Harivansa ou histoire de la famille de Hari/Lecture 36

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TRENTE-SIXIÈME LECTURE.

FAMILLE DE DJYAMAGHA.

Vêsampâyana dit :

Crochtou eut encore un fils célèbre nommé Vridjinîvân. Celui-ci donna le jour à Swâhi, fameux par les offrandes[1] dont il honorait les dieux. Swâhi engendra Ousadgou[2], qui se fit remarquer par son éloquence et sa piété dans les sacrifices, lesquels sous son règne furent nombreux et solennels, et accompagnés des plus riches présents. Ousadgou désirait un fils qui lui fit honneur par ses hautes qualités ; et le ciel lui donna Tchitraratha, illustre par ses exploits.

Tchitraratha fut le père d’un prince guerrier, pieux et libéral, de Sasavindou, qui obtint le rang élevé de Râdjarchi, et eut pour fils Prithousravas, dont la gloire s’étendit au loin. Les savants, instruits dans les Pourânas, célèbrent le siècle de Prithousravas. Souyadjna lui dut la naissance : celui-ci donna le jour à Ouchan, uniquement occupé du soin des sacrifices ; Ouchan à Sinéyou, terreur et fléau de ses ennemis ; Sinéyou, à Maroutta le Râdjarchi ; et Maroutta, à Cambalavarhicha qui fut son fils aîné.

Celui-ci, par sa piété et sa justice, acquit de grands mérites, dont la colère lui fit perdre le fruit. Il désira un fils, qui lui fut accordé : ce fils se nomma Sataprasoûti[3], et fut père de Roukmacavatcha. Ce prince tua sur le champ de bataille, de ses flèches aiguës, cent ennemis couverts de leurs armures et armés de leurs arcs, et s’empara d’un riche butin. Il eut pour fils Parâdjit, sous les coups duquel succombèrent de nobles héros.

Parâdjit fut le père de cinq guerriers forts et invincibles, Roukméyou, Prithouroukma, Djyâmagha, Pâlita et Hari. Il donna en adoption ces deux derniers à deux princes du pays de Vidéha[4]. Roukméyou fut roi, et Prithouroukma lui prêta son secours. Ils chassèrent du royaume Djyâmagha, qui se retira dans un ermitage. Il vécut quelque temps paisible habitant de la forêt, et disciple des Brahmanes ; ensuite, prenant son arc, déployant son drapeau, il monta sur son char de guerre, et se dirigea vers un autre pays. Il conquit, seul, sur les rives de la Narmadâ, la ville de Moûrticâvatî, et soumit à ses lois le mont Rikchavân qui forme une partie de la chaîne appelée Souktimatî[5].

Djyâmagha avait pour épouse une femme forte et pieuse, nommée Sêvyâ. Il était privé d’enfants, et cependant ne songeait point à former d’autres nœuds. Dans un de ces combats dont il sortit vainqueur, il fit prisonnière une jeune fille, qu’il présenta avec quelque embarras à sa femme en lui disant : « Voilà ta bru ! » La jeune fille, en l’entendant, dit aussi : « Voilà votre bru ! » L’excellent roi Djyâmagha reprit la parole : « Ô reine, le fils qui naîtra de toi, sera l’époux de Djâtabhî[6]. » Celle-ci se livra donc à une pénitence sévère, et enfin l’illustre Sêvyâ, humble et pieuse, obtint un fils qui se nomma Vidarbha. Ce prince épousa celle que le roi son père avait appelée sa belle-fille, et il la rendit mère de deux héros sages et habiles dans l’art des batailles, Cratha et Kêsica.

(Vidarbha eut un troisième fils[7], distingué surtout par sa justice, et nommé Lomapâda. De Lomapâda naquit Babhrou ; de Babhrou, Âhlâdi ; d’Âhlâdi, le sage et pieux Kêsica ; de Kêsica, Tchédi, qui donna son nom aux princes Tchêdyas.)

De Vidarbha naquit encore un fils appelé Bhîma[8]. Bhîma fut le père de Counti ; Counti, de Dhrichta, prince superbe et terrible dans les combats ; et Dhrichta, de trois héros distingués par leurs hautes vertus et nommés Âvanta, Dasârha et Vichahara. Dasârha donna le jour à Vyoman ; Vyoman, à Djîmoûta ; Djîmoûta, à Vrihati ; Vrihati, à Bhîmaratha ; Bhîmaratha, à Nararatha ; Nararatha, à Dasaratha ; Dasaratha, à Sacouni ; Sacouni, à Carambha ; Carambha, à Védarâta ; Védarâta, à Dévakchatra ; Dévakchatra, à l’illustre Madhou, prince d’une éloquence douce et facile, pareil aux dieux, orgueil de son père, et chef de la famille des Madhous. Ô fils de Courou, de ce roi et de Bhadravatî[9], princesse de la maison de Vidarbha, naquit le grand Pouroudwân[10] ; celui-ci eut pour épouse Êkchwâkî[11], et, ami de la vérité[12], il la rendit mère de Sâtwata, qui fut le chef de la race illustre et vertueuse des Satwas.

Celui qui apprend l’histoire de la famille du grand Djyâmagha, obtient un grand bonheur et de nombreux enfants.

  1. Littéralement swâhâ, qui était une exclamation employée au moment des sacrifices, quand on jetait l’offrande dans le feu. On en avait fait le nom d’une déesse, épouse du dieu Agni.
  2. Autrement Rousadgou.
  3. Autrement appelé Sataprasavan.
  4. Le Vidéha formait une partie de la province de Bahar, aujourd’hui le Tirhut. C’était la même contrée que celle de Mithilâ, au nord-ouest du Bengale. Dans cette contrée a régné le fameux Djanaca, qui a donné son nom à Djanacapoura, dont Buchanan retrouve les ruines dans Janickpour.
  5. C’est une des sept chaînes de montagnes qui traversent l’Inde. Wilford (Rech. asiat. t. xiv dit que le Rikcha est la partie orientale du Vindhya, s’étendant du golfe de Bengale à la source de la Narmadâ.
  6. Le manuscrit bengali lui donne le nom d’Oupadânavî.
  7. Ce passage, que je crois extrait du Bhâgavata-pourâna, ne se trouve que sur le manuscrit dévanâgari de Paris.
  8. Il parait que Bhîma est plutôt le petit-fils de Vidarbha et le fils de Cratha.
  9. Le manuscrit de M. Tod appelle cette princesse Indravatî.
  10. Le manuscrit dévanâgari de Paris intercale entre Madhou et Pouroudwân un prince nommé Maroughasa.
  11. Le manuscrit de M. Tod l’appelle Ikchwâkî.
  12. L’auteur donne la raison du nom que porta le fils de Madhou ; car le mot satwa dont est formé Sâtwata, veut dire vérité, vertu. Ce passage est un peu obscur, et les manuscrits ne sont pas d’accord.