Histoire de Jules César/Livre II/Chapitre 2

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Plon (Tome 1p. 275-308).

CHAPITRE DEUXIÈME.

(684-691.)

État de la République (684).

I. Lorsque Pompée et Crassus arrivèrent au consulat, il y avait soixante-trois ans que l’Italie était en proie à des luttes intestines. Mais, malgré le repos que réclamait la société et que la réconciliation de ces deux rivaux semblait lui promettre, bien des passions et des intérêts contraires fermentaient encore dans son sein[1].

Sylla avait cru rétablir la République sur ses anciennes bases, cependant il avait tout remis en question. La propriété, la vie même de chaque citoyen étaient à la merci du plus fort ; le peuple avait perdu le droit d’appel et sa part légitime dans les élections ; le pauvre, les distributions de blé ; le tribunat, ses privilèges séculaires ; l’ordre si influent des chevaliers, son importance politique et financière.

À Rome, plus de garantie pour la justice ; en Italie, plus de sécurité pour le droit de cité, si chèrement conquis ; dans les provinces, plus de ménagements pour les sujets et les alliés. Sylla avait rendu à la haute classe ses prérogatives, sans pouvoir lui rendre son ancien prestige ; n’ayant mis en œuvre que des éléments corrompus et fait appel qu’à des passions sordides, il laissait après lui une oligarchie impuissante et un peuple profondément divisé. Le pays se partageait entre ceux que la tyrannie avait enrichis et ceux qu’elle avait dépouillés : les uns craignant de perdre ce qu’ils venaient d’acquérir, les autres espérant ressaisir ce qu’ils avaient perdu.

L’aristocratie, fière de ses richesses et de ses ancêtres, absorbée par toutes les jouissances du luxe, écartait des premières fonctions les hommes nouveaux[2], et, par un long exercice du pouvoir, regardait les hautes magistratures comme sa propriété. Caton, dans un discours au sénat, s’écriait : « Au lieu des vertus de nos ancêtres, nous avons le luxe et l’avarice ; la pauvreté de l’État, l’opulence des particuliers ; nous vantons la richesse, nous chérissons l’oisiveté ; entre les bons et les méchants, nulle distinction ; toutes les récompenses dues au mérite sont le prix de l’intrigue. Pourquoi s’en étonner, puisque chacun, s’isolant des autres, ne consulte que son intérêt ? Chez soi, esclaves des voluptés ; ici, des richesses ou de la faveur[3]. »

Les élections étaient depuis longtemps le résultat d’un trafic sans pudeur, et pour parvenir tout moyen paraissait bon. Lucullus lui-même, pour obtenir le gouvernement de l’Asie, ne rougit pas de recourir à l’entremise d’une courtisane, maîtresse de Cethegus[4]. L’achat des consciences était tellement passé dans les mœurs, que les divers instruments de la corruption électorale avaient des fonctions et des titres presque reconnus : on appelait divisores ceux qui se chargeaient d’acheter les voix ; interpretes, les entremetteurs ; sequestres, ceux chez lesquels on déposait la somme à payer[5]. Il s’était formé de nombreuses sociétés secrètes pour l’exploitation du droit de suffrage ; elles se divisaient en décuries, dont les chefs particuliers obéissaient à un chef suprême, qui traitait avec les candidats et leur vendait les votes de ses associés, soit pour de l’argent, soit en stipulant à leur profit ou au sien certains avantages. Ces sociétés faisaient la plupart des élections, et Cicéron lui-même, qui se vanta si souvent de l’unanimité avec laquelle il avait été nommé consul, leur dut une grande partie des suffrages qu’il obtint[6].

Toutes les sentences des tribunaux composés de sénateurs étaient dictées par une vénalité si flagrante, que Cicéron la flétrit en ces termes : « Je démontrerai par des preuves certaines les coupables intrigues, les infamies qui ont souillé les pouvoirs judiciaires depuis dix ans qu’ils sont confiés au sénat. Le peuple romain apprendra de moi comment l’ordre des chevaliers a rendu la justice pendant près de cinquante années consécutives, sans que le plus léger soupçon d’avoir reçu de l’argent pour un jugement prononcé ait pesé sur aucun de ses membres ; comment, depuis que les sénateurs seuls composent nos tribunaux, depuis qu’on a dépouillé le peuple du droit qu’il avait sur chacun de nous, Q. Calidius a pu dire, après sa condamnation, qu’on ne pouvait honnêtement, pour condamner un préteur, exiger moins de 300 000 sesterces ; comment, le sénateur P. Septimius reconnu coupable de concussion devant le préteur Hortensius, on comprit dans l’amende l’argent qu’il avait reçu en qualité de juge ; comment C. Herennius et C. Popilius, tous deux sénateurs, ayant été convaincus du crime de péculat, et M. Atilius du crime de lèse-majesté, il fut prouvé qu’ils avaient reçu de l’argent pour prix d’une de leurs sentences ; comment il s’est trouvé des sénateurs qui, dès que leur nom fut sorti de l’urne que tenait C. Verrès, alors préteur urbain, allèrent sur-le-champ donner leur voix contre l’accusé, sans avoir entendu la cause ; comment enfin on a vu un sénateur, juge dans cette même cause, recevoir l’argent de l’accusé pour le distribuer aux autres juges, et l’argent de l’accusateur pour condamner l’accusé. Pourrai-je alors assez déplorer cette tache, cette honte, cette calamité qui pèse sur l’ordre entier[7] ? »

Malgré la sévérité des lois contre l’avidité des généraux et des publicains, malgré le patronage des grands de Rome, les peuples soumis[8] étaient toujours en butte aux exactions des magistrats, et Verrès fut le type de l’immoralité la plus éhontée, ce qui arrache à Cicéron cette exclamation : « Toutes les provinces gémissent ; tous les peuples libres se plaignent ; tous les royaumes réclament contre notre cupidité et nos violences. Il n’est pas, entre l’Océan et nous, un lieu si éloigné, ou si peu connu, dans lequel de nos jours l’injustice et la tyrannie de nos concitoyens n’aient pénétré[9]. » Les habitants des pays étrangers, soit pour satisfaire aux exigences immodérées des gouverneurs et de leur suite, soit pour payer les fermiers des revenus publics, étaient obligés d’emprunter. Or, les capitaux se trouvant seulement à Rome, ils ne pouvaient se les procurer qu’à un taux excessif ; et les grands, se livrant à l’usure, tenaient les provinces dans leur dépendance.

L’armée elle-même avait été démoralisée par les guerres civiles, et les chefs ne faisaient plus observer la discipline. « Flamininus, Aquilius, Paul-Émile, dit Dion-Cassius, commandaient à des hommes bien disciplinés et qui avaient appris à exécuter en silence les ordres de leurs généraux. La loi était leur règle : avec une âme royale, simples dans leur vie, renfermant leurs dépenses dans des limites raisonnables, ils regardaient comme plus honteux de flatter les soldats que de craindre les ennemis. Du temps de Sylla, au contraire, les généraux, redevables du premier rang à la violence et non au mérite, forcés de tourner leurs armes les uns contre les autres plutôt que contre les ennemis, étaient réduits à courir après la popularité. Chargés du commandement, ils prodiguaient l’or pour procurer des jouissances à une armée dont ils payaient cher les fatigues : ils rendaient leur patrie vénale, sans y prendre garde, et se faisaient eux-mêmes les esclaves des hommes les plus pervers, pour soumettre à leur autorité ceux qui valaient mieux qu’eux. Voilà ce qui chassa Marius de Rome et ce qui l’y ramena contre Sylla ; voilà ce qui fit de Cinna le meurtrier d’Octavius, et de Fimbria le meurtrier de Flaccus. Sylla fut la principale cause de ces maux, lui qui, pour séduire les soldats enrôlés sous d’autres chefs et les attirer sous ses drapeaux, répandit l’or à pleines mains dans son armée[10]. »

On était loin de ces temps où le soldat, après une courte campagne, déposait ses armes pour reprendre la charrue ; mais depuis, retenu sous les drapeaux pendant de longues années, et revenant, à la suite d’un général victorieux, voter dans le Champ-de-Mars, le citoyen avait disparu ; restait l’homme de guerre avec la seule inspiration des camps. Au terme des expéditions, on licenciait les armées, et l’Italie se trouvait ainsi couverte d’un nombre immense de vétérans, réunis en colonies ou dispersés sur le territoire, plus disposés à suivre un homme qu’à obéir à la loi. C’était par centaines de mille qu’il fallait compter les vétérans des anciennes légions de Marius et de Sylla.

