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Histoire de l'imagerie populaire/Dédicace

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E. Dentu (p. Dédicace).


À MONSIEUR LE DOCTEUR
REINHOLD KŒHLER

En mettant sous presse ces études sur l’Imagerie, je ressens la jouissance des gens de condition modeste qui se voient à la tête d’un petit avoir.

L’érudit qui ajoute un volume à un autre volume en y faisant entrer les recherches de chaque jour, n’a-t-il pas quelque ressemblance avec ceux qui amassent sou à sou pour ajouter à leurs économies précédentes ?

Sans doute de tels menus détails d’érudition sont chose de peu de valeur ; mais un enfant de pauvre, s’il est proprement vêtu et que la bonne humeur soit peinte sur ses traits, vaut un fils de prince dont la personne chétive disparaît sous des habits magnifiques.

Comment se forma mon petit trésor, c’est ce que je vais essayer de vous dire, Monsieur.

Conduit par une logique latente qui guide l’homme sans qu’il en ait conscience, je publiai en 1850, dans le National, un premier fragment sur les arts populaires. Il était question de l’Imagerie de cabaret, de Faïences, de Caricatures et de beaucoup d’autres choses encore dans un feuilleton touffu et passablement incompréhensible ; mais les événements politiques étaient si graves à la date du 10 septembre 1850, que l’honorable directeur du National s’inquiéta médiocrement de mes divagations ; d’ailleurs, n’offraient-elles pas quelques rapports avec les troubles politiques du moment ?

Quelques travaux de même nature furent insérés dans les Revues et les journaux, sans que le public pût se rendre compte du but de l’auteur ?

Il fallut dix-huit ans pour faire entrer dans un cadre à peu près régulier :

Les Chansons populaires des provinces de France ;

L’Histoire de la Caricature antique ;

L’Histoire de la Caricature moderne ;

L’Histoire des Faïences patriotiques sous la Révolution ;

Et enfin l’Histoire de l’Imagerie populaire, que je soumets actuellement au public.

Si j’excepte la poésie populaire, à propos de laquelle le gouvernement avait appelé, en 1851, l’attention par le mémoire de M. Ampère, la Caricature antique, la Céramique révolutionnaire, l’Imagerie populaire étaient questions nouvelles. D’où un labeur assez dur dont j’aurais mauvaise grâce à me plaindre, de vives sympathies m’ayant payé largement de mes efforts.

Ces divers travaux sont fatalement incomplets. Il eût fallu une armée de secrétaires pour les mener à bonne fin ; heureusement, la bonne volonté fait pousser des collaborateurs, et en vous remerciant, Monsieur, des renseignements que, du fond de la Bibliothèque Grand-Ducale de Weimar, vous avez eu l’obligeance de me faire parvenir, j’inscris en tête de ce volume votre nom comme un gage donné à la franc-maçonnerie intellectuelle qui rapproche, malgré les divergences politiques, les érudits allemands des chercheurs français[1].

CHAMPFLEURY.

15 avril 1869.

  1. La guerre de 1870-71 avec l’Allemagne, survenue depuis la première édition de ce volume, la perte de deux importantes provinces, ne me feront pas changer un mot à cette dédicace. L’érudition a ses devoirs à remplir, ses gratitudes ; elle ne gêne en rien le sentiment national et ne l’empêche pas de vibrer au moment voulu. (Note de 1885.)