Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 366

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Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 541).


M Belford à M Mowbray.

dimanche, 10 septembre, à 4 heures après-midi.

J’ai reçu votre lettre avec celle de notre malheureux ami. Je suis charmé que milord soit venu travailler à sa guérison. Comme il y a beaucoup d’apparence que cette frénésie durera peu, je souhaite ardemment qu’aussi-tôt qu’il sera rétabli, on puisse l’engager à passer dans les pays étrangers. M Morden, qui est inconsolable, a vu, dans le testament, que le cas n’est pas une séduction ordinaire. J’entrevais, par quelques mots échappés, qu’il se croit dégagé, par cette raison, de la parole qu’il a donnée à sa cousine mourante de ne pas chercher à venger sa mort.

Il faudra, mon cher Mowbray, lui donner sa santé pour motif de vos instances ; car si vous lui parlez de sa sûreté, non seulement il ne partira point, mais il cherchera le colonel. à l’égard de la boucle de cheveux, comme vous avez vu autrefois Miss Harlove, il vous sera aisé de le satisfaire, en lui donnant quelques cheveux de la même couleur, s’il s’obstine à demander cette consolation. Je continuerai de lui écrire, puisqu’il le souhaite, et je le ferai comme si je ne lui supposais aucun désordre dans l’esprit, c’est-à-dire, que mes réflexions ne seront pas plus ménagées, dans l’espérance qu’après sa guérison elles pourront pénétrer jusqu’à son cœur.

Comme je n’aurai pas toujours le temps de tirer une copie de mes lettres, et que plusieurs raisons me font souhaiter de les avoir sous mes yeux, j’exige absolument qu’elles me soient renvoyées lorsque je les demanderai. C’est une condition à laquelle M Lovelace a consenti, et qui s’est exécutée jusqu’à présent. Ta lettre, Mowbray, est une pièce inimitable. Tu es réellement une étrange créature. Mais souffre que je te conjure, toi et l’évaporé Tourville, par la fin du pauvre Belton, dont vous avez été témoins tous deux, par la frénésie de Lovelace et par sa cause, et par le terrible état de la misérable Sinclair, de penser sérieusement à changer de vie. Pour moi, quelque usage que vous fassiez de ces exemples, je suis déterminé à suivre l’avis que je donne, et j’en signe volontiers l’engagement.