Guide aux sépultures des personnages célèbres inhumés dans les trois grands cimetières de Paris/Notice sur les cimetières de Paris

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NOTICE
SUR
LES CIMETIÈRES
DE PARIS


Sous l’occupation romaine, alors que Lutèce était renfermée tout entière dans la partie de la ville nommée plus tard la Cité, les inhumations des habitants avaient lieu le long des routes qui y conduisaient.

Des fouilles opérées à divers intervalles sur le bord des anciennes voies de communication, autour de Paris, ont souvent mis à découvert des sépultures remoulant à cette période de l’histoire de la ville.

Corrozet rapporte que, de son vivant, en pavant la rue Saint-Victor, on découvrit des coffres faits de briques, de ciment et de petites pierres, dans lesquels il y avait de la cendre. Plusieurs de ces sépulcres furent aussi trouvés au marché aux chevaux situé derrière Saint-Victor.

En 1620, un coffre en marbre blanc brisé, sur lequel était sculpté la chasse de Méléagre, fut découvert dans l’église de Sainte-Geneviève.

En 1658, des fouilles faites aux environs de Montrouge, révéleront la présence d’une tombe sur le couvercle de laquelle ou lisait, en majuscules romaines, cette inscription :

L. GAVILLIVS
GN. E
PERPETVS
H.S.E.

Des travaux exécutés dans les jardins des Carmélites et aux environs de Notre-Dame-des«  Champs ont aussi amené la découverte de squelettes dans la bouche desquels était la pièce de monnaie destinée a payer le passage du Styx à Caron.

La religion chrétienne en s’établissant à Paris, groupa sans doute les dépouilles mortelles de ses prosélytes autour des églises et dans les cimetières des établissements monastiques situés, pour la plus grande partie, hors Paris, dans les premiers siècles de son accroissement.

Les enceintes successivement élevées autour de la ville enfermèrent dans leurs ceintures ces champs de repos, presque tous dépourvus alors de clôtures protectrices ; ils étaient le théâtre de nombreuses profanations, les chiens errants déterraient souvent les cadavres. L’indifférence qui présidait à leur entretien existait encore à une époque peu éloignée de nous. Le Journal de Paris du mois de décembre 1803, rapporte avec indignation qu’un enfant avait été vu dans la rue de la Harpe jouant avec une tête de mort. « Ce n’est pas la première fois, ajoute le même journal, qu’on se plaint de trouver des ossements dans cette rue et dans les rues adjacentes. »

Sous Philippe-Auguste, en 1188, le cimetière des Innocents fut clos de murs.

En 1348, il mourut à Paris tant de monde que les cimetières regorgeaient. Philippe de Valois ordonna au Prévôt des marchands de chercher hors la ville une place pour de nouveaux cimetières. C’est alors qu’on en installa un rue Saint-Denis, dans un terrain attenant à la Trinité.

Vers la fin du xvie siècle, l’usage d’inhumer les morts dans les églises s’était tellement généralisé à Paris qu’il n’y avait plus de place pour eux dans les cryptes intérieures de ces édifices. Les cimetières dépendant des paroisses et des maisons religieuses étaient aussi encombrés de cadavres.

Le nombre de ces lieux de sépulture était cependant considérable, voici la nomenclature de ceux qui existaient en 1774 :

Le cimetière de Saint-André-des-Arcs, situé près de l’église et dans la rue du même nom ; de Saint-Etienne-du-Mont, vis-à-vis l’église ; de Saint-Benoît, rue Fromentel ; de la Charité, rue des Saints-Pères ; des Innocents, place des Innocents ; de Saint-Jean, au bout de la rue de la Verrerie ; de Saint-Joseph, remplacé par le marché du même nom, près la rue du Croissant ; de Saint-Nicolas-des-Champs, vis-à-vis la rue Chapon, son établissement remontait au xiiie siècle ; de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, entre les rues Traversine et d’Arras ; de Saint-Roch, sur la chaussée d’Antin, il y fut installé lors de la construction des chapelles du Saint-Sépulcre établies sur l’emplacement du cimetière de Saint-Roch ; de Saint-Séverin, attenant à l’église de Saint-Sulpice, situé partie rue de Bagneux, partie rue Saint-Sulpice ; de l’Hôtel-Dieu ou de Clamart, il avait pris ce nom de l’hôtel de Clamart, situé rue de la Muette, les suppliciés y étaient inhumés ; il fut remplacé, en 1793, par le cimetière de Sainte-Catherine où se trouve le tombeau de Pichegru ; les restes du Dauphin, fils de Louis XVI, vinrent aussi y prendre place.

