Histoire de Jules César/Livre I/Chapitre 6

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Plon (Tome 1p. 201-249).

CHAPITRE SIXIÈME.

LES GRACQUES, MARIUS ET SYLLA.

(621-676.)

État de la République.

I. Le temps du désintéressement et des stoïques vertus était passé ; il avait duré près de quatre cents ans, et, pendant cette période, l’antagonisme créé par la divergence des opinions et des intérêts n’avait jamais amené de conflits sanglants. Le patriotisme de l’aristocratie, le bon sens du peuple avaient su éviter cette fatale extrémité ; mais, à dater des premières années du viie siècle, les choses changèrent de face, et on ne vit, à chaque proposition de réforme, à chaque convoitise du pouvoir, que séditions, guerres civiles, massacres, proscriptions.

« La République, dit Salluste, dut sa grandeur à la sage politique d’un petit nombre de bons citoyens[1], » et l’on peut ajouter que sa décadence commença le jour où leurs successeurs cessèrent d’être dignes de leurs devanciers. En effet, la plupart de ceux qui, depuis les Gracques, jouèrent un grand rôle furent si égoïstes et si cruels qu’il est difficile de distinguer, au milieu de leurs excès, quel était le représentant de la meilleure cause.

Tant que Carthage exista, semblable à un homme qui s’observe en présence d’un concurrent dangereux, Rome se montra jalouse de maintenir la pureté et la sagesse de ses anciens principes ; mais, Carthage abattue, la Grèce subjuguée, les rois d’Asie vaincus, on vit la République, délivrée désormais de tout frein salutaire, s’abandonner aux excès d’une puissance sans limites[2].

Salluste fait le tableau suivant de l’état de la société : « Lorsque, affranchis de la crainte de Carthage, les Romains eurent le loisir de se livrer à leurs dissensions, alors s’élevèrent de toutes parts des troubles, des séditions, et enfin des guerres civiles. Un petit nombre d’hommes puissants, dont la plupart des citoyens recherchaient bassement la faveur, exercèrent un véritable despotisme sous le nom imposant tantôt du sénat, tantôt du peuple. Le titre de bon et de mauvais citoyen ne fut plus le prix de ce qu’on faisait pour ou contre la patrie, car tous étaient également corrompus ; mais plus on était riche et en état de faire impunément le mal, pourvu qu’on défendît l’ordre présent des choses, plus on passait pour homme de bien. Dès ce moment, les antiques mœurs ne se corrompirent plus par degrés comme autrefois ; mais la dépravation se répandit avec la rapidité d’un torrent, et la jeunesse fut tellement infectée du poison du luxe et de l’avarice, qu’on vit une génération de gens dont il fut juste de dire qu’ils ne pouvaient avoir de patrimoine ni souffrir que d’autres en eussent[3]. »

L’agrandissement de l’Empire, le contact fréquent avec les étrangers, l’introduction de nouveaux principes philosophiques et religieux, les immenses richesses apportées en Italie par la guerre et le commerce, tout avait concouru à altérer profondément le caractère national. Il s’était fait un échange de populations, d’idées et de coutumes. D’un côté, les Romains, soldats, négociants ou publicains, en se répandant en foule dans toutes les parties du monde[4], avaient senti leur cupidité s’accroître au milieu du faste et des délices de l’Orient ; de l’autre, les étrangers, et surtout les Grecs, en affluant en Italie, y avaient apporté, avec leurs arts perfectionnés, le mépris des anciennes institutions. Les Romains avaient subi une influence comparable à celle qu’exerça, sur les Français des xv- siècle et xvis siècle, l’Italie, alors, il est vrai, supérieure en intelligence, mais moralement pervertie. La séduction du vice est irrésistible lorsqu’il se présente sous les formes de l’élégance, de l’esprit et du savoir. Comme à toutes les époques de transition, les liens moraux s’étaient relâchés, le goût du luxe et l’amour effréné de l’argent avaient gagné toutes les classes.

Deux faits caractéristiques, éloignés de cent soixante-neuf ans l’un de l’autre, attestent la différence des mœurs aux deux époques. Cinéas, envoyé par Pyrrhus à Rome, avec de riches présents, pour obtenir la paix, ne trouve personne à corrompre (474). Frappé de la majesté et du patriotisme des sénateurs, il compare le sénat à une assemblée de rois. Jugurtha, au contraire, venant à Rome (643) plaider sa cause, y épuise promptement ses ressources à acheter toutes les consciences, et, plein de mépris pour cette grande cité, il s’écrie en partant : « Ville vénale, et qui périrait bientôt si elle trouvait un acheteur[5] ! »

C’est que la société se trouvait placée, par de notables changements, dans des conditions nouvelles : ainsi on avait vu la populace des villes augmenter, le peuple des campagnes diminuer, l’agriculture se modifier profondément, les grandes propriétés absorber les petites, le nombre des prolétaires et des affranchis s’accroître, enfin les esclaves remplacer le travail libre. Le service militaire n’était plus considéré par la noblesse comme le premier honneur et le premier devoir. La religion, cette base fondamentale de la République, avait perdu de son prestige. Enfin les alliés étaient fatigués de concourir à la grandeur de l’Empire sans participer aux droits des citoyens romains[6]. Il y avait, ainsi qu’on l’a vu, deux peuples bien distincts : le peuple des alliés et des sujets, et le peuple de Rome. Les alliés étaient toujours dans un état d’infériorité ; leurs contingents, plus considérables que ceux de la métropole, recevaient une solde moitié moins forte, étaient soumis à des châtiments corporels dont on exemptait les soldats des légions. Dans les triomphes même, leurs cohortes, humiliées, suivaient, au dernier rang et en silence, le char du vainqueur. Il était donc naturel que, pénétrés du sentiment de leur dignité et des services rendus, ils aspirassent à être traités en égaux. Le peuple romain proprement dit, occupant un territoire restreint, depuis Cære jusqu’à Cumes, conservait tout l’orgueil des privilégiés. Il était composé d’environ trois à quatre cent mille citoyens[7], divisés en trente-cinq tribus, dont quatre seulement appartenaient à la ville, et les autres à la campagne. Dans ces dernières, on avait inscrit, il est vrai, les habitants des colonies et de plusieurs villes d’Italie, mais la grande majorité des Italiotes était privée de droits politiques, et aux portes mêmes de Rome restaient encore des cités déshéritées, telles que Tibur, Préneste, Signia, Norba[8].

Les plus riches citoyens, en se partageant le domaine public, composé des deux tiers environ de la totalité du territoire conquis, avaient fini par le concentrer dans leurs mains presque tout entier, soit en traitant avec les petits propriétaires, soit en les expulsant par la force ; et cet envahissement avait eu lieu même hors des frontières de l’Italie[9]. Plus tard, quand la République, maîtresse du bassin de la Méditerranée, reçut, soit à titre de contribution, soit par échange, une immense quantité de céréales des pays les plus fertiles, la culture du blé fut négligée en Italie, et les champs se convertirent en pâturages et en parcs somptueux. D’ailleurs, les prairies, qui exigent moins de bras, devaient être préférées par les grands propriétaires. Non seulement les vastes domaines, latifundia, appartenaient à un petit nombre, mais les chevaliers avaient accaparé tous les éléments de richesse du pays. Beaucoup s’étaient retirés des range de la cavalerie pour devenir des fermiers généraux (publicains), des banquiers et presque les seuls commerçants. Constitués, sur toute la surface de l’Empire, en compagnies financières, ils exploitaient les provinces, et formèrent une véritable aristocratie d’argent, dont l’importance augmentait sans cesse, et qui, dans les luttes politiques, faisait pencher la balance du côté où elle portait son influence.

Ainsi, non-seulement la richesse du pays était dans les mains de la noblesse patricienne et plébéienne, mais encore les hommes libres diminuaient sans cesse dans les campagnes. Si l’on en croit Plutarque[10], il n’y avait plus en Étrurie, en 620, que des étrangers pour laboureurs et pour pâtres, et partout les esclaves s’étaient multipliés dans une telle proportion que, seulement en Sicile, 200 000 prirent part à la révolte de 619[11]. En 650, le roi de Bithynie se déclarait incapable de fournir un contingent militaire, tous les jeunes gens adultes de son royaume ayant été enlevés comme esclaves par des percepteurs romains[12]. Dans le grand marché de Délos, 10 000 esclaves furent vendus et embarqués en un jour pour l’Italie[13].

Le nombre excessif des esclaves était donc un danger pour la société et une cause de faiblesse pour l’État[14] ; même inconvénient à l’égard des affranchis. Citoyens depuis Servius Tullius, mais sans droit de suffrage ; libres par le fait, mais restant généralement attachés à leurs anciens maîtres ; médecins, artistes, grammairiens, ils ne pouvaient, ni eux ni leurs fils, devenir sénateurs ou faire partie du collège des pontifes, ou épouser une femme libre, ou servir dans les légions, si ce n’est en cas d’extrême danger. Tantôt admis dans la communauté romaine, tantôt repoussés, véritables mulâtres des temps anciens, ils participaient de deux natures et portaient toujours le stigmate de leur origine[15]. Relégués dans les tribus urbaines, ils avaient, avec les prolétaires, augmenté cette population de Rome pour laquelle le vainqueur de Carthage et de Numance montrait souvent un véritable dédain : « Silence ! s’écriait-il un jour, vous que l’Italie ne reconnaît pas pour ses enfants ; » et, comme les murmures s’élevaient encore, « Ceux que j’ai fait conduire ici enchaînés ne m’effrayeront point parce qu’aujourd’hui on a brisé leurs fers[16]. » Lorsque le peuple de la ville se réunissait au Forum sans le concours des tribus rurales, plus indépendantes, il était accessible à toutes les séductions, et aux plus puissantes d’entre elles, l’argent des candidats et les distributions de blé à prix réduit. Il subissait aussi l’influence de la foule privée de droits politiques, lorsque celle-ci, encombrant la place publique, comme dans les hustings anglais, cherchait, par ses cris et ses gestes, à agir sur l’esprit des citoyens.

D’un autre côté, fières des exploits de leurs ancêtres, les premières familles, en possession du sol et du pouvoir, voulaient conserver ce double avantage sans être tenues de s’en rendre dignes ; elles semblaient dédaigner cette éducation sévère qui les avait rendues capables de remplir tous les emplois[17], de sorte qu’on pourrait dire qu’il existait alors à Rome une aristocratie sans noblesse et une démocratie sans peuple.

Il y avait donc des injustices à redresser, des exigences à satisfaire, des abus à réprimer ; car ni les lois somptuaires, ni celles contre la brigue, ni les mesures contre les affranchis ne pouvaient guérir les maux de la société. Il fallait, comme du temps de Licinius Stolon (378), recourir à des moyens énergiques ; donner plus de stabilité au pouvoir, conférer le droit de cité aux peuples de l’Italie, diminuer le nombre des esclaves, réviser les titres de propriété, distribuer au peuple les terres illégalement acquises, et rendre ainsi une nouvelle existence à la classe agricole.

Tous les hommes éminents voyaient le mal et cherchaient le remède. Caius Lælius, entre autres, ami de Scipion Émilien, et probablement à son instigation, eut la pensée de proposer des réformes salutaires ; mais la crainte de susciter des troubles l’arrêta[18].


Tiberius Gracchus (621).

II. Seul Tiberius Sempronius Gracchus osa prendre une courageuse initiative. Illustre par sa naissance, remarquable par ses avantages physiques et son éloquence[19], il était fils de Gracchus, deux fois consul, et de Cornélie, fille de Scipion l’Africain[20]. À l’âge de dix-huit ans, Tiberius avait assisté, sous les ordres de son beau-frère, Scipion Émilien, à la ruine de Carthage, et était monté le premier à l’assaut[21]. Questeur du consul Mancinus en Espagne, il avait contribué au traité de Numance. Animé de l’amour du bien[22], loin de se laisser éblouir par les splendeurs du moment, il prévoyait les dangers de l’avenir et voulait les conjurer lorsqu’il en était encore temps. Au moment de son élévation au tribunat, en 621, il reprit, avec l’approbation des hommes et des philosophes les plus considérés, le projet qu’avait eu Scipion Émilien[23] de distribuer aux pauvres le domaine public[24]. Le peuple lui-même demandait cette mesure à grands cris, et tous les jours les murs de Rome étaient couverts d’inscriptions pour la réclamer[25].

Tiberius, dans une harangue au peuple, signala avec éloquence tous les germes destructeurs de la puissance romaine, et traça le tableau de la déplorable position des citoyens répandus sur le territoire de l’Italie, sans asile où reposer leur corps affaibli par la guerre, après avoir versé leur sang pour la patrie. Il cita des exemples révoltants de l’arbitraire de certains magistrats, qui avaient fait mourir des hommes innocents sous les plus futiles prétextes[26].

