où les mœurs étaient plus que libres ; Bentivoglio, le nonce du pape, qui avait été un des principaux auteurs de la bulle, était décrié et méprisé de tous pour sa conduite scandaleuse : il avait deux filles d’une danseuse de l’Opéra qu’il entretenait publiquement ; l’aînée de ces filles avait même reçu le nom de Constitution, par allusion à celle dontBentivoglio avait été un des auteurs.

La nécessité du billet de confession existe toujours a [îome, où il n’y a d’autre autorité que l’autorité spirituelle. Voici les détails que donne h ce sujet un voyageur moderne, M. Kaufinann, dans ses Chroniques de Home, ouvrage où l’on trouve d’intéressants récits sur la situation de Rome et de la papauté en 1S05 :

« Les démarches à faire pour obtenir un passe-port à l’extérieur sont longues, pénibles, blessent la dignité de l’homme, la liberté de conscience, la chose du monde la moins respectée ici. Celui qui veut voyager doit d’abord s’adresser au curé de sa paroisse, autorité réelle, redoutable, disposant du bras séculier. À ce curé il faut demander un certificat constatant que, sous le rapport religieux, rien ne s’oppose a la délivrance du passe-port, c’est-à-dire que le demandeur a l’ait ses piques et a présenté un billet de confession et de communion. Vous vous récrierez en vain, vous invoquerez en vain votre droit d’être seul juge en pareille matière, le curé romain vous dénie ce droit ; il parle au nom de l’Église, souveraine temporelle, et le certificat n’est qu’à ce prix. Ce billet n’est pas seulement une nécessité pour celui qui veut sortir des États du pape, il est une des conditions de la liberté pour tout Romain, et le curé va chaque année a domicile le réclamer impérieusement. Celui qui ne veut pas le représenter peut d’un moment à l’autre être saisi par les carabiniers, qui le conduiront dans une prison, où il demeurera jusqu’à ce que la lassitude de la captivité le contraigne à l’obéissance. Toute violence amène le mensonge, la

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supercherie, et pour échapper au danger on achète des billets de communion, dont le trafic, presque public, est une des ressources des familles nombreuses, dont les membres vont communier chaque jour dans plusieurs églises pendant le temps de Pâques. Des sacristains font eux-mêmes ce commerce, pour n’en pas laisser le bénéfice à des intrus. Ceux qui répugnent à acheter le billet qu’ils doivent remettre au curé n’hésitent point à communier sans confession. »

Chez nous, la nécessité du billet de confession existe encore pour ceux qui veulent demander à l’Église la bénédiction de leur mariage.

— Archéol. chrétienne. — Confession des martyrs. En archéologie chrétienne, on appelle confession d’un martyr ou d’un saint quelconque le lieu où le corps de ce saint, de ce martyr a été inhumé. Par la suite, on donna aussi le nom de confession à l’autel élevé dans la basilique en l’honneur de celui qui était inhumé dans la partie souterraine de cette basilique. On doit donc distinguer deux sortes de confession : la confession souterraine et la confession supérieure. Quant au mot mwtyrium, il est assez difficile d’en donner une explication définitive, attendu que rien n’est plus vague et plus indéterminé que le sens dans lequel on le trouve employé, tant dans les auteurs chrétiens que sur les monuments de l’antiquité chrétienne, Fort souvent, le mot rnartyrium désigne la basilique tout entière, en ce sens que l’on prend le nom du martyr inhumé pour distinguer la basilique. Somme toute, on peut dire, en général, que si le indt confessio est appliqué essentiellement à désigner l’autel du martyr, le mot rnartyrium désigne la basilique entière. Ainsi, par exemple, dans le concile tenu en l’an 451, on parle de l’église de Sainte-Kuphémie de Chalcédoine ; le texte est ainsi : < In martyriosanctœ Euph’emiœ et pulehrœ, et victricis, et martyris ; Dans le rnartyrium de la sainte, belle, victorieuse et martyre Euphémie. » Éusèbe désigne l’église du Sauveur, élevée par Crescentius, sous le vocable de rnartyrium Salvatoris. Quelquefois aussi, au lieu de dire : confession (confessio) des martyrs, on emploie le mot memoria (mémoire). C’est ce mot-là qui figure le plus souvent sur les monuments. Rien de plus logique, du reste, que cette dénomination. L’autel élevé dans le sanctuaire même de la basilique n’avait-il pas pour but de conserver, de perpétuer le souvenir, la mémoire du martyr en l’honneur duquel l’autel était élevé ? Témoin cette inscription, donnée par de Rossi, no 443 : memoria anastasiae, Mémoire d’Anastasie. Deux monuments surtout, qui portent ce nom de

memoria, sont curieux à plus d’un titre, et pour l’histoire, et pour l’archéologie : c’est d’abord celui de Suzanne, et ensuite celui de Julius, qui éleva une mémoire à sa mère très-chérie, comme nous l’apprend l’inscription." Voici celle de Suzanne :

SVSSANNA. COMPARA II VIT. SIDI. MEMOHIAM.

