Henri Cornélis Agrippa/Lettre XIV

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XIV
Henri Cornélis Agrippa à Jacques Lefebvre d’Étaples, salut.

De Metz, 1519.

J’ai reçu la lettre charmante et agréable que vous m’avez écrite le 20 juin, excellent Lefebvre. Depuis cette époque je n’en ai reçu aucune autre émanant de vous, et je ne vous ai rien répondu. Ce que j’en dis, c’est pour que ni vous ni moi nous ne nous regardions comme frauduleusement privés de correspondances mutuelles. Il faut aussi que vous sachiez que si, par hasard, vous m’avez écrit je n’ai rien reçu, et qu’il ne faut m’accuser ni de négligence ni d’ingratitude. Voilà pourquoi, devant vous répondre depuis si longtemps, je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas trouvé de personne sûre pour vous envoyer ma lettre en second lieu, j’ai été souvent absent pour les affaires publiques de notre Cité. Ce qui cependant ne nous a pas empêché de compléter, d’achever la Défense de nos Propositions et d’écrire dans ce but un livre plus volumineux que nous ne pensions. Nous en avons déjà communiqué une copie à notre adversaire, ce théotogastre anonyme, qui a rougi de signer ses écrits, mais que nous avions soupçonné non sans raison, et qui maintenant est complètement dévoilé. — C’est le frère Claude Salini, le petit docteur de Paris, Prieur de la Congrégation des Prédicateurs de Metz. Je me proposais, je vous le dois bien, de vous en envoyer un exemplaire, mais je n’ai pas eu de copiste sous la main ; du reste, j’étais pressé par mon départ prochain pour l’Allemagne. Je vous l’enverrai une autre fois, soit écrit à la main, soit imprimé. J’espère qu’il ne vous déplaira pas tout à fait, et cela d’autant moins qu’il déplaira d’autant plus à ces misérables sophistes. Ces gens-là, ne pouvant rien contre nous s’ils attaquent ouvertement, ont alors recours à des tranchées pour nous surprendre, pour nous harceler de leurs traits, étant eux-mêmes à couvert. Ensuite, auprès du vulgaire ignorant et crédule, ils nous accusent d’erreur, nous taxent même d’hérésie et nous attribuent des opinions pleines d’insanité. Laissons tout cela envoyez-moi, je vous prie, c’est mon désir, mes commentaires contre Richard sur Saint-Victor. Ce sera à mes frais. Il y a longtemps que je souhaite ardemment les avoir. Portez-vous bien, cher ami.