Histoire d’une grande dame au XVIIIe siècle, La comtesse Hélène Potocka/10

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Calmann Lévy (2p. 276-294).


X

1803-1806


Le prince de Ligne à Vienne. — L’abbaye d’Edelslieten. — Sidonie de Ligne. — Entrevue d’Hélène et de son beau-père.



Pendant qu’Hélène entreprend ce voyage si ardemment souhaité, retournons au prince de Ligne que nous avons quitté au moment où il se fixait à Vienne après avoir perdu, avec une philosophique insouciance, sa fortune et sa grande situation dans les Pays-Bas.

Depuis 1796, la situation pécuniaire du prince s’améliora, la vente de ses terres de Tauride et une pension que lui accorda Paul I augmentèrent son modique revenu. La vente de ses tableaux et de quelques objets d’art lui avait aussi fourni une ressource passagère, mais les questions d’argent ne le préoccupaient guère et un sujet plus sérieux vint l’inquiéter gravement en 1801.

Malgré la préférence marquée du prince de Ligne pour son fils Charles, il aimait tendrement son fils Louis. Éloigné très jeune de la maison paternelle par son entrée au service de France, la carrière militaire du jeune prince se trouva toute différente de celle de son frère. La reine Marie-Antoinette l’avait fait entrer dans son régiment, le Royal-Allemand[1].

L’avancement du jeune prince fut rapide, il entra dans le régiment d’Orléans et la terrible journée du 10 août le trouva lieutenant-colonel. Il fit partie de l’état-major de Dumouriez et passa avec le duc de Chartres dans l’armée autrichienne, où il devint aide de camp du général Clerfayt ; il se distingua à la bataille de Jemmapes, eut deux chevaux tués sous lui et fut fait capitaine des grenadiers de son père par l’archiduc Jean qui l’avait vu se jeter dans les rangs des républicains français pour reprendre le drapeau de sa compagnie et le rapporter.

À la bataille de Hohenlinden, 3 décembre 1800, où il commandait le régiment de l’archiduc Joseph, il se conduisit de la manière la plus brillante. À la tête d’un bataillon de grenadiers qu’il électrisait par son exemple, il voulut se faire jour au milieu des Français, mais blessé de deux coups de feu, il fut laissé pour mort et fait prisonnier. Il allait être passé par les armes comme déserteur, lorsque Ney le sauva en lui donnant un autre prénom, celui d’Eugène au lieu de Louis, ce qui empêcha d’établir son identité ; il fut rendu à la liberté le 26 janvier 1801[2]. Un mois après, il arrivait à Vienne rejoindre ses parents. Il était l’enfant préféré de sa mère à laquelle il ressemblait beaucoup, c’est dire qu’il avait une figure charmante.

Le prince père était alors à son refuge du Leopoldsberg, il organisa bien vite une petite fête en l’honneur du retour de son fils et y convia, entre autres, son ami le marquis de Bonnay.

Dans un dîner récent chez le prince et à la suite d’une plaisanterie, le marquis de Bonnay, émigré français et ami intime des de Ligne, s’était comparé à un chapon de Styrie. Voici la lettre d’invitation improvisée qu’il reçut :

            Air de Camille ou le Souterrain
                       (De mon refuge)

            À M. LE MARQUIS DE BONNAY
                          (Impromptu)

            Ma femme et moi nous confions
               Aux manières discrètes,
            Du plus aimable des chapons
               De petites poulettes ;
            Avec elles venez jeudi
                    Avant midi,
            Et restez jusqu’à samedi.
Marquis, à ce projet ne soyez pas revêche,
     Arrivez, arrivez dans notre calèche.

            Marquis, apprenez que Louis[3],
            Ragoût pour Robespierre,
            En nos mains vient d’être remis
               La semaine dernière.
            Prenant part à notre bonheur,
               Je crois, d’honneur,
            Que c’est réjouir votre cœur.
Venez donc en faveur de nos bonnes nouvelles
Aux côtés, aux côtés de ces demoiselles.


Les deux poulettes confiées aux soins de M. de Bonnay n’étaient autres que les deux filles du prince Charles, Sidonie et Christine, élevées ensemble.

La princesse Clary, remplissant le désir de son frère, s’occupait maternellement de la petile Titine qu’il lui avait léguée d’une façon si touchante ; elle la plaça dans la même pension que Sidonie, et les deux petites filles vécurent ainsi côte à côte liées par la plus tendre amitié, mais ignorant le lien secret qui les unissait en réalité.