Un État, d’ailleurs, s’affaiblit souvent par l’exagération du principe sur lequel il repose. Et, comme à Rome la guerre était la principale préoccupation, toutes les institutions avaient, dès l’origine, un caractère militaire. Les consuls, premiers magistrats de la République, élus par les centuries, c’est-à-dire par le peuple votant sous les armes, commandaient les troupes. L’armée, composée de ce qu’il y avait de plus honorable dans la nation, ne prêtait pas serment à la République, mais au chef qui la recrutait et la conduisait à l’ennemi ; ce serment, tenu religieusement, rendait les généraux maîtres absolus de leurs soldats, qui, à leur tour, après une victoire, leur décernaient le titre d’Imperator. Quoi donc de plus naturel, même après la transformation de la société, que ces soldats se crussent toujours le vrai peuple, et les généraux élus par eux les chefs légitimes de la République ? Tout abus a de longues racines dans le passé, et on peut retrouver la cause originelle de la puissance des prétoriens sous les empereurs dans l’organisation primitive et les attributions des centuries établies par Servius Tullius.

Quoique l’armée n’eût pas encore acquis cette prépondérance, elle pesait pourtant d’un grand poids dans les décisions du Forum. À côté des hommes habitués aux nobles hasards des combats, existait une véritable armée de l’émeute, entretenue aux frais de l’État ou des particuliers, dans les villes principales de l’Italie, surtout à Capoue : c’étaient les gladiateurs, prêts sans cesse à tout entreprendre en faveur de ceux qui les payaient, soit dans les luttes électorales[11], soit, comme soldats, en temps de guerre civile[12].

Ainsi tout était frappé de décadence. La force brutale donnait le pouvoir, et la corruption les magistratures. L’empire n’appartenait plus au sénat, mais aux commandants des armées ; les armées n’appartenaient plus à la République ; mais aux chefs qui les conduisaient à la victoire. De nombreux éléments de dissolution travaillaient la société : la vénalité des juges, le trafic des élections, l’arbitraire du sénat, la tyrannie de la richesse, qui opprimait le pauvre par l’usure et bravait la loi par l’impunité.

Rome se trouvait divisée en deux opinions bien tranchées : les uns, ne voyant de salut que dans le passé, s’attachaient aux abus par la crainte que le déplacement d’une seule pierre ne fît écrouler l’édifice ; les autres voulaient le consolider en rendant la base plus large et le sommet moins chancelant. Le premier parti s’appuyait sur les institutions de Sylla ; le second avait pris le nom de Marius comme symbole de ses espérances.

Il faut aux grandes causes une figure historique qui personnifie leurs intérêts et leurs tendances. L’homme une fois adopté, on oublie ses défauts, ses crimes mêmes, pour ne se souvenir que de ses grandes actions. Ainsi, à Rome, les vengeances et les massacres de Marius étaient sortis de la mémoire. On se rappelait seulement ses victoires, qui avaient préservé l’Italie de l’invasion des Cimbres et des Teutons ; on plaignait ses malheurs, on vantait sa haine contre l’aristocratie. Les préférences de l’opinion publique se manifestaient clairement par le langage des orateurs, même les plus favorables au sénat. Ainsi Catulus et Cicéron, venant à parler de Sylla ou de Marius, dont au fond la tyrannie avait été presque également cruelle, se croyaient obligés de glorifier l’un et de flétrir l’autre[13] ; cependant la législation de Sylla était encore en vigueur, son parti tout-puissant, celui de Marius dispersé et sans force[14].

La lutte qui depuis soixante-trois ans continuait contre le sénat avec la même persévérance n’avait jamais réussi, parce que la défense du peuple ne s’était jamais trouvée dans des mains ou assez fermes ou assez pures. Aux Gracques avait manqué une armée, à Marius un pouvoir moins avili par les excès, à la guerre des alliés un caractère moins hostile à l’unité nationale dont Rome était le représentant. Quant à Spartacus, soulevant les esclaves, il allait au delà du but, et son succès menaçait la société tout entière : il fut anéanti. Pour triompher des préjugés accumulés contre elle depuis si longtemps, il fallait à la cause populaire un chef d’un mérite transcendant et un concours de circonstances difficiles à prévoir. Mais alors le génie de César ne s’était pas encore révélé, et le vainqueur de Sertorius était le seul qui dominât la situation par ses antécédents et ses hauts faits.


Consulat de Pompée et de Crassus.

II. Par une conduite tout opposée à celle de César, Pompée avait grandi dans les guerres civiles. Dès l’âge de vingt-trois ans, il avait reçu de Sylla le titre d’Imperator et le nom de Grand[15] ; il passait pour le premier homme de guerre de son temps, et s’était distingué en Italie, en Sicile et en Afrique, contre les partisans de Marius, qu’il fit massacrer impitoyablement[16]. Le sort l’avait sans cesse favorisé. En Espagne, la mort de Sertorius lui avait rendu la victoire facile ; à son retour, la défaite fortuite des restes fugitifs de l’armée de Spartacus lui permit de s’attribuer l’honneur d’avoir mis fin à cette redoutable insurrection ; bientôt, contre Mithridate, il profitera des succès déjà obtenus par Lucullus. Aussi un écrivain distingué a-t-il pu dire, avec raison, que Pompée arrivait toujours à temps pour terminer à sa propre gloire les guerres qui allaient finir à la gloire d’autrui[17].

Le vulgaire, qui salue le bonheur à l’égal du génie, entourait alors le vainqueur de l’Espagne de ses hommages, et lui-même, d’un esprit médiocre et vaniteux, rapportait à son seul mérite les faveurs de la fortune. Recherchant le pouvoir pour s’en parer plutôt que pour s’en servir, il le convoitait, non dans l’espoir de faire triompher une cause ou un principe, mais afin d’en jouir paisiblement en ménageant les différents partis. Ainsi, tandis que pour César la puissance était un moyen, pour lui elle n’était qu’un but, Honnête, mais indécis, il était, sans le savoir, l’instrument de ceux qui le flattaient. Ses manières prévenantes, les apparences du désintéressement, qui déguisaient son ambition, éloignaient de lui tout soupçon d’aspirer au pouvoir suprême[18]. Général habile dans les temps ordinaires, il fut grand tant que les événements ne furent pas plus grands que lui. Néanmoins il jouissait alors à Rome de la plus haute renommée. Par ses antécédents, il était plutôt le représentant du parti de l’aristocratie, mais le désir de se concilier la faveur publique et sa propre intelligence lui faisaient comprendre la nécessité de certaines modifications dans les lois ; aussi, avant d’entrer dans Rome pour célébrer son triomphe sur les Celtibères, il manifesta l’intention de rétablir les prérogatives des tribuns, de faire cesser la dévastation et l’oppression des provinces, de rendre à la justice son impartialité, aux juges leur considération[19]. Il était alors consul désigné ; ses promesses excitèrent le plus vif enthousiasme, car c’était surtout la mauvaise administration des provinces et la vénalité des sénateurs dans leurs fonctions judiciaires qui faisaient redemander si vivement par le peuple le rétablissement des privilèges du tribunat, malgré les abus qu’ils avaient amenés[20]. Des excès du pouvoir naît toujours un désir immodéré de liberté.

En faisant connaître, avant son entrée dans Rome et de son propre mouvement, le programme de sa conduite, Pompée ne céda pas, comme l’ont prétendu plusieurs historiens, à une séduction habilement exercée par César : il obéissait à une impulsion plus forte, celle de l’opinion publique. Les grands lui reprochèrent d’abandonner leur cause[21], mais le parti populaire fut satisfait, et César, voyant le nouveau consul prendre à cœur ses idées et ses sentiments, résolut de le soutenir avec énergie[22]. Il jugea sans doute qu’avec tant d’éléments de corruption, tant de mépris des lois, tant de rivalités jalouses et d’ambitions démesurées, l’ascendant de celui que la fortune élevait si haut pouvait seul, pour le moment, assurer les destinées de la République. Était-ce un concours loyal ? Nous le croyons, mais il n’excluait pas une noble rivalité, et César n’avait pas à craindre d’aplanir à Pompée le terrain sur lequel ils devaient se rencontrer un jour. L’homme qui a la conscience de sa valeur n’éprouve pas un sentiment perfide de jalousie contre ceux qui l’ont devancé dans la carrière ; il leur vient plutôt en aide, car alors il a plus de gloire à les rejoindre. Où serait l’émulation de la lutte si l’on était seul à pouvoir atteindre au but ?