Il parla ensuite avec mépris des esclaves, de cette classe remuante, peu sûre, envahissant les campagnes, inutile pour le recrutement des armées, dangereuse pour la société, comme le prouvait la dernière insurrection de Sicile. Enfin il proposa une loi qui n’était que la reproduction de celle de Licinius Stolon, tombée en désuétude. Elle avait pour but de retirer à la noblesse une partie des terres du domaine, dont elle s’était injustement emparée. Tout propriétaire ne conserverait que cinq cents jugera et deux cent cinquante pour chacun de ses fils. Ces terres leur appartiendraient à perpétuité ; la partie confisquée serait divisée en lots de trente jugera et affermée héréditairement, soit aux citoyens romains, soit aux auxiliaires italiotes, à raison d’une faible redevance pour le trésor, mais avec la défense expresse de les aliéner. Les propriétaires devaient être indemnisés de la partie de leurs propriétés qu’ils perdraient. Ce projet, que tous les anciens auteurs trouvent juste et modéré, souleva une tempête parmi les grands. Le sénat le repoussa, et, lorsque le peuple allait l’adopter, le tribun Octavius Cæcina, gagné par les citoyens riches[27], y opposa un veto inflexible. Arrêté tout à coup dans ses desseins, Tiberius prit la résolution hardie et contraire aux lois de faire déposer le tribun par un vote des tribus. Celles-ci ayant prononcé la révocation, la loi fut promulguée, et l’on nomma trois triumvirs pour son exécution : c’étaient Tiberius, son frère Caius et son beau-père Appius Claudius. Sur une autre proposition, il fit décider que l’argent laissé par le roi de Pergame au peuple romain servirait aux frais d’établissement de ceux qui recevraient des terres[28].

La loi agraire n’avait passé qu’à la faveur des votes des tribus de la campagne[29]. Néanmoins, le parti populaire, dans son enthousiasme, reconduisit Tiberius en triomphe, l’appelant non-seulement le bienfaiteur d’une cité, mais le père de tous les peuples de l’Italie.

Les possesseurs des grands domaines, frappés dans leurs plus chers intérêts, étaient loin de partager cette exaltation : non contents d’avoir tenté d’enlever les urnes lors du vote de la loi, ils avaient voulu faire assassiner Tiberius[30]. En effet, comme le dit Machiavel : « Les hommes font plus d’estime de la richesse que des honneurs mêmes, et l’opiniâtreté de l’aristocratie romaine à défendre ses biens contraignit le peuple à recourir aux voies extrêmes[31]. »

Les principaux opposants, grands propriétaires, tels que le tribun Octavius et Scipion Nasica, attaquaient par tous les moyens l’auteur de la loi qui les dépouillait, et un jour le sénateur Pompeius alla jusqu’à dire que le roi de Pergame avait envoyé à Tiberius une robe de pourpre et le diadème, signes de la future royauté du tribun[32]. Celui-ci, pour s’en défendre, eut recours à des propositions inspirées plutôt par le désir d’une vaine popularité que par l’intérêt général. La lutte s’envenimait chaque jour, et ses amis l’engageaient à se faire renommer tribun, afin que l’inviolabilité de sa charge lui devînt un refuge contre les attaques de ses ennemis. Le peuple fut donc convoqué ; mais le plus solide appui de Tiberius lui fit défaut : les habitants de la campagne, retenus par la moisson, ne répondirent pas à l’appel[33].

Tiberius ne voulait qu’une réforme, et, à son insu, il avait commencé une révolution. Or, pour l’accomplir, il ne réunissait pas les qualités nécessaires. Mélange singulier de douceur et d’audace, il déchaînait la tempête et n’osait pas lancer la foudre. Entouré de ses adhérents, il marcha aux comices avec plus de résignation que d’assurance. Les tribus, réunies au Capitole, commençaient à donner leurs votes, lorsque le sénateur Fulvius Flaccus vint avertir Tiberius que, dans l’assemblée du sénat, les riches, entourés de leurs esclaves, avaient résolu sa perte. Cette nouvelle produisit une vive agitation autour du tribun, et les plus éloignés demandant la cause du tumulte, Tiberius porta la main à sa tête pour donner à comprendre le danger qui le menaçait[34]. Alors ses ennemis coururent au sénat, et, interprétant contre lui le geste qu’ils avaient remarqué, le dénoncèrent comme aspirant à la royauté. Le sénat, précédé du souverain pontife, Scipion Nasica, se rendit au Capitole. La troupe de Tiberius fut dispersée, et lui-même trouva la mort, avec trois cents des siens, près de la porte de l’enceinte sacrée. Tous ses partisans furent recherchés et subirent le même sort, entre autres le rhéteur Diophane.

L’homme avait succombé, mais la cause restait debout, et l’opinion publique forçait le sénat à ne plus s’opposer à l’exécution de la loi agraire, à remplacer Tiberius, commissaire pour le partage des terres, par Publius Crassus, allié des Gracques ; le peuple compatissait au sort de la victime et maudissait les bourreaux. Scipion Nasica ne jouit pas de son triomphe : pour le soustraire au ressentiment général, on l’envoya en Asie, où il mourut misérablement.

L’exécution de la loi rencontrait néanmoins bien des obstacles. Les limites de l’ager publicus n’avaient jamais été bien définies ; peu de titres subsistaient, et ceux qu’on pouvait produire étaient souvent inintelligibles. La valeur de ces biens avait, d’ailleurs, prodigieusement changé. Il fallait indemniser ceux qui avaient défriché des terres incultes ou fait des améliorations. La plupart des lots renfermaient des édifices religieux et des sépultures. Dans les idées antiques, c’était un sacrilège de leur donner une autre destination. Les possesseurs de l’ager publicus, soutenus par le sénat et l’ordre équestre, exploitaient habilement toutes ces difficultés. Les Italiotes ne montraient pas moins d’ardeur à protester contre le partage des terres, sachant bien qu’il ne leur serait pas aussi favorable qu’aux Romains.

Les luttes précédentes avaient excité les passions, et chaque parti, suivant l’occasion, présentait les lois les plus opposées. Tantôt, sur la motion du tribun Junius Pennus, il s’agit d’expulser tous les étrangers de Rome (628), afin d’ôter des auxiliaires au parti du peuple ; tantôt, sur celle de M. Fulvius, le droit de cité est réclamé en faveur des Italiotes (629). Cette réclamation amène des troubles : elle est rejetée, et le sénat, pour éloigner Fulvius, l’envoie contre les Salluviens, qui menaçaient Marseille. Mais déjà les alliés eux-mêmes, impatients de voir leurs droits sans cesse méconnus, tentaient de les revendiquer par la force, et la colonie latine de Frégelles se révolte la première : elle est bientôt détruite de fond en comble par le préteur M. Opimius (629). La rigueur de cette répression était de nature à intimider les autres villes, mais il est des questions qu’il faut résoudre et qu’on ne supprime pas. La cause vaincue il y a dix ans va trouver dans le frère de Tiberius Gracchus un nouveau champion.


Caius Gracchus (631).

III. Caius Gracchus, en effet, gardait dans son cœur, comme un dépôt sacré, les idées de son frère et le désir de le venger. Après avoir fait douze campagnes, il revint à Rome pour briguer le tribunat. À son arrivée, les grands tremblèrent, et, afin de combattre son ascendant, l’accusèrent d’avoir pris part à l’insurrection de Frégelles ; mais son nom lui attirait de nombreuses sympathies. Le jour de son élection, une foule considérable de citoyens arriva à Rome de tous les points de l’Italie, et l’affluence fut telle que le Champ-de-Mars ne put les contenir, et que plusieurs même donnèrent leurs voix de dessus les toits[35]. Revêtu de la puissance tribunitienne, Gracchus en fit usage pour soumettre à la sanction du peuple plusieurs lois : les unes dirigées uniquement contre les ennemis de son frère[36] ; les autres d’une grande portée politique et qu’il est nécessaire de signaler.

D’abord l’importance des tribuns s’accrut par la faculté d’être indéfiniment réélus[37], ce qui tendait à donner un caractère de permanence à des fonctions déjà si prépondérantes. Ensuite la loi frumentaria, tour à tour mise en pratique et abandonnée[38], vint lui gagner des adhérents en accordant, sans distinction, à tous les citoyens pauvres, la distribution mensuelle d’une certaine quantité de blé, et, à cet effet, on construisit de vastes greniers publics[39]. La diminution du temps de service des soldats[40], la défense de les enrôler avant dix-sept ans, et le payement par le trésor des frais de leur habillement, pris autrefois sur leur solde, lui gagnèrent la faveur de l’armée. L’établissement de nouveaux péages (portoria) augmenta les ressources de l’État ; de nouvelles colonies[41] furent fondées, non-seulement en Italie, mais dans les possessions hors de la Péninsule[42]. La loi agraire, qui se rattachait à l’établissement de ces colonies, fut confirmée, dans le but, probablement, de rendre aux commissaires chargés de son exécution leurs pouvoirs juridiques, tombés en désuétude[43]. De longues et larges voies, partant de Rome, mirent la métropole en communication facile avec les diverses contrées de l’Italie[44].

Jusque-là, la désignation des provinces avait eu lieu après les élections consulaires, ce qui permettait au sénat de distribuer les grands commandements à peu près suivant sa convenance ; pour déjouer les calculs de l’ambition et de la cupidité, il fut réglé que le sénat assignerait, avant l’ élection des consuls, les provinces qu’ils devaient administrer[45]. Pour relever le titre de citoyen romain, on remit en vigueur les dispositions de la loi Porcia, et il fut interdit non-seulement de prononcer la peine capitale[46] contre un citoyen romain, hors le cas de haute trahison (perduellio), mais encore de l’appliquer sans la ratification du peuple. C’était rappeler la loi de provocation, dont le principe avait été inscrit dans les lois des Douze Tables.

Caius Gracchus tenta encore davantage pour l’égalité. Il proposa de conférer le droit de cité aux alliés jouissant du droit latin, et d’étendre même ce bénéfice à tous les habitants de l’Italie[47]. Il voulait que, dans les comices, toutes les classes fussent admises indistinctement à tirer au sort la centurie dite Prærogativa, c’est-à-dire celle qui devait voter la première[48] ; elle avait, en effet, une grande influence, parce que la voix des premiers votants était regardée comme un présage divin ; mais ces propositions furent repoussées. Jaloux de diminuer la puissance du sénat, il résolut de lui opposer les chevaliers, dont il rehaussa l’importance par de nouvelles attributions. Il fit rendre une loi qui autorisait le censeur à affermer, en Asie, les terres enlevées aux habitants des villes conquises[49]. Les chevaliers alors prirent à ferme les redevances et les dîmes de ces pays, dont le sol appartenait de droit au peuple romain[50] ; les anciens propriétaires furent réduits à la condition de simples usufruitiers. Ensuite Caius donna aux chevaliers une part dans les pouvoirs judiciaires, exercés exclusivement par le sénat, dont la vénalité avait excité le mépris public[51]. Trois cents chevaliers furent adjoints à trois cents sénateurs, et la connaissance de tous les procès se trouva dévolue ainsi à six cents juges[52]. Ces mesures lui attirèrent la bienveillance d’un ordre qui, hostile jusque-là au parti populaire, avait contribué à faire échouer les projets de Tiberius Gracchus.

Le succès du tribun fut immense ; sa popularité devint telle, que le peuple lui laissa le droit de désigner lui-même les trois cents chevaliers parmi lesquels se choisiraient les juges, et sa simple recommandation suffit pour faire nommer consul Fannius, un de ses partisans. Désirant enfin montrer son esprit de justice envers les provinces, il renvoya en Espagne le blé arbitrairement enlevé aux habitants par le propréteur Fabius. Les tribuns avaient donc, à cette époque, une véritable omnipotence ; ils étaient chargés des grands travaux, disposaient des revenus publics, dictaient, pour ainsi dire, la nomination des consuls, contrôlaient les actes des gouverneurs des provinces, proposaient les lois et les faisaient exécuter.