Deux ans après le retour du prince Louis, un événement favorable vint améliorer la situation de son père. Le 9 avril 1803, un traité de paix fut signé à Lunéville entre la France, l’Empereur d’Allemagne et l’Empire : Toute la rive gauche du Rhin, le comté de Falkenstein et le Frickthal lurent cédés à la France. Deux ans après, une députation de l’Empire d’Allemagne envoyait un plan pour régler les indemnités des princes et des États qui avaient perdu leurs possessions sur la rive gauche du Rhin par le traité du 9 avril. On les indemnisa au moyen des fiefs ecclésiastiques, supprimés en Allemagne comme en France.

Le maréchal de Ligne possédait par héritage de famille le petit comté souverain de Fagnolles, près de Philippeville[4]. La seigneurie de Fagnolles avait été érigée en 1770 en comté d’Empire, et agrégée en 1785 au collège des comtes de Westphalie. Il reçut à titre d’indemnité de son comté l’abbaye d’Edelstetten et le cent vingt-sixième vote viril au collège des princes de l’Empire.

Cet événement, qui pour tout autre que le maréchal eût été d’une grande importance, fut traité par lui avec une insouciante gaieté. Il partit dès les premiers jours de mai pour prendre possession de sa nouvelle souveraineté, non sans une certaine crainte de trouver l’abbesse dépossédée et ses chanoinesses de fort mauvaise humeur. Peut-être aussi les paysans regretteraient-ils le gouvernement de l’abbesse ? C’est à ses filles, la princesse Clary et la comtesse Palfy qu’il adresse tour à tour le récit de son inauguration, il est difficile de lire quelque chose de plus gaiement conté.


À LA PRINCESSE CLARY


« Edelstetten, ce 10 mai 1803.


» Ah ! quelle canonnade ! quelle jolie petite armée de soixante-six hommes dont la moitié jette de temps en temps les fusils, pour me faire la plus brillante des musiques. J’ai cependant surpris tout le monde ; mais on était sur ses gardes et à peine les postillons avaient-ils fini de corner au haut de la montagne que l’alarme était déjà dans les fonds du vallon, où je voyais courir sous les armes ou au chapitre, ou à l’église, croyant peut-être que j’y descendrais (apparemment pour demander pardon à Dieu de ce que je prenais le bien d’autrui).

» J’étais tenté moi-même de regarder une indemnité comme une indignité et une sécularisation comme une abomination. Mais je me disais : On a trouvé tout cela si beau dans la paix de Westphalie, qui passe pour le plus bel ouvrage du monde, qu’on admirera peut-être sa parodie. Je ne donne pas le temps à l’abbesse de me recevoir au bas de l’escalier ; je grimpe vite les marches deux à deux pour aller lui baiser la main et lui dire devant ses dames, qui arrivaient l’une après l’autre, les choses les plus touchantes et les plus respectueuses, quoique ce fût en allemand puisqu’elle ne sait pas un mot de français.

» L’accent de la peine que je sentais leur faire suppléa apparemment à l’accent de la langue ; nous fûmes tous ou toutes attendris ; j’avais l’air, le jeu et l’effet de la douleur. Ensuite, ne voulant pas le gâter par quelque mot ridicule prononcé de travers, je fis un peu de silence ; puis du français pour essayer celui des chanoinesses ; puis encore un peu d’allemand qui me réussit assez bien par hasard. J’en ai pourtant ri moi-même pour qu’on se mit un peu à son aise et les petites se moquèrent les unes des autres pour leur français plus ou moins souabe. —

» Enfin les fronts se déridaient un peu, je remerciai l’abbesse de m’avoir demandé mon portrait, qui était dans son salon. On me regardait, on le trouvait ressemblant. Je fis semblant d’avoir des affaires, les pauvres malheureuses n’en avaient que trop. Je ne voulus déloger personne et je me retirai chez moi d’oùje vous écris.

« À demain ! »


À LA PRINCESSE CLARY


Le 12 mai 1803.


» Eh bien, la journée s’est passée à merveille. Après un peu trop de cérémonie à la parade de mes très jolis soldats bleus (parements et collet couleur de rose, comme ma livrée), et à dîner encore plus, je me suis sauvé, j’ai été me promener seul pour voir s’il n’y avait pas moyen d’embellir les environs.