Pompée avait pour collègue M. Licinius Crassus. Cet homme remarquable, on l’a vu, s’était distingué comme général, mais son influence lui venait bien plus de ses richesses et de son caractère aimable et prévenant. Enrichi sous Sylla par l’achat des biens des proscrits, il possédait des quartiers entiers de la ville de Rome, reconstruits après plusieurs incendies ; sa fortune s’élevait à plus de quarante millions de francs[23], et il prétendait que, pour être riche, il fallait pouvoir entretenir à ses frais une armée[24]. Quoique sa première passion fût l’amour de l’or, l’avarice n’excluait pas chez lui la libéralité. Il prêtait sans intérêts à tous ses amis, et répandait quelquefois ses largesses avec profusion. Versé dans les lettres, doué d’une rare éloquence, il se chargeait avec empressement de toutes les causes que Pompée, César et Cicéron dédaignaient de défendre ; par son empressement à obliger tous ceux qui réclamaient ses services, soit pour emprunter, soit pour parvenir à quelques charges, il acquit une puissance qui balançait celle de Pompée. Celui-ci avait accompli de plus grands exploits ; mais ses airs de grandeur et de dignité, son habitude de fuir la foule et les spectacles, lui aliénaient la multitude ; tandis que Crassus, d’un accès facile, toujours au milieu du public et des affaires, l’emportait par ses manières affables[25]. On ne trouvait en lui de sentiments bien arrêtés ni dans la vie politique, ni dans la vie privée ; et il n’était ni ami constant, ni ennemi irréconciliable[26]. Plus propre à servir d’instrument à l’élévation d’un autre qu’à s’élever lui-même au premier rang, il fut très-utile à César, qui mit tous ses soins à gagner sa confiance. « Il existait alors à Rome, dit Plutarque, trois factions, qui avaient pour chefs Pompée, César et Crassus ; Caton, dont le pouvoir n’égalait pas la gloire, était plus admiré que suivi. La partie sage et modérée des citoyens était pour Pompée ; les gens vifs, entreprenants et hardis s’attachaient aux espérances de César ; Crassus, qui tenait le milieu entre ces deux factions, se servait de l’une et de l’autre[27]. »

Pendant son premier consulat, Crassus semble ne s’être occupé que d’extravagantes dépenses et avoir conservé une neutralité prudente. Il fit un grand sacrifice à Hercule et lui consacra la dixième partie de ses revenus ; il offrit au peuple un immense festin dressé sur dix mille tables, et donna à chaque citoyen du blé pour trois mois[28].

Pompée s’occupa de choses plus sérieuses, et, soutenu par César, il favorisa l’adoption de plusieurs lois, qui toutes annonçaient une réaction contre le système de Sylla.

La première eut pour effet de donner de nouveau aux tribuns le droit de présenter des lois et d’en appeler au peuple ; déjà on leur avait rendu, en 679, la faculté de parvenir aux autres magistratures.

La seconde avait rapport à la justice. Au lieu de laisser au sénat seul le pouvoir judiciaire, le préteur Aurelius Cotta, oncle de César, proposa une loi qui devait concilier tous les intérêts, en autorisant à prendre les juges par tiers dans les trois classes, c’est-à-dire dans le sénat, dans l’ordre équestre et parmi les tribuns du trésor, la plupart plébéiens[29].

Mais la mesure qui contribua le plus à cicatriser les plaies de la République fut le projet d’amnistie du tribun Plotius en faveur de tous ceux qui avaient pris part à la guerre civile. Dans ce nombre étaient compris les débris de l’armée de Lepidus restés en Espagne depuis la défaite de Sertorius, et parmi lesquels se trouvait L. Cornelius Cinna, beau-frère de César. Ce dernier, dans des discours qui ne nous sont pas parvenus, mais cités par différents auteurs, n’épargna rien pour assurer devant le peuple le succès de la proposition[30]. « Il insista sur la convenance de décider promptement cette mesure de réconciliation, et fit observer que le moment de la prendre ne pouvait être plus opportun[31]. » Elle fut adoptée sans difficulté. Tout semblait favoriser le retour aux institutions anciennes. La censure, interrompue pendant dix-sept ans, fut rétablie, et L. Gellius et C. Lentulus, nommés censeurs, exercèrent leur charge avec tant de sévérité, qu’ils rayèrent du sénat soixante-quatre de ses membres, probablement créatures de Sylla. Au nombre des exclus figurèrent Caius Antonius, précédemment accusé par César, et Publius Lentulus Sura, consul de l’année 683.

Tous ces changements avaient été proposés ou acceptés par Pompée, bien plus pour plaire à la multitude que pour obéir à des convictions arrêtées. Il avait par là perdu ses véritables appuis, résidant dans les hautes classes, sans acquérir dans le parti opposé la première place, déjà occupée par César. Mais Pompée, aveuglé sur sa propre valeur, s’imaginait alors que nul ne pouvait l’emporter sur lui en influence ; toujours favorisé par les événements, il avait été habitué à voir céder devant lui et l’arrogance de Sylla et la majesté des lois. Malgré un premier refus du dictateur, il avait obtenu à vingt-six ans les honneurs du triomphe, sans avoir rempli aucune des conditions légales. Malgré les lois, un second triomphe lui avait été accordé, ainsi que le consulat, quoique hors de Rome et sans avoir suivi la hiérarchie obligée des magistratures. Plein de présomption par les exemples du passé, plein de confiance dans l’avenir par les adulations du présent, il pensait pouvoir blesser les grands dans leurs intérêts sans se les aliéner, et flatter les goûts et les passions du peuple sans rien perdre de sa dignité. Vers la fin de son consulat, lui, le premier magistrat de la République, lui qui se croyait au-dessus de tous, il se présenta comme simple soldat à la revue annuelle des chevaliers. L’effet momentané fut immense, lorsque les censeurs, assis sur leur tribunal, virent Pompée traverser la foule, précédé de tout l’appareil du pouvoir consulaire, et amener devant eux son cheval, qu’il tenait par la bride. La foule, silencieuse jusque-là, éclata en transports, saisie d’admiration à l’aspect d’un si grand homme se glorifiant d’être simple chevalier et se soumettant modestement aux prescriptions légales. Mais à la demande des censeurs, s’il avait fait toutes les campagnes exigées par la loi, il répondit : « Oui, je les ai toutes faites, n’ayant jamais eu que moi pour général[32]. » L’ostentation de la réponse montre que la démarche de Pompée était une fausse modestie, forme la plus insupportable de l’orgueil, suivant l’expression de Marc-Aurèle.


César questeur (686).

III. César ne dédaignait point non plus les cérémonies, mais il cherchait à leur donner une signification qui fît impression sur les esprits. L’occasion se présenta bientôt. Peu de temps après avoir été nommé questeur et admis au sénat, il perdit sa tante Julie et sa femme Cornélie, et s’empressa de faire de leur oraison funèbre une véritable manifestation politique[33]. C’était la coutume à Rome de prononcer l’éloge des femmes, mais seulement lorsqu’elles mouraient dans un âge avancé. César, en dérogeant à l’usage à l’égard de sa jeune femme, obtint l’approbation publique ; on y vit, selon Plutarque[34], une preuve de sensibilité et de douceur de mœurs ; mais on n’applaudissait pas seulement au sentiment de famille, on glorifiait bien plus l’inspiration de l’homme politique qui avait osé faire le panégyrique du mari de Julie, le célèbre Marius, dont l’image en cire, portée par l’ordre de César dans la procession funèbre, reparaissait pour la première fois depuis les proscriptions de Sylla[35].

Après avoir rendu les derniers devoirs à sa femme, il accompagna, en qualité de questeur, le préteur Antistius Vetus, envoyé dans l’Espagne ultérieure[36]. La Péninsule était alors divisée en deux grandes provinces : l’Espagne citérieure, appelée depuis Tarraconaise, et l’Espagne ultérieure, comprenant la Bétique et la Lusitanie[37]. Les limites des frontières, on le pense bien, n’étaient pas exactement déterminées, mais, à cette époque, on considérait comme telles entre ces deux provinces le saltus Castulonensis, qui répond aux sierras Nevada et Cazorla[38]. Au nord, la délimitation ne pouvait pas être plus précise, les Astures n’ayant point été encore complètement soumis. La capitale de l’Espagne ultérieure était Cordoue, où résidait le préteur[39].

Les villes principales, liées sans doute déjà entre elles par des routes militaires, formaient autant de centres de réunions générales, qui tenaient des assises pour le jugement des affaires. Ces réunions s’appelaient conventus civium romanorum[40], parce que les membres qui les composaient étaient des citoyens romains résidant dans le pays. Le préteur ou son délégué les présidait une fois par an[41]. Chaque province de l’Espagne en avait plusieurs. Au ier siècle de notre ère, il s’en trouvait trois pour la Lusitanie, et quatre pour la Bétique[42].