L’ensemble de ces mesures, favorables à un grand nombre d’intérêts, calma pour quelque temps l’ardeur de l’opposition et la réduisit au silence. Le sénat même se réconcilia en apparence avec Caius Gracchus ; mais au fond la haine existait toujours, et on suscita contre lui un autre tribun, Livius Drusus, avec mission de proposer des mesures destinées à rendre au sénat l’affection du peuple. Caius Gracchus avait voulu admettre les alliés jouissant du droit latin au droit de cité ; Drusus fit déclarer que, comme les citoyens romains, ils ne seraient plus battus de verges. D’après la loi des Gracques, les terres distribuées aux citoyens pauvres étaient grevées d’une redevance au profit du trésor public ; Drusus les en affranchit[53]. Pour faire concurrence à la loi agraire, il obtint la création de douze colonies de trois mille citoyens chacune. Enfin on crut nécessaire d’éloigner Caius Gracchus lui-même, en le chargeant de conduire à Carthage, pour en relever les ruines, la colonie de six mille individus pris dans toutes les parties de l’Italie[54], et dont il avait obtenu l’établissement.

Pendant son absence les choses changèrent de face. Si, d’un côté, les propositions de Drusus avaient satisfait une partie du peuple, de l’autre, Fulvius, ami de Caius, esprit exalté, en compromettait la cause par des exagérations dangereuses. Opimius, ennemi acharné des Gracques, se présentait pour le consulat. Instruit de ces diverses menées, Caius revint précipitamment à Rome briguer un troisième tribunat. Il échoua, tandis qu’Opimius, nommé consul, en vue de combattre un parti si redoutable aux grands, faisait renvoyer de la ville tous les citoyens qui n’étaient pas Romains, et, sous un prétexte religieux, tentait d’obtenir la révocation du décret relatif à la colonie de Carthage. Le jour de la délibération arrivé, deux partis occupèrent de bonne heure le Capitole.

Le sénat, vu la gravité des circonstances et dans l’intérêt de la sûreté publique, investit le consul de pouvoirs extraordinaires, déclarant qu’il fallait exterminer les tyrans, qualification perfide, toujours employée contre les défenseurs du peuple, et, afin de l’emporter plus sûrement, il eut recours à des troupes étrangères. Le consul Opimius, à la tête d’un corps d’archers crétois, mit facilement en déroute un rassemblement tumultueux. Caius prit la fuite, et, se voyant poursuivi, se donna la mort. Fulvius subit le même sort. La tête du tribun fut portée en triomphe. Trois mille hommes furent jetés en prison et étranglés. Les lois agraires et l’émancipation de l’Italie cessèrent, pendant quelque temps, d’importuner le sénat.

Tel fut le sort des Gracques, de deux hommes qui avaient à cœur de réformer les lois de leur pays, et qui succombèrent, victimes d’intérêts égoïstes et de préjugés encore trop puissants. Ils périrent, dit Appien[55], parce qu’ils employèrent la violence à l’exécution d’une excellente mesure[56]. En effet, dans un État où les formes légales avaient été respectées depuis quatre cents ans, il fallait ou les observer fidèlement ou avoir une armée à ses ordres.

Cependant l’œuvre des Gracques n’était pas morte avec eux. Plusieurs de leurs lois subsistèrent encore longtemps. La loi agraire fut exécutée en partie, puisque plus tard les grands rachetèrent les portions de terrain qui leur avaient été enlevées[57], et les effets n’en furent détruits qu’au bout de quinze années. Impliqué dans les actes de corruption imputés à Jugurtha, dont il sera bientôt question, le consul Opimius eut le même sort que Scipion Nasica et une fin aussi malheureuse. Il est curieux de voir deux hommes, chacun vainqueur d’une sédition, terminer leur vie sur la terre étrangère, en butte à la haine et au mépris de leurs concitoyens. La raison en est cependant naturelle ; ils combattirent par les armes des idées que les armes ne pouvaient pas anéantir. Lorsque, au milieu de la prospérité générale, surgissent des utopies dangereuses, sans racines dans le pays, le plus simple emploi de la force les fait disparaître ; mais, au contraire, lorsqu’une société, profondément travaillée par des besoins réels et impérieux, exige des réformes, le succès de la répression la plus violente n’est que momentané : les idées comprimées reparaissent sans cesse, et, comme l’hydre de la fable, pour une tête abattue, cent autres renaissent.


Guerre de Jugurtha (637).

IV. Une oligarchie orgueilleuse avait triomphé à Rome du parti populaire ; aura-t-elle au moins l’énergie de relever, à l’extérieur, l’honneur du nom romain ? Il n’en sera pas ainsi ; les événements dont l’Afrique va devenir le théâtre montreront la bassesse de ces hommes qui voulaient gouverner le monde en répudiant les vertus de leurs ancêtres.

Jugurtha, fils de Micipsa, roi de Numidie, et d’une concubine, s’était distingué dans les légions romaines au siège de Numance. Comptant sur la faveur dont il jouissait à Rome, il avait résolu de s’emparer de l’héritage de Micipsa, au préjudice des deux enfants légitimes, Hiempsal et Adherbal. Le premier fut égorgé par ses ordres, et, malgré cet attentat, Jugurtha était parvenu à corrompre les commissaires romains chargés de diviser le royaume entre lui et Adherbal, et à s’en faire adjuger la meilleure partie. Mais bientôt, maître de tout le pays par la force des armes, il avait fait périr Adherbal. Le sénat envoya contre Jugurtha le consul Bestia Calpurnius, qui, bientôt acheté comme l’avaient été les commissaires, conclut une paix honteuse. Tant d’infamies ne pouvaient rester dans l’ombre. Le consul, à son retour, fut attaqué par C. Memmius, qui, en forçant Jugurtha à venir s’expliquer à Rome, saisit l’occasion de rappeler les griefs du peuple et la conduite scandaleuse des nobles par les paroles suivantes :

« Après l’assassinat de Tiberius Gracchus, qui, selon les nobles, aspirait à la royauté, le peuple romain se vit en butte à leurs rigoureuses poursuites. De même, après le meurtre de Caius Gracchus et de Marcus Fulvius, combien de gens de votre ordre n’a-t-on pas fait mourir en prison ? À l’une et l’autre époque, ce ne fut pas la loi, mais leur caprice seul qui mit fin aux massacres. Au surplus, j’y consens : rendre au peuple ses droits, c’est aspirer à la royauté, et il faut regarder comme légitime toute vengeance obtenue par le sang des citoyens… Dans ces dernières années, vous gémissiez en secret de voir le trésor public dilapidé, les rois et des peuples libres tributaires de quelques nobles, de ceux-là qui seuls sont en possession des dignités éclatantes et des grandes richesses. Cependant c’était trop peu pour eux de pouvoir impunément commettre de tels attentats : ils ont fini par livrer aux ennemis de l’État vos lois, la dignité de votre empire et tout ce qu’il y a de sacré aux yeux des dieux et des hommes… Mais que sont-ils donc, ceux qui ont envahi la République ? Des scélérats couverts de sang, dévorés d’une monstrueuse cupidité, les plus criminels et en même temps les plus orgueilleux de tous les hommes. Pour eux, la bonne foi, l’honneur, la religion, la vertu, sont, comme le vice, des objets de trafic. Les uns ont fait périr des tribuns du peuple ; les autres vous ont intenté d’injustes procédures ; la plupart ont versé votre sang, et ces excès sont leur sauvegarde : plus ils ont été loin dans le cours de leurs attentats, et plus ils se voient en sûreté… Eh ! pourriez-vous compter sur une réconciliation sincère avec eux ! Ils veulent dominer, vous voulez être libres ; ils veulent opprimer, vous résistez à l’oppression ; enfin ils traitent vos alliés en ennemis, vos ennemis en alliés[58]. »

Il rappela ensuite tous les crimes de Jugurtha. Celui-ci se leva pour se justifier ; mais le tribun C. Babius, avec lequel il s’était entendu, ordonna au roi de garder le silence. Le Numide allait recueillir le fruit de tant de corruptions accumulées, lorsque, ayant fait assassiner à Rome un prétendant dangereux, Massiva, petit-fils de Masinissa, il devint l’objet de la réprobation publique, et fut forcé de retourner en Afrique. La guerre alors recommence ; le consul Albinus la laisse traîner en longueur. Rappelé à Rome pour tenir les comices, il confie le commandement à son frère le propréteur Aulus, dont l’armée, bientôt pervertie par Jugurtha, se laisse envelopper et se trouve réduite à une capitulation déshonorante. L’indignation à Rome est à son comble. Sur la proposition d’un tribun, s’ouvre une enquête contre tous les complices présumés des méfaits de Jugurtha : ils furent punis, et, comme il arrive souvent dans de telles circonstances, la vengeance du peuple dépassa les bornes de la justice. Enfin, après de vifs débats, on choisit un homme honorable, Metellus, appartenant à la faction des grands, et on le chargea de la guerre d’Afrique. L’opinion publique, en forçant le sénat de punir la corruption, l’avait emporté sur les mauvaises passions, et « c’était la première fois, dit Salluste, que le peuple mit un frein à l’orgueil tyrannique de la noblesse[59]. »


Marius (647).

V. Les Gracques s’étaient faits, pour ainsi dire, les champions civils de la cause populaire ; Marius en devint le soldat farouche. Né d’une famille obscure, élevé dans les camps, parvenu par son courage aux grades élevés, il avait la rudesse et l’ambition de la classe qui se sent opprimée. Grand capitaine, mais homme de parti, naturellement porté au bien et à la justice, il devint, vers la fin de sa vie, par amour du pouvoir, cruel et inexorable[60].

Après s’être distingué au siège de Numance, il fut nommé tribun du peuple, et montra dans cette charge une grande impartialité[61]. C’était le premier échelon de sa fortune. Devenu lieutenant de Metellus dans la guerre contre Jugurtha, il chercha à supplanter son général, et plus tard parvint à s’allier à une famille illustre en épousant Julie, sœur du père du grand César. Guidé par son instinct ou par son intelligence, il avait compris qu’au-dessous du peuple officiel existait un peuple de prolétaires et d’alliés qui demandait à compter dans l’État.

Arrivé au consulat par sa haute réputation militaire, mais aussi par des intrigues, il fut chargé de la guerre de Numidie, et, avant son départ, exposa avec énergie, dans un discours au peuple, les rancunes et les principes de la démocratie d’alors.

« Vous m’avez chargé, dit-il, de la guerre contre Jugurtha ; la noblesse est irritée de ce choix ; mais que ne changez-vous votre décret, en allant chercher parmi cette foule de nobles, pour cette expédition, un homme de vieille lignée qui compte beaucoup d’aïeux, mais pas une seule campagne ?… Il est vrai qu’il lui faudrait prendre parmi le peuple un conseiller qui lui enseignât son métier. À ces patriciens superbes comparez Marius, homme nouveau. Ce qu’ils ont ouï raconter, ce qu’ils ont lu, je l’ai vu ou fait moi-même… Ils me reprochent l’obscurité de ma naissance et ma fortune ; moi je leur reproche leur lâcheté et leur infamie personnelle. La nature, notre mère commune, a fait tous les hommes égaux, et le plus brave est le plus noble… S’ils se croient en droit de me mépriser, qu’ils méprisent donc leurs aïeux, ennoblis comme moi par leurs vertus… Et ne vaut-il pas mieux être soi-même l’auteur de son illustration que de dégrader celle qui vous est transmise ? Je ne puis pas, pour justifier votre confiance, étaler les images, les triomphes ou les consulats de mes ancêtres ; mais je produirai, s’il le faut, des javelines, un étendard, des phalères, vingt autres dons militaires, et les cicatrices qui sillonnent ma poitrine. Voilà mes images, voilà mes titres de noblesse ! je ne les ai pas recueillis par héritage ; je les ai obtenus moi seul, à force de travaux et de périls[62]. »

Après ce discours, où se révèle la légitime ardeur de ceux qui, dans tous les pays aristocratiques, réclament l’égalité, Marius, contrairement à l’ancien système, enrôla plus de prolétaires que de citoyens. Les vétérans aussi accoururent en foule sous ses étendards. Il conduisit avec habileté la guerre d’Afrique ; mais une partie de la gloire lui fut dérobée par son questeur, P. Cornelius Sylla. Cet homme, appelé bientôt à jouer un si grand rôle, issu d’une famille patricienne illustre, ambitieux, ardent, plein d’audace et de confiance en lui-même, ne reculait devant aucun obstacle. Les succès qui coûtaient tant d’efforts à Marius semblaient venir d’eux-mêmes au-devant de Sylla. Marius défit le prince numide, mais, par une hardiesse aventureuse, Sylla se le fit livrer et termina la guerre. Dès lors, entre le proconsul et son jeune questeur, commença une rivalité qui, avec le temps, se changea en haine violente. Ils devinrent, l’un, le champion de la démocratie ; l’autre, l’espoir de la faction oligarchique. Aussi le sénat vantait-il outre mesure Metellus et Sylla, afin que le peuple ne considérât pas Marius comme le premier des généraux[63]. La gravité des événements déjoua bientôt cette manœuvre.

