Histoire de l’Affaire Dreyfus/T2/1

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La Revue Blanche, 1901 (Vol.2 : Esterhazy, pp. 1–62).

CHAPITRE PREMIER

ESTERHAZY

I. Les premiers Esterhazy, 1. — Le palatin Paul, 2. — II. Antoine 1er et l’insurrection de Rakoczy, 3. — Branche française des Esterhazy ; le Royal-Esterhazy, 5. — Valentin Esterhazy et la retraite de Prague, 6. — Ladislas-Valentin et Marie-Antoinette, 7. — Esterhazy et la Révolution, 9. — III. Marie-Anne Esterhazy et le marquis de Ginestous ; branche bâtarde des Esterhazy, 11. — Walsin-Esterhazy, 12. — Le général Ferdinand Esterhazy, 15. — Combat d’Eupatoria, 17. — IV. Premières années d’Esterhazy, 18. — Guerre de 1870 ; campagne de l’Est, 23. — Physiologie d’Esterhazy, 25. — V. Esterhazy au bureau des Renseignements, 26. — Henry et Weil, 27. — Escroqueries d’Esterhazy, 30, — VI. Campagne de Tunisie, 32. — Lettres à Mme de Boulancy, 35. — VII, Caractère exotique d’Esterhazy, 39. — Son style, 41. — VIII. Difficultés d’argent, 45. — Fausse citation à l’ordre du jour, 46. — Clélia ; manœuvres des Alpes, 48. — Mariage avec Mlle de Nettancourt, 50. — Remploi dotal frauduleux, 51. — IX. Esterhazy et la Libre Parole, 53. — Le capitaine Crémieu-Foa ; duel avec Drumont, 54. — « Morès et ses amis » ; le comte de Lamase, 55. — Mort du capitaine Mayer, 59. — Procès de Morès, 60. — X. Esterhazy et Freycinet, 62. — Marguerite Pays, 69. — Détresse d’Esterhazy ; Léon Berger, 70. — XI. Esterhazy chez Schwarzkoppen, 71. — XII. Henry ; sa carrière militaire ; sa psychologie, 74. — XIII. Henry et Esterhazy, 78. — XIV.  Comment Esterhazy s’acquitta de son métier d’espion, 83. — Méfiance de Panizzardi, 88. — Disgrâce d’Esterhazy, 90. — XV. Esterhazy demande de l’argent aux Juifs, 91. — La fausse lettre Beauval, 92. — XVI. Esterhazy aux manœuvres et aux écoles à feu, 96. — Camp de Châlons, 98. — XVII. Le lieutenant Bernheim et le manuel d’artillerie, 102. — Le Bordereau, 105. — La légende du contre-espionnage, 111. — XVIII. Schwarzkoppen reçoit les notes du bordereau, 114. — XIX. Arrestation de Dreyfus ; Esterhazy à Dommartin, 116. — Campagne de la Libre Parole contre Saussier et Weil, 117. — Condamnation de Dreyfus, 118.



I

La légende fait remonter à Attila lui-même l’origine des Esterhazy[1]. Les premiers Esterhazy authentiques paraissent aux Croisades[2]. Ils venaient du village de Zerhas, dans une des îles du Danube[3].

Race de batailleurs et de politiques, tumultueuse et avisée. Depuis le xiiie siècle, où la fanfare de leur nom[4] éclate dans l’histoire, on les suit, de père en fils, par une longue série de soldats et de diplomates, à la conquête des grands domaines et des grandes charges.

De bonne heure, ils se tournèrent vers l’Autriche. Ils avaient cédé d’abord au courant, national autant que religieux, qui emporta la Hongrie vers la Réforme. Brusquement, avec le palatin Nicolas, ils revinrent à l’Église catholique, et, du même coup, se donnèrent à la maison de Habsbourg, lui donnèrent la Hongrie.

Leur grand homme, le palatin Paul[5], qui, par deux fois, à Saint-Gothard et sous Vienne, aida à sauver l’Empire, est le vrai fondateur de l’Autriche moderne. Il n’y avait pas alors de peuple qui fût plus attaché que les Hongrois à la liberté ; ils l’incarnaient dans la monarchie élective. Par haine de l’Allemand, ils en vinrent à appeler le Turc. Le Palatin écrasa les révoltés, reprit Bude, et fit proclamer, par la Diète, l’hérédité de la couronne dans la descendance mâle des Habsbourg.

L’Autriche récompensa royalement Esterhazy. Déjà baron de Galantha et comte de Forchstenstein, elle le fit prince du Saint-Empire[6], avec droit de frapper monnaie à son effigie, de conférer la noblesse et d’entrer à Vienne avec une garde d’honneur, chevalier de la Toison d’or, ban de Croatie et de Slavonie, vice-roi de Hongrie. Comme les princes régnants, les Esterhazy ajoutent des numéros à leurs prénoms. Des provinces entières leur appartiennent, le plus immense majorat de l’Europe[7]. Ils remplissent les hauts emplois des rejetons innombrables de leur lignée. Et toujours superbes à la guerre et magnifiques dans la paix, d’une magnificence à la fois asiatique et raffinée, fondateurs d’églises et de couvents, protecteurs des arts, ils font tout en grand et paraissent une dynastie plus qu’une famille.

Ainsi s’étaient élevés, sur la ruine des libertés magyares, ces rois du Danube.

II

Au commencement du xviiie siècle, un rameau des Esterhazy se transplanta en France, à la suite de l’insurrection de Rakoczy.

Ce chef de la branche française, le comte Antoine Ier, était le propre neveu du prince Paul[8], homme de forte vie, comme tous ces Esterhazy, passionné de plaisir et turbulent. Le vieux Palatin l’avait engagé au service de l’Autriche, où il était lieutenant-colonel. Dès que Rakoczy parut à la frontière, il fut, d’un temps de galop, auprès de lui[9].

Ses deux frères[10] et toute la famille le renièrent ; il fut condamné à mort par contumace, comme traître et rebelle, ainsi que Rakoczy lui-même et ses principaux officiers.

Il ne batailla qu’avec plus d’entrain. Il conduisait, sous Berchény, cette légendaire cavalerie hongroise qui porta la terreur jusqu’aux murs de Vienne et faillit enlever l’Empereur lui-même[11]. Sans les hésitations de Louis XIV, qui arrêta Villars, l’Empire, pris entre deux feux, s’écroulait.

Quand l’insurrection fut vaincue et qu’il ne resta à la Hongrie, de toute cette équipée, après huit ans de combats, que la Marche de Rakoczy, le comte Antoine, qui avait suivi son chef dans la victoire, le suivit en exil, d’une fidélité obstinée et, d’ailleurs, forcée. Malgré les efforts des négociateurs français, l’Empereur avait refusé de comprendre l’amnistie des « mécontents » dans les conditions de paix[12].

Rakoczy, après s’être proposé pour roi de Pologne, se transporta à Versailles, où il fut reçu, avec ses magnats, en héros de roman. Les seigneurs magyars furent, pendant plusieurs mois, de toutes les fêtes ; « la petitesse des personnages à qui le hasard a fait faire grand bruit dans le monde » n’apparut, cette fois encore, qu’à Saint-Simon[13].

Esterhazy cherchait un établissement quand Rakoczy l’entraîna, avec Berchény, dans une dernière aventure. Sur le bruit que le Grand-Turc était de nouveau en guerre avec les Impériaux, ils s’offrirent à lui, mais pour trouver la paix en débarquant. Le Sultan les logea « dans un beau château sur la mer de Marmara[14] »

Le fils d’Antoine Ier, après la mort de son père, revint en France ; le fils de Berchény, qui l’y avait précédé, venait de former à Marseille, avec un gros de réfugiés hongrois, ramassés à Constantinople, un régiment de hussards[15]. Il en donna une compagnie à Valentin, qui se distingua sur le Rhin[16]. On n’avait connu longtemps de hussards que « chez les ennemis »[17]. Le maréchal de Berwick se loua fort de cette cavalerie infatigable, éclaireurs agiles et sabreurs enragés. Esterhazy reçut commission d’en constituer un nouveau régiment[18].

Le Royal-Esterhazy, qui fut formé à Strasbourg, passa dans les Cévennes les cinq années de la paix ; il gagna ses éperons pendant la guerre de la Succession d’Autriche.

La Hongrie, aux scènes fameuses de Presbourg, s’était réconciliée avec l’Autriche. On a pu écrire que l’élan de ce peuple de chevaliers, « qui oublia tout pour combattre »[19], n’a été qu’une héroïque duperie. Esterhazy ni Berchény ne virent si avant. Ils n’étaient, pour l’instant, que des condottières, aimaient la guerre pour elle-même et s’acquittaient bien de leur métier.

