Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Henri IV/Chapitre 16
CHAPITRE XVI
Le grand flatteur de l’époque, dont le magique pinceau eut pour tâche de diviniser les reines et les rois, Rubens a succombé, il faut le dire, devant Marie de Médicis. Dans la galerie allégorique qu’elle fit peindre à sa gloire, il a beau se détourner vers ses rêves favoris, les jeunes et poétiques beautés de déesses ou de sirènes ; il lui faut bien retomber au pesant modèle qui le poursuit de tableau en tableau. La Grosse Marchande de Florence, comme nos Françaises l’appelaient, fait un étrange contraste à ces fées du monde inconnu.
La magnifique Discorde, palpitante sous ses cheveux noirs, dont le corps ému, frémissant, est resté à jamais classique ; la Blonde, le rêve du Nord, la charmante Néréide, pétrie de tendresse et d’amour : toute cette poésie est bien étonnée en face de la bonne dame. Assemblage splendide et burlesque. La fiction y est animée, et d’une vie étincelante ; l’histoire et la réalité n’y sont que prose et platitude, un carnaval d’histrions et de faux dieux ridicules, un empyrée de Scarron.
Marie de Médicis, qui avait vingt-sept ans quand Henri IV l’épousa, était une grande et grosse femme, fort blanche, qui, sauf de beaux bras, une belle gorge, n’avait rien que de vulgaire. Sa taille élevée ne l’empêchait pas d’être fort bourgeoise et la digne fille des bons marchands ses aïeux. Même son père, son oncle qui la maria, tout princes qu’ils étaient (par diplôme), n’en faisaient pas moins le commerce et l’usure.
D’italien, elle n’avait que la langue ; de goût, de mœurs et d’habitudes, elle était Espagnole ; de corps, Autrichienne et Flamande. Autrichienne par sa mère, Jeanne d’Autriche ; Flamande par son grand-père, l’empereur Ferdinand, frère de Charles-Quint. Donc, cousine de Philippe II, de Philippe III, de ces rois blêmes et blondasses, aux yeux de faïence, tristes personnages que Titien et Vélasquez gardent encore sur leurs toiles dans toute la triste vérité.
Elle était née en pleine réaction jésuitique. Sa mère, Jeanne d’Autriche, fut une de ces filles de l’Empereur qui créèrent et patronnèrent les Jésuites en Allemagne, fondèrent leurs collèges, leur mirent en main les enfants des princes et de la noblesse. La première et la seule chose que Marie demanda au roi, à son débarquer en France, fut d’y faire rentrer les Jésuites.
Deux choses la rendaient désirable, non au roi, qui s’en souciait peu, mais désirable aux ministres : c’était l’argent, la grosse somme que son oncle Ferdinand consacrait à cette affaire, à l’alliance de France ; et d’autre part, l’espérance que cet oncle donnait à nos politiques, de leur faire un pape du parti français. Les Médicis, qui jadis avaient fourni à l’Église Léon X et Clément VII, récemment avaient fait deux papes par leur influence, Grégoire XIII et Sixte-Quint. Le pape régnant, Clément VIII, s’il n’était pas homme des Médicis, était du moins Florentin, et désignait comme son successeur probable un Médicis, le cardinal de Florence (Léon XI), qui, en effet, eut un moment la tiare.
Politique, au fond, assez pauvre, qui déjà avait trompé François Ier quand, pour acquérir l’alliance viagère de Clément VII, il prit sa nièce, Catherine. Il n’y avait pas de loterie qui trompât plus que celle-là. Qu’apportait le pape à nos rois ? L’amitié d’un moribond qui leur tournait dans la main. On fit faire la même faute à Henri IV, lui imposant cette nièce du grand fabricateur de papes. On lui fit jeter un argent immense dans la préparation coûteuse de l’élection d’un Médicis, qui fut pape pendant vingt jours !
Je croirais, en conscience, que ce mariage italien fut une punition de Dieu pour l’ingratitude du roi à l’égard de l’Italie.