. « Suzanne s’acheta elle-même sa mémoire. « Cette inscription est, de la fin du ive siècle. Quant à celle de Julius, la voici : MATER. DVLCtSSIMA

IN. PACfc) : XKI. RECEPTA

" IVLIVS. FILIVS. MBMORIAM. FKC. OBIIT. KAL. SEPTEM.

«Mère très-chère, reçue dans la paix du Christ (xpi) ; Julius, son fils, lui a fait [rue fit)J cette mémoire (memoriam). Elle mourut aux calendes de septembre. »

Mais la plus glorieuse des confessions fut, sans aucun doute, celle de Saint-Pierre de Rome, dont M. l’abbé Martigny a donné une bonne description, que nous allons reproduire tout au long : «Si l’on en croit e Catalogue des papes, donné au ti* siècle (Sehelestralt, Antiq. eccles., t. I, p. 400), et le Liore pontifical (t. l, p. 18), lupreinièro mémoire élevée sur les restes du prince des Apôtres seruit due à saint Anaclet. Quoi qu’il en soit, il est pleinement démontré, du moins, qu’elle existait dès le ne siècle (Borgia, De Vatic. confess. D. Pétri, ^, xxxvu). Les premières notions positives’ que nous possédions à ce sujet nous ont été transmises par notre saint Grégoire de Tours, qui avait visité la confession do Saint-Pierre ; et encore, la description qu’il en donne, et que nous ne faisons, pour ainsi dire, que reproduire, n’a-t-el !e pour objet que la partie supérieure. Le tombeau du prince des Apôtres, mémoire ou confession proprement dite, était placé sous un autel orné de quatre colonnes d’argent, qui supportaient un ciborium. Cet autel était entouré d’une grille, qui s’ouvrait pour ceux qui allaient y prier. Ils se plaçaient à une petite fenêtre, pratiquée au-dessus du tombeau et nommée jugulum, et, là, demandaient les faveurs dont ils avaient besoin. Ils faisaient ensuite descendre un linge, palliohim. qui auparavant avait été pesé dans une balance ; ensuite ils jeûnaient et priaient jusqu’à ce qu’ils connussent qu’ils étaient exaucés, et ils le connaissaient au poids que le patliolum avait acquis dans son séjour sur la sainte relique. Telle était, au viu siècle, la disposition de la confession de Saint-Pierre, et telles étaient les pratiques de dévotion qui y avaient lieu. Plus tard, elle sera embellie ; mais alors elle ne s’appellera plus confession de Saint-Pierre, ce sera Saint-Pierre de Rome, ce monument unique dans

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son genre, que viendront décorer et illustrer les pinceaux de Raphaël et de Michel-Ange. »

— Anecdotes. Une jeune fille, interrogée par son confesseur, lui avouait qu’elle avait eu beaucoup d’estime pour un jeune homme : « Combien de fois 11 lui demanda le confesseur.

L’abbé Gobelin, qui fut le directeur de Mme de Maintenou, était le confesseur de Mme de Coulanges, célèbre par son esprit et ses saillies. Un jour qu’il avait entendu sa confession générale, il ne put s’empêcher de dire : • Chaque péché de cette daine est une épigramioe. »

Un procureur était allé avec sa femme pour se confesser. La femme se confessa la première ; mais le curé, étant fatigué, s’endormit. La pénitente, n’ayant plus rien à dire, s’imagine que le bruit des orgues l’avait empêchée d’entendre l’absolution qui lui avait été don née, et se retire. Son mari prend sa place, et, entendant le curé ronfler, il lui dit : «Vous donnez, mon père ? — Non, madame, répond le confesseur, se réveillant eu sur saut, je no dors pas ; le dernier péché dont vous vous êtes accusée, c’est d’avoir couché trois fois avec le maître clerc de votre mari. »

