Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/fève s. f.

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 1p. 313-315).

FÈVE s. f. (fè-ve — v. l’étym. à la partie encycl.). Bot. Plante de la famille des légumineuses, dont la semence est comestible ; graine de la même plante : Un champ de fèves. Un plat de fèves. Isidore prétend que les fèves ont été le premier légume dont les hommes ont fait usage. (V. de Bomare.) || Nom vulgaire du cotylédon ombilic, des fruits du mimosa grimpant, de quelques autres plantes et d’un grand nombre de semences diverses. || Fève au Bengale, Fruit du mirobolan citrin. || Fève du Calabar, Plante légumineuse du Calabar, en Afrique, qui est un poison, mais qui est aussi un antidote contre la belladone. || Fève de Carthagène, Fruit de l’hippocratée grimpante. || Fève à cochon, Nom vulgaire du fruit de la jusquiame. || Fève du diable, Graine du câprier à feuilles de laurier. || Fève douce, Fruit de la cassie ailée et du tamarin. || Fève d’Égypte, Nom vulgaire du lotus ou nélombo. || Fève épaisse, Plante grasse du genre orpin. || Fève des jésuites ou de saint Ignace, Graine du strychnos ignatia. || Fève de loup, Nom vulgaire de l’ellébore fétide. || Fève de Malac, Fruit de l’acajou à pomme. || Fève de marais, Fève commune. Il Fève du médicinier ou fève purgative. Graine du médicinier et du ricin. || Fève pichurine, Fruit d’une espèce de laurier. || Fève de senteur, Nom vulgaire du lupin jaune. || Fève de Tonka, Graine du coumarouna odorant. || Fève de trèfle, Nom vulgaire de l’amagyris fétide. V. l’encycl.

Roi de la fève, Titre de celui à qui échoit la fève cachée dans le gâteau que l’on a coutume de manger en famille ou entre amis, le jour ou la veille de l’Épiphanie :

J’aimerais assez être roi,
Mais seulement roi de la fève ;
Ce gai métier, ce doux emploi
Donne au moins des moments de trêve.

Maréchal.

Fête des fèves, Fête que célèbrent chaque année les nègres d’Alger.

— Art vétér. Syn. de lampas, Gonflement du palais chez le cheval. || Germe de fève. Marque noire qui se montre au creux des coins, chez le cheval, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à sept ou huit ans.

— Entom. Nom donné à quelques chrysalides, notamment à celle du ver à soie.

— Moll. Nom vulgaire d’une espèce de buccin. || Fève marine, Opercule d’une coquille du genre sabot, à laquelle on attribuait jadis des vertus médicinales.

— Encycl. Linguist. Le mot fève vient du latin faba, que l’on rattache au persan bachlah, kourde baklla, dérivés de la racine sanscrite bhay, honorer, aimer, au désidératif bhaksh, manger, d’où bhakla, bhaksya, nourriture. Il est vrai que l’arabe baglât, fève, bayl, bugûl, légumes, est rapporté à un autre radical, bagala, il a crû, il a poussé, ce qui pourrait conduire à une autre élymologie. À la forme désidérative du sanscrit bhaksh. se rattache également le grec phasêlos, pour phascélos, fève, phago, je mange, exactement le sanscrit bhag, et de plus phakos, lentille, et aphakè, variété de la lentille ; le nom du fruit du hêtre, la faine, dérive évidemment de ces radicaux, et bacca, baie, fruit, rappelle plus exactement encore le sanscrit bagh, La transformation du bh sanscrit en phi grec et f latin, pour dériver de bhaksh phasélos et faba n’a rien d’inusité. Le kymrique ffa, fève, et l’armoricain fao, fâ, dérivés du même radical, présentent le même phénomène.

Un autre nom de la fève en sanscrit peut donner lieu à une observation curieuse. Le phaseolus radiatus est appelé masdka, de mash, fendre, écosser ; mais le mot sanscrit désigne de plus une éruption cutanée, de même que les mots persans, albanais et kymriques qui en dérivent, et masha, fève et éruption, se retrouve dans l’ancien allemand meisa, petite vérole ; cette comparaison des maladies de la peau à des grains est fréquente : en arabe, adas signifie à la fois lentille et pustules cutanées ; chez nous, on donne le nom de lentilles à des taches de rousseur.

Ces diverses racines indiquent pour la fève une culture de toute ancienneté chez les peuples de race aryenne. La faba vulgaris était cultivée par les Grecs, les Romains, les Hébreux et les Égyptiens près de 3,000 ans avant notre ère. Le sanscrit a une nomenclature très-riche de variétés pour plusieurs espèces analogues.

— Bot. et hist. La fève, que plusieurs auteurs réunissent comme simple section au genre vesce, est une plante de la grande famille des légumineuses, sous-famille des papilionacées et de la tribu des viciées ; Linné le considérait comme faisant partie du genre vicia et l’appelait vicia sativa ; mais les botanistes modernes en font un genre à part : c’est le faba vulgaris de de Candolle, faba major, faba sativa d’autres botanistes. C’est une plante herbacée, d’une couleur généralement un peu glauque et s’élevant à 0m,80 et même à 1 mètre du sol. Elle a des feuilles composées, à quatre ou six folioles glauques, entières et munies de stipules dentelées. Ses fleurs, groupées en très-petit nombre sur un court pédoncule, blanches, tachées de noir à chaque aile et douées d’une odeur assez suave, ont un calice à cinq divisions, une corolle dans laquelle l’étendard est plus long que la carène et les ailes, et dix étamines, dont neuf soudées. Ses fruits sont des gousses, grosses, coriaces, renfermant des semences oblongues qui présentent cette particularité que leur ombilic est placé à une de leurs extrémités. On en connaît un grand nombre de variétés, parmi lesquelles la plus importante est la grosse fève de marais, qui est celle que l’on cultive le plus ordinairement. La fève des champs, que l’on nomme aussi fève de cheval, gourgane, féverole (faba vulgaris equina), se cultive également sur une grande échelle, mais elle est exclusivement réservée à la nourriture des bestiaux (v. féverole). La fève de Windsor ou fève ronde d’Angleterre est assez répandue dans le midi de la France ; elle donne des semences rondes et très-nombreuses dans chaque gousse ; elle n’est pas d’une culture très-productive, aussi sert-elle souvent de plante fourragère. La fève naine rouge et la fève naine hâtive ou fève à chassis, dont la hauteur dépasse rarement 0m,30, produisent des fruits abondants. On connaît encore la fève à longues gousses, la fève Julienne ou petite fève de Portugal, et la fève verte, variété importée de la Chine et dont les gousses restent vertes à la maturité.

