Histoire de Servian/Chapitre10

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CHAPITRE X



L’Église de Servian, l’édifice, les revenus,
le cimetière.

L’église paroissiale de Servian est bâtie sur un mamelon, dominant la ville et la campagne, à la fois centre de prières et citadelle pour la défense des habitants. Elle est contemporaine de la seconde enceinte de Servian et remonte dans ses bases à la fin du XIIIe siècle. Primitivement elle fut bâtie en style roman, modifiée et achevée en style ogival. Elle est construite en belles pierres jaunies par le temps et qui, au grand soleil, ont pris ce ton doré, propre aux monuments du Midi qui les rend si somptueux. Elle mesure 30 mètres de la porte d’entrée à la Sainte Table, où elle se terminait avant 1876. Elle a été prolongée alors de 8 mètres, c’est la longueur du chœur actuel, elle mesure 12 mètres en largeur et 10 mètres en hauteur.

En étudiant attentivement l’édifice, on finit par en suivre les divers remaniements. Ainsi, à côté de la porte d’entrée actuelle on aperçoit, noyée dans la maçonnerie, une porte primitive, très étroite, dont le tympan demeure à peine dissimulé. Au-dessus l’oculus maçonné et marqué par un cordon de pierres noires sans doute comme décoration, à l’imitation de certains monuments des environs (ex. la tour de Puissalicon). Du côté opposé, une fenêtre romane actuellement fermée complète la façade. C’est l’église primitive bien plus réduite que l’actuelle. Au nord, la tour ancienne avec sa terrasse, ses créneaux, ses mâchicoulis, la rattache aux remparts de la ville.

Cette église était-elle terminée quand Servian fut rattachée au domaine royal ? on ne sait. Quoi qu’il en soit, elle fut agrandie au XIVe siècle et revêtit les proportions actuelles. Or, c’était le moment où le style ogival apparaissait dans le Midi ; l’église fut achevée dans ce style.

Il fallut exhausser les murailles ; on aperçoit encore le ressaut des murs sur lesquels reposent les voûtes. Les contreforts furent élevés pour les supporter, on les utilisa en se servant des piliers énormes où on établit les chapelles des bas côtés. Au-dessus on ouvrit de grandes fenêtres pour éclairer l’édifice. La voûte est en croisée d’ogives et forme trois travées. Est-ce un défaut de l’ouvrier qui voulut profiter d’un cordon existant ? toujours est-il que les retombées des voûtes ne sont pas égales. Tandis que du côté de l’épître la voûte retombe sur les bords du pilier (heureusement dissimulé par la chaire), la voûte du côté de l’évangile retombe au milieu du pilier. Les croisées des voûtes portent des motifs d’architecture difficiles à lire à cette hauteur. Cependant on déchiffre parfaitement, par un temps clair le motif central, le cerf, les armoiries de Servian. Les retombées des voûtes sont ornées de chapiteaux. Ceux qui étaient sculptés à l’entrée de l’ancien chœur présentent une tête couronnée, roi et reine, sans doute contemporains de la seconde restauration de l’édifice. Un visiteur crut reconnaître le portrait d’un des Valois ; l’iconographie semblerait lui donner raison et dans ce cas nous aurions la date de la construction de l’église. L’agrandissement de la commune eut lieu en 1343. Quoi d’étonnant que nos pères aient sculpté la tête du roi en reconnaissance de ce grand bienfait ?

Le beffroi comme on peut le constater par l’étude de l’appareil est postérieur à l’édifice ; il mesure 33 mètres de sa base au clocher et se termine par une terrasse entourée d’une balustrade en pierres richement sculptées sous lesquelles s’enfuyent huit chimères en forme de gargouilles. La tour possède deux cloches bien sonores et un gracieux carillon. L’horloge primitif date de l’an 1669 comme on peut le lire sur une pierre encastrée dans la tour. Le support de l’horloge, en fer forgé est l’œuvre de Jacques Albe, maistre serrurier de Servian. On signale encore une cloche que l’on retrouve dans toute la région sous le nom de Mandarelle ; elle servait à annoncer aux fidèles dispersés dans les champs le moment de l’élévation et de la bénédiction du Saint-Sacrement pour les inviter à s’unir à la prière de l’église. La cloche qui sonne les heures au clocher fut remplacée et baptisée le 15 avril 1816, par M. Arnal, curé ; elle s’appelle Louise-Adrienne et fut donnée par Henri de Barrès qui en fut le parrain avec sa cousine Adrienne Bousquet pour marraine. Le bon curé ajoute dans le Registre « servira comme un monument de notre délivrance et en mémoire du bonheur que nous avons d’avoir recouvré Louis le Désiré, et servira cette cloche de timbre à l’horloge ».