Ils se battirent contre leurs compatriotes de la veille comme ils se seraient battus contre les Croates ou les Turcs. L’étendard rouge de Berchény, l’étendard feuille-morte d’Esterhazy[20] entrèrent des premiers en Bohême. L’année d’après, leurs hussards couvrirent la retraite de Prague, tenant tête aux nuées des cavaliers hongrois et pandours qui poursuivaient l’armée, et combattant nuit et jour, par un froid affreux, sur la terre glacée et sous la neige, jusqu’à Egra[21].

Valentin ne survécut pas à cette terrible campagne. Il en mourut, comme Vauvenargues, et du même empoisonnement du sang par le froid[22].

Pendant qu’il tenait garnison dans les Cévennes, il avait séduit, puis épousé[23] une demoiselle du Vigan, d’une famille ancienne, autrefois riche, Philippine de la Nougarède, comtesse de La Garde, et en avait eu un fils, quatre mois après son mariage[24], et une fille. La reine (Marie Leczinska) pensionna la veuve et mit la fille à Saint-Cyr ; Berchény fit élever le fils de son compagnon d’armes avec son propre fils[25].

On vit bien, avec Ladislas-Valentin, combien était mince l’écorce française de ces mercenaires. Comblé des bienfaits de deux rois, lieutenant-colonel à vingt ans[26], quatre ans plus tard colonel-propriétaire du Royal-Esterhazy qui a été reformé pour lui[27], puis, sans avoir jamais tiré l’épée et sans autre mérite que sa brutale beauté, maréchal de camp, gouverneur de Rocroy, inspecteur général, membre du conseil de la Guerre et cordon bleu, favori de Marie-Antoinette[28], camarade du comte d’Artois, l’un de ces princes du monde qui, dans l’ancien Régime finissant, ont joui le plus de la douceur de vivre, il n’en restait pas moins étranger, presque hostile, et, français par pis-aller, à la moindre contrariété, demandait à passer au service d’Autriche[29].

La patrie, c’est où l’on est le mieux. Que le roi lui fasse attendre son régiment, ou que le ministre lui adresse une réprimande, il met en mouvement les parents de Vienne pour lui obtenir ses lettres d’abolition. La Reine elle-même sollicite pour lui, demeurée, elle aussi, Autrichienne, peut-être par fatigue d’une liaison tyrannique[30]. Dix fois il eût changé d’uniforme sans la répugnance qu’il inspirait à Marie-Thérèse ; elle refusa obstinément à ce fils et petit-fils de transfuges le pardon du péché originel[31].

Ce Français malgré lui devait accueillir la Révolution avec horreur. Les idées nouvelles, qui eurent tant de prise sur la noblesse, n’en eurent aucune sur ce féodal ; d’un sûr instinct, il a détesté « la secte philosophique » et prédit qu’elle perdrait la monarchie[32].

Esterhazy « s’est fait gloire » qu’au premier grondement de « l’affreuse Révolution », il quitta Valenciennes pour accourir à Paris. Tous les abords en étaient occupés par les régiments étrangers, allemands et suisses[33], qui auraient vite fait, en quelques heures, d’écraser la populace. Impatient de bataille, il brûlait les étapes. Quand il arriva aux portes de Paris, le 14 juillet, vers le déclin du jour, la Bastille était prise[34].

Dans la nuit même, il tourna bride et rentra à Valenciennes ; son commandement devint, dès lors, le grand passage des émigrés : Artois d’abord, puis Condé, et les Polignac, les Broglie, et tous les autres. Il les accompagnait, en armes, jusqu’à la frontière et préparait avec eux le coup du retour, leur donnant rendez-vous dans trois mois[35]. Deux canons chargés contenaient le peuple ; cependant la garnison elle-même devint menaçante[36], et il fut obligé de quitter la place.

Il n’y avait point de pire conseiller pour la Reine, dans ces heures tragiques, que cet homme de fausse énergie, vantard et bruyant. Mais ces défauts mêmes, et tant de souvenirs des jours heureux, le rendaient agréable ; elle l’embrassa avec des larmes[37] et l’installa, avec l’abbé de Fontanges[38], dans son conseil intime[39].

Il y prodigua, neuf mois durant, les avis furieux. En correspondance suivie avec Bouillé, il le pressait de marcher avec les régiments fidèles sur Paris, parlait sang et massacre ; lui-même, il passera « son couteau de chasse à travers le corps des officiers nationaux qui s’opposeraient au départ du Roi[40] ». Et, comme Louis XVI ne profite pas, pour fuir, du séjour qu’il fait à Saint-Cloud, « où il y avait toute facilité[41] », Esterhazy proclame son égal mépris du roi et du peuple : « Le Roi livre la noblesse et le clergé aux scélérats ; il n’a même plus assez de caractère pour abdiquer, comme la Reine l’y engage[42]. »

Il parlait plus qu’il n’agissait ; mais tant de bravades et de propos sans mesure excitaient contre lui des haines violentes. Déjà, pendant son gouvernement du Hainaut, il avait été dénoncé, par deux fois, à l’Assemblée[43] : pour avoir fait rebrousser des farines sur Bruxelles, « dans le dessein de faire mourir le peuple de faim[44] » ; — « pour avoir attenté à la liberté, en faisant porter des mains criminelles sur quatre citoyens innocents et vertueux » de Marienbourg qui avaient été emprisonnés[45].

Esterhazy allait être décrété d’arrestation quand Henry, lieutenant-prévôt de la maréchaussée d’Avesnes, le sauva en revendiquant la responsabilité de l’affaire de Marienbourg[46]. « L’Assemblée, dit un pamphlet du temps[47], se repentira de l’avoir pardonné. »

Enfin, quelques jours avant la fuite de Varennes, il partit pour Coblentz[48].

La branche légitime des Esterhazy français finit avec lui. Chargé d’une mission des princes auprès de l’Impératrice de Russie, il fut reçu par Catherine avec de grandes marques d’estime, obtint des subsides, mais ne put décider le comte d’Artois à l’action[49]. De dégoût, il lâcha la partie, se fixa en Volhynie, à Grodek[50] ; son fils aîné et ses filles s’établirent en Autriche ; son fils cadet se fit russe.

III

Pendant que ce fils d’émigrés émigrait à nouveau, sa sœur Marie-Anne restait en France. Elle avait paru quelque temps à la Cour de Nancy, avait reçu le titre de dame que le Roi accordait aux filles de qualité, quand elles ne trouvaient pas à se marier, et était retournée, vers 1760, à la maison maternelle du Vigan. Un gentilhomme du cru, son voisin, le marquis Jean-César de Ginestous[51], viguier et gouverneur du Vigan, lui fit alors un enfant, qui fut déclaré sous les noms de Jean-Marie-Auguste, né de père et mère inconnus[52], — Jean étant le premier prénom du père et Marie celui de la mère, — et qui grandit sous le sobriquet de Valsin[53].

Ce nom de Valsin n’est pas, comme on l’a supposé, celui d’un officier qui aurait été marié morganatiquement à Marie-Anne[54], ou d’un comédien qui aurait eu ses faveurs[55]. Si l’acteur ou le soldat a existé, on n’en a aucune trace ; au contraire, la famille de Ginestous a gardé la tradition des amours de son ancêtre avec la descendante des magnats hongrois[56]. Valsin, comme Valville ou Valmont[57], est un nom d’amoureux chez les petits poètes et les romanciers du dix-huitième siècle. L’inconstant héros des Tableaux de Parny s’appelle Valsin[58]. Le nom, de pure fantaisie (Sinval retourné), familier à une lectrice de livres galants, convenait à un enfant adultérin. Le V initial sera devenu W après que Mme Esterhazy eut reconnu son fils, en l’an III, par acte authentique[59]. Le sobriquet romanesque prenait ainsi un faux air magyar[60].

Les Esterhazy d’Autriche ignorèrent d’abord cette branche bâtarde ; ils essayèrent en vain, par la suite, de lui contester le nom qu’elle tenait légalement de Marie-Anne[61].

Mme Esterhazy, après un court emprisonnement sous la Terreur, s’était fixée à Nîmes, où elle vécut jusqu’à un âge très avancé[62]. Walsin y avait épousé, en l’an V, la fille d’un négociant aisé[63] et fit lui-même le commerce ; il eut cinq enfants : deux filles, qui moururent jeunes, et trois fils, Valentin[64], Jean-Louis-Ladislas[65] et Ferdinand[66]. L’aîné ne porta que le nom d’Esterhazy ; les cadets et l’une des filles joignirent celui de Walsin à leur nom patronymique, signèrent des deux noms.