La culture des fèves demande une terre de bonne qualité, fraîche et un peu abritée. On les sème, en général, trois fois par an, au printemps, en été et en hiver. Les semis d’été sont souvent attaqués par les insectes, par les pucerons notamment ; aussi ne réussissent-ils que lorsque la saison est un peu froide et pluvieuse. Les semis d’hiver sont destinés à donner une récolte hâtive. On sème les fèves en lignes ou en touffes espacées de 0m,30 environ, en déposant de deux à quatre semences dans le même trou. Dès qu’elles sont levées, on bine le plant, en rapprochant la terre des pieds, et, pour attendre la récolte, il ne reste plus qu’à façonner deux ou trois fois le sol, à des espaces de temps déterminés, pour en arracher les mauvaises herbes, en ayant soin chaque fois de butter un peu le pied de chaque plante. Quelques cultivateurs pincent le haut des liges, après la floraison, pour donner de la force au fruit. Les fèves semées au printemps donnent seules des fruits capables de mûrir et de se conserver ; celles qui proviennent des autres semis sont toujours mangées vertes. On parvient quelquefois à faire produire à un même carré de fèves deux récoltes, en semant tôt, coupant les gousses avant maturité et rasant la plante à une certaine distance du sol : on obtient alors une nouvelle pousse qui donne plus tard une seconde récolte. Les tiges coupées sont utilisées comme fourrage pour les bestiaux.

Les fèves sont une ressource précieuse pour l’alimentation ; on doit même regretter que leur usage ne soit pas plus répandu ; il pourrait être par moments d’un grand secours pour les classes peu aisées. Les fèves sont très-nourrissantes ; de même que les haricots et les lentilles, elles renferment une proportion assez considérable d’une matière azotée, la léguinine, qui a une grande analogie avec la caséine animale et qui contribue beaucoup à leur qualité nutritive. D’après M. Payen, 100 parties de fèves renferment 24,40 de légumine. 1,50 de matières grasses, 51,50 d’amidon, de dextrine et de sucre, 3 de cellulose, 3,60 de sels minéraux et 16 d’eau. Lorsqu’on les récolte avant leur complète maturité, alors qu’ailes sont encore vertes, et qu’on les fait sécher, on a un produit moins abondant, mais plus nourrissant encore : il renferme, sur 100 parties, 25, 05 de légumine, 2 de matières grasses, 55, 85 d’amidon, de dextrine et de sucre, 1, 05 de cellulose, 3, 65 de sels minéraux et 8, 40 d’eau. À l’exception des féveroles, qui renferment 30, 80 pour 100 de légumine, et qui, à vrai dire, sont des fèves, il n’est pas de semence de légumineuse qui soit plus riche en principe azoté.

La farine de fèves est quelquefois, pendant les disettes, ajoutée à la farine de blé. Cette fabrication est, à cause des propriétés nutritives de ce légume, une de celles qui présentent le moins d’inconvénients. Cependant, lorsque cette addition dépasse une certaine proportion, la panification devient impossible, le gluten n’étant plus en proportion suffisante pour lier la pâte. On trouvera, à l’article farine, l’indication des procédés à suivre pour déceler les fraudes.

Les fèves sèches sont fort employées par la marine. Décortiquées lorsqu’elles sont vertes, puis séchées, elles sont vendues dans le commerce sous le nom de fèves dérobées et constituent un aliment facile à digérer. Les fèves sèches mises en farine sont parfois employées en médecine pour faire des cataplasmes ; mélangées avec des poids égaux de lupin, de vesce et d’orobe, et pulvérisées, elles constituent les quatre farines résolutives, très-usitées autrefois.