Pendant que Marius terminait la guerre contre Jugurtha, un grand danger menaçait l’Italie. Dès 641, une immense immigration de barbares s’était avancée par l’Illyrie sur la Gaule cisalpine et avait défait, à Norcia (en Carniole), le consul Papirius Carbon. C’étaient les Cimbres, et tout en eux, les mœurs, la langue, les habitudes de pillage et d’aventures, attestait leur parenté avec les Gaulois[64]. Parvenus à travers la Rhétie dans le pays des Helvètes, ils entraînèrent diverses peuplades, et pendant quelques années dévastèrent la Gaule ; revenus en 645 près de la Province romaine, ils demandèrent à la République des terres pour s’y établir. L’armée consulaire envoyée contre eux fut battue, et ils envahirent cette Province. Les Tigurins (647), peuplade de l’Helvétie, sortant de leurs montagnes, tuèrent le consul L. Cassius, et firent passer son armée sous le joug. Ce n’était qu’un prélude à de plus grands désastres. Une troisième invasion des Cimbres, suivie de deux nouvelles défaites en 649, aux bords du Rhône, excite les appréhensions les plus vives, et l’opinion publique désigne Marius comme le seul homme capable de sauver l’Italie ; les nobles d’ailleurs, en présence d’un si grave danger, ne recherchaient plus le pouvoir[65]. Il fut donc, contrairement à la loi, nommé pour la seconde fois consul, en 650, et chargé de la guerre dans la Gaule.

Ce grand capitaine s’appliqua pendant plusieurs années à rétablir la discipline militaire, à exercer ses troupes et à les familiariser avec ces nouveaux ennemis, dont l’aspect les remplissait de crainte. Marius, jugé indispensable, était réélu d’année en année ; de 650 à 654, il fut cinq fois nommé consul, battit les Cimbres, unis aux Ambrons et aux Teutons, près d’Aquæ Sextiæ (Aix), repassa en Italie et extermina près de Verceil les Cimbres échappés à la dernière bataille et ceux que les Celtibères avaient repoussés de l’Espagne. Ces immenses boucheries, ces massacres de peuples entiers éloignèrent pour quelque temps les barbares des frontières de la République.

Consul pour la sixième fois (654), le sauveur de Rome et de l’Italie, par une généreuse déférence, ne voulut pas triompher sans son collègue Catulus[66], et ne craignit pas d’outrepasser ses pouvoirs en accordant à deux cohortes auxiliaires, de Cameria, qui s’étaient distinguées, les droits de cité[67]. Mais il obscurcit sa gloire par de coupables intrigues. Associé aux chefs les plus turbulents de la faction démocratique, il les excita à la révolte, et les sacrifia dès qu’il s’aperçut qu’ils ne pouvaient réussir. Quand les gouvernants repoussent les vœux légitimes du peuple et les idées vraies, les factieux alors s’en emparent comme d’une arme puissante pour servir leurs passions et leurs intérêts personnels ; le sénat ayant rejeté toutes les propositions de réforme, les fauteurs de désordres y trouvèrent un prétexte et un appui à leurs projets pervers. L. Appuleius Saturninus, créature de Marius, et Glaucia, de mœurs aussi déréglées, se livrèrent à d’incroyables violences. Le premier ressuscita les lois agraires des Gracques et les exagéra en proposant le partage des terres enlevées aux Cimbres, mesure qu’il voulut imposer par la terreur et l’assassinat. Dans les troubles qui éclatèrent lors de l’élection des consuls pour 655, les tribus urbaines en vinrent aux mains avec les tribus des campagnes. Au milieu du tumulte, Saturninus, suivi d’une troupe de désespérés, se rendit maître du Capitole et s’y fortifia. Chargé, en sa qualité de consul, de réprimer la sédition, Marius la favorisa d’abord par une inaction calculée ; puis, voyant tous les bons citoyens courir aux armes et les factieux abandonnés, même par la plèbe urbaine, il se mit à la tête de quelques troupes et fit cerner les avenues du Capitole. Dès les premiers moments de l’attaque les rebelles déposèrent les armes et demandèrent quartier. Marius les laissa massacrer par le peuple, comme s’il eût voulu que le secret de la sédition mourût avec eux.

La question de l’émancipation italienne n’était pas étrangère à la levée de boucliers de Saturninus. Il est certain que les prétentions des Italiotes, repoussées après la mort de C. Gracchus, puis ajournées à l’approche des Cimbres, qui menaçaient toute la Péninsule d’une commune catastrophe, se reproduisirent avec plus de vivacité encore après la défaite des barbares. L’empressement des alliés à secourir l’Italie, le courage dont ils avaient fait preuve sur les champs de bataille d’Aix et de Verceil, leur donnaient de nouveaux droits à devenir Romains. Toutefois, si quelques politiques prudents croyaient le temps arrivé de satisfaire au vœu des Italiotes, un parti nombreux et puissant se révoltait à l’idée d’une pareille concession. Plus les privilèges de citoyen s’étaient étendus, plus l’orgueil romain répugnait à les partager. M. Livius Drusus (663), tribun du peuple, fils du précédent, disposant, à Rome, d’une clientèle immense, patron reconnu de toutes les cités italiotes, osa tenter cette réforme salutaire et faillit l’emporter de haute lutte. Il n’ignorait pas que déjà s’était formée une confédération formidable des peuples du sud et de l’est de l’Italie, et que plus d’une fois leurs chefs avaient médité un soulèvement général. Drusus, confident de leurs projets, avait eu l’art de les contenir et d’obtenir d’eux la promesse d’une obéissance aveugle. Le succès du tribun semblait assuré : le peuple était gagné par des distributions de blé et des concessions de terres ; le sénat, intimidé, paraissait réduit à l’impuissance, lorsque peu de jours avant le vote des tribus Drusus fut assassiné. L’Italie entière accusa les sénateurs de ce crime, et la guerre devint inévitable.

Le refus obstiné des Romains de partager avec les Italiotes tous leurs droits politiques était depuis longtemps une cause d’agitation. Plus de deux cents ans auparavant, la guerre des Latins et la révolte des habitants de la Campanie, après la bataille de Cannes, n’avaient pas eu d’autres motifs. Vers le même temps (536), Spurius Carvilius avait proposé d’admettre au sénat deux sénateurs pris dans chaque peuple du Latium. « L’assemblée, dit Tite-Live[68], fit éclater un murmure d’indignation, et Manlius, élevant la voix plus que les autres, déclara qu’il existait encore un descendant de ce consul qui naguère, au Capitole, menaçait de tuer de sa propre main le premier Latin qu’il aurait vu dans la curie, » preuve frappante de cette résistance séculaire de l’aristocratie romaine contre tout ce qui pouvait porter atteinte à sa suprématie. Mais, depuis cette époque, les idées d’égalité avaient pris un empire qu’il était impossible de méconnaître.


Guerre des alliés (663).

VI. Cette guerre civile, qu’on appela Guerre des alliés[69], montra une fois de plus l’impuissance de la force matérielle contre les légitimes aspirations des peuples, et elle couvrit le pays de sang et de ruines. Trois cent mille citoyens, l’élite de la nation, périrent sur le champ de bataille[70]. Rome eut le dessus, il est vrai, et cependant c’est la cause des vaincus qui triompha, puisque, après la guerre, dont l’unique motif avait été la revendication des droits de citoyen, ces droits furent accordés à la plupart des peuples de l’Italie. Sylla les restreignit plus tard, et l’on se convaincra, par l’examen des divers recensements, que l’émancipation totale s’accomplit seulement sous César[71].

La révolte éclata fortuitement avant le jour figé. Elle fut provoquée par la violence d’un magistrat romain, que massacrèrent les habitants d’Asculum ; mais tout était prêt pour une insurrection, qui ne tarda pas à devenir générale. Les alliés avaient un gouvernement occulte, des chefs désignés, une armée organisée. À la tête des peuples confédérés contre Rome se distinguaient les Marses et les Samnites : les premiers, excités plutôt par un sentiment d’orgueil national que par le souvenir d’injures à venger ; les seconds, au contraire, par la haine vouée aux Romains depuis les longues luttes pour leur indépendance, luttes renouvelées lors de l’invasion d’Annibal. Tous deux se partagèrent l’honneur du commandement suprême. Il paraît d’ailleurs que le système de gouvernement adopté par la confédération fut une copie des institutions romaines. Substituer l’Italie à Rome, remplacer la domination d’une seule ville par celle d’un grand peuple, tel était le but avoué de la ligue nouvelle. Un sénat fut nommé, ou plutôt une diète, et chaque cité y eut ses représentants : on élut deux consuls, Q. Pompædius Silon, Marse, et C. Papius Mutilus, Samnite. Pour capitale, on choisit Corfinium, dont le nom fut changé en celui d’Italia ou de Vitelia, qui, dans la langue osque, parlée par une partie des peuples de l’Italie méridionale, avait la même signification[72].

Les alliés ne manquaient ni de généraux habiles, ni de soldats braves et aguerris ; dans les deux camps, mêmes armes, même discipline. Commencée à la fin de l’année 663, la guerre fut poursuivie de part et d’autre avec le dernier acharnement. Elle s’étendit dans l’Italie centrale, du nord au midi, depuis Firmum (Fermo) jusqu’à Grumentum en Lucanie, de l’est à l’ouest, depuis Cannes jusqu’au Liris. Les batailles furent sanglantes, souvent indécises, et, des deux côtés, les pertes si considérables, qu’on fut bientôt réduit à enrôler les affranchis et même les esclaves.

Les alliés obtinrent d’abord d’éclatants succès. Marius eut la gloire d’arrêter leurs progrès, quoiqu’il ne lui restât que des troupes démoralisées par des revers. La fortune, cette fois encore, servit mieux Sylla : vainqueur partout où il paraissait, il ternit ses exploits par d’horribles cruautés contre les Samnites, qu’il semblait avoir pris à tâche, non de soumettre, mais d’exterminer. Le sénat se montra plus humain ou plus politique, en accordant spontanément le droit de cité romaine à tous les alliés fidèles à la République, et en le promettant à tous ceux qui déposeraient les armes. Il traita de même les Gaulois cispadans ; quant à leurs voisins de la rive gauche du Pô, il leur conféra le droit du Latium. Cette sage mesure divisa les confédérés[73] : la plupart se soumirent. Les Samnites, presque seuls, continuèrent à combattre dans leurs montagnes avec la fureur du désespoir. L’émancipation de l’Italie fut accompagnée toutefois d’une mesure restrictive qui devait conserver aux Romains la prépondérance dans les comices. Aux trente-cinq tribus anciennes, on en ajouta huit nouvelles dans lesquelles tous les Italiotes furent inscrits, et, comme les votes se comptaient par tribu, et non par tête, on voit que l’influence des nouveaux citoyens devait être à peu près nulle[74].

L’Étrurie n’avait pris aucune part à la guerre sociale. La noblesse était dévouée à Rome, et le peuple vivait dans une condition voisine du servage. La loi Julia, qui donnait aux Italiotes le droit de cité romaine, et qui prit le nom de son auteur, le consul L. Julius César, produisit chez les Étrusques une révolution complète. Elle fut accueillie avec enthousiasme.

Tandis que l’Italie était en feu, Mithridate VI, roi du Pont, voulut profiter de l’affaiblissement de la République pour s’agrandir. En 664, il envahit la Bithynie et la Cappadoce, et en chassa les rois alliés de Rome. En même temps il nouait des intelligences avec les Samnites, auxquels il promettait des subsides et des soldats. Telle était la haine qu’inspiraient alors les Romains aux peuples étrangers, qu’un ordre de Mithridate suffit pour soulever la province d’Asie, où, en un seul jour, quatre-vingt mille Romains furent massacrés[75]. Déjà la guerre sociale tirait à sa fin. À l’exception du Samnium, toute l’Italie était soumise, et le sénat pouvait s’occuper des provinces éloignées.


Sylla (666).