L’âpre vigueur de la race, qui s’était reposée dans ce tranquille bourgeois du midi[67], se réveilla dans ses fils. Les deux Walsin embrassèrent la carrière militaire. Nés plus tôt, ils eussent fait figure au second plan de l’épopée impériale. Braves au feu, d’une ambition aiguisée, sans scrupules comme sans peur, de l’étoile où Napoléon taillait ses colonels d’avant-garde, ils guettaient toute occasion de paraître, guerre étrangère ou guerre civile.

Ferdinand Esterhazy, au sortir des grandes écoles (Polytechnique et École d’application de Metz), partit pour l’Afrique. Le service sévère de l’artillerie s’accordait mal avec son humeur emportée et le tempérament de cavalier qu’il avait hérité de ses ancêtres. Comme il avait appris l’arabe, il s’attacha au fameux Yusuf, qui lui obtint le commandement d’un escadron de cavalerie indigène, le Maghzen d’Oran[68]. Ces Moukhalias (porte-fusils) ressuscitèrent, sous le burnous, les hussards d’Esterhazy. Ils en avaient l’élan et la sauvagerie.

Après le combat de la Mouïla, ils dressèrent, sur le champ de bataille, une pyramide de cent cinquante têtes[69].

Ces renégats de la patrie arabe, sous les ordres du petit-fils d’un transfuge hongrois, furent maudits par les patriotes qui suivaient l’étendard vert d’Abd-el-Kader ; mais ils restèrent fidèles à leur trahison. Esterhazy fait ainsi leur éloge : « Les préjugés, le fanatisme, les sympathies peut-être se turent devant leur intérêt, ce souverain mobile des actions des hommes[70]. » Ce furent encore les Moukhalias qui emportèrent à l’Isly, avec les spahis de Yusuf, le camp du Sultan du Maroc. Avant que les batteries déployées sur le front de bandière eussent pu tirer une seconde charge, ils étaient sur les canonniers et sabraient tout[71].

Esterhazy, entre deux combats, écrivait des livres sur l’organisation de la conquête algérienne. Dans le premier, il propose en modèle le système turc : « Les idées d’humanité et de justice ne sont, chez les nations qui les appliquent à la conquête, que des symptômes de décadence et de caducité ; laissons les philanthropes crier à la barbarie ; la conquête est fille du sabre, elle ne grandit et ne s’établit que par lui[72]. » Dans le second, il explique, tout au contraire, l’impuissance de la force seule « à désarmer une nation qui lutte pour son indépendance » ; la France doit cesser de se révéler seulement « par la razzia, le meurtre et l’incendie » ; si la génération actuelle est fatiguée de la guerre, « qui nous répond de la génération à venir[73] » ?

Il passe ainsi d’un système à un autre, comme ses aïeux ont changé de patrie, ou comme lui-même et son frère[74] changent de parti politique. Dans ces cerveaux, d’une effrayante mobilité d’idées, un seul principe est fixe : l’intérêt. On ne les vit jamais que tournés vers les soleils levants.

Esterhazy était en mission à Tunis[75] quand il y apprit le coup d’État de Décembre. Il écrivit aussitôt au préfet de Constantine : « Ce sera toujours un bien vif regret pour moi de ne pas avoir été en position de rendre des services dans les événements qui viennent de s’accomplir ; je ne suis qu’à moitié consolé par la pensée qu’il y en aura encore à rendre[76]. »

On doit croire que ses solides qualités de cavalier, plus que ce regret, le firent désigner pour l’expédition de Crimée. Il s’y distingua au combat d’Eupatoria ou de Kanghill[77], l’un des derniers de la guerre, et fut nommé, le même jour que son frère, général de division[78]. Mais les fatigues du siège de Sébastopol, le terrible hiver[79] et le typhus des armées, plus terrible encore, l’avaient usé. Il languit quelques mois, au climat natal de Provence, et mourut à Marseille, âgé à peine de cinquante ans.

De son mariage avec Mlle de Beauval, il laissait un fils et une fille.

IV

Marie-Charles-Ferdinand Walsin-Esterhazy avait dix ans à la mort de son père[80] ; sa mère s’établit, dans des conditions très modestes, à Paris[81].

Ses camarades du lycée Bonaparte[82] ont gardé le souvenir d’un garçon maigre, au teint mat, le nez pointu, les lèvres minces, et presque pauvrement vêtu, d’une longue blouse qui semblait coupée dans un vieux manteau de général, le col de velours très haut, crasseux, masquant l’absence de linge. Il vivait à l’écart, ne cherchait pas à se lier, tranchant et sec, de répartie prompte, et trouvait alors le mot acéré et méchant. On ne l’aimait pas, mais on avait le sentiment qu’il n’était point banal, d’une intelligence précoce, si parfaitement étranger aux jolis enthousiasmes de son âge, dur de cœur, aigri déjà de ne pas être riche, sans autre ambition que la volonté nette de le devenir et de jouir de la vie.

Sa mère avait décidé qu’il entrerait à l’École de Saint-Cyr, ne concevant pas d’autre carrière pour le fils d’un général et le descendant de tant de soldats. Mais Esterhazy quitta le lycée, sans qu’on sache pourquoi, avant la fin de ses études[83], et, sa mère étant morte peu après[84], il laissa là ces perspectives militaires et ferma ses livres[85].

Il se trouvait ainsi, à dix-huit ans, à la tête de quelque argent et maître de ses actions. Le monde parisien l’attirait et il comptait y faire figure.

Entre tant d’Esterhazy qui ont fait du bruit dans l’histoire, il semble avoir choisi dès lors son modèle, ce comte Ladislas qui, par la faveur des femmes[86], était parvenu aux grands emplois et à la fortune. Il racontait avec complaisance les amours du bel Esterhazy avec Marie-Antoinette, et, de ce que son grand-oncle aurait couché dans le lit d’une reine de la maison de Habsbourg[87], il se disait cousin de l’Empereur d’Autriche. Il prit le titre de comte et joua au grand seigneur.

Il est probable qu’après avoir gaspillé en peu de temps son médiocre patrimoine, il s’embourba dans quelque aventure fâcheuse et fut obligé de quitter Paris. Ce n’est pas sans motif qu’il a cherché à donner le change sur ces premières années d’une vie agitée. Un parent d’Autriche l’aurait recueilli en 1865 et fait élever à l’École militaire de Wiener-Neustadt ; il en serait sorti, l’an d’après, officier de cavalerie dans l’armée impériale et aurait reçu, à Custozza, un coup de lance[88]. Or, tout ce roman qu’il répéta cent fois et qu’il agrémentait de détails, selon la qualité de ses auditeurs, n’est qu’un tissu d’impostures.

Aucun des Esterhazy d’Autriche n’eut jamais de rapport d’amitié avec les descendants de Marie-Anne ; ils leur contestaient jusqu’à leur nom et leur suscitèrent, dans la société, d’humiliantes difficultés[89]. Les registres de l’Académie militaire de Vienne[90] ne portent la trace que d’un seul Esterhazy, Louis, comte de Galantha, qui fut admis à l’École en 1849[91] ; Ferdinand Walsin avait alors deux ans. Enfin, les annuaires de l’armée autrichienne[92] mentionnent, de 1865 à 1867, plusieurs officiers portant le nom d’Esterhazy[93], mais ce sont les Esterhazy de la branche légitime : les contrôles de tous les régiments autrichiens ont été vérifiés[94] ; le nom de Walsin n’y figure pas[95].

Ce qu’on peut retenir de son récit, c’est qu’il a intérêt à cacher ce que fut sa vie, de dix-neuf ans à vingt-deux[96], et qu’il passa alors quelque temps en Allemagne. Il s’y perfectionna dans l’usage de la langue qu’il avait apprise sommairement, au lycée, avec le bon « monsieur Charles ».

On ne le retrouve avec certitude qu’en 1869, à la légion d’Antibes. La dévotion au vicaire du Christ ne l’y avait pas conduit ; il ne croyait ni a au dieu des armées[97] », ni à aucun autre. Mais il était sans ressources, et sans courage pour en chercher d’honnêtes dans la vie civile.