Quelle puissance l’avait reconnu la première à son avènement douteux ? Venise, qui manifesta pour lui tant d’enthousiasme et vint jusqu’en France témoigner par une solennelle ambassade l’estime et les vœux de l’Europe. Il n’en tourna pas moins le dos à Venise, quand elle le priait de soutenir Ferrare contre le pape, qui la réunit au Saint-Siège. Ferrare, petite puissance, mais fort militaire, renommée pour l’artillerie. Ses ducs, célébrés par le Tasse, étaient une des dernières forces qui, la France aidant, pût soutenir l’Italie. Ce dernier souffle italien, qui l’éteignit ? Hélas ! la France. Henri IV paya ainsi son absolution. Il n’avait pas encore, il est vrai, la paix avec les Espagnols. Mais, quelles que fussent les velléités françaises de Clément VIII, donner un état à la papauté, à l’impuissance, à la mort, c’était en réalité fortifier les Espagnols, qui, bon gré, mal gré, dominaient le pape. Soutenir Venise, au contraire, au moins de paroles et de négociations, lui sauver son alliée, Ferrare, c’était faire craindre aux Espagnols les résistances italiennes, et d’autant plus puissamment leur faire désirer la paix.
Comment fit-on croire au roi que, pour être fort en Italie, il lui fallait s’appuyer sur ce qui change sans cesse, sur un souverain viager, une puissance de vieillard, dont la volonté personnelle était par moments française, mais dont la cour, le conseil était et ne pouvait être que catholique, donc espagnol ! Un pape français d’inclination était un très mauvais pape, dominé par le temporel, et disposé à s’arracher de la ferme base de la papauté, qui était l’Espagne. Qui brûlait encore ? L’Espagne. Qui persécutait les Maures, jusqu’à en chasser un million ? L’Espagne. Nul pays n’eût été alors assez fou pour faire cela.
Cette sottise de jeter la France dans une politique papale réussit par l’ardent concert des parvenus de l’époque, des abbés gascons, intrigants, menteurs, dont la cour était infestée, qui rêvaient les prélatures, le chapeau, et tous travaillaient, d’accord avec la finance italienne et les banquiers de Florence, à mettre dans la tête du roi qu’il ferait pape un Florentin, et par lui mènerait l’Europe. Les Du Perron et les d’Ossat le faisaient toujours regarder vers Florence et Rome. Était-il dupe ? je ne sais. Mais cet homme de tant d’esprit, de courage, qui ne craignit jamais les épées, craignait le couteau, il voulait extrêmement vivre, et s’imaginait qu’il serait plus en sûreté s’il avait le pape pour ami, mieux encore s’il faisait les papes.
Le mariage florentin l’acheminait vers ce but. Que le roi l’aimât ou non, il devenait sûr. C’était une affaire de temps. Comment employer ce temps ? Il fallait une maîtresse qui fît gagner quelques mois, détournât la pensée du roi et servît comme d’éponge à laver et faire disparaître l’image de Gabrielle.
Fontainebleau, plein de celle-ci, et qui l’eût rappelée toujours, n’était pas tenable. Mais le Midi remuait. À la grande joie des courtisans, le roi leur dit un matin : « Messieurs, montons à cheval ; j’ai envie de manger cet été des melons de Blois. »
Dans le passage ennuyeux de la grande plaine de Beauce, quelqu’un lui dit qu’il devrait bien s’arrêter au joyeux château de Malesherbes, où M. d’Entragues, qu’on appelait le roi d’Orléans (successeur de Charles IX, comme époux de Marie Touchet), tenait sa petite cour.
Qui dit cela ? Soyez-en sûr, nul autre que Fouquet La Varenne. Ce serviteur incomparable, unique comme chasseur de femmes et dénicheur de beautés, avait trouvé pour son maître la plus jolie fille de France.
La mère, la Marie Touchet, l’unique amour du roi tragique, qui, dit-on, chercha en elle l’oubli de la Saint-Barthélemy, Marie Touchet était Flamande d’origine, mais très affinée, très lettrée ; née dans la ville des disputes, Orléans, puis transportée à la cour italienne de Catherine de Médicis. Elle lisait (chose rare alors), non pas telle traduction d’Amadis, mais le livre de Charles IX, les Grands Hommes de Plutarque, dans la belle version d’Amyot.