Deux cimetières affectés aux inhumations des Israélites étaient établis à la même époque, l’un dans la rue Galande, l’autre rue de la Harpe, sur l’emplacement occupé aujourd’hui par la libraire Hachette.

Les protestants avaient aussi deux champs de repos.

Les ossements accumulés dans ces asiles mortuaires ont été, au fur et à mesure de la fermeture des cimetières établis dans la ville, pour la plupart transférés aux catacombes.

La première translation eut lieu en 1785 ; en 1787 on transporta dans la vaste nécropole souterraine les ossements des morts inhumés dans le cimetière de Saint-Eustache ; en 1790, ceux de Saint-André-des-Arcs ; en 1804, ceux de Saint-Nicolas-des-Champs ; en 1813, ceux de Saint-Benoit, etc.

En 1765, le Parlement, pour remédier aux maladies qui sévissaient dans le voisinage des cimetières, avait rendu un arrêt portant qu’à l’avenir les champs mortuaires devaient être placés hors de l’enceinte des villes. Cette disposition tomba en désuétude par la vive opposition qu’elle rencontra.

L’Assemblée nationale défendit, en 1790, les inhumations dans les églises. Enfin le 12 juin 1804, un décret prescrivit, dans un but d’hygiène et de salubrité, l’établissement de quatre vastes cimetières, en dehors de Paris, dans lesquels, à l’exclusion de tous autres lieux de sépulture, devaient se faire les inhumations. Le même décret ordonnait que chaque ensevelissement devait avoir lieu dans une fosse séparée ; que l’ouverture de nouvelles fosses, sur celles qui avaient été déjà occupées, ne devait avoir lieu qu’après une période de cinq années. Ce décret réglait, en outre, le mode de concession de terrains dans les cimetières, la police des lieux de sépulture et l’ordre des convois.

Depuis le système de concessions, établi par ce décret et réglé par l’arrêté du 15 ventôse an XIII, le Père-Lachaise avait été seul affecté aux concessions perpétuelles. Elles furent autorisées plus tard dans les cimetières de Vaugirard et de Montmartre.

En 1813, la ville de Paris renfermait encore dans son enceinte quatre cimetières. Un arrêté du 2 septembre de celle année prescrivit provisoirement et jusqu’à l’ouverture des nouveaux cimetières, dont la création avait été ordonnée par l’arrêté préfectoral du 21 ventôse an IX, que l’inhumation en sépulture particulière perpétuelle ou temporaire ne pourrait avoir lieu qu’au Père-Lachaise.

Le même arrêté statua que l’inhumation en sépulture commune continuerait à se faire dans les quatre cimetières ; que le cimetière de Montmartre recevrait les corps des Ier et IIe arrondissements ; le cimetière de Mont-Louis, ceux des IIIe, IVe, Ve, VIe, VIIe, VIIIe et IXe arrondissements ; que le cimetière de Vaugirard serait affecté aux Xe et XIe et le cimetière de Sainte-Catherine au XIIe. Mais ce dernier cimetière ayant été supprimé par arrêté du 14 juin 1344, le cimetière de Vaugirard fut désigné pour l’inhumation des décédés du XIIe arrondissement.

Cet état de choses paraît s’être maintenu jusqu’en 1825, époque de l’ouverture des nouveaux cimetières du Nord et du Sud (le cimetière du Père-Lachaise a été ouvert en 1804). Un arrêté du 20 septembre 1825 régla ainsi qu’il suit le service des inhumations :

1, 2, 3, 4e arrond. Cimetière du Nord,
5, 6, 7, 8e de l’Est.
9, 10, 11, 12e du Sud.

Cette organisation varia à l’époque du choléra. Le 31 mars 1832, le cimetière du Nord fut affecté au Ve arrondisement et vers la même époque, pour alléger le cimetière de l’Est, les quartiers des Lombards et de la Porte-Saint-Denis (VIe arrondissement), ainsi que les quartiers de la Cité et de Saint-Louis-en-l’Ile (IXe arrondissement), furent détachés de la circonscription du cimetière de l’Est pour appartenir, les premiers, au cimetière du Nord, les derniers, au cimetière du Sud. Cette disposition provisoire, adoptée le 27 avril 1832, cessa le 23 mars 1835, époque à laquelle le cimetière de l’Est fut agrandi au moyen de l’achat de nouveaux terrains.

Après l’annexion des communes suburbaines à la ville de Paris, un arrêté du préfet de la Seine répartit ainsi le service des inhumations :

1, 2, 8, 9, 10e arrond. Cimetière du Nord.
3, 4, 11, 12, 20e de l’Est.
5, 6, 7, 13, 14e du Sud.
17e arrondis. Cimetière des Batignolles.
18e de Montmartre.
19e de La Villette.
15e Grenelle et Vaugirard
16e Auteuil et Passy.