Esterhazy débuta à Rome, comme il fera toujours, par jeter force poudre aux yeux des gens. Le premier étonnement passé, on ne tardait pas à découvrir la barre de bâtardise sur son nom et, sous sa divertissante faconde et son élégance de théâtre, la rouerie d’un faux gentilhomme besoigneux. Il se dégoûta du métier en moins d’un an et donna sa démission[98].

Il a raconté lui-même qu’à son retour en France, au printemps de 1870, le général Walsin[99], son oncle, le décida à prendre service dans la légion étrangère. L’Empereur le nomma sous-lieutenant[100] et lui fit remettre trois cents louis pour son équipement. Esterhazy alla les jouer à Bade.

Il y était encore quand la guerre éclata. Il vit les régiments allemands recevoir, dans un silence religieux, la bénédiction des pasteurs, rentra à Paris, assista, sur les boulevards, aux manifestations des braillards qui criaient : À Berlin ! et comprit aussitôt que « nous étions perdus »[101].

Ainsi, le destin, un ensemble de circonstances, les unes vulgaires, les autres tragiques, le ramenaient à cette carrière militaire où sa mère l’avait destiné.

Nommé sous-lieutenant, après le Quatre-Septembre, au titre français, il fit d’abord campagne sur la Loire[102], fut attaché ensuite au général Rebillard[103], et eut pour éducatrices l’incurie et la défaite. On connaît la douloureuse histoire de ce XVe corps de l’armée de l’Est, ses longs retards à paraître sur le terrain de la guerre[104], l’affreuse retraite à travers les neiges du Jura[105], la désagrégation des troupes exténuées à leur retour sur Besançon[106]. Si Esterhazy, qui avait été promu capitaine, s’était signalé pendant ces jours terribles, on le saurait de lui-même ; il a confessé, au contraire, qu’il prit peur, au premier combat où il assista[107].

Bien qu’il eût été rétrogradé par la commission de revision, il resta dans l’armée après la conclusion de la paix, soit par pis aller, soit qu’il lui fût venu un goût passager pour le métier. Il vécut alors (de 1872 à 1876) les années les meilleures de sa vie. Après un stage de quelques mois en Afrique[108], il était devenu l’officier d’ordonnance d’un chef excellent, modèle de loyauté et de droiture, le général Grenier, qui avait été le camarade de son père, en Crimée, et l’ami de son oncle[109]. Cette âme trouble parut se clarifier dans cette atmosphère d’honneur. Le vieux général n’eut qu’à se louer de lui. Il était la gaieté de la maison par les vives saillies d’un esprit curieux, souple, toujours en mouvement. Il avait beaucoup lu, beaucoup retenu (jusqu’à abuser des citations classiques), s’était assimilé toutes sortes de connaissances et était lui-même une espèce de livre, amusant, entre tous, à feuilleter. D’une imagination fébrile, il improvisait, dans le feu du discours, des romans dont il était le héros ; il lui arriva d’y croire lui-même.

Le pétillement de ses idées divertissait tout le monde. Ceux qui l’ont fréquenté à cette époque gardèrent de lui le souvenir d’un séducteur[110]. Les jets subits de colère où il éclatait déjà, ses explosions contre les choses et les hommes, révélaient le fond du volcan, mais passaient pour des boutades. Même quand il aura croulé dans la crapule et dans le crime, sa parole brûlante, sa mimique endiablée, une intensité merveilleuse de vie, la frénésie communicative de cet étonnant comédien continueront à fasciner[111].

En fait, et physiologiquement, c’est un malade, fils de tuberculeux et tuberculeux lui-même[112], et il existe des relations certaines entre les affections du poumon et celles du cerveau. Déjà Hippocrate observe que la phtisie produit parfois « un transport avec délire loquace[113] ». La science contemporaine a établi que l’intoxication tuberculeuse, si elle entraîne rarement la folie caractérisée, est souvent la cause déterminante d’une surexcitation morbide, d’un énervement extrême des facultés intellectuelles ou morales, avec ou sans lésions artificielles[114]. Or, tous les signes pathologiques du double mal apparaissent chez Esterhazy : irritabilité chronique, perversions mentales, besoin exaspéré des femmes, absence presque totale de sommeil. Une race va finir avec lui, cette branche bâtarde des Esterhazy, transportée dans un sol trop léger, appauvrie par des croisements vicieux ou de hasard, alors que la tige mère reste, au contraire, pleine de sève et riche en frondaisons, malgré l’épaisse atmosphère des chancelleries et des cours, parce que ses racines continuent à puiser les sucs vivifiants de la terre natale d’où est sorti, il y a des siècles, le sauvageon primitif.

V

Après la mise à la retraite du général Grenier, Esterhazy, laissé à lui-même, recommença à déchoir. Il répugnait à la vie laborieuse, monotone, du régiment[115]. Il réussit à se faire détacher au bureau des Renseignements[116], comme traducteur d’allemand[117], et il y fit la connaissance de deux hommes dont la vie fut désormais mêlée étroitement à la sienne, Henry et Maurice Weil[118].

Henry, alors lieutenant comme Esterhazy, sortait du rang[119]. Il avait gagné son premier galon pendant la guerre. Le général de Miribel, qui l’eut, à une heure troublée, auprès de lui, le fit placer au service de statistique : « Il en sait long ; il peut parler dans un régiment ; gardez-le-moi[120]. » On le lui garda. Maurice Weil avait fait, lui aussi, la campagne de 1870 ; capitaine de réserve, il était employé, depuis plusieurs années, à des missions secrètes en Allemagne et à diverses besognes, sans titre officiel, d’ailleurs rétribué. Le paysan parvenu et l’amateur militaire furent également flattés de cette camaraderie avec le « comte » Esterhazy. Son nom, européen, historique, sa noblesse usurpée, son faux luxe[121], ses hâbleries éloquentes, c’était plus de clinquant qu’il n’en fallait pour faire illusion[122]. Weil avait la manie (tantôt profitable, tantôt dangereuse) d’offrir ses services ; obliger faisait partie de sa politique. Esterhazy prêta quelque argent à Henry, qui ne le lui rendit jamais[123]. Ils travaillaient côte à côte à la même table[124], et se familiarisèrent ensemble aux vilenies contagieuses du métier[125].

Au dehors, Esterhazy pataugeait dans le bourbier parisien. Comme il n’était pas venu à Paris pour se pousser plus vite, sous l’œil des grands chefs, mais pour y lâcher la bride à ses passions, et d’abord à la plus brûlante, à celle qui permet de satisfaire aux autres, il alla tout droit aux deux usines où se fabriquent les fortunes rapides, au tripot et à la Bourse.

Il n’est pas certain que, né riche, il eût rêvé de gloire ; mais il n’a que sa solde, avec quelques épaves de l’héritage paternel ; dès lors, sa pensée dominante, c’est l’argent.

Il écrira plus tard, regrettant d’être jamais entré dans l’armée, « qu’il eût mieux fait de laisser pour les affaires ce stupide métier[126] ». Il avait, en effet, une certaine intelligence de la spéculation et des combinaisons de l’agiotage, en possédait surtout le vocabulaire ; il était financier, comme il était soldat, boursier-marron et soudard. Mais il n’avait pas plutôt réalisé quelque gain qu’il le dépensait, amoureux de paraître et du luxe extérieur, en chasse, tous les soirs, dans les lieux de plaisir[127]. Au cercle[128], il fit si bien qu’il devint suspect ; il engageait ses collègues dans des opérations de bourse qui, trop régulièrement, tournaient au désastre ; on éconduisit cet agioteur galonné. La société riche où il eût voulu pénétrer, qu’il eût exploitée et amusée, lui ferma obstinément ses portes. Il ne faisait sonner que plus haut ses relations nobiliaires, procédé familier aux chevaliers d’industrie, et, battant monnaie de son titre, parada dans le demi-monde et les coulisses des théâtres, fit des dupes et s’encanailla. Nécessairement, dans cette course à l’argent, quand la fortune cessa de lui être propice, il emprunta, accumula les dettes ; sa signature traîna chez tous les usuriers[129]. Puis, il glissa plus bas encore, aux grosses friponneries, à l’argent des femmes, et, toujours plus bas, dans les moments de grande détresse, jusqu’au vol, vol de titres et vol de bijoux[130]. Par deux fois, il se vengea, en ruffian, des maîtresses qui le congédiaient ; il adressa aux amants plus âgés qui les entretenaient les lettres qu’elles lui avaient écrites[131].