César, délégué du préteur, parcourut ces villes, présidant les assemblées et rendant la justice. Il se fit remarquer par son esprit de conciliation et d’équité[43], et montra aux Espagnols une vive sollicitude pour leurs intérêts[44]. Comme le caractère des hommes illustres se révèle dans les moindres actions, il n’est pas indifférent de signaler la reconnaissance que conserva César pour les bons procédés de Vetus. Plutarque nous apprend qu’une étroite union régna depuis constamment entre eux, et César s’empressa de nommer le fils de Vetus questeur, quand il fut lui-même élevé à la préture[45], aussi sensible à l’amitié qu’il fut plus tard oublieux des injures.

Cependant l’amour de la gloire et la conscience de ses hautes facultés le faisaient aspirer à un rôle plus important. Il en manifesta bientôt l’impatient désir, lorsqu’un jour il visita à Gadès, comme l’avaient fait jadis Annibal et Scipion[46], le fameux temple d’Hercule. À la vue de la statue d’Alexandre, il déplora en soupirant de n’avoir encore rien fait, à un âge où ce grand homme avait déjà soumis toute la terre[47]. En effet, César avait alors trente-deux ans, à peu près l’âge auquel mourut Alexandre. Ayant obtenu son rappel à Rome, il s’arrêta, à son retour, dans la Gaule transpadane[48] (687). Les colonies fondées dans cette contrée possédaient déjà le droit latin (jus Latii), que leur avait accordé Pompée Strabon, mais elles demandaient vainement le droit de cité romaine. La présence de César, déjà connu par ses opinions favorables aux provinces, excita une vive émotion parmi les habitants, qui voyaient en lui un représentant de leurs intérêts et de leur cause. L’enthousiasme fut tel, que le sénat, effrayé, se crut obligé de retenir quelque temps en Italie les légions destinées à l’armée d’Asie[49].

L’ascendant de Pompée durait toujours, quoique depuis son consulat il fût resté sans commandement, s’étant engagé, en 684, à n’accepter le gouvernement d’aucune province à l’expiration de sa magistrature[50] ; mais sa popularité commençait à inquiéter le sénat, tant il est dans l’essence de l’aristocratie de se défier de ceux qui s’élèvent et puisent leurs forces en dehors d’elle. C’était un motif de plus pour César de se lier davantage avec Pompée ; aussi le seconda-t-il de toute son influence, et, soit pour cimenter ce rapprochement, soit par inclination pour une personne belle et gracieuse, il épousa, peu de temps après son retour, Pompeia, parente de Pompée et petite-fille de Sylla[51]. Il était alors tout à la fois l’arbitre de l’élégance, l’espoir du parti démocratique, et le seul homme public dont les opinions et la conduite n’eussent jamais varié.


Loi Gabinia (687).

IV. La décadence d’un corps politique est évidente lorsque, au lieu de venir de son initiative prévoyante, les mesures les plus utiles à la gloire du pays sont provoquées par des hommes obscurs et souvent décriés, organes fidèles, mais flétris, de l’opinion publique. Ainsi les propositions faites à cette époque, loin d’être inspirées par le sénat, furent mises en avant par des individus peu considérés et imposées par l’attitude violente du peuple. La première eut rapport aux pirates qui, soutenus et encouragés par Mithridate, infestaient depuis longtemps les mers et ravageaient toutes les côtes ; une répression énergique était indispensable. Ces audacieux aventuriers, dont les guerres civiles avaient beaucoup accru le nombre, étaient devenus une véritable puissance. Partant de la Cilicie, leur centre commun, ils armaient des flottes entières et trouvaient un refuge dans les villes importantes[52]. Ils avaient pillé le port si fréquenté de Gaëte, osé descendre à Ostie et emmener les habitants en esclavage, coulé en pleine mer une flotte romaine sous les ordres d’un consul, et fait prisonniers deux préteurs[53]. Non-seulement des étrangers députés vers Rome, mais des ambassadeurs de la République, étaient tombés entre leurs mains, et elle avait subi la honte de les racheter[54]. Enfin les pirates interceptaient les arrivages de blé, indispensables à l’approvisionnement de la ville. Pour remédier à un état de choses si humiliant, le tribun du peuple Aulus Gabinius proposa de confier la guerre contre les pirates à un seul général, de lui donner pour trois ans des pouvoirs étendus, des forces considérables, et de placer plusieurs lieutenants sous ses ordres[55]. L’assemblée du peuple accepta à l’instant cette proposition, malgré le caractère peu estimé de son auteur, et le nom de Pompée fut dans toutes les bouches ; mais « les sénateurs, dit Dion-Cassius, auraient mieux aimé souffrir les plus grands maux de la part des pirates que d’investir Pompée d’un tel pouvoir[56] ; » peu s’en fallut qu’ils ne missent à mort, dans la curie même, le tribun auteur de la motion. À peine la multitude eut-elle connu l’opposition des sénateurs, qu’elle accourut en foule, envahit le lieu de la séance, et les eût massacrés s’ils ne se fussent soustraits à sa fureur[57].

Le projet de loi soumis aux suffrages du peuple, attaqué par Catulus et Q. Hortensius, énergiquement appuyé par César, est alors adopté, et l’on confère pour trois ans à Pompée l’autorité proconsulaire sur toutes les mers et sur toutes les côtes jusqu’à cinquante milles dans l’intérieur ; on lui accorde 6 000 talents (35 millions)[58], vingt-cinq lieutenants, et la faculté de prendre les vaisseaux et les troupes qu’il jugerait nécessaires. Les alliés, les étrangers et les provinces furent appelés à concourir à l’expédition. On équipa cinq cents navires, on leva cent vingt mille hommes d’infanterie et cinq mille chevaux. Le sénat sanctionna malgré lui les dispositions de cette loi, dont l’utilité fut si manifeste, qu’il suffit de sa publication pour faire à l’instant baisser le prix du blé dans toute l’Italie[59].

Pompée adopta un plan habile pour anéantir la piraterie. Il divisa les côtes de la Méditerranée, depuis les colonnes d’Hercule jusqu’à l’Hellespont, et les côtes méridionales de la mer Noire, en dix commandements séparés[60] ; à la tête de chacun de ces commandements, il mit un de ses lieutenants. Lui-même, se réservant la surveillance générale, se rendit en Cilicie avec le reste de ses forces. Ce vaste plan protégeait toutes les côtes, ne lassait aucun refuge aux pirates et permettait à la fois de détruire leur flotte et de les atteindre dans leurs repaires. En trois mois Pompée rétablit la sécurité des mers, s’empara de mille châteaux ou places fortes, détruisit trois cents villes, prit huit cents navires et fit vingt mille prisonniers, qu’il transféra dans l’intérieur des terres de l’Asie, où il les employa à la fondation d’une ville qui reçut le nom de Pompéiopolis[61].


Loi Manilia (688).

V. À ces nouvelles, l’enthousiasme redoubla pour Pompée, alors dans l’île de Crète, et l’on songea à remettre entre ses mains le sort d’une autre guerre. Quoique Lucullus eût obtenu de brillants succès contre Mithridate et Tigrane, sa position militaire en Asie commençait à être compromise. Il avait éprouvé des revers, l’insubordination régnait parmi ses soldats ; sa sévérité excitait leurs plaintes, et la nouvelle de l’arrivée des deux proconsuls de Cilicie, Acilius Glabrion et Marcius Rex, désignés pour commander une partie des provinces jusque-là sous ses ordres, avait affaibli le respect de son autorité[62]. Ces circonstances déterminèrent Manilius, tribun du peuple, à faire la proposition de donner à Pompée le gouvernement des provinces confiées à Lucullus, en y joignant la Bithynie, et en lui conservant le pouvoir qu’il exerçait déjà sur toutes les mers. « C’était, dit Plutarque, soumettre à un seul homme tout l’empire romain et priver Lucullus des fruits de ses victoires[63]. » Jamais, en effet, on n’avait conféré une telle puissance à un citoyen, ni au premier Scipion pour abattre Carthage, ni au second pour détruire Numance. Le peuple s’habituait de plus en plus à considérer la concentration des pouvoirs dans une seule main comme l’unique moyen de salut. Le sénat, taxant ces propositions d’ingratitude, les combattit avec force ; Hortensius prétendait que si l’on devait confier toute l’autorité à un homme, personne n’en était plus digne que Pompée, mais qu’il ne fallait pas accumuler sur un seul tant d’autorité[64]. Catulus s’écriait que c’en était fait de la liberté, et que dorénavant, pour en jouir, on serait forcé de se retirer dans les bois et sur les montagnes[65]. Cicéron, au contraire, inaugurait son entrée au sénat par un magnifique discours qui nous a été conservé ; il montrait que l’intérêt bien entendu de la République obligeait de remettre le soin de cette guerre à un capitaine dont les hauts faits passés, la modération, l’intégrité, répondaient de l’avenir. « Tant d’autres généraux, disait-il en terminant, ne partent pour une expédition qu’avec l’espoir de s’enrichir ! L’ignorent-ils, ceux qui pensent qu’il ne faut point déférer tous les pouvoirs à un seul homme, et ne voyons-nous pas que ce qui rend Pompée si grand, ce ne sont pas seulement ses vertus, mais les vices des autres[66] ? » Quant à César, il seconda de tous ses moyens les efforts de Cicéron[67] pour l’adoption de la loi, qui, soutenue par le sentiment public et soumise aux suffrages des tribus, fut adoptée à l’unanimité.