Dans le département du Bas-Rhin, les fèves sont surtout employées à l’alimentation des chevaux et remplacent l’avoine. L’analyse chimique prouve que 1 hectolitre de fèves équivaut, en richesse nutritive, à 2 hectolitres d’avoine. On les donne aussi mélangées à de l’avoine ou à des fourrages hachés, sans nulle autre préparation. Quant à la farine de fèves, elle peut faire partie des breuvages des animaux et être employée avec avantage pour engraisser tous les ruminants, les porcs et les animaux de basse-cour. M. Caujac dit avoir nourri ses chevaux, ses bœufs, ses veaux, ses porcs et surtout ses brebis pleines et nourrices avec des fèves concassées, ou en purée, ou en eau blanche un peu tiède. « Lorsque les veaux ont tété pendant une douzaine de jours, dit-il, on ne leur donne qu’une partie du lait de leur mère, mêlée avec trois parties de fèves délayées dans 2 ou 3 litres d’eau tiède, et cette boisson, qu’on leur distribue trois fois par jour, à des doses convenables, leur procure une excellente nourriture et un engrais suffisant pour être livrés à six semaines au boucher, à un prix élevé. Un veau engraissé suivant cette méthode ne coûte que le quart du prix de la vente, et on conserve pendant longtemps le lait des vaches, qui couvre infiniment au delà de ce qu’il en a coûté en farine de fèves. » Cette plante est aussi cultivée comme fourrage vert. Le fanage en est long, mais les feuilles tiennent solidement aux tiges. Ce fourrage, surtout lorsqu’il a été récolté en pleine fleur, est très-recherché par les vaches et les chevaux. Enfin, suivant de Dombasle, la paille de féveroles, bien récoltée, forme un excellent fourrage pour les chevaux, les vaches et les moutons. « Quand la récolte est épaisse, dit-il, le bétail mange presque toutes les tiges ; si elle est plus claire, il laisse les plus fortes, et n’y trouve pas moins une nourriture abondante et égale en qualité au foin des prairies naturelles. » En Alsace, on ignore encore malheureusement la propriété nutritive de la tige de féveroles, et elle est employée à chauffer le four ou à faire de la litière. Mais en Belgique, on est plus avancé sur ce point : on fane les féveroles dans ces contrées, où l’on ne saurait toujours compter sur leur maturité, et on emploie les pailles comme fourrage partout où la maturité a lieu.

L’odeur suave des fleurs de la fève les a fait employer en parfumerie sous forme d’eau distillée. On se sert de cette eau comme de cosmétique, ainsi que de la farine des fèves à laquelle on a attribué la propriété de faire disparaître les taches de rousseur. On sait combien la femme est crédule quand il s’agit d’accroître, de conserver ou de retrouver sa beauté. En Angleterre, on fait cuire les fèves avec du miel, et on les emploie comme appât pour prendre le poisson.

La fève, originaire de la haute Asie, est connue de toute antiquité. Isidore de Séville prétend que c’est le premier légume dont les hommes aient fait usage. Les Égyptiens l’ont cultivée de très-bonne heure ; ils paraissent l’avoir reçue des colonies éthiopiennes. Aux heures des repas, on vendait, chez eux, des fèves bouillies et chaudes sur les marchés et dans les rues des villes. On mêlait la farine de fèves au pain, dans les temps de disette, et l’on mangeait aussi les gousses vertes de cette plante. Il paraît, toutefois, que cet usage n’était pas général. Dans certaines provinces, on s’abstenait de semer des fèves, et même de manger celles qui croissaient naturellement. On les regardait comme impures et offrant l’emblème de la mort, sans doute à cause des taches noires que présentent les fleurs. Les prêtres, enchérissant sur ces idées, soutenaient que les âmes des morts résidaient dans ce légume, et évitaient même de le regarder. Cependant, les initiés aux grands mystères d’Éleusis ne partageaient pas ce scrupule, et les rigoristes sectateurs d’Harpocrate se nourrissaient exclusivement de fèves, aux jours de jeune et de silence. Du reste, les auteurs anciens nous ont transmis à ce sujet les témoignages les plus contradictoires, et ces contradictions s’expliquent facilement, car, sous le nom générique de fève, on a confondu les graines de plantes très-diverses, notamment celles du caroubier, des dolics, des haricots et surtout du nélumbo, qu’on appelle vulgairement encore de nos jours fève d’Égypte.

Élevé à l’école des prêtres égyptiens, Pythagore défendit à ses disciples de manger des fèves. « Cicéron, dit Monger, insinue, au premier livre De la divination, que l’interdiction des fèves était fondée sur ce qu’elles empêchaient de faire des songes divinatoires, parce qu’elles échauffent trop, et que, par cette irritation des esprits, elles ne permettent pas à l’âme de posséder la quiétude qui est nécessaire pour la recherche de la vérité. Aristote donne plusieurs autres raisons de cette défense, dont la moins mauvaise est que c’était un précepte moral par lequel ce philosophe défendait à ses disciples de se mêler du gouvernement, ce qui est fondé sur ce qu’en certaines villes on donnait son suffrage avec des fèves pour l’élection des magistrats… D’autres pensent que la défense de manger des fèves n’était autre chose chez les anciens qu’un précepte de santé, dans l’idée où l’on était alors que ce légume était malsain. » Jaucourt explique d’une autre manière l’opinion de Pythagore. « Ce philosophe, dit-il, enseignait que la fève était née en même temps que l’homme et formée de la même corruption ; or, comme il trouvait dans la fève je ne sais quelle ressemblance avec les corps animés, il ne doutait pas qu’elle n’eût aussi une âme sujette, comme les autres, aux vicissitudes de la transmigration, par conséquent, que quelques-uns de ses parents ne fussent devenus fèves ; de là le respect qu’il avait pour ce légume. » Cette opinion de Pythagore est rapportée par Porphyre, son historiographe. Horace, dans une de ses satires, plaisante sur ces parents de Pythagore accommodés au lard. « Pour qu’on ne fasse point de doute, dit Paw, sur l’espèce de légume dont il est ici question, je dirai qu’elle est très-bien déterminée par un passage de Varron, qui assure que les flammes de Rome ne pouvaient manger de fèves, parce que leurs fleurs contiennent des lettres infernales ; or ces lettres infernales sont les deux taches noires peintes sur les ailes qui enveloppent immédiatement la carène de la fève de marais, dont le caractère se trouve par là très-bien fixé. Il en résulte toujours que c’était dans la fleur qu’existait la cause première de l’aversion que les prêtres avaient pour cette plante, dont ils connaissaient d’ailleurs très-bien le fruit. » Voici un fait qui confirme cette assertion. Denys, roi de Syracuse, voulait connaître les mystères des pythagoriciens ; ceux qui se trouvaient dans ses États et qui étaient persécutés se cachant avec soin, il ordonna qu’on lui en amenât d’Italie. Un détachement de soldats en aperçut dix qui allaient tranquillement de Tarente à Métaponte ; il leur donna la chasse comme à des bêtes fauves. Ceux-ci prirent la fuite ; mais, à l’aspect d’un champ de fèves qui se trouvait sur leur passage, ils s’arrêtèrent, se mirent en état de défense et se laissèrent égorger plutôt que de se souiller par l’attouchement de ce légume.