Un paysan étant allé se confesser à son curé, et s’accusant d’avoir volé un mouton à son voisin, le curé lui ordonna de restituer le mouton, sous peine de ne pas avoir l’absolution. « Mais, objecta le paysan, la chose est fort difficile, attendu que je l’ai mangé.-Tant pis, répondit le pasteur, vous serez le partage du diable ; car, dans la vallée de Josaphat, où nous serons tous jugés, le mou ton sera là pour vous accuser. — Comment ! il y seraï interrompit le paysan ; j’en suis bienheureux, et la restitution sera facile, puisque je n’aurai qu’à dire : « Tenez, voisin, -repreiie» votre mouton. »

—» «

Un prêtre, qui se trouvait un soir en nombreuse compagnie, racontait les impressions que lui avait produites la première confession qu’il avait entendue : « C’était, dit-il, une jeune daine qui s’accusait d’avoir trompé son mari. » Quelques instants après, entre dans le salon une jeune et jolie dame, intime amie de la maîtresse de la’ maison. À la vue de l’abbé, elle s’avance vers lui de l’air le plus gracieux pour lui faire ses compliments. Le prêtre rougit, balbutie, et parait fort embarrassé. « Mais, monsieur l’abbé, s’écrie joyeusement la dam*1, on dirait, h vous voir, que vous ne me reconnaissez pas. Nous sommes cependant d’anciennes connaissances, et vous n’avez pas oublié, je l’espère, que c’est moi qui ai été votre première- pénitente. » L’histoire ne dit pas si le mari faisait partie de la société ; mais ce que tous les lecteurs devineront sans peine, c’est que la confusion do l’abbé redoubla en voyant les sourires et les regards malins de toutes les personnes présentes.

On sait que le fameux Rameau avait l’oreille d’une extrême délicatesse, et qu’avec lui il fallait discuter, converser, et même aboyer sur un ton presque musical. Un jour qu’il était allô rendre visite à M">« de Tenein, et que la conversation avait lieu dans lu salon, où un charmant petit épagneul, qui était les amours de la maîtresse, reposait douillettement sur un tapis moelleux, Rameau quitte précipitamment son fauteuil, saisit l’épugneul par la peau du cou, et le lance par la fenêtre. « Que faites-vous donc là, grand Dieu ! » s’écrie Mme de Tenein épouvantée. * Eh ! madame, répond Rameau, il aboie faux. » Cette susceptibilité d’oreille était une maladie qu’il devait conserver jusqu’à son dernier soupir. Le curé de sa paroisse l’assistait à son lit de mort et l’invitait à se confesser de ses péchés. Le grand compositenr paraît d’abord l’écouter avec componction ; mais voilà que tout à coup il se soulève sur son lit en s’écriant : « Sortez, monsieur le curé, vous me parlez là sur un ton faux. >

On a souvent reproché avec raison aux confesseurs certaines questions indiscrètes qui peuvent avoir de graves conséquences en éveillant chez le pénitent l’idée du mal auquel il n’aurait jamais songé. En voici un exemple : Un aubergiste se confessait au curé de son village ; celui-ci, voyant que le pénitent ne lui déclinait que de légères peccadilles, et se défiant ’un peu de sa loyauté commerciale, prit à son tour la parole. ■ Voyons, lui dit-il, est-ce qu’il ne te serait pas arrivé quelquefois de graisser avec do l’huile de chèuevis les dents des chevaux que les voyageurs mettent dans ton écurie, afin que ces pauvres animaux laissent plus de foin dans leur râtelier et plus d’avoine dans leur mangeoire ? — Jamais, ■ répondit l’aubergiste, qui reçut alors pleine et entière absolution. Quelque temps après, il revint au confessionnal, et, de tous ses péchés, le plus gros était précisément l’aveu de la fraude en question. 11 est plus que probable que le curé le semonça CONP

vertement ; mais ne serbit-ce pas le cas de dire : À qui la faute ?

Un chapelier venait purifier

Sa conscience aux pieds d’un bamabite.

Ça, mon ami, votre êtnt ? — Chapelier.

— Bon ! et quelle est la coulpe favorite ?

— Voir la donzelle est mon cas familier.

— Souvent ? — Assez. — Et quel est l’ordinaire ? Hein ? tous les mois ?—Ah ! c’est trop peu, mon p< ; re.

— Tous les huit jours ? — Je suis plus coutuu^er.

— De deux jours l’un ? — Plus encor ; j’ai beau faire, À tous-momenta les plus fermes propos...

— Ciuoi ’. tous les jours ?— Je suis un misérable...

— Soir et mutin ? — Justement ! — Comment, diable 1 Et dans quel temps faites-vous des chapeaux ? •