Balzac, qui a tout vu, a deviné Esterhazy ; il l’a décrit, comme s’il l’avait eu pour modèle, dans le colonel Philippe Bridau, emporté par le même torrent dans les mêmes hontes, fanfaron et brutal, endurci par l’exercice de la force, irrité par la pauvreté, dépravé par la débauche, cachant sous « le laisser aller militaire » une astuce d’aigrefin, théoricien du vice, filoutant ses maîtresses et « devenu ce que le peuple nomme assez énergiquement un chenapan[132] ».

VI

Il s’est trouvé de tels hommes dans toutes les armées ; la plupart se sont montrés aussi misérables dans la guerre que dans la paix, parce que le courage physique, tout inférieur qu’il est au courage moral, s’accorde mal avec certains vices ; — quelques-uns à peine ont bifurqué vers la gloire, quand la bataille leur a fourni l’emploi de forces qui s’exaspéraient dans l’inaction.

Esterhazy n’a pas eu cette fortune ; lui fût-elle venue qu’il l’aurait laissé passer. En effet, il n’est brave qu’en paroles, — le Matamore de la comédie italienne qui s’est battu dans cent duels les mime avec d’effrayants détails et n’a jamais eu devant lui la pointe nue d’une épée[133]. Et, surtout, il hait ses chefs, l’armée et la France.

Il faut placer ici, à leur date, les fameuses lettres à Mme de Boulancy[134]. Quand elles furent révélées, en novembre 1897[135], Esterhazy venait d’être dénoncé par Mathieu Dreyfus. Elles sont, en fait, antérieures de plus de dix ans à sa trahison, d’autant plus importantes pour l’intelligence de l’homme, du traître en puissance qui, si longtemps, couva son crime.

La France s’est trompée parfois dans ses injustices ; au lieu d’éprouver seulement les âmes nobles qui ne l’en aiment que plus, il lui arrive, par mégarde, de frapper des âmes viles qui éclatent en imprécations et se vengent.

Mais cette excuse même échappe à Esterhazy. Officier d’emblée, lieutenant à vingt-sept ans[136], capitaine six ans après[137], au choix et hors tour[138], détaché, bien que sans brevet, à l’État-major général, puis, hors cadre, au corps expéditionnaire de Tunisie[139], il a eu de l’armée (hors l’argent, le million rêvé) tout ce qu’elle peut donner à un soldat, grades et croix[140]. Son avancement, loin d’être tardif, a toujours surpris ses chefs immédiats : « Officier inconnu au régiment, disent ses notes de 1879 ; a trouvé moyen, sous n’importe quel régime et n’importe quel prétexte, de rester détaché au ministère de la Guerre depuis un temps immémorial ; proposé néanmoins pour l’avancement, ce qui tient du scandale. » De même, au semestre suivant : « N’a pas encore paru au 51e de ligne. » De même en 1880 : « N’a jamais fait une heure de service… Tout à fait inconnu dans les corps où il n’a fait que passer[141]. » Le seul grief positif, qu’il formulera plus tard, est imaginaire : nommé, en 1870, lieutenant et capitaine en moins de deux mois[142], il aurait été rétrogradé, l’année suivante, « parce qu’il s’était prononcé pour la continuation de la guerre[143] ». Les officiers qui ont fait leurs études aux grandes écoles n’ont pas gagné plus vite le troisième galon, Picquart en huit ans, Dreyfus en neuf[144].

D’une intelligence alerte et prompte, fort instruit, mais indiscipliné et paresseux, il est capitaine à trente-deux ans, comme le plus heureux des officiers sortis du rang ; Henry, d’un an son aîné, est capitaine à trente-trois ans[145] ; Dreyfus, qui sort de l’École polytechnique et de l’École de guerre, ne sera capitaine qu’à trente ans. Les désordres de sa vie, tant de dettes et d’affaires véreuses, le soupçon, qu’il a laissé au ministère, d’avoir disposé de fonds secrets pour son usage personnel[146], auraient causé la disgrâce de tout autre ; les ministres successifs[147] ont fermé les yeux. Plus tard, quand il a été envoyé en Tunisie, il n’a occupé encore que des situations privilégiées ; et, bien qu’il s’y soit compromis, que le général de la Rocque ait jugé nécessaire de le faire surveiller et qu’il ait été mêlé à une affaire de malversations « qui l’eût dû conduire devant un conseil d’enquête[148] », il a été nommé, à son retour en France, dans une troupe d’élite (les chasseurs à pied) et dans une garnison de choix[149].

Chez un officier ainsi favorisé, la reconnaissance envers les chefs serait simplement de la pudeur. On va voir dans quel enfer de haine il s’enfonça, pendant ces années d’Afrique, crevant de fiel, déjà prêt à tout, se répandant en menaces sinistres, sans qu’il précise d’ailleurs et sans qu’on puisse deviner le prétexte de ses fureurs.

Cette conquête de la Tunisie a été le premier sourire de la fortune à la France depuis la guerre ; l’amie d’Esterhazy, veuve d’un officier, s’en réjouissait. Esterhazy, au contraire, s’en irrite. Cette guerre, « contre des bergers sans armes et des troupeaux de chèvres qu’on appelle des réguliers noirs », les bulletins de victoire expédiés pour la prise des « murs en carton de la ville sainte de Kairouan… », tout cela est ridicule. « Il est moins dangereux d’assister à ces combats épiques que de traverser le boulevard Montmartre à cinq heures du soir ; c’est honteux de voir tout le remue-ménage que ces généraux font pour quelques cavaliers qui devraient les faire rougir en leur montrant l’exemple du courage et de la hardiesse. » Puis, brusquement, cette même Tunisie, dont il a tourné la trop facile conquête en dérision, il annonce qu’elle va devenir le tombeau des Français. « Les Arabes vont bientôt recommencer et, cette fois, tout à fait appuyés par les Turcs ; et si ces derniers se mêlent de la chose, vous pouvez compter que les Français recevront ici la plus splendide tripotée du monde. » En effet, « tous ces généraux grotesques ont encore la botte prussienne marquée plus bas que le dos ; ils tremblent de peur devant leur ombre ». Et, si les Turcs rechignent à la besogne, d’autres s’en chargeront, les Allemands, Bismarck, qui vient d’amener l’Italie à la Triple-Alliance[150] : « De graves événements se préparent, j’espère, et, à la première vraie guerre, tous ces grands chefs, ridiculement battus, poltrons et ignorants, iront, une fois de plus, peupler les prisons allemandes qui, encore une fois, seront trop petites pour les contenir ; toutes les farces de tous ces sauteurs seront de peu de poids devant les beaux régiments prussiens si bien commandés. » Cette image des Français vaincus, des généraux prisonniers, lui met l’âme en joie ; il la reprend sans cesse, l’embellit de couleurs plus vives : « Si les Prussiens arrivaient jusqu’à Lyon, ils pourraient jeter leurs fusils en gardant seulement les baguettes pour chasser les Français devant eux… Avant qu’il soit longtemps, les Allemands mettront tous ces gens-là à leur vraie place… Le général Saussier est un clown que, chez eux, les Allemands mettraient dans un cirque[151] Voilà la belle armée de France ! » — Enfin, de Marseille, s’ouvrant de ses projets à sa maîtresse : « La patience de ce stupide peuple français, qui est bien la plus antipathique race que je connaisse, est sans limite ; mais la mienne est à bout : je ne resterai pas plus longtemps avec ces imbéciles et ces brutes, voués d’avance à la défaite. » Il a commencé par s’offrir aux Turcs : « Si on me propose un grade qui me convienne, j’irai là-bas ; » — À Constantinople ; il a exposé précédemment que les Turcs vont intervenir en Afrique pour en chasser les Français ; — « mais je ne partirai pas sans avoir fait à toutes ces canailles une plaisanterie de ma façon. » Et comme la réponse turque n’a pas été satisfaisante, il s’adressera ailleurs :

Je suis absolument convaincu, écrit-il[152], que ce peuple ne vaut pas la cartouche pour le tuer ; et toutes ces petites lâchetés de femmes saoules, auxquelles se livrent les hommes, me confirment à fond dans mon opinion.

Il n’y a pour moi qu’une qualité humaine, et elle manque complètement aux gens de ce pays ; et si, ce soir, on venait me dire que je serai tué demain comme capitaine de uhlans en sabrant des Français, je serais certainement parfaitement heureux.

Je regrette de tout mon cœur de n’avoir pas été à Aïn-Draham, bien que ce soit un fichu pays, et d’avoir remis les pattes dans cette France maudite ; j’ai fait toutes tentatives pour retourner en Algérie et je t’envoie deux lettres qui te démontreront, et qu’Aïn-Draham est un sale pays, et qu’il n’est pas facile d’aller en Algérie, puisque la confiance que tu as en moi est telle que je suis obligé de prouver désormais tout ce que j’avance, pièces en main.