» Je suis entré dans presque toutes les maisons pour savoir si l’on y était passablement heureux, et si on ne pouvait pas l’être davantage. J’ai pris bien des requêtes et accordé tout de suite tout ce que j’ai pu.

» Ues dames s’amusèrent beaucoup, quand je revins, de mon étonnement de la courtesse de l’empire que je leur enlevais, et moi je me réjouis de ce que je n’avais pas fait comme plusieurs d’entre nous qui avaient bien intrigué et obtenu sur la rive droite du Rhin le triple de ce qu’ils avaient perdu sur la rive gauche…

» Charles XII, en parlant de son royaume, disait : < Dieu me l’a donné, le diable ne me l’ôtera pas. » Je ne sais qui m’a donné le mien, mais j’ai grand’peur que Dieu ne me l’ôte et cela me fera de la peine, car je suis si bien ici… Vous auriez ri et pleuré de mon inauguration, j’étais sur un trône de seigneur d’opéra-comique, il y avait plus de feuillages que de tapis (déchiré par le bas). De vieux morceaux de velours cramoisi bien miroité pour le haut recouvraient un dais prêt à me tomber sur la tête.

» Mes fidèles sujets sont venus me baiser la main : comme ils ne sont pas nombreux, cela ne m’a point fatigué, et avec la charlatanerie d’un souverain philosophe, je soutenais les vieillards pour les empêcher de tomber sur le gradin en descendant, car, en Empire, il faut avoir l’air d’un Menschfreund[5]. Du veste, mes catholiques sont de si bonne foi et si bonnes gens que pour ne pas leur faire de la peine, j’ai renvoyé des anabaptistes, avec qui je voulais m’arranger, et qui, de 15 000 florins que ceci me rapporte, m’en auraient procuré le double…

» Une de mes chanoinesses, mademoiselle de Bœsler, bien jolie et aimable, a peur des hannetons : ses charmantes camarades et moi nous en fîmes ramasser une centaine que nous avons mis dans une boîte et que nous lui avons envoyés de la part de ses parents. À peine étions-nous sortis de chez elle pour aller nous coucher, (avions-nous dit), qu’elle ouvre ce qui fait son supplice. Ses cris, nos rires et puis notre pitié, la crainte des pleurs, nos regrets d’une plaisanterie peut-être trop forte, tout cela fut l’affaire d’une minute. Je rentrai dans sa chambre, je fus l’Hercule. qui terrassa les monstres qui en voulaient à tous ses appas, et ses camarades et moi à genoux, nous obtînmes notre grâce.

» Cela sent un peu le collège, le couvent, c’est un peu jeune pour le vieux souverain ; mais faites honneur à ses mœurs, car voilà ses plaisirs. Il en est de plus vifs, mais non pas de plus purs.

» On me paraît assez content de moi ; je suis enchanté de tout le monde et de finir ma lettre par vous dire, chère Christine, que je serais l’homme du monde le plus heureux, si vous étiez ici car, sans vous, y a-t-il pour moi félicité parfaite ? »


À LA COMTESSE PALFY


« Juin 1803.


» Quoique je voulus échapper aux tristes adieux de part et d’autre de mes adorables chanoinesses et des excellents habitants de mon bon gros village, je ne pus surprendre ma garde « qui veillait aux barrières du Louvre », et comme du côté de Gunzbourg il n’y a pas loin de ma capitale aux frontières, je les trouvai rangés à une heure et demie du matin avec toute la musique turque qui, ne se contentant pas du tapage qu’elle me faisait au réveil, à la parade et à la retraite tous les jours, en faisait là encore autant. Cela cependant et trois salves de mousqueterie tirées au nez de mes chevaux, qui en manquèrent de me casser le cou, faisaient le plus bel effet du monde pendant la nuit la plus obscure et une pluie à verse.

» Ainsi mon départ fut éventé. Je ne sais s’il en coûta quelques larmes à mes anges de chanoinesses, mais tout ce qui était levé dans la maison et dans la rue et mes jolis et bons soldats en répandaient ainsi que moi et mes gens, Ismaël compris, qui versait des larmes aussi noires que sa figure.

» Quelques Unser Rinz soll leben prononcés, ainsi qu’à mon inauguration, d’une voix un peu sourde et concentrée, me touchèrent bien plus que tous les vivats dont on m’avait autrefois étourdi les oreilles.