Cette dame, fière de ce grand et sombre souvenir, quoique peu noble elle-même, non sans peine, était descendue à épouser un seigneur, le premier du pays, Entragues, gouverneur d’Orléans. Son fils, qu’elle avait eu de Charles IX, et qui se trouvait neveu d’Henri III, la rendait fort ambitieuse. Elle visait haut pour ses filles, les gardait admirablement, mieux qu’elle ne fit pour elle-même. Sa sévérité maternelle était passée en légende. On contait qu’un de ses pages s’étant un peu émancipé du côté des demoiselles, elle l’avait virilement poignardé de sa propre main.
Ses filles avaient besoin d’être bien gardées. Elles avaient l’esprit du diable. L’aînée, Henriette, était une flamme. Vive, hardie, un bec acéré. Des rencontres et des répliques à faire taire tous les docteurs. Elle ne lisait pas d’histoire ; elle était trop fine et trop disputeuse. Il lui fallait de la théologie, mais aiguë, subtile, les concetti africains de saint Augustin. Cette dangereuse créature, avec cela, était très jeune, svelte et légère, en parfait contraste avec la défunte, avec la beauté bonasse, ample déjà, de Gabrielle.
Qu’elle fût belle, cela n’est pas sûr ; mais elle était vive et jolie. Le roi, qui croyait seulement s’amuser et rire, fut pris. La fine langue, maligne et rieuse, ne ménageait rien, et pas plus le roi. Son cœur malade, blasé, et qui se croyait fini, revécut par les piqûres. Il la trouva amusante, puis charmante. En réalité, il n’avait rien vu, et ne vit rien de plus français.
La perle était mal encadrée. Le père était un brouillon, un homme perdu, et le frère un scélérat. Le roi les connaissait si bien qu’il avait chargé Sully de les chasser de Paris ; mais, si telle était la famille, c’était le malheur d’Henriette, non sa faute ; elle était mineure, et n’avait que dix-huit ans. Tout le monde est tombé sur cette fille. On verra les crimes réels où l’entraîna sa famille. Mais les premières noirceurs qu’on lui attribue ne sont guère attestées, comme les fautes de Gabrielle, que par leur ex-rivale, mademoiselle de Guise, princesse de Conti, et par son roman d’Alcandre.
Je m’en tiendrai uniquement aux lettres du roi, aux Mémoires de Sully, à la Correspondance du cardinal d’Ossat.
D’Entragues exploita honteusement sa fille mineure, la vendit, le 11 août 1599, pour le marquisat de Verneuil. Mais il ne la livra pas, exigeant encore du roi une somme de cent mille écus. L’argent payé, le marchand ne la livra pas encore, jusqu’à ce qu’il eût fait faire au roi ce bel écrit : « M. d’Entragues nous donnant à compagne mademoiselle Henriette, sa fille, en cas que, dans six mois, elle devienne grosse et accouche d’un fils, alors et à l’instant nous la prendrons à femme. De Malesherbes, 1er octobre 1599. Henry. »
Nous avons l’acte authentiqué par deux secrétaires d’État (Lettres, V, p. 227). Pour le courage de Sully, qui prétend l’avoir déchiré, je le trouve bien douteux.
Nos ministres laissaient le roi jouer au mariage avec sa maîtresse, mais n’en persévéraient pas moins dans l’idée du mariage politique et financier, qui, selon eux, outre l’argent, allait nous créer par le pape et le grand-duc une influence en Italie.
La grande affaire était Saluces, cette porte de l’Italie, que le duc de Savoie, dans la crise de la Ligue, avait enlevée à la France : affaire religieuse autant que politique, Saluces ayant été jadis un refuge des Vaudois et des protestants italiens. Henri IV, puissant et vainqueur, ne pouvait tolérer cette usurpation qu’avait dû subir Henri III.