L’usage alimentaire des fèves passa d’Égypte en Grèce et de là en Italie. Les Romains en faisaient une assez grande consommation et leur assignaient un rang distingué parmi les légumes. On les offrait quelquefois en sacrifice aux dieux, et elles n’étaient point oubliées dans les distributions de vivres que faisaient au peuple ceux qui briguaient ses suffrages. On cultivait aussi la plante pour la donner aux bestiaux, comme fourrage vert ou sec. Caton la regarde comme très-propre à engraisser les bœufs et à amender les terres.

Le nom de fève a été appliqué à un grand nombre de produits naturels d’origine végétale, très-différents de ceux que fournissent les plantes du genre faba. On l’a donné également à des matières d’origine animale. Dans le plus grand nombre des cas, la cause de cette dénomination n’est autre qu’une similitude de forme plus ou moins marquée qui s’observe entre ces produits et la fève ordinaire. Nous allons les passer en revue par ordre alphabétique, au risque de faire quelquefois double emploi avec les définitions données déjà ci-dessus.

Fève. Les magnaniers désignent ainsi la chrysalide du ver à soie ou bombyx ; par extension, le même nom a été donné aussi au cocon qui renferme cette chrysalide.

Fève du Bengale. Samuel Dale et Geoffroy ont décrit, sous ce nom, une galle produite par le même arbre qui fournit le myrobalan citrin (v. myrobalan). On la trouve mélangée avec les myrobalans. « Dale pensait, dit M. Guibourt, que ce pouvait être le myrobalan citrin lui-même, devenu monstrueux par la piqûre d’un insecte ; mais il parait qu’elle croît sur les feuilles de l’arbre, et sa forme de vessie creuse, semblable à celle des galles de l’orme et du térébinthe, indique qu’elle est produite par des pucerons. Telle que nous la voyons, elle est simple ou didyme, longue de 0m, 025 à 0m, 035, généralement ovoïde, aplatie et ridée longitudinalement par la dessiccation ; d’une couleur jaune verdâtre de myrobalan citrin à l’extérieur, tuberculeuse et brunâtre à l’intérieur, toujours vide et privée d’insectes. Elle est fortement astringente et aussi bonne que la noix de galle pour la teinture en noir. » (Roxb., Histoire naturelle des drogues simples.)

Fève du Calabar, V. FÈVE DU KALABAR.

Fève de Carthagène, Nom vulgaire du fruit de l’hippocratea scandens.

Fève à cochon ou fève de porc, Nom donné parfois à la jusquiame.

Fève du diable, Nom vulgaire du fruit du capparis cynophallophora, espèce de câprier appelé dans certaines contrées bois mabouia.

Fève douce, Nom vulgaire d’une légumineuse, cassia atata de Linné, faba dulcis de Mérian. On l’appelle encore herbe aux dartres, dartrier des Indes, à cause de l’emploi qu’on en fait aux Indes pour combattre certaines maladies de la peau.

Fèoe d’Égypte, Nom vulgaire du nelumbium speciosum (Willd.) ou nymphea nelumbo de Linné, plante qui est analogue aux nénufars ou nymphéas, et constitue avec quelques autres une famille peu différente de celle des nymphéacées, la famille des nélumbiacées. Cette plante croissait autrefois dans le Nil ; c’est elle que les anciens Égyptiens nommaient lotos sacré ; ils l’avaient en grande vénération et la plaçaient sur la tête de leurs dieux. C’est cette plante encore qui, sous le nom de tamarara, sert, dans la mythologie indienne, de siège à Brahma et de conque flottante à Vichnou. Elle a disparu aujourd’hui des bords du Nil, et, jusqu’à ces dernières années, elle ne nous était connue que par l’admirable description qu’en a faite Théophraste, lorsque, dans un voyage dans l’Inde, Rheede trouva une plante qu’il reconnut identique avec celle des Égyptiens. Peu après, Rumphius la rencontra aux îles Moluques. C’est une plante magnifique, une des plus belles que nous connaissions. Ses fruits sont des askoses ovoïdes, de la grosseur d’une petite noisette : leur forme est telle que Théophraste a pu les comparer « à des rayons de miel circulaires, divisés en cellules contenant les fèves. » Les anciens les mangeaient frais ou séchés et mis en farine. Ils mangeaient également la racine après l’avoir fait cuire.

Fève épaisse, Nom vulgaire du sedum telephium de Linné, ou orpin reprise.

Fève funéraire, Nom donné autrefois à la fève ordinaire, les pythagoriciens croyant que ces fruits contenaient les âmes des morts. Nous avons discuté plus haut les questions extrêmement obscures qui se rattachent au fameux légume proscrit par Pythagore.

Fève de galérien, Nom vulgaire d’une variété de fèves assez répandue dans le midi de la France et remarquable par sa grosseur.

Fève igasurique. V. fève de Saint-Ignace.

Fève de l’Inde, Nom donné par Forskael au dolicus faba indica, plante de la famille des papilionacées, tribu des phaséolées.

Fèves des jésuites. V. fève de Saint-Ignace.