Certes, Lucullus avait bien mérité de la patrie, et il était cruel de lui enlever la gloire de terminer une guerre qu’il avait heureusement commencée[68] ; mais le succès définitif de la campagne exigeait son remplacement, et l’instinct du peuple ne s’y trompait pas. Souvent, dans les occasions difficiles, il voit plus juste qu’une assemblée, préoccupée d’intérêts de caste ou de personnes, et les événements lui donnèrent bientôt raison.

Lucullus avait annoncé à Rome la fin de la guerre ; Mithridate cependant était loin d’être abattu. Cet ennemi acharné des Romains, qui continuait la lutte depuis vingt-quatre années, et que la mauvaise fortune n’avait pu décourager, ne voulait traiter, malgré ses soixante-quatre ans et de récents revers, qu’à des conditions inacceptables pour les Romains. La renommée de Pompée n’était donc pas inutile contre un pareil adversaire. Son ascendant pouvait seul ramener la discipline dans l’armée et intimider les ennemis. En effet, sa présence suffit pour rétablir l’ordre et retenir sous les drapeaux les vieux soldats, qui avaient obtenu leurs congés et voulaient rentrer dans leurs foyers[69] ; ils formaient l’élite de l’armée, et étaient connus sous le nom de Valériens[70]. D’un autre côté, Tigrane, instruit de l’arrivée de Pompée, abandonna le parti de son beau-père, déclarant que ce général était le seul auquel il se serait rendu[71], tant le prestige d’un homme, dit Dion-Cassius, l’emporte sur celui d’un autre[72].

Manilius demanda aussi le rappel de la loi de Caius Gracchus, en vertu de laquelle la centurie prérogative, au lieu d’être tirée au sort dans les premières classes des tribus, était prise indistinctement dans toutes les classes, ce qui faisait disparaître, dans les élections, les distinctions de rang et de fortune et privait les plus riches de leurs privilèges électoraux[73].

C’étaient ordinairement, on le voit, les tribuns du peuple qui, obéissant à l’inspiration de grands personnages, prenaient l’initiative des mesures les plus populaires. Mais la plupart, sans désintéressement ni modération, compromettaient souvent, par leur intempestive ardeur ou leurs opinions subversives, ceux qui avaient recours à leurs services. Manilius reprit tout à coup, en 688, une question qui causait toujours une grande agitation à Rome : c’était l’émancipation politique des affranchis. Il fit adopter par surprise le rappel de la loi Sulpicienne, qui donnait le vote aux affranchis en les distribuant dans les trente-cinq tribus, et prétendit qu’il avait le consentement de Crassus et de Pompée. Mais le sénat révoqua la loi quelque temps après son adoption, d’accord en cela avec les chefs du parti populaire, qui ne la croyaient pas réclamée par l’opinion publique[74].


César édile curule (689).

VI. Tandis que toutes les faveurs semblaient s’accumuler sur l’idole du moment, César, resté à Rome, avait été nommé inspecteur (curator}) de la voie Appienne (687)[75]. L’entretien des routes attirait à ceux qui s’en chargeaient avec désintéressement une grande popularité : celle de César y gagna d’autant plus, qu’il contribua largement à la dépense, et y compromit même sa fortune.

Deux ans après (689), nommé édile curule avec Bibulus, il déploya une magnificence qui excita les acclamations de la foule, toujours avide de spectacles. La place nommée Comitium, le Forum, les basiliques, le Capitole même, furent décorés avec luxe. Des portiques provisoires s’élevèrent, sous lesquels il exposa une foule d’objets précieux[76]. Ces dépenses n’étaient point insolites ; depuis le triomphe du dictateur Papirius Cursor, tous les édiles avaient l’habitude de contribuer à l’embellissement du Forum[77]. César fit célébrer avec la plus grande pompe les jeux romains, la fête de Cybèle, et donna les plus beaux spectacles qu’on eût vus jusqu’alors de bêtes sauvages et de gladiateurs[78]. Le nombre des combattants s’éleva, selon Plutarque, jusqu’à trois cent vingt couples, expression méprisante, qui prouve le peu de cas qu’on faisait de la vie de ces hommes. Cicéron, écrivant à Atticus, en parle comme nous parlerions aujourd’hui de chevaux de course[79] ; et le grave Atticus avait lui-même des gladiateurs, ainsi que la plupart des grands personnages de son temps. Ces jeux sanglants, qui nous paraissent si inhumains, conservaient encore le caractère religieux qu’ils avaient eu exclusivement dans le principe ; on les célébrait en l’honneur des morts[80] ; César les donnait comme un sacrifice à la mémoire de son père, et y déployait un luxe inaccoutumé[81]. Le nombre des gladiateurs qu’il réunit effraya le sénat, et, à l’avenir, il fut défendu de dépasser un certain chiffre. Bibulus, son collègue, était, il est vrai, de moitié dans les dépenses ; le public cependant rapportait à César tout le mérite de ce déploiement fastueux des devoirs de leur charge. Aussi Bibulus disait-il qu’il en était de lui comme du temple de Castor et Pollux, lequel, dédié aux deux frères, n’était jamais appelé que temple de Castor[82].

Les grands ne voyaient dans la somptuosité de ces jeux qu’une vaine ostentation, un désir frivole de briller ; ils se félicitaient de la prodigalité de l’édile, et présageaient dans sa ruine prochaine un terme à son influence ; mais César, en dépensant des millions pour amuser la foule, ne faisait pas de cet enthousiasme passager le seul point d’appui de sa popularité ; il l’établissait sur une base plus solide, en réveillant dans le peuple des souvenirs de gloire et de liberté.

Non content d’avoir contribué à plusieurs mesures réparatrices, d’avoir gagné Pompée à ses opinions, et tenté une première fois de faire revivre la mémoire de Marius, il voulut, par une manifestation éclatante, sonder l’opinion publique. Au moment où la splendeur de son édilité produisait sur la foule l’impression la plus favorable, il fit rétablir secrètement les trophées de Marius autrefois renversés par Sylla, et donna l’ordre de les placer pendant la nuit au Capitole[83]. Le lendemain, quand on vit ces images étincelantes d’or, ciselées avec un art infini et ornées d’inscriptions qui rappelaient les victoires remportées sur Jugurtha, sur les Cimbres et sur les Teutons, les grands se mirent à murmurer, blâmant César d’oser ressusciter des emblèmes séditieux et des souvenirs proscrits ; mais les partisans de Marius accoururent en grand nombre au Capitole, faisant retentir ses voûtes sacrées de leurs acclamations. Beaucoup versaient des larmes d’attendrissement en voyant les traits vénérés de leur ancien général, et proclamaient César le digne successeur de ce grand capitaine[84].

Inquiet de ces démonstrations, le sénat s’assembla, et Lutatius Catulus, dont le père avait été une des victimes de Marius, accusa César de vouloir renverser la République, « non plus secrètement par la mine, mais ouvertement, en la battant en brèche[85]. » César repoussa cette attaque, et ses partisans, heureux de ce succès, s’écriaient à l’envi « qu’il l’emporterait sur tous ses rivaux, et qu’avec l’appui du peuple il occuperait le premier rang dans la République[86]. » Désormais le parti populaire avait un chef.

Le temps de son édilité expiré, César sollicita la mission d’aller transformer l’Égypte en province romaine[87]. Il s’agissait de faire exécuter un testament du roi Ptolémée Alexas ou Alexandre[88], qui, à l’exemple d’autres rois, avait laissé ses États au peuple romain. Mais l’existence du testament était révoquée en doute[89], et il semble que le sénat[90] recula devant la prise de possession d’une si riche contrée, craignant, comme plus tard Auguste, de rendre trop puissant le proconsul qui la gouvernerait. La mission de réduire l’Égypte en province romaine était brillante et fructueuse. Elle eût donné à ceux qui en auraient été chargés un pouvoir militaire étendu et la disposition de grandes ressources. Crassus se mit aussi sur les rangs ; mais, après de longs débats, le sénat fit échouer les prétentions rivales[91].