VII. Sylla, nommé consul en récompense de ses services, fut chargé d’aller châtier Mithridate. Tandis qu’il s’y préparait, le tribun du peuple P. Sulpicius s’était fait un parti puissant. Homme remarquable quoique sans scrupules, il avait les qualités et les défauts de la plupart de ceux qui jouèrent un rôle dans ces époques de dissension[76]. Escorté de six cents chevaliers romains, qu’il appelait l’anti-sénat[77], il vendait publiquement le droit de citoyen aux affranchis et aux étrangers, et en recevait le prix sur des tables dressées au milieu de la place publique[78]. Il fit rendre un plébiscite pour mettre fin au subterfuge de la loi Julia, qui, par une répartition illusoire, frustrait les Italiotes des droits mêmes qu’elle semblait leur accorder, et, au lieu de les maintenir dans les huit tribus nouvelles, il les fit inscrire dans les trente-cinq tribus anciennes. La mesure ne fut pas adoptée sans de vifs débats ; mais Sulpicius était soutenu par tous les nouveaux citoyens, et la faction démocratique et Marius. Une émeute emporta le vote, et Sylla, menacé de mort, fut obligé de se réfugier dans la maison de Marius et de quitter Rome précipitamment. Maître de la ville, Sulpicius montra à quelles influences il obéissait en faisant donner au vieux Marius la province d’Asie et le commandement de l’expédition contre Mithridate. Mais Sylla avait son armée en Campanie et était déterminé à soutenir ses prétentions. Tandis que la faction de Marius se livrait, dans la ville, à des violences contre la faction opposée, les soldats de Sylla s’irritaient de se voir enlever par les légions de son rival le riche butin que leur promettait l’Asie ; ils jurèrent de venger leur chef. Sylla se mit à leur tête et marcha de Nola sur Rome avec son collègue, Pompeius Rufus, qui venait de s’unir à lui. La plupart des officiers supérieurs n’osèrent le suivre, tant était grand encore le prestige de la Ville éternelle[79]. En vain on lui envoie des députations ; il marche en avant et pénètre dans les rues de Rome. Assailli par les habitants, attaqué par Marius et Sulpicius, il ne triomphe qu’à force d’audace et d’énergie. C’était la première fois qu’un général, entrant à Rome en vainqueur, s’emparait du pouvoir par les armes.

Sylla rétablit l’ordre, empêcha le pillage, convoqua l’assemblée du peuple, justifia sa conduite, et, voulant assurer à son parti la prépondérance dans les délibérations publiques, fit remettre en vigueur la coutume d’exiger l’assentiment préalable du sénat pour toute présentation de loi. Les comices par centuries furent substitués aux comices par tribus, auxquels on ne laissa que l’élection des magistratures inférieures[80]. Sylla fit tuer Sulpicius, dont il abrogea les décrets, et mit à prix la tête de Marius, oubliant que lui-même, peu de temps auparavant, trouvait un refuge dans la maison de son rival ; il proscrivit les chefs de la faction démocratique, mais la plupart s’étaient enfuis avant son entrée à Rome. Marius et son fils avaient gagné l’Afrique à travers mille dangers. Cette révolution ne paraît pas avoir été sanglante, et, à l’exception de Sulpicius, les historiens du temps ne citent pas de personnage considérable mis à mort. La terreur inspirée d’abord par Sylla ne dura pas longtemps. La réprobation de ses actes se manifesta dans le sénat et dans le peuple, qui cherchaient toutes les occasions de montrer leur mécontentement. Sylla devait aller reprendre le commandement de l’armée d’Asie, et celui de l’armée d’Italie était échu à Pompeius. Le massacre de ce dernier par ses propres soldats fit sentir au futur dictateur combien son pouvoir était mal affermi ; il essaya de faire cesser l’opposition dirigée contre lui, en acceptant comme candidat aux comices consulaires L. Cornelius Cinna, partisan connu de Marius, prenant toutefois le soin d’en exiger un serment solennel de fidélité. Mais Cinna, une fois élu, ne tint pas ses engagements, et l’autre consul, Cn. Octavius, n’avait ni l’autorité ni l’énergie nécessaires pour balancer l’influence de son collègue.

Sylla, après avoir présidé les comices consulaires, alla en toute hâte à Capoue prendre le commandement de ses troupes, qu’il conduisit en Grèce contre les lieutenants de Mithridate. Cinna voulut exécuter la loi de Sulpicius qui assimilait les nouveaux citoyens aux anciens[81] ; il demandait en même temps le retour des exilés, et faisait un appel aux esclaves. Aussitôt le sénat et même les tribuns du peuple se prononcèrent contre lui. Il fut déclaré déchu du consulat. « Injure méritée, dit Paterculus, mais exemple dangereux[82]. » Chassé de Rome, il courut à Nola demander un asile aux Samnites, encore en armes. De là il parvint à nouer des intelligences avec l’armée romaine chargée d’observer le Samnium, et, une fois assuré des dispositions des soldats, pénétra dans leur camp, demandant protection contre ses ennemis. Ses discours, ses promesses, séduisirent les légions : elles acclamèrent Cinna et le suivirent sans hésiter. Cependant, deux lieutenants de Marius, Q. Sertorius et Cn. Papirius Carbon, exilés l’un et l’autre par Sylla, parcouraient le nord de l’Italie et y levaient des troupes ; le vieux Marius débarquait en Étrurie, où sa présence déterminait aussitôt une insurrection. Les paysans étrusques accusaient le sénat de tous leurs maux ; et l’ennemi des nobles et des riches leur parut un vengeur envoyé par les dieux. En se rangeant sous sa bannière, ils croyaient courir avec lui au pillage de la Ville éternelle.

La guerre allait recommencer, et cette fois Romains et Italiotes marchaient unis contre Rome. Du nord, Marius, Sertorius et Carbon s’avançaient avec des troupes considérables. Cinna, maître de la Campanie, pénétrait dans le Latium, pendant qu’une armée samnite l’envahissait d’un autre côté. À ces cinq armées le sénat n’en pouvait opposer qu’une : celle de Cn. Pompée Strabon, habile général, mais politique intrigant, qui espérait s’élever à la faveur du désordre. Quittant ses cantonnements d’Apulie, il était arrivé, à marches forcées, sous les murs de Rome, cherchant à vendre ses services au sénat ou à s’accommoder avec Marius et son parti. Il ne tarda pas à s’apercevoir que les insurgés étaient assez forts pour se passer de lui. Ses soldats, levés dans le Picenum et le pays des Marses, ne voulaient point se battre pour le sénat contre leurs anciens confédérés, et auraient abandonné leur général sans le courage et la présence d’esprit de son fils, alors âgé de vingt ans, celui qui, plus tard, fut le grand Pompée. Un jour, les légionnaires, arrachant leurs enseignes, menaçaient de déserter en masse : le jeune Pompée se coucha en travers de la porte du camp et les défia de passer sur son corps[83]. La mort délivra Pompée Strabon de la honte d’assister à une catastrophe inévitable. Selon quelques auteurs, il succomba aux atteintes d’une maladie épidémique ; suivant d’autres, il fut frappé de la foudre au milieu même de son camp. Privée de chef, son armée passa à l’ennemi ; le sénat n’avait plus de défenseurs, la populace se soulevait : Rome ouvrit ses portes à Cinna et à Marius.

Les vainqueurs se montrèrent impitoyables, en mettant à mort, souvent avec des raffinements de cruauté inconnus aux Romains, les partisans de la faction aristocratique tombés entre leurs mains. Pendant plusieurs jours, les esclaves que Cinna avait appelés à la liberté se livrèrent à tous les excès. Sertorius, le seul des chefs du parti démocratique qui eût quelques sentiments de justice, fit un exemple de ces misérables et en massacra près de quatre mille[84].

Marius et Cinna avaient proclamé, en s’avançant contre Rome les armes à la main, que leur but était d’assurer aux Italiotes l’entière jouissance des droits de cité romaine ; ils se déclarèrent consuls l’un et l’autre pour l’année 668. Leur puissance était trop considérable pour être contestée, les nouveaux citoyens leur fournissant un contingent de trente légions, soit 150 000 hommes[85]. Marius mourut subitement, treize jours après être entré en charge, et le parti démocratique perdit en lui le seul homme dont le prestige le couvrit encore. Un fait auquel ses funérailles donnèrent lieu peint les mœurs de l’époque et le caractère de la révolution qui venait de s’opérer. Il fallait un sacrifice extraordinaire sur sa tombe ; le pontife Q. Mucius Scævola, un des vieillards les plus respectables de la noblesse, fut la victime désignée. Conduit en pompe devant le bûcher du vainqueur des Cimbres, il fut frappé par le sacrificateur, qui, d’une main mal exercée, lui enfonça le couteau dans la gorge sans le tuer. Revenu à la vie, Scævola se vit citer en jugement, par un tribun du peuple, Flavius Fimbria, pour n’avoir pas reçu franchement le coup[86].

Pendant que Rome et toute l’Italie étaient plongées dans la plus épouvantable anarchie, Sylla chassait de la Grèce les généraux de Mithridate VI, et gagnait deux grandes batailles, à Chéronée (668), et près d’Orchomène (669). Il était encore en Béotie, lorsque Valerius Flacons, envoyé par Cinna pour le remplacer, débarquait en Grèce, pénétrait en Thessalie et de là passait en Asie. Sylla l’y suivit bientôt, ayant hâte de conclure avec le roi de Pont un arrangement qui lui permît de ramener son armée en Italie. Les circonstances étaient favorables. Mithridate avait besoin de réparer ses pertes, et il se trouvait en présence d’un nouvel ennemi, le lieutenant de Valerius Flaccus, le farouche Flavius Fimbria, meurtrier de son général, et qui, devenu ainsi chef de l’armée d’Asie, s’était emparé de Pergame. Mithridate souscrivit aux conditions imposées par Sylla ; il rendit toutes les provinces dont il s’était emparé, donna des vaisseaux et de l’argent. Sylla s’avança alors en Lydie au-devant de Fimbria ; mais celui-ci, à l’approche du vainqueur de Chéronée, ne put retenir ses soldats. Son armée se débanda pour aller rejoindre Sylla. Menacé par son rival, le meurtrier de Flaccus en fut réduit à se donner la mort. Rien n’arrêtait donc plus les projets de Sylla sur l’Italie, et il se prépara à faire expier chèrement à ses ennemis de Rome leur triomphe passager. Au moment de mettre à la voile, il écrivit au sénat pour lui annoncer la fin de la guerre d’Asie et son prochain retour. Trois ans, disait-il, lui avaient suffi pour réunir à l’empire romain la Grèce, la Macédoine, l’Ionie, l’Asie, et renfermer Mithridate dans les limites de ses anciennes possessions ; il avait, le premier des Romains, reçu une ambassade du roi des Parthes[87]. Il se plaignait des violences exercées contre les siens et contre sa femme, qui était accourue, avec une foule de fugitifs, chercher un asile dans son camp[88]. Il ajoutait, sans vaines menaces, son intention de rétablir l’ordre par la force des armes ; mais il promettait de ne point revenir sur la grande mesure de l’émancipation de l’Italie, et terminait en déclarant que les bons citoyens, les nouveaux comme les anciens, n’avaient rien à craindre de lui.

Cette lettre, que le sénat osa recevoir, redoubla la fureur des hommes qui avaient succédé à Marius. Le sang coula encore. Cinna, qui pour la quatrième fois se faisait réélire consul, et Cn. Papirius Carbon, son collègue, réunissant à la hâte des troupes nombreuses, mais mal disciplinées, se disposèrent à faire tête de leur mieux à la tempête qui s’approchait. Persuadé que Sylla longerait l’Adriatique pour envahir l’Italie du côté du nord, Cinna avait rassemblé près d’Ancône une armée considérable, avec le dessein de le surprendre au milieu de sa marche, en l’attaquant soit en Épire, soit en Illyrie. Mais ses soldats, Italiotes en grande partie, rassurés par les promesses de Sylla, d’ailleurs pleins de mépris pour leur général, disaient hautement qu’ils ne passeraient pas la mer. Cinna voulut faire un exemple des plus mutins. Une révolte éclata, et il fut massacré. Pour éviter un pareil sort, Carbon, qui vint prendre le commandement, s’empressa de promettre aux rebelles qu’ils ne quitteraient pas l’Italie.

Sylla débarqua à Brindes en 671, à la tête d’une armée de quarante mille hommes, composée de cinq légions, de six mille chevaux et des contingents du Péloponnèse et de la Macédoine. La flotte comptait seize cents vaisseaux[89]. Il suivit la voie Appienne, et atteignit la Campanie après un seul combat, livré non loin de Canusium[90]. Il apportait l’or de Mithridate et les dépouilles des temples de la Grèce, moyens de séduction encore plus dangereux que son habileté sur le champ de bataille. À peine arrivé en Italie, il avait rallié les proscrits et tous ceux qui détestaient le gouvernement inepte et cruel des successeurs de Marius. Ce qui restait des grandes familles décimées par eux accourut à son camp comme en un refuge assuré. M. Licinius Crassus devint un de ses plus habiles lieutenants, et ce fut alors que Cn. Pompée, le fils de Strabon, général à vingt-trois ans, leva une armée dans le Picenum, battit trois corps ennemis, et vint offrir à Sylla une épée déjà redoutable.