Fève du Kalabar ou Calabar. Depuis longtemps on sait en Europe que la plupart des populations noires de l’Afrique soumettent ceux qu’ils accusent de certains crimes à des épreuves par le poison, qui rappellent assez les jugements de Dieu du moyen âge ; ils administrent au patient une quantité déterminée d’un poison très-énergique et observent l’effet produit : si l’accusé succombe, ils jugent qu’il était coupable, sinon, ils proclament son innocence. Les diverses tribus nègres adoptent, à cet effet, une des nombreuses substances végétales toxiques que fournissent les forêts africaines, ou composent des mélanges divers dont les recettes ne sont connues que de quelques-uns. Les récits, un peu vagues, à la vérité, des missionnaires anglais nous avaient depuis longtemps appris que l’un des plus terribles parmi ces poisons est celui dont se servent les habitants de la côte du Calabar, dans le golfe de Guinée, et qu’ils nomment éséré. Mais ce n’est que récemment que de rares échantillons de cette curieuse matière furent apportés en Europe, et que l’on put connaître ses propriétés remarquables. L’éséré, que l’on nomme ici fève du Calabar, est la semence d’une légumineuse, le physostigma cenenosum. Cette semence a une fort belle apparence : plus grosse qu’une fève ordinaire, elle est droite et allongée, et renferme deux cotylédons charnus qui ressemblent à ceux des autres semences de légumineuses. L’épisperme est dur, coriace, épais, brillant et chagriné ; il est d’une couleur marron foncé sur toute la surface, plus clair sur les bords d’une cicatrice noire et longitudinale qui se prolonge jusqu’aux extrémités de la graine, et marque les points par lesquels celle-ci adhérait à la gousse. C’est à M. Christison d’abord, puis à M. Fraser, que l’on doit la connaissance de ses propriétés. Voici dans quels termes le second de ces savants rend compte des symptômes qui accompagnent l’empoisonnement par l’éséré : « Lorsque l’épreuve se termine par la mort, les symptômes se succèdent dans l’ordre suivant, autant qu’on peut en juger par le rapport de témoins qui ne sont pas médecins. Le patient n’éprouve aucune sensation pendant dix minutes environ après le commencement de l’épreuve. Il devient alors altéré. Le symptôme s’accroît peu à peu et devient si pénible que le nègre perd son stoïcisme naturel au point de se débattre violemment et de supplier les assistants de lui donner de l’eau. Bientôt, il perd le pouvoir d’avaler ; du mucus s’échappe de sa bouche, des convulsions et des secousses agitent ses muscles, surtout ceux du dos, et il meurt ordinairement trente minutes après le commencement de l’épreuve. Pendant toute sa durée, les victimes conservent leur connaissance complète, comme le démontrent le sens et la justesse de leurs remarques. Ils peuvent parler jusqu’au moment de leur mort, bien longtemps après que la déglutition est devenue impossible. Lorsque l’épreuve doit avoir une issue favorable, des nausées se produisent et sont bientôt suivies de vomissements ; l’innocence de l’accusé est alors proclamée. Le malaise disparaît rapidement ; la cephalalgie est le seul symptôme qui persiste jusqu’à la fin de la journée. » Un accident terrible a permis, en 1864, de vérifier ces propriétés. Un navire venant des côtes orientales d’Afrique avait débarqué sa cargaison dans le port de Liverpool ; la cale fut nettoyée et les détritus jetés sur le quai. Quarante-cinq enfants et une femme de trente-deux ans trouvèrent dans ces débris des semences fort belles, ils en mangèrent et ils furent empoisonnés : c’étaient des fèves du Calabar. Il y eut un seul cas de mort ; mais tous les malades éprouvèrent des accidents extrêmement graves, bien que la plupart des enfants n’eussent avalé que des quantités minimes d’éséré. Ces propriétés toxiques si énergiques n’ont pas empêché la fève du Calabar d’être mise au nombre des médicaments actuellement employés, bien que leur étude soit encore peu avancée ; ce fruit possède une action très-remarquable sur les yeux : il contracte énergiquement la pupille. Son action est donc exactement contraire à celle de la belladone : elle peut rendre, dans le traitement de certaines affections de l’œil, de très-grands services. C’est à M. Fraser qu’est due la découverte de cette propriété. MM. Jobst et Hesse ont retiré de la fève du Calabar un alcaloïde particulier qu’ils ont nommé physostigmine. C’est une matière amorphe, dont les solutions dans les acides sont rouges, quelquefois d’un bleu intense. D’après. M. Vée, la physostigimne n’est qu’une matière altérée ; en suivant d’autres procédés opératoires, ce chimiste a obtenu un alcaloïde cristallisé, l’ésérine, qui représente la partie active de la fève d’épreuve. L’ésérine est toxique au plus haut point : absorbée par la conjonctive de l’œil, elle peut amener la mort ; Ogr, 001 de cette substance injecté dans le tissu cellulaire, ou Ogr, 004 introduits dans l’estomac, peuvent amener chez l’homme adulte des nausées énergiques ; à dose plus élevée, elle produit des accidents sérieux.

Fève de loup, Nom vulgaire de l’ellébore fétide ou ellébore pied-de-griffon (helleborus fetidus).

Fève lorine, Nom usité dans le midi de la France pour désigner le lupin blanc.

Fève de Malac ou de Malacca, ou de Maladon, Noms donnés dans les colonies aux semences de l’anacardier à longues feuilles, anacardium longifolium, de Lammarck. On les nomme dans le commerce anacardes orientales. Bien que la plante qui les fournit soit originaire des Indes, on la cultive surtout aux Antilles. Comme la noix d’acajou, le péricarpe de la fève de Malac contient un suc caustique ; l’amande est comestible.