Tu te trompes complètement sur ma nature et mon caractère ; je vaux certainement, au point de vue général, infiniment moins que le dernier de tes amis, mais je suis un être d’une tout autre espèce qu’eux ; c’est du reste là-dessus qu’on se trompe généralement sur mon compte ; mais, à l’heure présente, exaspéré, aigri, furieux, dans une situation absolument atroce, je suis capable de grandes choses si j’en trouvais l’occasion, ou de crimes si cela pouvait me venger.

Je ne ferais pas de mal à un petit chien, mais je ferais tuer cent mille Français avec plaisir. Aussi, tous les petits potins de perruquier en goguette me mettent-ils dans une rage noire ; et si je pouvais, ce qui est beaucoup plus difficile qu’on ne croit, je serais chez le Mahdi dans quinze jours.

Ah ! les on-dit que, avec le on anonyme et lâche, et les hommes immondes qui vont d’une femme à une autre colporter leurs ragots de lupanar et que chacun écoute, comme tout cela ferait triste figure dans un rouge soleil de bataille, dans Paris pris d’assaut et livré au pillage de cent mille soldats ivres !

Voilà une fête que je rêve.

Ainsi soit-il !

On chercherait en vain, dans la littérature, pourtant riche, des gallophobes, dans le Misogallo d’Alfieri ou chez Menzel, le « mangeur de Français », une plus furibonde invective ; aucune plume, ni allemande ni italienne, n’a craché pareil jet de haine. Et ce n’est ni un accès passager de rhétorique ni un coup subit de folie. Ces « lettres à Mme de Boulancy », il les parle depuis plusieurs mois à quiconque, militaire ou civil, veut l’entendre[153]. Plus d’une fois, des camarades, d’abord amusés de ses grandes phrases, puis indignés, lui ont imposé silence. Comme il s’obstinait à développer d’insultantes comparaisons entre les officiers français, presque tous roturiers, et les officiers allemands qui, eux, du moins, « ont du sang bleu dans les veines », le plus ancien capitaine fut délégué pour le provoquer en duel. Il s’excusa piteusement[154]. On le soupçonna dès lors d’espionnage et, dans la huitaine, il quitta le régiment pour s’embusquer, selon son habitude, dans les bureaux[155]. Il déclare ailleurs qu’il écrivait à son amie « comme pensant avec lui-même[156] ». Et c’est bien ainsi qu’il lui écrit, à elle et à d’autres, jetant sur le papier les idées, les mots qui bourdonnent dans sa tête, les images, désordonnées ou atroces, qui l’obsèdent, au galop de sa plume débridée, et d’une telle fougue qu’il se livre lui-même et se montre à nu.

Ainsi se détache cette noire figure sur la banale turpitude des soudards vulgaires. S’il médisait seulement des chefs, Esterhazy ne se distinguerait pas encore de beaucoup de mécontents ; de tout temps, la colère est montée vite, en gros mots, à la bouche des militaires. Mais sa rage, sa haine ont une autre envergure. De toutes ses forces et du plus profond de son être, il déteste l’armée dont il porte l’uniforme, la patrie où il est né, et, les ayant déjà vues malheureuses et vaincues, il leur souhaite de nouvelles défaites et de nouvelles catastrophes.

VII

À vrai dire, il ne les a jamais aimées ; bien plus, malgré son acte de naissance, il n’est Français que de nom. Dès le lycée, il paraît dépaysé, non seulement étrange, mais étranger ; plus tard, dans les régiments où il passe, il étonne « par on ne sait quoi d’insolite, d’inexplicable[157] » ; bien qu’« insinuant et charmeur », il n’a aucun ami, on l’appelle « le rastaquouère[158] ». Même avant de plonger dans les bas-fonds et de donner libre cours à ses colères, il a toujours parlé en étranger des choses de France ; il dira, un jour, de lui-même, « qu’il n’est Français que par le sabre[159] ». Un phénomène, bien connu des physiologistes, ramène parfois vers les types primitifs de l’espèce les sujets que les croisements successifs en ont éloignés ; il est un exemple de cette loi de retour.

Bien que sa mère soit de pure lignée française, — les Beauval sont une vieille famille de la Somme[160], — et que, dans la lignée paternelle, le sang hongrois soit mêlé à seize fois plus de sang français[161], l’influence qui l’emporte est de quelque ancêtre primitif. Ces quelques gouttes de sang magyar dominent le mélange, lui donnent leur teinte.

Dès lors, tout en lui est d’un exotique[162], l’allure, qui est le style du corps, ce corps sec, osseux, courbé, trop maigre pour la tête massive et ployant sous elle, ce visage aux pommettes saillantes, barré d’une forte moustache noire, presque sans menton, au teint bistre, comme brûlé par un feu de soufre, le nez busqué, vrai bec d’oiseau de proie, les yeux petits et enfoncés de la fouine, noirs, impénétrables, au regard toujours en mouvement, quelque chose d’oblique, le geste, tantôt brusque, tantôt insinuant, l’accent bref, la voix troublante par des contrastes de violence et de douceur, et, surtout, ce qui dans l’homme est vraiment lui-même, la traduction certaine du moi, sa manière de parler et d’écrire.,

Il a quelques-uns des dons de l’écrivain : l’abondance, une trivialité puissante, des trouvailles inattendues, une ironie brutale qui brise tout sur son passage, emporte le morceau, comme une vague de lave qui écume et se précipite. Mais ce style n’est français ni par ses qualités, très particulières, de couleur et de force, ni dans ses défauts. Esterhazy, qui sait très bien l’orthographe et en pratique même, avec beaucoup de soin, les minuties, est rebelle à la grammaire, mais surtout au génie de la langue[163]. L’instinct même lui en manque. Son vocabulaire est fourni, mais le sens précis, exact, des mots lui échappe ; il les emploie, le plus souvent, dans une acception qui, sans laisser d’être savoureuse, n’est pas celle du parler national ; ses tours de phrase ne sont pas seulement irréguliers ou bizarres. Un Français, qui ignore la grammaire ou l’a désapprise, commet des fautes et des solécismes ; ses incorrections même sont françaises. Celles d’Esterhazy ne le sont pas ; on sent que la forme dont il habille sa rapide pensée, si elle détonne en français, n’étonnerait pas dans une autre langue. Son éloquence, écrite ou parlée, toujours semblable à elle-même, ne sort pas d’une source indigène ; c’est de quelque gouffre lointain, inconnu, de la Puzta ancestrale, qu’a jailli la trombe de cette incohérente rhétorique, le flot de ces longues et lourdes périodes, interminables, coupées d’incidences et de parenthèses, comme un torrent est coupé de rochers et de cascades, qui roule pêle-mêle les locutions barbares, des mots accouplés contre nature, les images grossièrement impropres ou contradictoires.

Avant que les fables d’Esterhazy sur ses années de jeunesse eussent été percées à jour, on a attribué ses exotismes, les uns d’origine germanique, les autres qui seraient des solécismes en allemand comme en français, à l’éducation qu’il aurait reçue dans sa famille d’Autriche et à l’École militaire de Wiener Neustadt. On attribuait de même à cette influence certaines particularités de son graphisme, notamment le double ss, inversé, le petit avant le grand[164]. Or, Esterhazy a fait ses études en France jusqu’à l’âge de seize ans, et, s’il a pris l’habitude de certains germanismes pendant les quelques mois qu’il a passés en Allemagne, entre sa dix-huitième et sa vingtième année, le métal sonore de son style était déjà fondu[165]. Pour le double ss, il l’inversait dès l’âge de onze ans, comme en témoigne un cahier écrit par lui et que j’ai sous les yeux[166]. Cette forme « physiologique[167] » se trouve, d’ailleurs, dans nombre d’écritures qui n’ont rien d’allemand[168].