L’année 672 commençait lorsque Sylla entra dans le Latium ; il défit complètement, près de Signia, les légions du jeune Marius, que son nom avait porté au consulat. Cette bataille rendait Sylla maître de Rome ; mais, au nord, dans la Gaule cisalpine et en Étrurie, Carbon, malgré de fréquentes défaites, disputait avec opiniâtreté le terrain à Pompée et aux autres lieutenants de Sylla. Au midi, les Samnites avaient mis sur pied toutes leurs forces et se disposaient à secourir Préneste, assiégée par Sylla en personne et défendue par le jeune Marius. Pontius Telesinus, le général des Samnites, impuissant à faire lever le siège de la place, conçut alors l’idée audacieuse et presque désespérée de porter toute son armée sur Rome, de la surprendre et de la saccager. « Brûlons la tanière des loups[91], disait-il à ses soldats : tant qu’elle existera, il n’y aura pas de liberté en Italie. »

Par une marche de nuit rapide, Telesinus trompa la vigilance de son adversaire ; mais, épuisés de fatigue, arrivant au pied des remparts de Rome, les Samnites ne purent donner l’assaut, et Sylla eut le temps d’accourir avec l’élite de ses légions.

Une bataille sanglante s’engagea aux portes mêmes de la ville, le jour des calendes de novembre 672 ; elle se prolongea fort avant dans la nuit. L’aile gauche des Romains fut battue et prit la fuite, malgré les efforts de Sylla pour la rallier ; Telesinus périt dans la mêlée, et Crassus, qui commandait l’aile droite, remporta une victoire complète. Au jour levant, les Samnites échappés au carnage mirent bas les armes et demandèrent quartier[92].

Plus d’une année encore s’écoula avant la pacification complète de l’Italie, et on n’y parvint que par les mesures les plus violentes et les plus sanguinaires. Sylla fit cette déclaration terrible, qu’il ne pardonnerait à aucun de ses ennemis. À Préneste, tous les sénateurs partisans de Marius furent égorgés et les habitants passés au fil de l’épée. Ceux de Norba, surpris par trahison, plutôt que de se rendre s’ensevelirent sous les ruines de leur cité.

Rien n’avait coûté à Sylla pour arriver au pouvoir : la démoralisation des armées[93], le pillage des villes, le massacre des habitants et l’extermination de ses ennemis ; rien ne lui coûta non plus pour s’y maintenir. Il inaugura sa rentrée au sénat par l’égorgement, près du temple de Bellone, de trois mille Samnites qui s’étaient rendus[94]. Un nombre considérable d’habitants de l’Italie furent privés du droit de cité qu’on leur avait accordé après la guerre des alliés[95] ; il inventa une nouvelle peine, la proscription[96], et, dans Rome seule, il bannit quatre mille sept cents citoyens, parmi lesquels quatre-vingt-dix sénateurs, quinze consulaires, deux mille sept cents chevaliers[97]. Sa fureur s’appesantit principalement sur les Samnites, dont il redoutait l’esprit d’indépendance, et il anéantit presque entièrement cette nation[98]. Quoique son triomphe ait été une réaction contre le parti populaire, il traita en prisonniers de guerre les enfants des familles les plus nobles et les plus considérées, et, par une innovation monstrueuse, les femmes mêmes subirent un sort pareil[99]. Des listes de proscription, affichées au Forum avec les noms des suspects, jetaient la terreur dans les familles ; rire ou pleurer en y arrêtant les regards était un crime[100]. M. Pletorius fut égorgé pour s’être évanoui à la vue du supplice infligé au préteur M. Marius[101] ; dénoncer l’asile des proscrits, les mettre à mort, était un titre à des récompenses payées par le trésor public et s’élevant jusqu’à douze mille drachmes (environ 11 640 fr.) par tête[102] ; leur venir en aide, avoir eu des liaisons d’amitié ou des relations quelconques avec les ennemis de Sylla, suffisait pour être puni de la peine capitale. D’un bout de l’Italie à l’autre, tous ceux qui avaient servi sous les ordres de Marius, de Carbon, de Norbanus, furent massacrés ou bannis, et leurs biens vendus à l’encan. On voulut les frapper jusque dans leur postérité : on ôta aux enfants et petits-enfants des proscrits le droit d’hériter de leurs pères et de prétendre aux charges publiques[103]. Tous ces actes d’une impitoyable vengeance avaient été autorisés par une loi dite Valeria, promulguée en 672, et qui, en nommant Sylla dictateur, lui conférait des pouvoirs illimités. Cependant quoique Sylla conservât la suprême puissance, il laissa chaque année nommer les consuls, exemple suivi plus tard par les empereurs.

Le calme rétabli dans Rome, une constitution nouvelle fut promulguée, qui rendait à l’aristocratie son ascendant. L’illusion du dictateur fut de croire qu’un système fondé par la violence, sur des intérêts égoïstes, pourrait lui survivre. Il est plus facile de changer les lois que d’arrêter le cours des idées.

La législation des Gracques fut abolie. Les sénateurs, par la loi judiciaria, acquirent de nouveau le privilège exclusif des fonctions judiciaires. La colonie de Capoue, création populaire, fut détruite et rendue au domaine. Sylla s’attribua un des premiers privilèges de la censure, qu’il avait supprimée : la nomination des membres du sénat. Il fit entrer dans cette assemblée, décimée pendant la guerre civile, trois cents chevaliers. Par la loi sur le sacerdoce, il enleva aux votes du peuple et rendit au collège le choix des pontifes et du souverain pontife. Il restreignit le pouvoir des tribuns, ne leur laissant que le droit d’assistance, auxilium[104], et leur défendant de prétendre aux magistratures supérieures[105]. Il se flattait d’éloigner ainsi les ambitieux d’une carrière désormais sans issue.

Il admit dans Rome dix mille nouveaux citoyens (appelés cornéliens)[106], pris parmi les esclaves dont les maîtres avaient été proscrits. Des affranchissements semblables eurent lieu dans le reste de l’Italie. Il avait presque exterminé deux nations, les Étrusques et les Samnites ; il repeupla les contrées désertes en répartissant sur les propriétés de ses adversaires un nombre considérable de ses soldats, que quelques auteurs élèvent au chiffre prodigieux de quarante-sept légions[107], et créa pour ses vétérans vingt-trois colonies militaires sur le territoire enlevé aux villes rebelles[108].

Toutes ces mesures arbitraires étaient dictées par l’esprit de réaction ; mais celles qui suivent furent inspirées par la pensée de rétablir l’ordre et la hiérarchie.

On en revint aux règles antérieurement adoptées pour la succession des magistratures[109]. Personne ne put prétendre au consulat avant d’avoir exercé la préture ; à la préture, avant d’avoir été questeur. On fixa trente ans pour la questure, quarante pour la préture, quarante-trois pour le consulat. La loi exigeait un intervalle de deux ans entre l’exercice de deux magistratures différentes, et de dix entre la même magistrature, règle si sévèrement maintenue, que, pour l’avoir bravée en briguant le consulat[110], Lucretius Ofella, un des partisans les plus dévoués de Sylla, fut mis à mort. Le dictateur retira aux affranchis le droit de voter, aux chevaliers les places d’honneur dans les spectacles ; il fit cesser les adjudications confiées aux fermiers généraux, les distributions de blé, et supprima les corporations, qui offraient un véritable danger pour le repos public. Enfin, pour mettre des bornes au luxe, des lois somptuaires furent promulguées[111].

Par la loi de provinciis ordinandis, il voulut régler le gouvernement des provinces et en améliorer l’administration. La gestion des affaires civiles retenait à Rome les deux consuls et les huit préteurs pendant l’année de leur charge. Ils prenaient ensuite, en qualité de proconsuls ou de propréteurs, le commandement d’une des dix provinces, qu’ils exerçaient durant un an ; dès lors une nouvelle loi curiate devenait inutile pour renouveler l’imperium ; ils le conservaient jusqu’à leur retour à Rome. Trente jours leur étaient accordés pour quitter la province après l’arrivée de leurs successeurs[112]. Le nombre des préteurs, des questeurs, des pontifes et des augures fut augmenté[113]. Tous les ans vingt questeurs durent être nommés, ce qui assurait le recrutement du sénat, puisque cette charge y donnait entrée. Sylla multiplia les commissions de justice. Il prit des mesures pour mettre un terme aux meurtres qui désolaient l’Italie (lex de sicariis) et protéger les citoyens contre les outrages (lex de injuriis). La lex majestatis complétait, pour ainsi dire, la précédente[114]. Au nombre des crimes de lèse-majesté, punis de la peine capitale, se trouvent les excès des magistrats chargés de l’administration des provinces. Quitter son gouvernement sans congé du sénat, conduire une armée hors des limites de sa province, entreprendre une guerre sans autorisation, traiter avec des chefs étrangers, tels furent les principaux actes qualifiés de crimes contre la République. Il n’y en avait pas un dont Sylla ne se fût rendu coupable.

Sylla abdiqua en 675, seule action extraordinaire qui lui restât à accomplir. Lui qui avait porté le deuil chez tant de familles, il rentra seul dans sa maison, à travers une foule respectueuse et soumise. Tel était l’ascendant de son ancien pouvoir, soutenu d’ailleurs par les dix mille cornéliens présents dans Rome et dévoués à sa personne[115], que, redevenu simple citoyen, on le laissa agir en maître absolu, et, la veille même de sa mort, arrivée en 676, il se rendait l’exécuteur d’une impitoyable justice, en osant faire impunément égorger sous ses yeux le préteur Granius, coupable de concussion[116].

Ses funérailles furent d’une magnificence inouïe ; on porta son corps au Champ-de-Mars, où jusqu’alors les rois seuls avaient été inhumés[117]. Il laissait l’Italie domptée, mais non soumise ; les grands au pouvoir, mais sans autorité morale ; ses partisans enrichis, mais tremblants pour leurs richesses ; les nombreuses victimes de la tyrannie terrassées, mais frémissantes sous l’oppression ; enfin, Rome avertie qu’elle est désormais sans défense contre l’audace d’un soldat heureux[118].


Effet de la dictature de Sylla.

VIII. L’histoire des cinquante dernières années et surtout la dictature de Sylla montrent jusqu’à l’évidence que l’Italie demandait un maître. Partout les institutions fléchissaient devant le pouvoir d’un seul, soutenu non seulement par ses propres partisans, mais encore par la foule indécise qui, fatiguée de l’action et de la réaction de tant de partis opposés, aspirait à l’ordre et au repos. Si la conduite de Sylla eût été modérée, ce qu’on nomma l’Empire eût probablement commencé avec lui ; mais son pouvoir fut si cruel et si partial, qu’après sa mort on oublia les abus de la liberté pour ne se souvenir que des abus de la tyrannie. Plus l’esprit démocratique avait pris d’extension, et plus les anciennes institutions perdaient de leur prestige. En effet, comme la démocratie, confiante et passionnée, croit toujours ses intérêts mieux représentés par un seul que par un corps politique, elle était sans cesse disposée à remettre son avenir à celui qui s’élevait, par son mérite, au-dessus des autres. Les Gracques, Marius et Sylla avaient tour à tour disposé à leur gré des destinées de la République, foulé impunément aux pieds les anciennes institutions et les anciennes coutumes ; mais leur règne fut éphémère[119], car ils ne représentaient que des factions. Au lieu d’embrasser dans leur ensemble les vœux et les intérêts de toute la péninsule italique, ils favorisaient exclusivement telle ou telle classe de la société. Les uns voulaient avant tout assurer le bien-être des prolétaires de Rome ou l’émancipation des des Italiotes, ou la prépondérance des chevaliers ; les autres, les privilèges de l’aristocratie. Ils échouèrent.

Pour fonder un ordre de choses durable, il fallait un homme qui, s’élevant au-dessus des passions vulgaires, réunît en lui les qualités essentielles et les idées justes de chacun de ses devanciers, et évitât leurs défauts comme leurs erreurs. À la grandeur d’âme et à l’amour du peuple de certains tribuns, il fallait joindre le génie militaire des grands généraux et le sentiment profond du dictateur pour l’ordre et la hiérarchie.

L’homme capable d’une si haute mission existait déjà ; mais peut-être, malgré son nom, serait-il resté longtemps encore inconnu, si l’œil pénétrant de Sylla ne l’eût découvert au milieu de la foule, et, par la persécution, désigné à l’attention publique. Cet homme était César.