» Si mes chanoinesses avaient été laides, dédaigneuses, dégoûtées, intéressées comme elles le sont dans presque tous les chapitres, j’aurais 10 000 florins de rente de plus. Mais pourvu que ce que j’en tirerai remplace la vente de mes tableaux dont le dernier payement va finir, je serai fort content et continuerai à vivre dans mon aurea mediocritas avec mes 17 000 ou 18 000 florins de rente[6] ».

Ce fut également en 1803, peu de temps après la prise de possession d’Edelstetten, que Napoléon fit lever le séquestre mis en 1793 sur les biens de la maison de Ligne, mais le feld-maréchal ayant suivi l’armée autrichienne élait considéré comme émigré. C’est même grâce à l’abbé Sieyès, auquel il avait autrefois rendu service que sa fortune fut séquestrée et non confisquée en 1794.

Le prince renonça alors à tous ses biens dans les Pays-Bas en faveur de son fils Louis, qui se fit recevoir sujet français, et auquel, à cette condition, ils furent rendus par le premier consul, tandis que le feld-maréchal demeura prince allemand.

Le prince Louis se chargea de libérer Bel-Œil et les terres qui en dépendaient, des dettes considérables qui les hypothéquaient. Une certaine quantité avaient été contractées par le prince Charles : Sidonie n’avait donc rien à prétendre de ce côté-là, et si les revenus de son grand-père s’étaient augmentés, la part plus que minime qui pouvait lui en revenir ne constituait pas un patrimoine.

[l ne lui restait en réalité que l’héritage de son grand-oncle, le prince-évêque de Wilna, et la part que l’impératrice Catherine lui avait fait assurer par sa mère, mais seulement après la mort de celle-ci. Or, tous les biens du prince-évêque consistaient en terres situées en Pologne, et les bouleversements continuels qu’avait subis ce malheureux pays rendaient le revenu des terres presque illusoire surtout pour ceux qui ne l’habitaient pas. Les possesseurs et les intendants s’arrangeaient si bien que pas un ducat n’arrivait au propriétaire, s’il vivait à l’étranger. D’ailleurs le prince était l’homme le moins fait pour surveiller les intérêts matériels de sa petite-fille. La situation présente et l’avenir de Sidonie était donc fort précaire, et son établissement à Vienne assez difficile.

Revenons au départ du comte et de la comtesse pour Paris. Avant de se séparer, il avait été convenu qu’ils se rejoindraient à Breslau. La comtesse y arriva le 11 septembre après un voyage très fatigant et sans cesse interrompu par des passages de troupes qui remplissaient les auberges et réquisitionnaient les chevaux de poste.

Le comte et la comtesse ne voyageaient jamais ensemble, ils se donnaient seulement rendez-vous dans telle ou telle ville où le premier arrivé attendait l’autre. Une des causes de cette bizarre façon de procéder était peut-être la suite nombreuse que chacun d’eux emmenait avec lui ; il est assez curieux d’en lire le détail.

Le comte était accompagné de quatre sécrétaires, deux intendants, un médecin, deux valets de chambre et quatre laquais, plus deux postillons lui appartenant qui montaient à côté des postillons qu’il prenait à chaque poste. Il était précédé d’un courrier qui faisait préparer les logements. Il occupait à lui seul sa chaise de poste ; dans la voiture suivante venait le médecin et les intendants, dans une troisième, les quatre secrétaires, et enfin, dans une espèce de coche, les six domestiques. Un immense chariot contenant les bagages fermait la marche.

La suite d’Hélène était un peu moins nombreuse, mais encore très considérable.

Hélène passa deux jours à Breslau, attendant l’arrivée du comte qui la rejoignit le 18 septembre.

Pendant son voyage rapide, Hélène, ne perdant pas de vue le projet qui lui tenait si fort à cœur, s’était arrêtée à Tœplitz dans l’espoir d’y trouver les Clary et le prince de Ligne, mais ils étaient partis peu de jours auparavant. Comptant sur l’aimable et bonne princesse Clary pour l’aider à surmonter les difficultés qu’elle prévoyait du côté de la princesse mère, la comtesse fut très contrariée de ne pas la rencontrer ; elle lui écrivit aussitôt une longue lettre sans expliquer clairement ses intentions, mais exprimant un grand désir de revoir Sidonie et de se rapprocher de cette enfant sur laquelle désormais se concentraient ses sentiments maternels, puis elle insistait sur le plaisir qu’elle avait éprouvé à revoir son beau-père à Léopol, malgré la violente émotion que cette vue lui avait causée. Elle indiquait l’itinéraire qu’elle allait suivre et finissait en ajoutant que si un heureux hasard dirigeait son beau-père du même côté, elle serait heureuse de le revoir de nouveau et de s’entretenir avec lui de l’avenir de Sidonie.