En décembre 1599, le duc de Savoie fit la démarche inattendue de venir à Fontainebleau. Ce prince inquiet, brouillon, mal fait, malfaisant, avait un démon en lui. Sa personne était étrange, comme son singulier empire, bossu de Savoie, ventru de Piémont. Et l’esprit comme le corps : il semblait gonflé de malice, travaillé dans sa petitesse d’un besoin terrible de s’étendre, de grandir et de grossir. Il avait hypothéqué sa fortune sur son mariage, ayant eu l’insigne honneur d’épouser une fille de Philippe II. Mais celui-ci, qu’on n’eût cru aucunement facétieux, joua en mourant à son gendre le tour de ne lui laisser par testament qu’un crucifix, tandis qu’à son autre fille il léguait les Pays-Bas.
Donc il semblait bien payé pour haïr les Espagnols. Mais ils l’amusaient toujours, lui disant que Philippe III n’avait pas de fils et qu’il était l’héritier, le leurrant d’une vice-royauté de Portugal, etc. Son favori, un Provençal, était tout Espagnol de cœur, plein de fiel contre la France ; homme noir, d’ailleurs, à jeter son maître dans les plus atroces complots.
Le bossu était venu pour observer, flairer, tâter. Mais, comme il arrive dans les grands désirs, il vit ce qu’il désirait. L’aspect de la France était encore pitoyable. La misère continuait, les villes regorgeaient de mendiants, les routes étaient pleines de soldats sans pain. D’autre part, les grands seigneurs étaient maîtres des meilleures places. Voilà ce qui était vrai et qui se voyait. Mais ce qui était non moins vrai et qui ne se voyait pas, c’était un besoin immense de paix, de repos, qui rattachait le peuple au roi, et lui eût fait mettre en pièces de ses ongles et de ses dents les auteurs d’une Ligue nouvelle. Le Savoyard se crut fort, parce qu’il avait la parole de tel et tel des grands seigneurs, spécialement celle de Biron. Il ne voulut plus traiter ; seulement il endormit le roi, lui promettant que dans trois mois il lui rendrait Saluces ou bien lui donnerait la Bresse en échange. Sorti de France une fois, quand échut le terme indiqué, il déclara effrontément qu’il gardait la Bresse et Saluces.
La guerre était infaillible. Le grand mariage d’argent venait d’autant plus à propos. Cette belle dot de Toscane allait faire les frais de la campagne, permettre de frapper un grand coup, de battre les Espagnols sur le dos du Savoyard. Cela était spécieux. La pauvre Henriette d’Entragues, et la promesse du roi, qui avait ce qu’il voulait, pesèrent peu contre ces raisons.
Le 9 mars 1600, le roi écrivit au grand-duc ; mais il voulait une dot de 1,500,000 écus.
Somme épouvantable, impossible. Le grand-duc brisa. On marchanda, on baissa, et enfin on n’eut pas de honte de descendre à 600,000. Mais il fallait de l’argent sur-le-champ, la guerre pressait.
On sait si peu en ce monde ce qu’on doit vraiment redouter, que le roi, au moment de se lancer dans cette guerre, ne craignait aucunement la sourde conspiration catholique, et craignait extrêmement la bruyante, l’innocente conspiration des protestants, qui persistaient à réclamer l’exécution de l’Édit de Nantes. Le roi était parvenu à le faire enregistrer, mais non pas exécuter. On pariait insolemment qu’il ne l’exécuterait pas. Les protestants étaient assemblés chez leur pape, Du Plessis-Mornay. C’était l’homme le plus estimé de l’Europe, tendrement dévoué au roi, à qui il avait cent fois donné sa vie, mais dévoué à sa foi, dévoué au parti des victimes qui venaient naguère encore d’être massacrées près de Nantes. « Si le roi était immortel, disait-il, nous serions tranquilles ; mais, s’il meurt, que deviendrons-nous ? »
Donc il insistait. L’assemblée refusait de se séparer, tant qu’on ne tenait pas parole. Grave refus, au moment de la guerre.
Le roi prit un parti étrange dans une affaire si sérieuse : ce fut de tuer la résistance protestante par le ridicule. Un complot fut organisé par le facétieux Du Perron, bouffon, évêque et cardinal, que nous avons vu évêque pour les vers à Gabrielle, cardinal pour l’abjuration.