Vers le même temps, alors que Crassus s’efforçait de faire admettre les habitants de la Gaule transpadane aux droits de citoyens romains, le tribun du peuple Caius Papius fit adopter une loi pour l’expulsion de Rome de tous les étrangers[92]. Or, dans leur orgueil, les Romains qualifiaient ainsi ceux qui n’étaient pas Latins d’origine[93]. Cette mesure devait surtout atteindre les Transpadans, dévoués à César, qui avait déjà promis de leur faire accorder le titre de citoyens, qu’on leur refusait. On craignait qu’ils ne s’introduisissent dans les comices, car depuis l’émancipation des Italiotes il était difficile de distinguer ceux qui avaient le droit de voter, puisque souvent même les esclaves participaient frauduleusement aux élections[94].


César judex quæstionis (690).

VII. César reprit bientôt la lutte politique engagée au début de sa carrière contre les instruments encore vivants de l’oppression des temps passés. Il ne négligea aucune occasion d’appeler sur eux les rigueurs de la justice ou la flétrissure de l’opinion.

La longue durée des troubles civils avait donné naissance à une espèce de malfaiteurs appelés sicarii[95], commettant toute sorte de meurtres et de brigandages. Dès 674, Sylla avait rendu contre eux un édit sévère, qui exceptait toutefois les exécuteurs de ses vengeances soldés par le trésor[96]. Ces derniers étaient en butte à l’animadversion publique, et, quoique Caton eût obtenu la restitution des sommes allouées comme prix de la tête des proscrits[97], personne n’avait encore osé les traduire en justice[98]. César, malgré la loi de Sylla, les mit en accusation.

Sous sa présidence, en qualité de judex quæstionis, L. Luscius, qui, par ordre du dictateur, avait fait périr trois proscrits, et L. Bellienus, oncle de Catilina et meurtrier de Lucretius Ofella, furent mis en jugement et condamnés[99]. Catilina, accusé à l’instigation de L. Lucceius, orateur et historien, ami de César, pour avoir tué le célèbre M. Marius Gratidianus, fut absous[100].


Conspirations contre le Sénat (690).

VIII. Tandis que César s’efforçait de réagir légalement contre le système de Sylla, un autre parti, composé d’ambitieux et de mécontents perdus de dettes, tentait depuis longtemps d’arriver au pouvoir par les complots. De ce nombre avaient été, dès 688, Cn. Pison, P. Sylla, P. Autronius et Catilina. Ces hommes, avec des antécédents divers et des qualités différentes, étaient également décriés, et cependant ils ne manquaient pas d’adhérents dans la classe inférieure, dont ils flattaient les passions ; dans la classe élevée, dont ils servaient la politique ou les rancunes. P. Sylla et Autronius, après avoir été désignés consuls en 688, avaient été rayés pour brigue de la liste du sénat. La rumeur publique mêla à leurs sourdes manœuvres les noms de Crassus et de César ; mais était-il probable que ces deux hommes, dans des positions si opposées, et même divisés entre eux, se fussent entendus pour entrer dans un complot vulgaire ; et n’était-ce pas une nouvelle inconséquence de la calomnie d’associer dans la même conspiration César, à cause de ses immenses dettes, et Crassus, à cause de ses immenses richesses ?

Remarquons, d’ailleurs, que chacune des factions qui s’agitaient alors devait chercher à compromettre, pour se l’approprier, un personnage tel que César, en évidence par son nom, sa générosité et son courage.

Une affaire restée obscure, mais qui fit alors grand bruit, montra le progrès des idées de désordre. Un des conjurés, Cn. Pison, avait pris part aux tentatives d’assassinat contre les consuls Cotta et Torquatus ; il obtint pourtant, par le crédit de Crassus, d’être envoyé comme questeur pro prætore dans l’Espagne citérieure ; le sénat, pour s’en débarrasser, ou dans le douteux espoir de trouver en lui un appui contre Pompée, dont la puissance commençait à paraître redoutable, avait consenti à lui accorder cette province. Mais, en 691, à son arrivée en Espagne, il fut tué par son escorte, d’autres disent par de secrets émissaires de Pompée[101]. Quant à Catilina, il n’était pas homme à fléchir sous le poids des malheurs de ses amis ou de ses propres échecs ; il mit une nouvelle ardeur à braver les périls d’une conjuration et à poursuivre les honneurs du consulat. C’était pour le sénat l’adversaire le plus dangereux. César appuyait sa candidature. Dans un esprit d’opposition évident, il soutenait tout ce qui pouvait nuire à ses ennemis et favoriser un changement de système. D’ailleurs tous les partis étaient contraints de transiger avec ceux qui jouissaient de la faveur populaire. Les grands acceptèrent comme candidat C. Antonius Hybrida, homme sans valeur, capable seulement de se vendre et de trahir[102]. Cicéron, en 690, avait promis à Catilina de le défendre[103], et, une année auparavant, le consul Torquatus, un des chefs les plus estimés du sénat, plaida pour le même individu, accusé de concussion[104].


Difficulté de constituer un parti nouveau.

IX. On le voit, le malheur des temps obligeait les hommes les plus considérables à compter avec ceux que leurs antécédents semblaient vouer au mépris.

Aux époques de transition, et c’est là l’écueil, lorsqu’il faut choisir entre un passé glorieux et un avenir inconnu, les hommes audacieux et sans scrupules se mettent seuls en avant ; les autres, plus timides et esclaves de préjugés, restent dans l’ombre ou font obstacle au mouvement qui entraîne la société dans de nouvelles voies. C’est toujours un grand mal pour un pays en proie aux agitations quand le parti des honnêtes gens ou celui des bons, comme l’appelle Cicéron, n’embrasse pas les idées nouvelles pour les diriger en les modérant. De là des divisions profondes. D’un côté, des gens souvent sans aveu s’emparent des passions bonnes ou mauvaises de la foule ; de l’autre, les gens honorables, immobiles ou hargneux, s’opposent à tout progrès et suscitent par leur résistance obstinée des impatiences légitimes et des violences regrettables. L’opposition de ces derniers a le double inconvénient de laisser le champ libre à ceux qui valent moins qu’eux et d’entretenir le doute dans l’esprit de cette masse flottante qui juge les partis bien plus par l’honorabilité des hommes que par la valeur des idées.

Ce qui se passait alors à Rome en offre un exemple frappant. N’était-il pas juste, en effet, qu’on hésitât à préférer à la faction qui avait à sa tête des personnages illustres tels qu’Hortensius, Catulus, Marcellus, Lucullus et Caton, celle qui comptait pour soutiens des individus tels que Gabinius, Manilius, Catilina, Vatinius et Clodius ? Quoi de plus légitime, aux yeux des descendants des anciennes familles, que cette résistance à tout changement et cette disposition à considérer toute réforme comme une utopie et presque comme un sacrilège ? Quoi de plus logique pour eux que d’admirer la fermeté d’âme de Caton, qui, jeune encore, se laisse menacer de mort plutôt que d’admettre la possibilité de devenir un jour le défenseur de la cause des alliés réclamant les droits de citoyens romains[105] ? Comment ne pas comprendre les sentiments de Catullus et d’Hortensius défendant avec obstination les privilèges de l’aristocratie et manifestant leurs craintes devant cet entraînement général à concentrer les pouvoirs dans les mains d’un seul ?

Et cependant la cause soutenue par de tels hommes était condamnée à périr comme toute chose qui a fait son temps. Malgré leurs vertus, ils n’étaient qu’un obstacle de plus à la marche régulière de la civilisation, parce qu’il leur manquait les qualités les plus essentielles dans les temps de révolution, la juste appréciation des besoins du moment et des problèmes de l’avenir. Au lieu de chercher ce qu’on pouvait sauver du naufrage de l’ancien régime venant se briser contre un écueil redoutable, la corruption des mœurs politiques, ils se refusaient à admettre que les institutions auxquelles la République avait dû sa grandeur amenassent alors sa décadence. Effrayés de toute innovation, ils confondaient dans le même anathème les entreprises séditieuses de quelques tribuns et les justes réclamations des peuples. Mais leur influence était si considérable, et des idées consacrées par le temps ont un tel empire sur les esprits, qu’ils eussent encore empêché le triomphe de la cause populaire, si César, en se mettant à sa tête, ne lui eût donné un nouvel éclat et une force irrésistible. Un parti, comme une armée, ne peut vaincre qu’avec un chef digne de le commander, et tous ceux qui, depuis les Gracques, avaient arboré l’étendard des réformes, l’avaient souillé dans le sang et compromis dans les émeutes. César le releva et le purifia. Pour constituer son parti, il recourut quelquefois, il est vrai, à des agents peu estimables ; le meilleur architecte ne peut bâtir qu’avec les matériaux qu’il a sous la main ; mais sa constante préoccupation fut de s’associer les hommes les plus recommandables, et il n’épargna aucun effort pour s’adjoindre tour à tour Pompée, Crassus, Cicéron, Servilius Cæpion, Q. Fufius Calenus, Serv. Sulpicius et tant d’autres.

