Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Henri IV/Chapitre 17

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Œuvres complètes de J. Michelet
(Histoire de Francep. 268-269).

CHAPITRE XVII

Guerre de Savoie. — Mariage. (1601.)


Entre l’événement de Newport et le manifeste, en un mois, Sully, avec une activité et une énergie incroyables, avait transporté de Paris à Lyon l’énorme matériel qu’il préparait depuis un an. L’artillerie étant placée dans la main qui tenait déjà les finances, il y eut une formidable unité d’action. Sully agit en dictateur ; il suspendit les payements par toute la France, tourna tout l’argent à la guerre. Il destitua en une fois tous les nobles fainéants du corps de l’artillerie et leur substitua des hommes capables. La France eut toujours le génie de cette arme, dès qu’on l’a laissée agir. Il suffit de rappeler ce qu’on a dit dans cette histoire et de Jeanne Darc et de Jean Bureau, de Genouillac à Marignan, enfin des premiers essais d’artillerie volante dans les combats d’Arques.

Le Savoyard se trouva pris au dépourvu. Avec tout son esprit, il n’avait pas prévu trois choses : d’abord cette rapidité ; il croyait que l’on traînerait jusqu’à l’hiver, où ses neiges l’auraient défendu. Ensuite il ne devinait pas que la guerre serait poussée entièrement par l’artillerie, qui abrégerait à coups de foudre. Troisièmement, il pensait que Biron pourrait trahir. Cette destitution de tant de vieux officiers paralysa entièrement sa mauvaise volonté. Il commanda ; mais entouré, surveillé par les hommes de Sully, il ne put que marcher droit, et le malheureux fut contraint d’aller de victoire en victoire.

Le lendemain du manifeste, le corps de Biron entra dans la Bresse, celui de Lesdiguières en Savoie. En vain Biron donna avis au gouverneur de Bourg-en-Bresse de ses prochaines attaques, ses officiers l’entraînèrent, firent sauter les portes, emportèrent la place avant le temps indiqué.

Ceci le 13 août, deux jours après la déclaration. Le 17, Lesdiguières, non moins rapide, enleva la forte place de Montmélian, qui couvrait toute la Savoie ; la citadelle tint seule, mais il l’assiégea, la serra. Le roi arrivait, et le 20 il fut devant Chambéry, la capitale du pays, qui se rendit sur-le-champ. L’épouvante était extrême d’une telle rapidité, mais non moins l’admiration pour l’humanité du roi, qui disait qu’il ne faisait la guerre qu’au duc, point aux habitants. Voilà une guerre toute nouvelle, la première guerre d’hommes. Avant, après Henri IV (surtout dans celle de Trente-Ans), ce sont guerres de bêtes féroces, bien pis, des guerres de soldats traîtres, qui se ménagent entre eux pour manger à leur aise le pauvre habitant désarmé.


À compléter