Fève marine, Nom vulgaire du cotylédon umbilicus de Linné, ou cotylet ombiliqué, plante qui croît sur le bord de la mer et fait partie de la famille des crassulacées. On donne aussi quelquefois ce nom aux fruits d’une légumineuse, le Mimosa scandens.

Fève marine. Les anciens nommaient ainsi l’opercule de la coquille d’un mollusque du genre sabot, à cause de sa forme analogue à celle d’une fève. Ils l’employaient pour guérir certaines maladies.

Fèoe du Mexique, Nom donné quelquefois au cacao.

Fève naine, Nom donné, à cause de sa forme, à une coquille, le buccinum neriteum de Linné.

Fève peinte, Nom que l’on donne quelquefois au haricot commun.

Fève pichurim ou semence pichurim, appelée aussi péchurim, pichouin, pichola, pichora, par corruption, Semence aromatique connue dans le commerce sous les noms de noix du Para ou même de noix de sassafras, bien que les arbres qui la produisent soient très-différents du sassafras véritable. On en distingue deux espèces : la semence pichurim vraie et la semence pichurim bâtarde. La semence pichurim vraie est aujourd’hui assez rare ; elle est formée par deux gros cotylédons, toujours isolés et nus, elliptiques, longs de 0m020 à 0m040 et larges de 0m015 à 0m020. Ces lobes cotylédonaires sont convexes à l’extérieur et marqués à l’intérieur d’un sillon longitudinal et d’une petite cavité dans laquelle avait été logée la radicule. Leur extérieur est rugueux, brunâtre, mais quelquefois lisse ; leur pulpe est marbrée, colorée en rose et renferme en abondance une graine aromatique analogue au beurre de muscade. L’odeur de ce fruit rappelle à la fois le sassafras et la muscade. Conservé, il se givre, comme la vanille, en se couvrant de petits cristaux d’un acide dont la nature est encore indéterminée. La semence pichurim bâtarde est presque toujours entière et formée par deux lobes cotylédonaires que réunit un épisperme rugueux et rougeâtre. Elle est plus courte et plus ramassée que la vraie. Lorsque l’épisperme a été enlevé, elle est noirâtre. Son odeur est peu prononcée et ne devient sensible que lorsqu’on la brise. Elle ne se givre pas. M. Martins attribue les deux sortes de fèves pichurim à deux espèces d’ocotea, l’ocotea pichury major et l’ocotea pichury minor. D’après M. Guibourt, la première proviendrait de l’ocotea cymbarum des forêts de l’Orénoque, et la seconde de l’ocotea pichurim, qui a été rencontré par MM. de Humboldt et Bonpland, dans la province de Venezuela, et qui, suivant ces voyageurs, peut fournir la fève pichurim.

Fèoe purgative, Nom vulgaire de la semence du ricin commun.

Fève de Pythagore. V. fève funéraire.

Fève de Saint-Ignace. On donne ce nom à deux semences très-différentes.’ L’une appartient à certaines cucurbitacées du genre fevillea ; elle est très-recherchée au Brésil, soit pour en extraire une huile propre à l’éclairage, soit pour combattre les dangereux effets de la morsure des serpents et de l’empoisonnement par le mancenillier. On l’appelle aux Antilles nandhirobe. L’autre est la semence d’une plante de la famille des loganiacées : c’est un des poisons les plus violents que l’on connaisse. Cette dernière espèce nous occupera spécialement ici. On la nomme encore fève igasurique, noix igasurique, du mot malais igasur, sous lequel on la désigne dans l'Inde. Elle a porté autrefois le nom de fève des jésuites, son introduction en Europe ayant été faite, vers la fin du XVIIe siècle, par le P. Cameili, jésuite, le même qui rapporta la jolie Heur connue sous le nom de camellia. La plante qui fournit la fève des jésuites a été décrite, en 1699, par Ray et Petiver, elle a été appelée, par Linné fils, ignatia amara. Elle est originaire des Philippines ; c’est une plante grimpante, qui monte de branche en branche jusqu’au sommet des arbres les plus élevés ; son tronc ligneux atteint quelquefois 0m,15 de diamètre ; ses feuilles sont opposées, ovales, entières et pourvues de cinq nervures longitudinales ; Ses fleurs, qui ressemblent à celles du grenadier, sont disposées en ombelles axillaires pédonculées ; elles ont une corolle penchée, longue, blanche et agréablement parfumée d’une odeur rappelant le jasmin ; ses fruits, couverts d’une écorce sèche et glabre, sont grands, arrondis, atténués en col, secs, uniloculaires et renfermant de vingt à vingt-quatre semences. Ces semences, dites de Saint-Ignace, sont abondantes dans le commerce ; plus grosses que des olives, arrondies et convexes du côté qui, dans le fruit, regardait l’extérieur, anguleuses du côté opposé, elles sont souvent plus grosses à celle des deux extrémités qui porte la dépression embryonnaire, et presque toujours recouvertes d’un duvet argenté. Leur endosperme est dur, corné, translucide, inodore et d’une saveur amère insupportable. Elles ont des propriétés médicinales importantes, purgatives en même temps que fébrifuges, dans certains cas ; elles constituent surtout un poison narcotico-âcre des plus actifs et ne doivent être employées qu’avec la plus grande réserve, une dose relativement faible pouvant donner lieu à des accidents terribles. Pelletier et Caventou ont fait l’étude chimique de la fève de Saint-Ignace. Ils ont découvert dans cette semence la strychnine, alcali organique cristallisé qui lui communique ses propriétés toxiques ; cet alcaloïde s’y trouve combiné à un acide décrit sous le nom d’acide igasurique. La strychnine se rencontre aussi dans divers produits fournis par des plantes de la famille des loganiacées, notamment dans la noix vomique et dans le bois de couleuvre (v. STRYCHNINE). La fève de Saint-Ignace renferme encore de l’amidon et diverses matières grasses ou gommeuses.