Les cimetières de La Chapelle, de Belleville, de Charonne, de Bercy, de Vaugirard et de Sainte-Catherine ont été successivement fermés aux inhumations.

Il existe encore dans les murs de Paris un cimetière privé, celui de Picpus. Il est la propriété particulière de plusieurs nobles familles auxquelles il a été concédé sous l’empire. Nous avons dû nous abstenir en conséquence de signaler les sépultures qu’il renferme. Le général de Lafayette y repose.

Les ensevelissements en fosse commune se font en ce moment, en attendant la création d’un vaste cimetière à Méry-sur-Oise, dans les champs mortuaires de Saint-Ouen, plus connu sous le nom caractéristique de Cayenne à cause de son éloignement de la capitale, et d’Ivry, nommé aussi Champ-des-Navets, allusion faite à sa nudité ; des concessions temporaires sont accordées dans ces cimetières.

M. Frochot posa dans son arrêté du 13 ventôse au XIII (6 mars 1805), les règles à observer pour les concessions. Cet arrêté les divisait en deux catégories : les concessions à longues années et les concessions à perpétuité. Le prix de la première catégorie fut fixé à 50 fr. par mètre carré. Le prix des concessions perpétuelles était de 100 fr. par mètre carré. Lorsque la sépulture formait fondation pour la famille, il devait être payé pour chaque inhumation nouvelle dans cette sépulture, un vingtième du prix de la concession primitive.

Au bout de quelques années l’accroissement considérable des concessions, qu’on pensait d’abord devoir se borner à une ceinture restreinte autour du cimetière, avait absorbé une partie du cimetière de l’Est. Le Conseil municipal se décida, en conséquence, le 7 septembre 1824, à étendre le régime des concessions temporaires, réservé jusqu’alors au Père-Lachaise, à tous les cimetières ; il réduisit, en outre, la durée de ces concessions à six années, au bout desquelles le terrain pouvait être repris, à moins que les familles n’eussent acquis le renouvellement de la concession ou la propriété perpétuelle.

Les terrains des concessions périmées ne furent cependant pas repris et les cimetières durent être agrandis. En 1829, pour diminuer autant que possible le nombre des concessions, la durée de la concession temporaire fut fixée à cinq ans, le renouvellement interdit et les prix des concessions perpétuelles augmentés.

Les trois champs mortuaires de la ville de Paris, insuffisants aujourd’hui à cause de l’accroissement considérable de la population, sont complétement fermés aux concessions conditionnelles depuis le 2 août 1877. Les concessions perpétuelles absorberont, à leur tour, les terrains qui y deviendront disponibles. Alors les nécropoles de Paris deviendront le véritable Panthéon de nos célébrités nationales, et bien que beaucoup d’hommes illustres aient préféré à leur patrie d’adoption, le sol natal pour dormir leur dernier sommeil, les cimetières de Paris sont assez riches en souvenirs historiques et artistiques pour intéresser le visiteur.

L’ouvrage que nous publions aujourd’hui n’aura donc à subir par la suite que de légères modifications ; nous les accomplirons à chaque nouvelle édition de notre ouvrage, si l’accueil qui lui est réservé rend cette mesure nécessaire.

Nous avons consacré à notre œuvre de longues journées, nous avons dû faire de minutieuses recherches dans les archives des cimetières et dans les bibliothèques ; enfin, nous avons dû parcourir, pour ainsi dire, tombe par tombe, les 45 hectares de terrain du Père-Lachaise et autant dans les deux autres cimetières réunis pour relever les positions de plus de 1,700 sépultures. Nous espérons que nos lecteurs nous tiendront compte de nos efforts et qu’ils voudront bien nous excuser pour les omissions involontaires qu’il est presque impossible d’éviter dans un ouvrage de la nature de celui que nous avons entrepris ; nous réparerons nos oublis, s’ils nous sont signalés, à une prochaine édition.

Nous ne saurions terminer ces quelques lignes d’introduction sans offrir nos remerciments à M. le Préfet de la Seine et à M. l’Inspecteur général des cimetières de Paris dont l’autorisation nous a facilité les moyens d’entreprendre notre ouvrage, et aussi à MM. les Conservateurs qui ont amoindri notre lâche, en nous prêtant leur concours éclairé avec une amabilité et une bonne grâce dont nous sommes heureux de leur témoigner ici toute notre reconnaissance.