Selon l’usage du temps, la porte de l’église s’ouvrait sur le côté gauche pour rappeler le côté percé du Christ. On aperçoit encore le tracé de cette porte à laquelle les fonts baptismaux actuels servaient de vestibule et qui donnait dans le cimetière. La porte actuelle a été faite en 1784 sur les ordres de l’évêque de Béziers, du produit de la vente des ruines de la chapelle de Saint-Saturnin-de-Pouzac devenue un refuge de brigands et que l’évêque fit démolir. On transporta les montants de l’ancienne porte pour les placer à la nouvelle. On peut les voir : ils sont de très bon goût et dans le style sobre du XIVe siècle, ils devaient être moins élancés, car on aperçoit fort bien les bases avec lesquelles on les a exhaussés.

L’agrandissement opéré en 1875, par M. l’archipêtre Beauguil, est fort bien adapté au style, mais il donne légèrement dans le gothique flamboyant. Les grands vitraux datent de cette époque, ils inondent de lumière le chœur au soleil levant, mais la nef resserrée entre les maisons reste toujours obscure.

L’église est orientée, c’est-à-dire que le prêtre à l’autel regarde le soleil levant. Elle est dédiée à saint Julien et à sainte Basilisse d’Antioche. On sait qu’une grande partie des reliques de ces saints avaient été offerts à la reine Brunehaut et, cédées au monastère de Cassan. Or, la famille d’Estève ayant quelques droits sur ce monastère, il est possible que l’abbé ait envoyé quelques reliques pour la consécration de cette église. L’église, est en effet, consacrée, comme le témoignent les Croix rouges gravées sur les colonnes ; mais nous possédons de cette consécration un témoignage original écrit dans nos archives. S’il ne nous donne pas l’année de cette consécration, du moins nous fixe-t-il sur la date du mois. « Le 16 mai 1706, écrit l’abbé Sabatier, curé de Servian, le soleil s’éclipsa entre 9 heures et 10 heures, lorsque nous disions la Messe anniversaire de la Dédicace. » La date de 1635 qu’on lit sur les fonts baptismaux correspond à une série d’embellissements faits à l’église, pourrait bien marquer la date de sa consécration.

La paroisse de Servian était un prieuré cure relevant du Chapitre de Saint Nazaire de Béziers qui en percevait les revenus, à condition de servir au curé une part convenable pour lui et pour le culte, c’est ce qu’on appelait la congrue (partem congruentem). Le curé signait toujours vicaire perpétuel du Chapitre et n’était pas tenu à la résidence. Le Concile de Trente ayant prescrit la résidence dans les paroisses, on dut aménager le presbytère en achetant deux maisons contiguës touchant l’église : on érigea des fonts baptismaux et on répara l’église. N’aurait-on pas profité de ce moment pour la consacrer ?

L’église de Servian relevait du Chapitre de Saint-Nazaire de Béziers. Une bulle d’Adrien IV et une autre d’Alexandre III, énumèrent parmi les possessions de l’Église de Béziers, le château de Cervian, castellum de Cerviano, la villa d’Amillac (villam de Ameliaco).


L’ÉGLISE

Les revenus de l’église étaient modestes. Les décimes du diocèse de Béziers pour 1323 portent, pour Cervian, 6 livres, la livre valait alors 16 francs. Il faut joindre à cela les dons en nature abondants à cette époque.

N’est-ce pas le lieu de transcrire ici, les revenus du territoire de Servian ?

Pour Pozagols, 2 livres.

Pour Launas Lunacie, 3 livres.

Pour Saint-Adrien, 3 livres.

Pour Saint-Pierre-le-Haut et le Bas, 14 livres (le premier était Saint Pierre-de-Combas, le second Saint-Pierre-de-Launas),

Pour Saint-Macaire Sanmacario, 14 livres.

Pour Pouzac Posaco, 17 livres (compotus decimarum…) compte des dimes du diocèse de Béziers ; levées par maître Raymond d’Andabre, trésorier de l’évêque de Béziers.

La résidence du curé au milieu de ses ouailles, développa la vie paroissiale. Ainsi, nous notons en passant que, le 8 novembre 1663, l’abbé Jaques Masséguy chanta sa première messe à Servian, assisté comme parrain par Guillaume Julien, vicaire de la paroisse, docteur en théologie, et comme marraine, par Catin de Carbon, femme du sieur Jean Madaille. Messire Nauton, vicaire de Montblanc, assistait à la cérémonie. Au mois de février suivant, l’abbé Masséguy devenait curé de Servian ; c’était un enfant du pays. Nous rencontrerons bien des prêtres originaires de Servian. Le 9 avril 1673, un autre prêtre du pays chanta sa première messe, c’est Messire Fulcrand Rivière, fils de autre Fulcrand et de Catherine Lagarde. Il fut assisté par Jaques Rivière, charpentier, son frère, et par Villebrun, cordonnier.