Le plus sûr pour déconcerter les protestants, c’était d’humilier leur pape, de turlupiner, chansonner le plus honnête homme du temps. On avait déjà fait une tentative bien digne de la brutale insolence de la noblesse ligueuse ; un Saint-Phal, sans provocation, osa donner à ce vieillard chargé d’années, d’honneur et de blessures des coups de bâton ! Cela n’avait pas réussi, le roi et tout le monde s’étaient indignés ; mais, cette fois, on se contentait d’une bastonnade spirituelle. Le roi entra de tout son cœur dans l’espièglerie.
Comme rien n’est parfait sur la terre, le bonhomme Du Plessis avait un défaut, celui du temps, la manie de la controverse. Même jeune, au milieu des guerres, des voyages périlleux et des aventures, sous la tente ou sous le ciel, dès qu’il avait une heure à lui, il tirait plume et papier, et il écrivait de la théologie. Vieux, il venait de publier ce qu’il croyait son chef-d’œuvre, l’Eucharistie. Du Perron annonce à grand bruit que l’auteur est un faussaire, qu’il a fait cinq cents faux, cinq cents citations controuvées, estropiées, etc. Il se charge de le prouver.
La chose était bien calculée. À ce défi, le vieux gentilhomme, bouillant de colère, oublie tout, quitte l’assemblée, vole à la cour et demande le combat théologique. On l’attendait là. Le roi donne des juges hostiles ou suspects. Il assiste, encourageant l’un, riant et se moquant de l’autre. D’abord il dispense Du Perron de prouver « que ce sont des faux », lui ouvre la porte de retraite, puis il le dispense encore d’indiquer d’avance quels passages il attaquera. Du Plessis ne sut que le soir, à minuit, les huit textes qu’on voulait d’abord contester le lendemain. Ces textes étaient-ils dans les Pères de l’Église ? n’y étaient-ils pas ? Ils y étaient, mais en substance. Du Plessis avait cité en abrégeant et résumant. Donc on le jugea coupable. Huit phrases comptèrent pour les cinq cents. Condamné, moqué, écrasé, — surtout accablé de la joie du roi et de son défaut de cœur et de l’amitié trahie, — il tomba malade et dut se faire reporter à Saumur. Le plus triste pour l’humanité, ce fut une lettre du roi, où, pour flatter les catholiques, il écrivait amicalement à un homme (qu’il détestait), à d’Épernon, leur victoire et la part qu’il y avait, comme il avait pesé sur les juges, emporté la chose. La lettre fut colportée partout. Extrême fut la douleur des protestants, qui le croyaient sans retour livré à leurs ennemis.
Point du tout ; c’était le contraire. Ayant donné aux catholiques ce triomphe d’amour-propre, il hasarda ce qu’autrement il n’aurait jamais osé. Il commença sérieusement à donner aux protestants découragés, humiliés, les garanties de l’Édit de Nantes, villes d’asile, tribunaux à eux, etc., etc.
Quitte ainsi des protestants, le roi ne l’était nullement de l’intrigue catholique ; il lui venait des avis sur la trahison de Biron. Gouverneur de Bourgogne, voisin de la Bresse, qui était au Savoyard, Biron aurait pu, le roi une fois entré en Savoie, faire entrer la Savoie chez nous. Pour cela, il eût fallu que celle-ci fût aidée à temps par les Espagnols. Mais un heureux hasard voulut que, justement à ce moment, ceux-ci reçussent à Newport de la main du prince Maurice un épouvantable coup. L’armée protestante (hollandaise, allemande, anglaise et surtout française) ne battit pas seulement l’armée espagnole, mais elle l’anéantit.
Ce fut le plus grand coup d’épée que le protestantisme eût frappé depuis cinquante ans. L’Espagne fut assommée. Il fut trop clair que, malgré toutes les fureurs de Fuentès, gouverneur de Milan, qui poussait la Savoie, l’Espagne ne prendrait pas ce moment pour rentrer dans la grande guerre de France.
Dès lors plus d’hésitation. Le 11 août, le roi, de Lyon, lança son manifeste de guerre.