Dans les moments de transition, lorsque le vieux système est à bout et que le nouveau n’est point assis, la plus grande difficulté ne consiste pas à vaincre les obstacles qui s’opposent à l’avènement d’un régime appelé par les vœux du pays, mais à l’établir solidement, en le fondant sur le concours d’hommes honorables, pénétrés des idées nouvelles et fermes dans leurs principes.

  1. « La République, pour ainsi dire blessée et malade, avait besoin de repos, n’importe à quel prix. » (Salluste, Fragments, I, 68.)
  2. « Nous voyons jusqu’où vont la jalousie et l’animosité qu’allument dans le cœur de certains nobles la vertu et l’activité des hommes nouveaux. Pour peu que nous détournions les yeux, que de pièges ils nous tendent !… On dirait qu’ils sont d’une autre nature, d’une autre espèce, tant leurs sentiments et leurs volontés sont en opposition avec les nôtres. » (Cicéron, Deuxième action contre Verrès, V, 71.) — « La noblesse se transmettait de main en main cette dignité suprême (le consulat), dont elle était exclusivement en possession. Tout homme nouveau, quels que fussent sa renommée et l’éclat de ses actions, paraissait indigne de cet honneur ; il était comme souillé par la tache de sa naissance. » (Salluste, Jugurtha, lxiii.)
  3. Salluste, Catilina, lii.
  4. Plutarque, Lucullus, ix.
  5. Cicéron, Première action contre Verrès, 8, 9, 12 ; Deuxième action, I, 29. — Pseudo-Asconius, Sur la première action contre Verrès, p. 145, éd. Orelli. Les discours de Cicéron sont remplis d’allusions à ces agents pour l’achat des votes et des juges.
  6. « Dans ces dernières années, des hommes qui font métier d’intriguer dans les élections sont parvenus, à force de soins et d’adresse, à se faire accorder par les citoyens de leurs tribus tout ce qu’ils pourraient leur demander. Tâchez, par quelque moyen que ce soit, d’obtenir que ces hommes vous servent sincèrement et avec la ferme volonté de réussir. Vous l’obtiendriez si l’on était aussi reconnaissant qu’on doit l’être ; et vous l’obtiendrez, j’en suis assuré, car, depuis deux ans, quatre sociétés des plus influentes dans les élections, celles de Marcus Fundanius, de Quintus Gallius, de Gaius Cornelius et de Gaius Orcivius, se sont engagées avec vous. J’étais présent lorsqu’on vous confia les causes de ces hommes, et je sais ce qui vous a été promis et quelles garanties vous ont été données par leurs associés. » (Sur la pétition au Consulat adressée à Cicéron par son frère Quintus, v.)
  7. Cicéron, Première action contre Verrès, 13.
  8. « Toutes les cités des peuples soumis ont un patron à Rome. » (Appien, Guerres civiles, II, iv.)
  9. Cicéron, Deuxième action contre Verrès, III, 89. Cicéron ajoute dans une lettre : « On peut juger, par les souffrances de nos propres concitoyens, de ce que les habitants des provinces ont à endurer de la part des fermiers publics. Lorsqu’on supprima plusieurs péages en Italie, les réclamations s’adressaient moins au principe de l’impôt qu’aux abus de la perception, et les cris des Romains sur le sol de la patrie ne disent que trop ce que doit être le sort des alliés aux extrémités de l’empire. » (Lettres à Quintus, I, i-ii.)
  10. Dion-Cassius, lxxxvi, Fragm. ccci, éd. Gros.
  11. Cicéron, Des Devoirs, II, 17. — Lettres à Quintus, II, vi. — Plutarque, Brutus, xiv.
  12. Florus, III, xxi.
  13. « Le nom de C. Marius, de ce grand homme que nous pouvons à juste titre appeler le père de la patrie, le régénérateur de notre liberté, le sauveur de la République. » (Cicéron, Discours pour Rabirius, x.) « J’en ai pour garant votre indignation contre Sylla. » (Dion-Cassius, XXXVI, xvii, Discours de Catulus au Sénat.) « Où trouverait-on un personnage (Marius) plus grave, plus ferme, plus distingué par son courage, sa circonspection, sa conscience ? » (Cicéron, Discours pour Balbus, xx.) « Non-seulement nous subissons ses actes (de Sylla), mais, pour prévenir de pires inconvénients, de plus grands maux, nous leur donnons la sanction de l’autorité publique. » (Cicéron, Deuxième action contre Verrès, III, 35.)
  14. Plutarque, César, vi.
  15. Plutarque, Pompée, xii.
  16. Pompée fit tuer Carbon, Perpenna et Brutus, le père de l’assassin de César, qui s’étaient rendus à lui ; le premier avait protégé sa jeunesse et sauvé son patrimoine. (Valère Maxime, V, iii, 5.)
  17. Cte Franz de Champagny, Les Césars, t. Ier, p. 50.
  18. « Il était dans son caractère de témoigner peu d’empressement pour ce qu’il ambitionnait. » (Dion-Cassius, XXXVI, vii.) « Pompée, au cœur aussi pervers que son visage était modeste. » (Salluste, Fragm. II, 176.)
  19. « Enfin, lorsque Pompée, haranguant pour la première fois le peuple aux portes de la ville, en qualité de consul désigné, vint à traiter le point qui semblait devoir, être le plus vivement attendu, et fit comprendre qu’il rétablirait la puissance tribunitienne, il fut accueilli par un léger bruit, un léger murmure d’assentiment ; mais quand il ajouta que les provinces étaient dévastées et opprimées, les tribunaux flétris, les juges sans pudeur, qu’il voulait veiller à ces abus et y mettre ordre, alors ce ne fut pas par un simple murmure, mais par des acclamations unanimes, que le peuple témoigna ses désirs. » (Cicéron, Première action contre Verrès, 15.)
  20. Catulus, à qui on demandait son avis sur le rétablissement de la puissance tribunitienne, commença par ces paroles pleines d’autorité : « Les pères conscrits administrent mal et scandaleusement la justice ; et s’ils eussent, dans les tribunaux, voulu répondre à l’attente du peuple romain, la puissance des tribuns n’aurait pas été si vivement regrettée. » (Cicéron, Première action contre Verrès, 15.)
  21. « Ses ennemis n’eurent plus à lui reprocher que la préférence qu’il donnait au peuple sur le sénat. » (Plutarque, Pompée, xx.)
  22. « Il seconda de tout son pouvoir ceux qui voulurent rétablir la puissance tribunitienne. » (Suétone, César, v.)
  23. 7 100 talents. (Plutarque, Crassus, i.)
  24. Plutarque, Crassus, ii. — Cicéron, Des Devoirs, I, viii.
  25. Plutarque, Crassus, vii.
  26. Plutarque, Crassus, viii.
  27. Plutarque, Crassus, viii.
  28. Plutarque, Crassus, i et xvi.
  29. « Cotta judicandi munus, quod C. Gracchus ereptum senatui, ad equites, Sylla ab illis ad senatum transtulerat, æqualiter inter utrumque ordinem partitus est. » (Velleius Paterculus, II, xxxii.)
  30. « Equidem mihi videor pro nostra necessitate, non labore, non opera, non industria defuisse. » (Certes, je crois avoir déployé tout le zèle, tous les efforts, toute l’habileté que réclamait notre parenté.) César cité par Aulu-Gelle, XIII, iii. — Nonius Marcellus, De la signification diverse des mots, au mot Necessitas.
  31. Salluste, Fragments, I, 68.
  32. Plutarque, Pompée, xxi
  33. Plutarque, César, v. — Suétone, César, vi.
  34. Plutarque, César, v.
  35. Les images d’Énée, de Romulus et des rois d’Albe la Longue figuraient aussi aux convois funèbres de la famille Julia. (Tacite, Annales, IV, ix.)
  36. Plutarque, César, v. — Velleius Paterculus, II, xliii.
  37. Cicéron, Discours pour la loi Manilia, xii ; — pour Fonteius, ii.
  38. César, Guerre civile, I, xxxviii.
  39. « Sextus Pompeius Cordubam tenebat, quod ejus provinciæ caput esse existimabatur. » (César, Guerre d’Espagne, iii.) — Plutarque, César, xvii.
  40. Cicéron, Deuxième action contre Verrès, II, 13. — Paul Diacre, au mot Conventus, Müller, p. 41.