  1. Salluste, Fragm. I, viii.
  2. « La corruption s’était surtout accrue, parce que, la Macédoine détruite, l’empire du monde semblait désormais assuré à Rome. » (Polybe, XI, xxxii.)
  3. Salluste, Fragm. I, x.
  4. Les Romains s’expatriaient à tel point que, lorsque Mithridate commença la guerre, il fit massacrer en un jour tous les citoyens Romains répandus dans ses États ; 150 000, suivant Plutarque (Sylla, xlviii) ; 80 000, selon Memnon (dans la Bibliothèque de Photius, codex CCXXIV, xxxi) et selon Valère Maxime (IX, ii, 3). La petite ville de Cirta, en Afrique, ne put être défendue contre Jugurtha que par des Italiotes. (Salluste, Jugurtha, XXVI.)
  5. Salluste, Jugurtha, xxv.
  6. « Et Rome refusait d’admettre au nombre de ses citoyens des hommes par lesquels elle avait acquis cette grandeur dont elle était fière jusqu’à mépriser les peuples du même sang et d’une même origine. » (Velleius Paterculus, II, XV.)
  7. Voyez la liste des recensements dans la note 2 de la page 229.
  8. Mommsen, Geschichte Roms, I, p. 785.
  9. Les terres enlevées à la ville de Leontium étaient d’une étendue de trente mille jugera. Elles furent, en 542, affermées par les censeurs ; mais au bout de quelque temps il ne restait qu’un seul citoyen du pays sur les quatre-vingt-quatre fermiers qui s’y étaient installés : tous les autres appartenaient à la noblesse romaine. (Mommsen, II, 75. — Cicéron, Quatrième discours contre Verrès, xlvi et suiv.)
  10. Plutarque, Tiberius Gracchus, ix.
  11. Diodore de Sicile, Fragments, XXXIV, iii.
  12. Diodore de Sicile, Fragments, XXXVI, p. 147, éd. Schweighæuser.2
  13. Strabon, XIV, v, 570.
  14. « Nos ancêtres redoutèrent toujours l’esprit de l’esclavage, alors même que, né dans le champ ou sous le toit de son maître, l’esclave apprenait à le chérir en recevant le jour. Mais depuis que nous comptons les nôtres par nations, dont chacune a ses mœurs et ses dieux, ou même n’a pas de dieux, non, ce vil et confus assemblage ne sera jamais contenu que par la crainte. » (Tacite, Annales, XIV, xliv.)4
  15. En 442, le censeur Appius Claudius Cæcus fait inscrire les affranchis dans toutes les tribus et permet à leurs fils l’entrée au sénat. (Diodore de Sicile, XX, xxxvi.) — En 450, le censeur Q. Fabius Rullianus (Maximus) les renferme dans les quatre tribus urbaines (Tite-Live, IX, xlvi) ; vers 530, d’autres censeurs leur ouvrent encore une fois toutes les tribus ; en 534, les censeurs L. Æmilius Papus et C. Flaminius rétablissent l’ordre de 450 ( Tite-Live, Epitome, XX) ; une exception est faite pour ceux qui ont un fils âgé de plus de cinq ans, ou qui possèdent des terrains d’une valeur de plus de 30 000 sesterces (XLV, xv) ; en 585, le censeur Tiberius Sempronius Gracchus les expulse des tribus rustiques, où ils s’étaient introduits de nouveau, et les réunit dans une seule tribu urbaine, l’Esquiline. (Tite-Live, XLV, xv. — Cicéron, De l’Orateur, I, ix, 38.) — (639.) « La loi émilienne permet aux affranchis de voter dans les quatre tribus urbaines. » (Aurelius Victor, Hommes illustres, lxxii.)
  16. Valère Maxime, VI, ii, 3. — Velleius Paterculus, II, iv.
  17. « Je connais des Romains qui ont attendu leur élévation au consulat pour commencer à lire l’histoire de nos pères et les préceptes des Grecs sur l’art militaire. » (Discours de Marius, Salluste, Jugurtha, lxxxv.)
  18. Plutarque, Tib. Gracchus, viii.
  19. « Tiberius Gracchus genere, forma, eloquentia facile princeps. » (Florus, III, xiv.)
  20. Velleius Paterculus, II, ii. — Sénèque le Philosophe, De la Consolation, à Marcia, xvi.
  21. Plutarque, Parallèle entre Agis et Tiberius Gracchus, iv.
  22. « Pur et droit dans ses vues. » (Velleius Paterculus, II, ii.) — « Animé de la plus noble ambition. » (Appien, Guerres civiles, I, i, 9.)
  23. Plutarque, Tib. Gracchus, ix.
  24. « Ce fut à l’instigation du rhéteur Diophane et du philosophe Blossius, et il prit conseil des citoyens de Rome les plus distingués par leur réputation et leurs vertus, entre autres Crassus, le grand pontife, Mucius Scævola, célèbre jurisconsulte, alors consul, et Appius Claudius, son beau-père. » (Plutarque, Tib. Gracchus, ix.)
  25. Plutarque, Tib. Gracchus, ix.
  26. Aulu-Gelle rend compte de deux passages du discours de C. Gracchus, qu’il faut plutôt, selon nous, attribuer à Tib. Sempronius Gracchus. Dans l’un il signale le fait d’un jeune noble qui fait assassiner un paysan parce qu’il lui avait adressé une plaisanterie en le voyant passer en litière ; dans l’autre il raconte l’histoire d’un consul qui fait frapper de verges l’homme le plus considérable de la ville de Teanum, parce que la femme du consul, voulant se baigner, avait trouvé les bains de la ville malpropres. (Aulu-Gelle, X, iii.)
  27. Appien, Guerres civiles, I, i, 12.
  28. Plutarque, Tib. Gracchus, xvi.
  29. Appien, Guerres civiles, I, i, 13.
  30. Plutarque, Tib. Gracchus, xii.
  31. Machiavel, Discours sur Tite-Live, I, xxxvii.
  32. Plutarque, Tib. Gracchus, xvi.
  33. Appien, Guerres civiles, I, ii, 14.
  34. Plutarque, Tib. Gracchus, xvi, xxii.
  35. Plutarque, C. Gracchus, v.
  36. Elles interdisaient aux magistrats déposés par le peuple l’exercice de toute fonction et autorisaient la mise en accusation du magistrat auteur du bannissement illégal d’un citoyen. La première atteignait ouvertement Octavius, que Tiberius avait fait déposer ; la seconde, Popilius, qui, dans sa préture, avait banni les amis de Tiberius. (Plutarque, C. Gracchus, viii.)
  37. Appien, Guerres civiles, I, iii, 21.
  38. « En 556, les édiles curules Fulvius Nobilior et Flaminius distribuèrent au peuple, un million de modius de blé de Sicile, à deux as le boisseau. » (Tite-Live, XXXIII, xlii.)
  39. Appien, Guerres civiles, I, iii, 21. — Cicéron, Tusculanes, III, xx.
  40. Plutarque, C. Gracchus, vii. Conformément à ce que dit Polybe, le temps de service était fixé à dix ans, car on lit dans Plutarque : « Caius Gracchus dit aux censeurs qu’obligé seulement par les lois à dix campagnes, il en a fait douze. » (Plutarque, C. Gracchus, iv.)
  41. Ve PÉRIODE. — COLONIES ROMAINES.

    Dertona (630). En Ligurie, actuellement Tortona.

    Fabrateia (630). Chez les Volsques. (Latium Majus.) Act. Falvaterra. Colonie des Gracques.

    Aquæ Sextiæ (631). Aix (Bouches-du-Rhône). Citée à tort comme colonie, n’était qu’un castellum.

    Minervia (Scylacium) (632). En Calabre, act. Squillace. Colonie des Gracques.

    Neptunia (Tarentum) (632). En Calabre, act. Tarento. Colonie des Gracques.

    Carthago (Junonia). En Afrique. Colonie des Gracques, ne reçut qu’un commencement d’exécution.

    Narbo Martius (636). Dans la Gaule narbonnaise, act. Narbonne. Fondée sous l’influence des Gracques.

    Eporedia (654). Dans la Gaule transpadane, act. Ivrea.

    Dans cette période, Rome cesse de fonder des colonies latines. Les pays alliés et les villes du nom latin commençaient à réclamer le droit de cité ; l’assimilation de l’Italie, sous le rapport de la langue et des mœurs, est, d’ailleurs, si avancée, qu’il est superflu, sinon dangereux, de fonder de nouvelles cités latines.

    On appelle colonies des Gracques celles qui furent établies essentiellement pour venir en aide aux citoyens pauvres, et non plus, comme auparavant, dans un but stratégique.

    Carthage et Narbonne sont les deux premières colonies fondées en dehors de l’Italie, contrairement à la règle suivie jusqu’alors. Le seul exemple qu’on pourrait mentionner appartiendrait à la période précédente, c’est celui d’Italica, fondée, en Espagne, par Scipion en 548, pour ceux de ses vétérans qui voulaient rester dans le pays. On leur accorda le droit de cité, mais non point le titre de colonie. Les habitants d’Aquæ Sextiæ devaient se trouver à peu près dans la même situation.

