Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 274

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Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 382-383).


M Mowbray, à M Lovelace.

mercredi à midi. Lovelace, je t’apprends une nouvelle qui n’est pas trop plaisante. Miss Harlove est partie, tout-à-fait partie, sur ma foi ! Ton courrier ne me laisse pas le temps de te faire des détails ; et quand il me presserait moins, on n’a point encore approfondi l’affaire. Les femmes de la maison font un bruit enragé, rejetant le mal l’une sur l’autre avec une fureur extrême, tandis que Belton et moi nous les donnons toutes au diable en ton nom. Si tu apprenais que ton coquin de Will eût été tiré mort de quelque abreuvoir, et qu’on eût trouvé Dorcas pendue avec sa jarretière à la quenouille de son lit, que cela ne te surprenne point. Je ne vois de tranquille que le brave Belford, qui reçoit les dépositions, les accusations, les confessions, et qui verbalise avec l’air important d’un commissaire de quartier. Son dessein, je suppose, est de t’informer de toutes les circonstances. Je prends beaucoup de part à ta peine. Belton en fait autant. Mais l’aventure peut tourner à ton avantage ; car j’apprends que la belle est partie avec ta marque. Petite folle ! Quel remède espère-t-elle de sa fuite ? Personne ne la voudra regarder. On m’assure ici que tu étais résolu d’en faire ta femme ; mais je te connais trop bien. Adieu, cher camarade. Si ton oncle voulait mourir à présent, pour te consoler de cette perte, il serait un galant homme. écris-nous, je t’en prie. Belford, qui reçoit tous les jours de tes lettres, ne nous montre rien. Tout à toi du fond du cœur.