Cette dernière phrase produisit l’effet sur lequel Hélène avait compté, et à peine arrivée à Brünn, elle reçut une lettre qui lui annonçait la visite du prince de Ligne. Ils ne passèrent ensemble que quelques heures, mais elles suffirent à Hélène pour peindre à son beau-père, sous les couleurs les plus vives, son désir ardent de revoir sa fille, le bonheur qu’elle se promettait d’une union qui assurerait à Sidonie des avantages difficiles à rencontrer ailleurs.

Elle exprima de nouveau le regret que lui inspiraient les donations imprudentes qu’elle avait faites au comte au détriment de Sidonie, mais le mal étant accompli, il n’y avait qu’un remède, celui qu’elle proposait et qui attacherait Sidonie à son beau-père par les liens les plus étroits.

Elle fit l’éloge du comte François, ajoutant adroitement que cet éloge ne pouvait être suspect dans sa bouche, puisque le jeune prince avait été élevé par une mère qui ne pouvait lui inspirer des préventions favorables.

Ils se séparèrent en parfait accord ; le prince repartit pour Vienne et Hlélène continua sa route vers Paris, tremblant toujours que le comte ne se laissât arrêter par les difficultés du chemin et la pusillanimité de son entourage. Mais il n’en fut rien, il la rejoignit au bout de peu de jours et ils arrivèrent sans trop de difficultés jusqu’aux portes de Paris. Hélène attendit à Bondy dans une mauvaise auberge que son mari eût fait choix d’un appartement, et elle reçut, le 24 novembre, ce petit mot :


« Je l’écris à la hâte, ma chère amie, n’ayant rien de plus pressé que de te tirer de ton taudis et le désir de te voir. Arrive donc le plus vite possible à l’hôtel des Étrangers, la seconde maison à droite dans la rue Richelieu, entrant par le boulevard. Je t’écris à la hâte sur du papier et de l’encre d’emprunt. Tu donneras six francs au postillon qui te remettra ce billet, car je le lui ai promis. Je vais à présent m’occuper des détails nécessaires.


» Paris, ce 24 novembre, à 9 heures du matin, »
  1. Il fallait pour cela l’autorisation de Marie-Thérèse : la reine de France écrivit à sa mère à ce sujet :
    MARIE-ANTOINETTE À MARIE-THÉRÈSE
    « 26 juillet 1776.

    » Le prince de Ligne m’a présenté une supplique dont je n’ai pu refuser de parler à ma chère maman. Il a plusieurs biens en France, et il est au moment de gagner un procès qui lui assurera ceux qui lui sont contestés. Il craint avec raison de n’être pas de suite maître d’en jouir hors de France, il désirerait établir son second fils en France, mais avant de se rien permettre là-dessus, il sent bien qu’il a besoin de la permission de ma chère maman ; pour cela, il m’a priée de la lui demander. Si elle a la bonté de le permettre, j’en serais bien aise et je prendrais cet enfant dans mon régiment jusqu’à ce qu’il pût être mieux, » (Archives royales de Bruxelles).

  2. Le prince Louis épousa la comtesse Van der Noot de Duras dont il eut trois enfants dont deux moururent en bas âge. Le fils aîné, nommé Eugène en souvenir du nom de celui qui avait sauvé la vie à son père, fut l’aïeul des princes de Ligne actuels et mourut en 1880.
  3. Mon fils et mon major avaient été faits prisonniers à la bataille de Hohenlinden et reconnus pour avoir servi en France. (Note du prince de Ligne.)
  4. C’est ce petit pays souverain dont il parlait au comte d’Artois en l’engageant, un peu à la légère, de le prendre comme base d’opérations, en 1793, pour reconquérir la France
  5. Un ami des hommes.
  6. Le prince forçait un peu la note, et ses revenus, y compris ses pensions, montaient plus haut : mais en les comparant à sa fortune passée, il est certain qu’ils étaient modestes. Il vendit en 1804, moyennant 1 400 000 florins, son nouveau comté au prince Esterhazy avec le droit de siéger dans le collège des princes qui y était attaché. Fagnolles ne produisait que 5 500 florins de revenu et Edelsletten en rapportait plus de 16 000.