Guerre aux hommes/04/06

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É. Dentu, Éditeur (p. 155-158).


VI

LES INCOMPRIS


Les hommes incompris ne sont ni ministres, ni préfets, ni députés, ni receveurs généraux, ni… enfin, ils ne sont rien du tout.

Mais écoutez-les…

Ils ont en eux l’étoffe d’un grand ministre, d’un diplomate distingué ; ils auraient été d’excellents receveurs généraux.

Ils sont pétris de talent, d’intelligence, de science même.

Oh ! si le gouvernement avait su les apprécier !… que de services importants ils auraient rendus au pays ?… »

« Mais hélas ! ajoutent-ils d’un air dolent, ils sont incompris !…

En amour ! ils ont toujours eu peu de succès, les femmes n’ont pas perdu la tête pour eux ! Elles les ont dédaignés, et se sont moquées d’eux. « C’est, vous disent-ils, par la seule raison qu’elles ne les ont pas compris !… »

Qu’elles les auraient aimés, si elles avaient pu se douter des trésors d’amour et de dévouement enfouis dans leur cœur !

Si elles avaient pu apprécier les beaux, les nobles sentiments qui les animent !… Hélas ! pour les femmes ils sont aussi restés des êtres incompris !…

Ils passent leur vie, ces hommes-là, à vous parler des belles et grandes choses qu’ils auraient pu faire, sans doute pour vous faire oublier qu’ils n’ont jamais rien fait.

Ils passent leur vie à se poser comme les tristes victimes d’un gouvernement inepte et imprévoyant qui n’a pas su les apprécier à leur juste valeur ; et aussi comme les victimes de la légèreté des femmes, qui jugeant tout superficiellement, n’ont pas su deviner leur nature sublime !

L’homme incompris est, croyez-moi, un joli pendant à la femme incomprise : il n’est ni moins ennuyeux, ni moins ridicule,