Il faut donc demander à une cause atavique plus profonde l’explication première, non seulement de ce style effréné, sauvage, qui est si bien tout l’homme, mais de cette nature si violemment hostile au génie français, même à l’esprit des malfaiteurs français de même espèce. Le sentiment de la patrie est un produit du sol qui ne fleurit aux arbres importés que s’ils ont été bien transplantés et bien greffés[169] ; les autres éclatent en ronces ou suent le poison. Si forte pourtant que soit chez Esterhazy cette poussée des instincts étrangers, sa corruption acquise est plus forte encore, et tout contribue à la développer jusqu’à l’énorme, les brusques successions de luxe impur et de basse misère qui fouettent sa machine physique et secouent ses nerfs, comme des jets alternés d’eau brûlante et d’eau glacée ; son intelligence, âcre comme son sang, aiguë comme un couteau, qui juge sans pitié les autres, et lui-même[170] ; la fortune, qui refuse de transformer, d’un coup de baguette, ses rêves en réalités ; et les dons même qu’il a reçus de la nature, et qu’il gâche à plaisir, parce qu’il n’a, comme une bête affamée et en rut, que des appétits et des besoins.

VIII

À Marseille, durant l’année 1884, Esterhazy fut au plus bas : il n’avait pas rétabli ses affaires en Tunisie ; celles qu’il y entreprit avaient mal tourné[171] ; ses créanciers, de toutes parts, se lassaient. Il avait emprunté (ou emporté) une somme considérable à une danseuse de l’Opéra, qui menaçait de porter plainte.

Cette histoire inquiéta terriblement Esterhazy ; il roula dans sa tête des pensées de meurtre. Il écrivit à Mme de Boulancy : « Je suis à l’absolu merci de cette drôlesse, si je commets vis-à-vis d’elle la moindre faute… Je la hais, tu peux m’en croire, et donnerais tout au monde pour être aujourd’hui à Sfax et l’y faire venir. Un de mes spahis, avec un fusil qui partirait comme par hasard, la guérirait à tout jamais[172]. »

Mme de Boulancy dédaigna de comprendre l’avertissement. C’était une femme d’une quarantaine d’années, orageuse, à qui Esterhazy, pendant longtemps, avait promis le mariage. Elle était, à un degré éloigné, sa cousine, de cette famille Cartier, de Nîmes, dont une fille avait épousé le bâtard de Marie-Anne[173]. À elle aussi, il avait extorqué de l’argent. Tout passait, fondait aux mêmes gouffres, dans des combinaisons admirables qui échouaient toujours.

L’an d’après, elle réclama son argent. Esterhazy éclata en fureur ; il commença par nier sa dette ; l’huissier signifia à dame Gabrielle Cartier, veuve de Boulancy, « que le requérant proteste de la façon la plus formelle contre l’acte à lui notifié » ; il n’a jamais reçu un centime « des 36.517 francs que ladite dame prétend lui avoir versés à titre d’avances[174] ». Il fallut la menace d’un procès pour lui faire rendre six mille francs sur trente-six. On convint, de part et d’autre, de détruire les lettres échangées. Dès qu’Esterhazy supposa que Mme de Boulancy s’était démunie, il lui écrivit : « Vous croyez peut-être que j’ai brûlé vos lettres, j’aurais été trop naïf ; je les ai gardées toutes et je saurai m’en servir au moment opportun. » Et, après deux grandes pages d’injures : « Soixante-dix-huit de vos lettres sont chez un avoué et, même si je viens à mourir, elles ne seront pas perdues. C’est français, cela ! Je vous salue[175]. » Sur quoi Mme de Boulancy répliqua qu’elle avait, elle aussi, gardé les lettres dont la destruction avait été stipulée dans l’arrangement et qu’à la première occasion elle dénoncerait Esterhazy au ministre de la Guerre.

Ses notes militaires, jusqu’à son séjour en Tunisie, avaient été médiocres[176]. Désormais, elles sont excellentes, grâce à quelque mystérieuse protection ou par suite d’un aveuglement qui tient du prodige. En 1881 : « Manière de servir parfaite ; grande énergie morale[177]. » En janvier 1883, le général Étienne loue « son caractère énergique, sérieux, calme ; officier vigoureux, ferme, bien élevé ; belle tenue, bonne conduite. » Pour 1884, l’année de la lettre « du Hulan », le commandant Paquié n’est pas moins élogieux : « Se fait remarquer par son esprit militaire et ses sentiments élevés. Très discipliné et fort respectueux pour ses chefs. » En juillet 1885 : « Militaire dans l’âme ; montre en toute circonstance un jugement droit et sain. »

Esterhazy, pendant son séjour en Tunisie, avait forgé un faux dont il tira, pendant plus de dix ans, honneur et profit.

Le bataillon, dont il faisait partie au début de la campagne, avait assisté, sans y être engagé, à deux petits combats, d’ailleurs malheureux[178], et qui ne donnèrent lieu qu’à un ordre de régiment. Le colonel Corréard y citait trois officiers[179] dont n’était pas Esterhazy, puisqu’il était resté étranger à la rencontre et qu’au surplus il avait été malade pendant le combat[180].

Mais Esterhazy en avait envoyé au colonel du 135e à Cholet, un récit où il jouait le rôle principal, entraînant ses hommes, se précipitant sur les Arabes et décidant de la prétendue victoire ; le colonel Carcanade, à qui l’idée d’une fraude ne pouvait venir, porta aussitôt à la connaissance de ses troupes la belle conduite du 1er bataillon[181] ; et, tranquillement, durant son passage au service des Renseignements tunisiens[182], où il échappait à la surveillance de ses chefs de corps, Esterhazy avait transcrit sur ses états de service, comme une citation à l’ordre de l’armée, la version mensongère, de pure invention, dont il était l’auteur[183].

Ce faux, qu’il exhibait au bon moment, fit quelques dupes.

Il continua, d’ailleurs, ses filouteries habituelles, achetant, à crédit, pour revendre. Il bafouait ses créanciers et, jouant au marquis, traitait leurs réclamations d’insolences[184]. L’un de ces faquins, l’ayant poursuivi en justice, lui déféra le serment ; il jura qu’il avait payé. Les juges, nécessairement, crurent l’officier[185].

Tout cela, pourtant, ne l’avançait guère. Sa caisse, fêlée de toutes parts, va être à sec. Au printemps de 1885, il lui reste 7.000 francs de valeurs et 30 louis en or[186]. Pendant les manœuvres des Alpes, son agenda le montre en proie aux soucis d’argent les plus violents, harcelé pour des sommes minimes, « de plus en plus désespéré ». Ce petit cahier, où il note, au jour le jour, ses impressions, fait apparaître, avec un singulier relief, l’étonnante multiplicité de l’homme. Il suit les manœuvres avec attention, regarde bien le pays, écrit, tous les jours, une vingtaine de lettres, télégraphie, entre deux étapes, des ordres de Bourse, poursuit une intrigue, fait tête aux huissiers, engage des procès, et, certainement, a été remarqué par ses chefs pour son intelligence et sa décision.

À la première page : Ave, dea, moriturus te salutat. La déesse se nomme Clélia ; il appelle son cheval du même nom. Je copie au hasard :

Réclamations du 135e pour 28 francs de nécessaire d’armes… Écris à Clélia… À Aups, les lieutenants organisent un petit bal où va Mathieu dont le père est mort il y a quinze jours. Réflexions noires… À Castellane, logé chez du Villars. Chocolat et punaises… Suis d’avant-garde. Lettre charmante de Clélia… Écris Bermond (son homme d’affaires). Écris Crédit lyonnais… Lettre infecte de Clélia. Lui écris huit pages. Tir de combat. Terrain éreintant… Écœuré complètement. Pense au mariage… Dépêches rassurantes liquidateur… Autre lettre de Clélia. Ingrate femelle !… Lettre de Delpiano. Embêté… Toujours souffrant, triste et écœuré… (À la frontière italienne) : Les Italiens aussi nous foutront une pile… Exercice de télégraphie… L’artillerie et le génie ont fichu des mulets dans les ravins… Écris Fischer (son agent de change) pour six obligations… Incroyable énervement dans l’attente du courrier… Manœuvre au Pas des muletiers… Lettre Fischer mauvaise pour les banques ottomanes… Combat à Thorame ; éreinté… Le commandant me dit que j’ai de fort belles notes… Horriblement embêté, volé et roulé… Lettre huissier ; lettre B… Quelle canaille !… Nouvelle lettre ignoble de B… Écris au procureur de la République… Lettre ignoble de Clélia annonçant tout fini et reprend sa liberté. Lui écris trois lettres, lui envoie deux télégrammes… Aucune réponse de la rosse… Si je ne me marie pas, il faut filer au Tonkin.

Çà et là, entre ces pages, des fleurs séchées.