Fève de senteur, Nom vulgaire du lupin de Sicile.

Fève tête-de-nègre, Nom donné à la fève de l’Inde.

Fève Tonka, Semence du coumarouna odorata d’Aublet, arbre de la famille des légumineuses, tribu des geoffrées. Ce végétal croît à la Guyane, où il porte le nom de bois de gaïac, à cause de la dureté de son bois, qui ressemble assez à celui du gaïac véritable et est employé à des usages analogues. Le fruit, la fève Tonka, ressemble à une grosse amande recouverte de son brou. La semence, enveloppée d’un endocarpe semi-ligneux, a la forme d’un haricot allongé ; son apparence est grasse et onctueuse ; elle renferme un germe très-volumineux. Les cotylédons ont une saveur douce, huileuse, légèrement aromatique et une odeur analogue à celle du mélilot. Cette odeur a été attribuée longtemps à de l’acide benzoïque, mais M. Guibourt a montré qu’elle est due à une matière particulière, la coumarine. La fève Tonka est usitée pour parfumer le tabac à priser : on la mélange à celui-ci après l’avoir pulvérisée, ou bien on la met entière, soit dans le vase où on renferme le tabac, soit simplement dans la tabatière.

Fève de trèfle, Nom vulgaire du fruit de l’anagyris fétide ou bois puant.

Fève à visage, Nom vulgaire du haricot commun.

Fève de l’Yémen, Nom que l’on a donné autrefois au café.

— Art culin. Cuites ou crues, les fèves constituent un aliment nourrissant, mais venteux et de difficile digestion ; elles augmentent, dit-on, la difficulté de respirer, resserrent le ventre et produisent des obstructions.

Les petites fèves tendres ont de tout temps été du goût des Français ; vers la fin du moyen âge, on ne donnait pas un régal, pendant la saison de ce légume, sans qu’il y parût avec honneur. Les Parisiens ne manquaient jamais de s’en faire servir à l’époque de la foire du Landit, ce qui avait fait donner aux petites fèves le nom de fèves du Landit.

Mais, alors comme aujourd’hui, les fèves sèches n’entraient qu’exceptionnellement dans la consommation ; il n’y a guère que les équipages de navires qui en fassent un usage habituel. Il est probable que si, au lieu de les laisser sécher au soleil, on les cueillait à l’état vert et qu’on les conservât ensuite par la dessiccation, elles seraient bien meilleures, plus recherchées, plus tendres, plus faciles à cuire.

Les fèves destinées à la cuisine doivent être fraîchement cueillies ; à Paris, on n’aime guère que les fèves de marais, récoltées en juin ; elles sont d’une agréable amertume. On les fait cuire avec leur robe, en leur enlevant la tête, parce qu’elle est trop amère ; on les préfère à demi-grosseur ; plus grosses, elles doivent être vertes et tendres ; alors on les débarrasse complètement de leur robe et on les met cuire à grande eau bouillante, avec du sel et une très-petite branche de sarriette. Dans certains pays du Midi, on les sert dans ce bouillon dans lequel a cuit en même temps du lard ou quelque autre viande ; mais, à Paris, l’eau de cuisson sert à donner du goût à une soupe aux légumes. Les fèves sont ensuite égouttées et assaisonnées de l’une des manières suivantes :

À la bourgeoise. Avec un morceau de beurre, une cuillerée de farine, de l’eau de cuisson, sel, poivre ; on donne deux ou trois bouillons.

À la Béchamel. Au lieu d’eau de cuisson, on emploie du lait.

Au lard. On ajoute quelques petits morceaux de lard À l’eau de cuisson, et on donne deux ou trois bouillons,

À la macédoine. Un hachis de persil, ciboules et champignons est passé à la casserole avec un morceau de beurre et une pincée de farine ; au lieu de bouillon, on met sur les fèoes un peu de vin blanc ; on fait bouillir le tout à petit feu. On y ajoute ensuite quelques fonds d’artichauts blanchis et coupés en petits dés ; on sale, on poivre et on sert à courte sauce.

À la poulette. On sale peu, on sucre davantage, on mouille d’un peu d’eau de cuisson, avec sel, poivre ; on lie de deux jaunes d’œufs.

Purée de fèves. La purée de fèves, dont on fait des potages savoureux, s’obtient avec de grosses fèves que l’on débarrasse de leurs robes et que l’on jette dans de l’eau bouillante et salée. Au bout d’un quart d’heure, on les égoutte et on les jette dans de l’eau froide pour qu’elles restent vertes. Égouttées de nouveau, on les passe à la casserole avec beurre, sel, poivre et un peu de farine ; on mouille d’un peu d’eau, on ajoute un bouquet de persil et de ciboules. Lorsque les fèves sont bien cuites, on les écrase et on les passe en purée.

Outre les potages, la purée de fèves peut faire un assez bon entremets, réchauffée avec un peu de beurre,

À la croque-au-sel. Petites, tendres, fraîchement cueillies, les fèves, débarrassées de leurs robes, se mangent crues et sont délicates ; on les assaisonne tout simplement d’un peu de sel ; nous recommandons ce hors-d’œuvre inconnu aux Parisiens, ou, au moins, peu connu d’eux ; les campagnards s’en montrent très-friands.

