Harivansa ou histoire de la famille de Hari/Lecture 37

La bibliothèque libre.
◄  XXXVI
XXXVIII  ►

TRENTE-SEPTIÈME LECTURE.

HISTOIRE DE LA FAMILLE DE COUCOURA.

Vêsampâyana dit :

Côsalyâ donna au vertueux Sâtwata plusieurs fils : Bhadjin, le divin Bhadjamâna, le roi Dévâvridha, le puissant Andhaca, et Vrichni, orgueil de la maison d’Yadou. Ils formèrent quatre familles, sur lesquelles je vais te donner des détails.

Bbadjamâna eut deux femmes du nom de Srindjayâ, qui avaient le rang, l’une de première, l’autre de seconde épouse[1]. Elles lui donnèrent plusieurs enfants : de la première naquirent Crimi, Cramana, Dhridhta, Soûra et Pourandjaya ; et de la seconde, Ayoutâdjit, Sahasrâdjit, Satadjit et Dâsaca.

Le roi Dévâvridha fit des sacrifices et embrassa les rigueurs de la pénitence pour obtenir un fils doué de toutes les vertus. Plongé dans ses pensées pieuses, il faisait des libations de l’eau de la Parnâsâ[2]. En le voyant occupé de cette œuvre religieuse, la nymphe de la rivière conçut pour ce prince un tendre sentiment. Pensant au moyen de combler les vœux de Dévâvridha, elle se dit à elle-même : « Il n’a pas encore vu la femme qui doit lui donner un fils tel qu’il le souhaite. Il faut que je prenne une forme humaine et que je devienne son épouse. » Elle dit, et en même temps elle apparut sous l’extérieur d’une vierge brillante de beauté. Elle fixa le choix du prince et devint reine. Noble et généreuse princesse, elle conçut et mit au monde, au bout de dix mois, un fils plein de force et de vertu, qui s’appela Babhrou, et qui fut l’honneur de sa race, comme le disent les hommes instruits dans les Pourânas ; car en célébrant les qualités du grand Dévâvridha, ils s’écrient : « Admirables tous deux et de loin et de près, Babhrou s’éleva au premier rang parmi les mortels, et Dévâvridha s’égala aux dieux. » Sous les coups de Babhrou, successeur de Dévâvridha, soixante et treize mille[3] héros perdirent la vie. Ce fut un prince aimant la pompe des sacrifices, généreux, prudent, attaché à la science sacrée, ferme dans les combats, habile à conduire un char de guerre, glorieux et puissant parmi les descendants de Sâtwata. Sa postérité fut nombreuse, et composée des Bhodjas, surnommés Mârticâvatas.

Andhaca épousa la fille de Câsya ; il en eut quatre fils, Coucoura, Bhadjamâna, Sama et Cambalavarhicha.

Coucoura donna le jour à Dhrichnou ; Dhrichnou, à Capotaroman ; Capotaroman, à Têttiri ; Têttiri, à Pounarvasou ; et Pounarvasou, à Abhidjit. Abhidjit eut deux enfants très-fameux, Ahouca et Ahoukî.

C’est d’Ahouca que les poëtes disent dans leurs vers : « Que ce grand prince marche le premier, pareil au soleil, accompagné d’un cortège d’officiers habillés de blanc, chargé d’un bouclier que recouvrent quatre-vingts cuirs d’animaux[4]. Pour marcher avant Bhodja[5], il faudrait avoir plus d’enfants que lui, il faudrait être plus libéral, entouré de plus de cent mille combattants[6], plus renommé par des œuvres pieuses et la magnificence des sacrifices. Bhodja possède dans l’orient dix mille éléphants armés en guerre, ornés de drapeaux, formant des attelages superbes, dix mille chars retentissants comme le bruit du tonnerre, vingt et un mille cakchâs[7] d’or et d’argent ; il en possède autant dans le nord. Près de lui sont d’autres Bhôdjas, qui protègent au loin la terre, et ornés de riches ceintures que garnissent de bruyantes clochettes. »

Les Andhacas donnèrent Ahouki sa sœur aux Avantis.

Ahouca eut de Câsyâ deux fils, pareils à deux immortels : Dévaca et Ougraséna. De Dévaca naquirent quatre fils, semblables à des dieux : Dévavân, Oupadéva, Soudéva et Dévarakchita ; et sept filles qu’il donna à Vasoudéva : Dévakî, Sântidévâ, Srîdévâ[8], Dévarakchitâ, Vricadévî, Oupadévî et Sounâmnî.

Ougraséna fut père de neuf enfants, dont Cansa était l’ainé. Les autres se nommaient Nyagrodha, Sounâman, Canca, Sancou, Sambhoûchana, Râchtrapâla, Soudhanou et le vénérable Anâdhrichti. Ils eurent cinq sœurs, Cansâ, Cansavatî, Soutanou, Râchtrapâlî et la belle Cancâ.

Ougraséna et ses enfants sont renommés comme descendants de Coucoura.

Celui qui garde en son esprit l’histoire de ces illustres Coucouras, obtient une nombreuse postérité.

  1. Le texte porte les deux mots वाह्यका et उपवाह्यका, que j’ai cru pouvoir rendre par l’idée qu’exprime ma traduction. Le verbe वह्य a le même sens que le mot latin ducere ; et de ce verbe on dérive वधू qui veut dire femme, et उाटा, qui signifie épousée. Je ne crois pas que ces deux mots se trouvent dans les lois de Manou.
  2. Wilford (Rech. asiat. t. xiv, p. 396) dit que Parnâsâ est un nom de la Tâmasâ, rivière qui se jette dans le Gange, au-dessus de la ville de Mirzapour.
  3. Je crois n’avoir point ici commis d’erreur dans mon addition. En général la manière d’énoncer les nombres sanscrits est assez obscure ; voici le vers tout entier : षषृिश्च षद् च · पुरुषाः सहस्त्राणि च सप्त च​, mot à mot sexagintaque sexque heroes milliaque septemque.
  4. Ainsi dit le texte : अशीतिचर्मणायुक्तः. L’exagération poétique est ici bien forte, et cependant elle rappelle ce que les Grecs disaient aussi de leur Ajax, dominus clypei septemplicis.
  5. J’ai déjà fait remarquer que ce mot est ou un nom de famille, ou une expression générale qui remplace le mot roi.
  6. J’ai pris sur moi de corriger ici mon texte, et de lire नासहस्त्रशतायुधः, au lieu de आयुष​, leçon que portent les deux manuscrits dévanâgaris. Le bengali donne आयुष​. Mon habile et savant maître, M. de Chézy, croyait que आयुष​ pouvait bien être considéré comme un adjectif au nominatif singulier ; mais comme sa mort, malheureusement trop prématurée pour la science, m’a empêché de lui soumettre de nouveau ce passage, j ai mieux aimé hasarder ma correction. Les deux leçons peuvent jusqu’à un certain point être ramenées à une même idée, centum millia habens telorum, ou bien vitarum (hominum).
  7. La cakchâ est une mesure de poids dont se servent les joailliers. On la nomme aussi goundjâ et rakticâ (retti). Voy. ces mots dans le Dictionnaire de M. Wilson.
  8. Le manuscrit bengali la nomme Sandévâ ; et le manuscrit de M. Tod, Soudévâ.