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Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 99

La bibliothèque libre.
Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (Ip. 420-421).

à Miss Arabelle Harlove. à Saint-Albans, mardi, 11 avril. Ma chère sœur, je ne disconviendrai pas que ma fuite n’ait toutes les apparences d’une action indiscrète et contraire au devoir. Elle me paraîtrait inexcusable à moi-même, si j’avais été traitée avec moins de rigueur, et si je n’avais eu de trop fortes raisons de me croire sacrifiée à un homme dont je ne pouvais soutenir l’idée. Mais ce qui est fait n’est plus en mon pouvoir. Peut-être souhaiterais-je d’avoir pris plus de confiance aux intentions de mon père et de mes oncles, sans autre motif néanmoins que mon respect infini pour eux. Aussi suis-je disposée à retourner, si l’on me permet de me retirer dans ma ménagerie ; et je me soumets à toutes les conditions que j’ai déjà proposées. Dans une occasion si décisive, je demande au ciel de vous inspirer pour moi les sentimens d’une sœur et d’une amie. Ma réputation, qui, malgré la démarche où je me suis engagée, me sera toujours plus chère que ma vie, est exposée à de cruelles atteintes. Un peu de douceur peut encore la rétablir, et faire passer nos disgrâces domestiques pour une mésintelligence passagère. Autrement, je n’envisage pour moi qu’une tache éternelle, qui mettra le comble à toutes les rigueurs qu’on m’a fait essuyer. Ainsi, par considération pour vous-même et pour mon frère, qui m’avez poussée dans le précipice ; par considération pour toute la famille, n’aggravez point ma faute, si vous jugez, en vous rappelant le passé, que mon départ mérite ce nom ; et n’exposez point à des maux sans remède une sœur qui ne cessera jamais d’être avec affection, votre, etc. Cl Harlove. p s. on me ferait une très-grande faveur, de m’envoyer promptement mes habits, avec cinquante guinées qu’on trouvera dans un tiroir dont je joins ici la clé. Je vous prie de m’envoyer aussi mes livres de morale, et quelques mélanges, qui sont dans la seconde tablette de ma petite bibliothèque. On y ajoutera mes diamans, si l’on juge à propos de m’accorder cette grâce. L’adresse, sous mon nom, chez M Osgood, place de Soho, à Londres.