  41. Cicéron, Deuxième action contre Verrès, II, 20, 24, 30 ; IV, 29 ; — Lettres familières, XV, iv.
  42. Pline, Histoire naturelle, III, i, et IV, xxxv. Les trois conventus de la Lusitanie se tenaient à Emerita, Pax Julia, aujourd’hui Béja, et à Scalabis ; les quatre de la Bétique étaient Gades, Corduba, Astigi, Hispalis, aujourd’hui Cadix, Cordoue, Ecija et Séville.
  43. Dion-Cassius, XLIV, xxxix, xli.
  44. « Dès le commencement de ma questure j’ai témoigné à cette province une affection particulière ». (Discours de César aux Espagnols, à Hispalis, Commentaires, Guerre d’Espagne, xlii.)
  45. Plutarque, César, v.
  46. Tite-Live, XXI, xxi. — Florus, II, xvii.
  47. Plutarque, Parallèle d’Alexandre et de César, v. — Suétone, César, vii.
  48. Suétone, César, viii.
  49. Suétone, César, viii.
  50. Velleius Paterculus, II, xxxi.
  51. Fille de Q. Pompeius Rufus et de Fausta, fille de Sylla. — Plutarque, César, v. — Suétone, César, vi.
  52. Les vaisseaux des corsaires montaient à plus de mille, et les villes dont ils s’étaient emparés à quatre cents. (Plutarque, Pompée, xxiii.)
  53. Plutarque, Pompée, xxiv.
  54. Cicéron, Discours pour la loi Manilia, xii.
  55. « Aulus Gabinius était un très-mauvais citoyen, nullement inspiré par l’amour du bien public. » (Dion-Cassius, XXXVI, vi.)
  56. Dion-Cassius, XXXVI, vii.
  57. Plutarque, Pompée, xxvi.
  58. Dion-Cassius, XXXVI, xx. — Appien, Guerre de Mithridate, xciv.
  59. Plutarque, Pompée, xxvii. « Le jour même où vous mîtes sous ses ordres vos armées navales, le prix du blé, alors excessif, tomba tout à coup si bas, que la plus riche récolte, au milieu d’une longue paix, aurait produit à peine une si heureuse abondance. » (Cicéron, Sur la loi Manilia, xv.)
  60. Florus et Appien ne s’accordent pas complètement sur la division de ces commandements. (Appien, Guerre de Mithridate, xcv. — Florus, III, vi.)
  61. Velleius Paterculus, II, xxxii. — Plutarque, Pompée, xxix.
  62. Dion-Cassius, XXXV, xiv et xv.
  63. Plutarque, Pompée, xxxi.
  64. Cicéron, Discours pour la loi Manilia, xvii.
  65. Plutarque, Pompée, xxxi.
  66. Cicéron, Discours pour la loi Manilia, xxiii.
  67. Dion-Cassius, XXXVI, xxvi. — Plutarque, Lucullus, l, lii.
  68. « Le tribun Manilius, âme vénale et lâche instrument de l’ambition des autres. » (Velleius Paterculus, II, xxxiii.)
  69. « Quant aux Valérien, informés que les magistrats de Rome leur avaient accordé leurs congés, ils abandonnèrent tout à fait les drapeaux. » (Dion-Cassius, XXXV, xv.)
  70. On appelait Valériens les soldats de Valerius Flaccus qui, passés sous le commandement de Fimbria, avaient abandonné en Asie leur général pour se joindre à Sylla. « Ces mêmes soldats, sous les ordres de Pompée (car il enrôla de nouveau les Valérien), ne songèrent même pas à se révolter, tant un homme l’emporte sur un autre. » (Dion-Cassius, XXXV, xvi.)
  71. « Il n’y avait point de honte, disait-il, à se soumettre à celui que la fortune élevait au-dessus de tous les autres. » (Velleius Paterculus, II, xxxvii.)
  72. Dion-Cassius, XXXV, xvi.
  73. Cela ressort d’un passage de Cicéron, comparé à un autre de Salluste. En effet, Cicéron, dans son Discours pour Murena (xxiii), s’exprime ainsi : « Confusionem suffragiorum flagitasti, prorogationem legis Maniliæ, æquationem gratiæ, dignitatis, suffragiorum. » Il est clair que Cicéron ne pouvait pas faire allusion à la loi Manilia sur les affranchis, mais à celle de Caius Gracchus, puisque Salluste emploie, à propos de cette loi, à peu près les mêmes termes, en disant : « Sed de magistratibus creandis haud mihi quidem absurde placet lex, quam C. Gracchus in tribunatu promulgaverat : ut ex confusis quinque classibus sorte centuriæ vocarentur. Ita coæquati dignitate pecunia, virtute anteire alius alium properabit. » (Salluste, Lettres à César, vii.)
  74. Dion Cassius, III, xxxvi, xl.
  75. Plutarque, César, v.
  76. Suétone, César, x. — Plutarque, César, v.
  77. Tite-Live, IX, xl.
  78. Dion-Cassius, XXXVII, viii.
  79. « Les gladiateurs que vous avez achetés sont une très-belle acquisition. On dit qu’ils sont très-bien exercés, et si vous les aviez voulu louer dans les deux dernières occasions, vous auriez retiré ce qu’ils vous ont coûté. » (Cicéron, Lettres à Atticus, IV, iv.)
  80. Servius, Commentaire sur le livre III, vers 67, de l’Énéide. — Tertullien, Sur les spectacles, v. — Tite-Live, XXIII, xxx ; XXIX, xlvi. — Valère Maxime, II, iv, § 7.
  81. « Quand César, depuis dictateur, mais alors édile, donna des jeux funèbres en l’honneur de son père, tout ce qui devait servir dans l’arène était d’argent ; des lances d’argent brillaient dans les mains des criminels, et perçaient les bêtes farouches, exemples qu’imitent maintenant de simples villes municipales. » (Pline, Histoire naturelle, XXXIII, iii.)
  82. Suétone, César, x.
  83. Suétone, César, xi.
  84. Plutarque, César, vi.
  85. Plutarque, César, vi.
  86. Plutarque, César, vi.
  87. Suétone, César, xi. — Cicéron, Premier discours sur la loi agraire, i, 16.
  88. Justin, xxxix, 5. — Scholiaste de Bobbio, sur le Discours de Cicéron « De rege Alexandrino », p. 350, éd. Orelli.
  89. Cicéron, Deuxième discours contre la loi agraire, xvi.
  90. « Auguste, parmi d’autres maximes d’État, s’en fit une de séquestrer l’Égypte, en défendant aux sénateurs et aux chevaliers romains du premier rang d’y aller jamais sans sa permission. Il craignait que l’Italie ne fût affamée par le premier ambitieux qui s’emparerait de cette province, où, tenant les clefs de la terre et de la mer, il pourrait se défendre, avec très-peu de soldats, contre de grandes armées. » (Tacite, Annales, II, lix.)
  91. Suétone, César, xi.
  92. Dion-Cassius, XXXVII, ix.
  93. « Vous me qualifiez d’étranger parce que je sors d’une ville municipale. Si vous nous regardez comme des étrangers, quoique déjà notre nom et notre rang soient bien assez établis dans Rome et dans l’opinion publique, combien donc, à vos yeux, doivent-ils être des étrangers ces compétiteurs, l’élite de l’Italie, qui viennent de tous côtés vous disputer les magistratures et les honneurs ? » (Cicéron, Discours pour P. Sylla, viii.)
  94. Voyez Drumann, Julii, 147.
  95. J. Paul, Sentences, V, 4, p. 417, éd. Huschke. — Justinien, Institutes, IV, xviii, § 5. — Ulpien, Sur l’office du proconsul, vii.
  96. « Puis dans l’instruction dirigée contre les sicaires, et les exceptions proposées par la loi Cornelia, il rangea parmi ces malfaiteurs ceux qui, pendant la proscription, avaient reçu de l’argent du trésor public pour avoir rapporté à Sylla les têtes des citoyens romains. » (Suétone, César, xi.)
  97. Plutarque, Caton, xxi. — Dion-Cassius, XLVII, vi.
  98. Cicéron, Troisième discours sur la loi agraire, iv.
  99. Dion-Cassius, XXXVII, x. — Asconius, Commentaire sur le discours de Cicéron « In toga candida, » p. 91, 92, éd. Orelli.
  100. Asconius, « In toga candida, » p. 91.
  101. Salluste, Catilina, xix.
  102. Plutarque, Cicéron, xv.
  103. « Je me prépare en ce moment à défendre Catilina, mon compétiteur. J’espère, si j’obtiens son acquittement, le trouver disposé à s’entendre avec moi sur nos démarches ; s’il en est autrement, je prendrai mon parti. » (Cicéron, Lettres à Atticus, I, ii.)
  104. Cicéron, Pour P. Sylla, xxix, 81.
  105. Plutarque, Caton, iii.