— Mœurs et cout. Roi de la fève. Cette coutume bizarre remonte vraisemblablement à la plus haute antiquité. Chez les Hébreux, on choisissait un roi du festin, comme le témoigne l'Ecclésiaste. Chez les Grecs, le sort désignait celui des convives qui devait exercer cette royauté éphémère autant qu’innocente. Le sort se tirait avec des fèves, par imitation sans doute des fèves noires et blanches qui servaient à l’élection des magistrats. Les Romains employaient souvent les dés. Ce roi du festin prescrivait des lois à table, réglait qui devait tour à tour chanter, déclamer, etc. Pendant les Saturnales, à la fin de décembre, les enfants tiraient au sort avec des fèves à qui serait roi. Les chrétiens ont gardé cette coutume, mais pour un seul jour de l’année, fixé par l’usage à la fête de l’Épiphanie, commémorative de l’adoration des mages. Ce jour-là, dans chaque famille, on tire le gâteau des rois, dans lequel se trouve une seule fève ; les parts sont distribuées au hasard, et celui qui trouve la fève est proclamé roi de la fève et se choisit une reine. Cette dernière coutume existait aussi chez les Romains, comme le prouvent plusieurs passages des comédies de Plaute. La fixation de cette cérémonie païenne au jour de l’Épiphanie est entièrement arbitraire. V. ÉPIPHANIE.

Fête des fèves. Cette fête populaire est célébrée chaque année par les Nègres d’Alger sous le nom de Aïd el FouL ; elle a toujours lieu un mercredi, à l’époque appelée Nissam par les indigènes, et qui est celle où les fèves commencent À noircir. Jusque-là les nègres s’abstiennent religieusement de manger de ce légume. L’endroit où les nègres se réunissent pour la célébration de cette fête est sur le bord de la mer, un peu au delà de la plaine de Mustapha, à côté de l’Oued-Kius. Là se trouvent deux petites construcTions fort simples : l’une est une étroite enceinte de murailles À hauteur d’appui et crénelées à la moresque, au milieu de laquelle s’élèvent quelques aloès. C’est le lieu consacré à Sidi Belal, dont les nègres se sont fait un patron. Un peu plus loin, on remarque un bassin carré, rempli d’eau, consacré à Lella Haoua, sainte femme qui est également en grande vénération parmi les enfants du Soudan. Quant au Sidi Belal, si fort en honneur parmi les nègres, les traditions ne sont nullement d’accord ; quelques-unes croient pouvoir le rattacher à Belal, esclave noir de Mohammed, qui fut un des premiers à embrasser l’islamisme. Cette version ne paraît guère admissible, malgré l’identité du nom de Belal, qui fut effectivement le premier noir musulman. Affranchi par Mohammed, il avait été chargé par lui de la surveillance des fontaines. Mais les sacrifices et les cérémonies de la fête s’accordent peu avec l’honneur que l’on veut lui faire. Les nègres, dans leur pays natal, sont encore tous adonnés à l’idolâtrie ; ils ne reconnaissent en rien la religion de Mohammed, à laquelle ils ne sont initiés qu’après être tombés au pouvoir des musulmans. En reproduisant donc à Alger une fête qui leur rappelle le pays natal, il est peu probable qu’ils aient eu en vue de glorifier un souvenir des premiers jours de l’islamisme. Si l’on considère, en outre, que, sous le gouvernement turc, alors que toutes les fêtes musulmanes étaient célébrées avec une rigoureuse exactitude, jamais les nègres n’avaient évoqué la mémoire de leur patron, et qu’ils n’ont commencé à le faire qu'à l’abri de la tolérance que nous accordons à tous les cultes, on sera conduit à en chercher une autre origine. Le nom de Belal semble rappeler Belus, ou Baal, ou Bel, ce dieu importé en Afrique par les Phéniciens, et à qui l’on offrait des sacrifices d’animaux de toute espèce, et l’Aïd el Foul pourrait bien n’être autre chose qu’une trace persistante, à travers les siècles, du culte renduàk ce dieu. Du reste, le sacré est mêlé au profane dans le cérémonial de cette fête, qui consiste d’abord à réciter le Fatcha, ou prière initiale du Coran, et à égorger ensuite un bœuf, des montons et des poulets, au milieu de danses et de chants. Le bœuf destiné au sacrifice est préalablement couvert de fleurs ; sa tête est ornée de foulards, et ce n’est qu’après que les sacrificateurs ont exécuté des danses, dans lesquelles ils tournent sept fois dans un sens et sept fois dans un autre, que la victime reçoit le coup mortel. La manière dont l’animal subit la mort, soit qu’il tombe subitement sous le couteau qui l'a frappé, soit qu’il s’agite dans une lente et pénible agonie, est le sujet de pronostics heureux ou malheureux qu’interprètent aussitôt les noirs aruspices. Après le sacrifice, commence la danse nègre. La troupe des enfants du Soudan se dirige vers le bassin de Lalla Haoua ; dans ce moment, on voit des individus, que le trémoussement appelé djedeb a violemment impressionnés, se précipiter, ruisselants de sueur, dans les flots de la mer, d’où leurs compagnons ont souvent grand’peine à les retirer. D’un autre côté, et sous des tentes improvisées, les négresses s’occupent à faire cuire des fèves, les premières que les nègres doivent manger de l’année et qui servent d’assaisonnement au mouton et au couscoussou, base du festin. Tout le reste de la journée se passe en danses et en chants, auxquels la dhordeba, la musique, ou pour mieux dire l’horrible tapage si aimé des nègres, sert d’accompagnement. Les autres musulmans, habitants d’Alger, s’abstiennent, en général, d’assister à ce spectacle. Il n’en est pas de même des femmes, qui, probablement excitées par les récits de leurs négresses, y viennent en foule et s’y livrent à une gaieté folâtre, et raccourcissent quelque peu le long voile qui cache leurs traits. Il est juste de dire, cependant, que les femmes qui appartiennent aux principales familles ne figurent pas dans ces réunions.


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