  42. Velleius Paterculus, II, vi, xv. — Plutarque, C. Gracchus, vii, viii.
  43. Appien, Guerres civiles, I, iii, 19 et suiv.
  44. Plutarque, C. Gracchus, ix. — Appien, Guerres civiles, I, iii, 23.
  45. Salluste, Jugurtha, xxvii. — Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, ii, xv. — Discours pour Balbus, xxvii.
  46. Cicéron, Discours pour Rabirius, iv.
  47. Plutarque, C. Gracchus, vii, xii. — D’après Velleius Paterculus (II, vi), « il aurait voulu étendre ce droit à tous les peuples d’Italie jusqu’aux Alpes. »
  48. Pseudo-Salluste, Ire lettre à César, vii. — Tite-Live, XXVI, xxii.
  49. « Aut censoria locatio constituta est, ut Asiæ, lege Sempronia. » (Cicéron, Troisième discours contre Verrès, VI. — Voyez, sur cette question, Mommsen, Inscriptiones latinæ antiquissimæ, p. 100, 101.)
  50. En province, le domaine du sol est au peuple romain ; le propriétaire est réputé n’en avoir que la possession ou l’usufruit. (Gaius, Institutes, II, vii.)
  51. On reprochait aux sénateurs des exemples récents de prévarication donnés par Cornelius Cotta, par Salinator et Manius Aquilius, le vainqueur de l’Asie.
  52. Toutefois l’Epitome de Tite-Live (LX) parle de 600 chevaliers au lieu de 300. (Voyez Pline, Histoire naturelle, XXXIII, vii. — Appien, Guerres civiles, I, iii, 22. — Plutarque, C. Gracchus, vii.)
  53. Plutarque, C. Gracchus, xii.
  54. Appien, Guerres civiles, I, iii, 24.
  55. Appien, Guerres civiles, I, ii, 17.
  56. « Je ne suis pas de ces consuls qui pensent qu’on ne peut sans crime louer dans les Gracques des magistrats dont les conseils, la sagesse, les lois, ont porté une réforme salutaire dans beaucoup de parties de l’administration. » (Cicéron, Second discours sur la loi agraire, v.)
  57. Appien, Guerres civiles, I, iii, 27.
  58. Salluste, Jugurtha, xxxi.
  59. Salluste, Jugurtha, v.
  60. Marius n’avait fait que roidir son caractère. (Plutarque, Sylla, xxxix.) « Talent, probité, simplicité, connaissance profonde de l’art de la guerre, Marius alliait au même degré le mépris des richesses et des voluptés, et l’amour de la gloire. » (Salluste, Jugurtha, lxiii.) Marius était né sur le territoire d’Arpinum, à Cereatæ, aujourd’hui Casamare (maison de Marius).
  61. « Obtint l’estime des deux partis. » (Plutarque, Marius, iv.)
  62. Salluste, Jugurtha, lxxxv.
  63. Plutarque, Marius, x.
  64. Plutarque, Marius, xix.
  65. Plutarque, Marius, xi.
  66. Plutarque, Marius, xxviii.
  67. Plutarque, Marius, xxix.
  68. Tite-Live, XXIII, xxii.
  69. C’est, à notre avis, bien à tort qu’on a traduit bellum sociale ou sociorum, par guerre sociale, expression qui, en français, donne un sens tout à fait contraire à la nature de cette guerre.
  70. Velleius Paterculus, II, xv.
  71. An de Rome Cens.
    187 80 000 Premier recensement sous Servius Tullius. (Tite-Live, I, xliv ; Denys d’Halicarnasse, IV, xxii ; Eutrope, I, vii.)
    245 130 000 (Plutarque, Publicola, xiv.)
    278 110 000 (Plus de). (Denys d’Halicarnasse, IX, xxv.) — 119 309 d’après Eutrope, I, xiv, et 120 000 d’après G. Syncelle, 452, édit. Bonn.
    280 130 000 (Un peu plus de). (Denys d’Halicarnasse, IX, xxxvi.)
    vers 286 8 714 (sic). (Tite-Live, Epitome, III, éd. O. Jahn.) Corrigez : 118 714.
    295 117 319 (Tite-Live, III, xxiv.) — 117 219 d’après l’Epitome.
    331 120 000 (Canon d’Eusèbe, olympiade lxxxix, 2 ; 115 000 d’après un autre manuscrit.) Ce passage manque dans la traduction arménienne.
    365 152 573 (Pline, Histoire naturelle, XXXIII, xvi, éd. Sillig.)
    415 165 000 (Eusèbe, olymp. cx, 1.)
    422 à 435 250 000 (Tite Live, IX, xix. — G. Syncelle, Chronographia, 525, a le chiffre 260 000.
    460 262 321 (Tite-Live, X, xlvii ; l’Epitome, 272 320. — Eusèbe, olympiade cxxi, 4, écrit : 270 000 ; le traducteur arménien, 220 000.)
    465 272 000 (Tite-Live, Epitome, XI.)
    474 287 222 (Tite-Live, Epitome, XIII.)
    479 292 834 (Eutrope, II, x.) — 271 234 (d’après Tite-Live, Epitome, XIV.)
    489 382 234 (Tite-Live, Epitome, XVI.) Corrigez : 282 234.
    502 297 197 (Tite-Live, Epitome, XVIII.)
    507 241 212 (Tite-Live, Epitome, XIX)
    513 260 000 (Eusèbe, olymp. cxxxiv, 4.)
    534 270 213 (Tite-Live, Epitome, XX.)
    546 137 108 (Tite-Live, XXVII, xxxvi.) — On attribue à tort cette différence énorme aux pertes éprouvées dans les cinq premières années de la deuxième guerre punique, et Tite-Live ne constate, lui, qu’une différence minime, minor aliquanto numerus quam qui ante bellum fuerat ; ce qui donnerait lieu de croire à une erreur de copiste dans le chiffre du recensement ; il faudrait donc lire 237 108.
    550 214 000 (Tite-Live, XXIX, xxxvii ; Fastes capitolins.) — Les censeurs, cela est dit formellement, avaient étendu leurs opérations aux armées ; de plus, beaucoup d’alliés et de Latins étaient venus élire domicile à Rome et avaient été compris dans le recensement.
    561 143 704 (Tite-Live, XXXV, ix.) Là encore il existe sans doute une erreur : il faut lire 243 704. Peut-être aussi les censeurs ne comprirent-ils pas dans le nombre des citoyens les soldats en campagne.
    566 258 318 (Tite-Live, XXXVIII, xxxvi) ; Epitome, 258 310. Beaucoup d’alliés du nom latin avaient été compris dans le cens.
    576 288 294 (Tite-Live, Epitome, XLI.) Les chiffres des recensements qui précèdent et qui suivent nous font adopter ce nombre, quoique les manuscrits ne portent que 258 294.
    581 269 015 (Tite-Live, XLII, x) ; Epitome, 267 231. « La raison de l’infériorité du recensement de 581 était, suivant Tite-Live, l’édit rendu par le consul Postumius, en vertu duquel ceux qui appartenaient à la classe des alliés latins devaient retourner, pour se faire recenser, dans leur ville respective, conformément à l’édit du consul C. Claudius, en sorte qu’il n’y eut pas un seul de ces alliés qui fut recensé à Rome. » (Tite-Live, XLII, x.)
    586 312 805 (Tite-Live, Epitome, XLV.)
    591 337 022 (Tite-Live, Epitome, XLVI.)
    595 328 316 (Tite-Live, Epitome, XLVII.)
    600 324 000 (Tite-Live, Epitome, XLVIII.)
    608 334 000 (Eusèbe, olymp. clviii, 3.)
    613 327 442 (Tite-Live, Epitome, LIV.)
    618 317 933 (Tite-Live, Epitome, LVI.)
    623 318 823 (Tite-Live, Epitome, LIX.)
    629 394 726 (Tite-Live, Epitome, LX.)
    639 394 336 (Tite-Live, Epitome, LXIII)
    667 463 000 (Eusèbe, olymp, CLXXIV, 1.)
    684 900 000 (Tite-Live, Epitome, XCVIII.) — Dion Cassius (XLIII, xxv) rapporte que le recensement ordonné par César, après la guerre civile, avait accusé un abaissement effrayant du chiffre de la population (δεινὴ ὀλιγανθρωπία). Appien (II, 102) dit que ce chiffre n’avait atteint que la moitié environ du cens précédent. Selon Plutarque (César, lv), sur 320 000 citoyens comptés avant la guerre, César n’en avait trouvé que 150 000. Ils ont confondu les registres de la distribution de blé avec les listes du cens. (Voir Suétone, César, xli.)

    Auguste dit expressément qu’entre les années 684 et 726 il n’y a pas eu de recensement, post annum alterum et quadragesimum. (Monument d’Ancyre, tab. 2.) Le nombre de citoyens qu’il trouva à cette époque, 4 063 000, est à peu près celui que César aurait pu constater. (Photius, Biblioth. cod. XCVII ; Fragm. histor. éd. Müller, III, 606.)

    726 4 063 000 clôture du lustre par Auguste lors de son sixième consulat, avec M. Agrippa pour collègue. (Monument d’Ancyre.)
    746 4 233 000 deuxième clôture du lustre par Auguste, lui seul. (Monument d’Ancyre.)
    767 4 031 000 suivant le Monument d’Ancyre ; 9 300 000 suivant la Chronique d’Eusèbe ; troisième clôture du lustre par Auguste et Tib. César, son collègue, sous le consulat de Sex. Pompeius et de Sex. Appuleius.
  72. Ces deux mots se trouvent sur des médailles italiotes frappées pendant la guerre. Un denier de la Bibliothèque impériale présente la légende ITALIA en caractères latins, et, au revers, le nom de Papius Mutilus en caractères osques : , Gai PAAPI G(ai fili).
  73. Cette mesure contenta les Étrusques. (Appien, Guerres civiles, I, v, 49.)
  74. Velleius Paterculus, II, xx. — Appien, Guerres civiles, I, v, 49.
  75. Voyez la note 3 de la page 202.
  76. « P. Sulpicius avait recherché par sa droiture l’estime populaire ; son éloquence, son activité, son esprit, sa fortune, en faisaient un homme remarquable. » (Velleius Paterculus, II, xviii.)
  77. Plutarque, Marius, xxxvi.
  78. Plutarque, Sylla, xi.
  79. Appien, Guerres civiles, I, vii, 57.
  80. Appien, Guerres civiles, I, vii, 59. « Populus Romanus, Lucio Sylla dictatore ferente, comitiis centuriatis, municipiis civitatem ademit. » (Cicéron, Pour sa maison, xxx.)
  81. « En conférant aux peuples d’Italie le droit de cité romaine, on les avait répartis en huit tribus, afin que la force et le nombre de ces nouveaux citoyens ne portassent aucune atteinte à la dignité des anciens, et que des hommes admis à cette faveur ne devinssent pas plus puissants que ceux qui la leur avaient accordée. Mais Cinna, suivant les traces de Marius et de Sulpicius, annonça qu’il les distribuerait dans toutes les tribus ; et, sur cette promesse, ils accoururent en foule de toute l’Italie. » (Velleius Paterculus, II, xx.)
  82. Velleius Paterculus, II, xx.
  83. Plutarque, Pompée, iii.
  84. Plutarque, Sertorius, v.
  85. « Cinna comptait sur cette grande multitude de nouveaux Romains, qui lui fournissaient plus de trois cents cohortes, réparties en trente légions. Pour donner à sa faction le crédit et l’autorité nécessaires, il rappela les deux Marius et les autres exilés. » (Velleius Paterculus, II, xx.)
  86. Quod parcius telum recepisset. Cette expression paraît empruntée aux combats de gladiateurs, qui tiraient leur origine de pareils sacrifices humains accomplis aux funérailles. — Voy. Cicéron, Pour Sext. Roscius, XII, xxxviii. — Valère Maxime, IX, xi, 2.
  87. Plutarque, Sylla, vi.
  88. Appien, Guerres civiles, I, ix, 77.
  89. Appien, Guerres civiles, I, ix, 79.
  90. Appien, Guerres civiles, I, x, 95.
  91. Velleius Paterculus, II, xxvii. Les Samnites désignaient ainsi les Romains, par allusion à la louve, nourrice du fondateur de Rome. Une médaille samnite représente un taureau, symbole de l’Italie, terrassant un loup. Elle porte le nom de C. Papius Mutilus, avec le titre d’Embratur, , mot osque correspondant au latin imperator.
  92. « Ainsi se terminent deux guerres des plus désastreuses : l’italique, appelée aussi guerre sociale, et la guerre civile ; elles avaient duré dix ans l’une et l’autre ; elles moissonnèrent plus de cent cinquante mille hommes, dont vingt-quatre avaient été consuls, sept préteurs, soixante édiles, et près de deux cents sénateurs ». (Eutrope, V, vi.)
  93. « Sylla fomenta ces désordres en faisant à ses troupes des largesses et des profusions sans bornes, afin de corrompre et d’attirer à lui les soldats des partis contraires. » (Plutarque, Sylla, xvi.)
  94. Dion Cassius (XXXIV, cxxxvi, § 1) porte ce chiffre à 8 000 ; Appien, à 3 000. Valère Maxime parle de trois légions (IX, ii, i).
  95. « Un grand nombre d’alliés et de Latins furent privés par un seul homme du droit de cité qu’on leur avait donné pour leurs services nombreux et honorables. » (Discours de Lepidus, Salluste, Fragm. I, 5.) — « Nous avons vu le peuple romain, sur la proposition du dictateur Sylla, ôter, dans les comices des centuries, le droit de cité à plusieurs villes municipales ; nous l’avons vu les priver aussi des terres qu’elles possédaient… Quant au droit de cité, l’interdiction ne dura pas même aussi longtemps que le despotisme militaire du dictateur. » (Cicéron, Discours pour sa maison, xxx.)
  96. Appien, Guerres civiles, I, xi, 95. — Velleius Paterculus, II, xxviii.
  97. Appien, Guerres civiles, I, xi, 95.
  98. Strabon, V, iv, 207.
  99. Dion-Cassius, XXXIV, cxxxvii, § 1.
  100. Dion-Cassius, XXXIV, cxxxvii.
  101. Valère Maxime, IX, ii, 1.
  102. Plutarque, Caton d’Utique, xxi.
  103. Appien, Guerres civiles, I, xi, 96. — Tite-Live, Epitome, LXXXIX.
  104. Appien, I, xi, 100. — Velleius Paterculus, II, xxxi. — L’auxilium était la protection accordée par le tribun du peuple à celui qui la réclamait.
  105. Appien, Guerres civiles, I, xi, 100 et suiv.
  106. Appien, Guerres civiles, I, c. (Voyez, sur une inscription placée par ces affranchis en l’honneur du dictateur, et qui a été découverte en Italie, Mommsen, Inscriptiones latinæ antiquissimæ, p. 168.)
  107. Tite-Live, Epitome, LXXXIX.
  108. Appien, Guerres civiles, I, xi, 100.
  109. Appien, Guerres civiles, I, xi, 100. — En 574 on avait déjà fixé l’âge exigé pour les différentes magistratures. (Tite-Live, XL, xliv.)
  110. Appien, Guerres civiles, I, xi, 101. — Tite-Live, Epitome, LXXXIX.
  111. Aulu-Gelle, II, xxiv.
  112. Cicéron, Lettres familières, III, 6, 8, 10.
  113. Tite-Live, Epitome, LXXXIX. — Tacite, Annales, XI, xxii. — Aurelius Victor, Hommes illustres, lxxv.
  114. Cicéron, De l’Orateur, II, xxxix. — « Loi qui chez les anciens embrassait des objets différents : trahisons à l’armée, séditions à Rome, abaissement de la majesté du peuple romain par la mauvaise gestion d’un magistrat. » (Tacite, Annales, I, lxxii.)
  115. Appien, Guerres civiles, I, xii, 104.
  116. Il attendait la mort du dictateur pour frustrer le trésor d’une somme qu’il devait à l’État. (Plutarque, Sylla, xlvi.)
  117. Appien, Guerres civiles, I, xii, 106.
  118. Sylla avait pris le surnom d’Heureux (Felix) (Mommsen, Inscriptiones latinæ antiquissimæ, p. 168), ou de Faustus, suivant Velleius Paterculus.
  119. « On ne peut nier que Sylla n’ait eu alors la puissance d’un roi, quoiqu’il ait rétabli la République. » (Cicéron, Discours sur la réponse des aruspices, xxv.)