Autour de l’église, formant une vaste nef, des chapelles latérales avaient été ménagées dans l’épaisseur des contreforts, leurs titulaires ont été changés malencontreusement au cours des siècles ; cependant, nous les retrouvons dans les visites pastorales du cardinal de Bonsi, en 1649, et de Mgr de Bausset, en 1749.

« Il y a une chapelle du Rosaire fort propre, et le rétable doré qui n’a d’autres revenus que les quêtes que les confrères font. C’est la chapelle actuelle des écoles libres de filles.

« Il y a une autre chapelle du Saint-Sacrement où il y a une petite niche et des grains dorés. C’est la chapelle occupée par l’école libre des garçons.

Autre chapelle de Notre-Dame du Suffrage, c’est la chapelle actuelle de la Sainte-Vierge.

« Il y a une chapelle dédiée à saint Eustache, mais qui, en 1667, fut donnée à la confrérie des pèlerins de Monseigneur Saint-Jaques, lors de sa fondation ». Depuis, elle a été consacrée à sainte Monique, patronne des Mères chrétiennes. Une fort jolie statue de saint Jaques en bois doré qui l’ornait, fut reléguée au galetas, elle est digne d’un meilleur sort.

Il est aussi question d’une chapelle de Sainte-Madeleine, qui servit de lieu de sépulture au chirurgien Pierre Bastide, le 19 juillet 1672, mais nous n’avons pu l’identifier.

Il y avait encore la chapelle de Saint-Pierre, la seule dont le titulaire ait été conservé, elle possédait quelques revenus. À l’époque de la visite pastorale, elle était desservie par Messire de Villa, bénéficier de Saint-Nazaire.

La réparation de 1876 transforma l’ornementation de l’église, les anciens autels en pierres sculptées furent remplacés par des autels en marbre, moins dans le style quoique plus éclatants. À chacun de ces autels on imposa un immense rétable très décoré et orné chacun de trois statues trop enluminées pour le style de l’église. Un chœur à pans coupés a remplacé l’antique abside. Il est orné d’un autel en marbre blanc, surmonté d’un ciborium adapté.

L’Église offre au visiteur qui y entre pour la première fois, une grande impression de richesse. La statue la plus artistique qui la décore est celle de la Sainte Vierge. Elle vient de la chapelle des Capucins. Une délibération du Directoire l’avait condamnée à être traînée par les rues, la corde au cou. Mais, la nuit qui précéda ce sacrilège, un bon chrétien de Servian la cacha dans sa maison d’où elle fut portée à l’église après le Concordat.

La statue est en marbre blanc, elle porte le caractère du XVIIIe siècle, la figure est d’une grande finesse. C’est une belle œuvre d’art.

La sacristie fut construite en 1698, par une ordonnance de l’évêque dans sa tournée pastorale. La commune disposait d’une somme annuelle de 300 livres pour réparer l’église. Le maire, Antoine Mas, seigneur de La Valette et les consuls Guillaume Laplace, Pierre Brouzet et André Canet assemblèrent les habitants en conseil général et exposèrent un plan de construction. Une adjudication eut lieu, trois maçons se présentèrent, Jean Turriés, Marqués et Plauzolle. Turriés ayant fixé le travail à 160 livres fut chargé de l’entreprise. Cette sacristie s’élevait tout le long des murailles de la ville, dans le mur même furent percées l’armoire et la fenêtre, François d’Estève de Saint-Macaire fournit les poutres et cabirous pour la charpente, pour 18 livres (Archives de la famille d’Estève). Cette sacristie disparut dans l’agrandissement de l’église, elle a été avantageusement remplacée.

Selon l’usage du temps, il fallait traverser le cimetière pour rentrer dans l’église. Les chrétiens aimaient à reposer à l’ombre du lieu saint. C’était même un honneur très recherché d’être enseveli sous le pavé de l’église. Ainsi, un vieux registre nous relate la sépulture de Canet, procureur du roi en 1752, dans le caveau de la Confrérie des Sœurs de la Charité, pour lequel il fut dépensé 10 livres. Ce caveau servait aussi aux familles Combas, Mazel, Bousquet.

La chapelle Saint-Jacques servait de caveau aux pèlerins et aux bienfaiteurs.

La famille Vialles avait sa sépulture dans la chapelle de Saint-Pierre.

Les curés avaient une sépulture d’honneur autour des murs de l’église. L’abbé Espic demande dans son testament à être enseveli sous le seuil de la porte du cimetière, sous les fonts baptismaux actuels.

L’entretien du cimetière appartenait à la Fabrique qui était tenue « de nettoyer les caveaux et de creuser un grand cros de 2 cannes de long, de 12 pans de large, de 5 de profondeur pour pouvoir placer les ossements au centre ». C’était la fosse commune.