À bout de ressources, il se maria (1886). Déjà, pendant ces mêmes manœuvres des Alpes, il s’était adressé à des agences matrimoniales, de celles qui offrent des jeunes filles « avec tares », avait envoyé sa photographie et versé des avances. Une jeune fille, « de cinq millions », qu’il croyait tenir, le refusa[187]. Un prêtre, attaché à l’une des grandes paroisses de Paris, l’introduisit enfin dans la famille du marquis de Nettancourt-Vaubecourt. Le marquis, d’une vieille famille lorraine, très royaliste, qui s’était engagé bravement pendant la guerre, honnête homme, un peu bizarre, avait mangé sa fortune personnelle ; il s’était retiré dans ses terres de la Meuse[188] ; la marquise, de souche bourgeoise, dévote, entichée de son titre, était riche et avait vécu longtemps séparée de son mari. Esterhazy jugea la situation d’un œil rapide. « Le fait que j’avais servi à Rome, écrit-il, donna à ma belle famille des illusions sur moi[189]. » Pour Mlle de Nettancourt, il eut vite fait de l’éblouir par le feu d’artifice de sa conversation, le récit de ses exploits et ses grands airs. La dot était de deux cent mille francs[190]. L’entremetteur en reçut six mille. Esterhazy, le jour du contrat, n’avait plus rien que ses hardes et quelque argenterie.

Le mariage, avec une femme aimante, qui le faisait entrer dans la meilleure société, monarchiste et religieuse, et lui donnait un foyer, ne le sauva pas. Il semble, au contraire, qu’il ait été pris (à Marseille jusqu’en 1889, puis à Paris où il obtint de revenir) d’une frénésie accélérée, achetant des objets d’art, des armes, un château[191], multipliant les opérations de Bourse[192], s’affichant avec des drôlesses[193]. En moins de cinq ans, tout ce qu’il put distraire de la fortune conjugale, par un remploi dotal frauduleux[194] et d’autres manœuvres, fut dilapidé[195].

Et, dès que l’argent manqua, il retomba aux pratiques, aux escroqueries d’avant son mariage. À Courbevoie, il déménage sans payer son terme et, poursuivi, jure qu’il a perdu la quittance de loyer[196]. Au tailleur Rieu, qui lui réclame son dû, il exhibe de faux talons de poste comme une preuve d’acomptes qui se seraient perdus en route[197]. Un autre fournisseur, ajourné de mois en mois, menace de mettre opposition sur ses appointements ; il écrit à l’avoué :

Il y a, en France, une catégorie de drôles qui s’imaginent que les galons d’un soldat et les croix gagnées sous les balles et au prix du sang versé, comme c’est mon cas, doivent servir à toutes les malpropres tentatives de chantage qu’il leur plaît d’inventer. Ces canailles auraient besoin du bois de lance d’un hulan prussien pour savoir comment on traite des soldats[198].

IX

Au mois de mai 1892, il entra en rapports avec Drumont[199], qui venait de fonder la Libre Parole et de l’inaugurer par une campagne contre « les officiers juifs dans l’armée[200] ».

Il y a des dessous, encore mal connus, au rôle d’Esterhazy dans cette affaire[201].

Les articles de la Libre Parole[202] étaient signés d’un comte Pradel de Lamase, déjà condamné deux fois pour diffamation[203]. Les officiers juifs y étaient dénoncés, en bloc, comme une plaie de l’armée, un danger public. Vienne une guerre « et Rothschild se fera communiquer les plans de mobilisation ; — on pense bien dans quel but ».

Le capitaine Crémieu-Foa, du 8e dragons, releva le gant. Il adressa une provocation à Drumont : « En insultant les trois cents officiers français de l’armée active qui appartiennent au culte israélite, vous m’insultez personnellement. » La Libre Parole répliqua : « Si les officiers juifs sont blessés par nos articles, que le sort désigne parmi eux le nombre qu’ils voudront de délégués et nous leur opposerons un nombre égal d’épées françaises[204]. » Cette antithèse, d’un côté les épées françaises, et, de l’autre, les épées juives, était une insulte de plus. L’article portait une signature collective : « Édouard Drumont ; la rédaction de la Libre Parole ; Morès et ses amis[205]. »

Crémieu-Foa me pria de l’assister[206]. Je lui fis observer qu’officier, il devait, surtout dans une telle affaire, s’adresser à des officiers. Le même jour, devant les bureaux de son frère, il rencontra Esterhazy, qui le guettait, le félicita de son initiative et « lui offrit avec insistance d’être son témoin ». L’autre témoin fut le capitaine Devanlay ; Esterhazy lui fit la leçon. Drumont constitua Morès et le colonel (en retraite) de Brémond d’Ars. Une rencontre fut décidée.

Dès la première reprise[207], où Crémieu fut fouetté d’un coup d’épée à l’aine et son adversaire effleuré à l’œil gauche, le médecin de Drumont intervint[208]. C’était contraire au procès-verbal, qui stipulait que « les médecins n’interviendraient que sur la demande des combattants[209]». Mais les témoins arrêtèrent le combat.

Les blessures étaient si légères, que, le soir même, l’officier rentra à son régiment et Drumont à son journal. Le lendemain, Pradel de Lamase écrivit à Crémieu qu’en ne lui demandant pas raison d’articles qui portaient sa signature, il l’avait offensé. De quoi Lamase exigeait réparation[210].

La prétention était tardive. De plus, Morès avait déclaré aux témoins de Crémieu que « Lamase n’était pas l’auteur des articles, que c’était un officier de l’armée active, désireux de garder l’anonyme[211] ».

Qui était ce diffamateur masqué ? Morès et Drumont refusèrent de le livrer ; Esterhazy déposera, par la suite, qu’il chercha en vain à se le faire nommer, « afin, dit-il, que l’armée pût le chasser à coups de bottes[212] ».

Cependant Crémieu ne déclina pas la rencontre et chargea de nouveau Esterhazy et Devanlay de ses intérêts. Lamase désigna Morès et Guérin[213]. « Morès et ses amis » habitaient la même maison[214].

À partir de ce moment, l’attitude, déjà suspecte d’Esterhazy, ne laisse aucun doute qu’il s’était offert à Crémieu, à la demande des gens de la Libre Parole, pour faire commettre des maladresses à son ami et pour le perdre. Il a consenti à le représenter, tout en lui conseillant de ne pas se battre avec le prête-nom de l’officier anonyme ; puis, bien qu’il voie familièrement Morès, qui l’avait conduit chez Drumont[215], il prend si mal ses mesures que les témoins n’arrivent pas à se joindre[216]. Le cinquième jour, Morès et Guérin écrivent à Crémieu que, s’il ne fixe pas de date à la rencontre, ils dresseront contre lui un procès-verbal de carence. L’inflammable officier leur envoie aussitôt un double cartel qui est accepté, mais à la condition que Lamase recevra d’abord satisfaction[217].

Quand les choses furent si bien embrouillées que Crémieu se trouva acculé à passer par ce duel, sous peine d’avoir l’air de fuir devant Morès, bretteur émérite, et devant Guérin, sorte de géant qui répandait la terreur, Esterhazy rendit son mandat.

Toutefois, il ne cessa pas de suivre l’affaire, mit au courant les nouveaux témoins, le capitaine Mayer et le lieutenant Trochu. Cette fois, tout marcha vite, trop vite. Les témoins de Lamase refusèrent de faire décider par un jury d’honneur si un officier peut se rencontrer avec un homme de paille[218] ; ceux du capitaine Crémieu demandèrent que le procès verbal ne fût pas publié, parce qu’ils « répugnaient à l’idée de voir leur nom dans les journaux[219] ». En conséquence, Morès et Guérin acceptèrent de déclarer, sous leur signature, que Lamase avait seulement signé les articles et qu’un officier, qui ne voulait pas se révéler, les avait écrits.

Le frère de Crémieu-Foa s’indigna de cette convention qui laissait le public dans l’ignorance de la honteuse vérité. Esterhazy l’engagea à divulguer, quand même, le procès-verbal[220]. Ce jeune homme le tenait pour le plus loyal des soldats, un type de chevalerie. Quelqu’un, cependant, l’avait averti : « Il ne regarde jamais en face ; il vous trahit. » Esterhazy passa la soirée à la Libre Parole[221] ; le procès-verbal parut dans un journal du lendemain[222].

Cette incorrection eut de terribles conséquences. Les deux adversaires avaient à peine échangé quatre balles, sans résultat, que Morès, sur le lieu même du duel, accusa le capitaine Mayer d’avoir manqué à sa parole en publiant le procès-verbal. Mayer, qui avait vivement reproché son indiscrétion à Ernest Crémieu[223], répliqua à Morès qu’il n’y était pour rien, mais qu’il se tenait à sa disposition[224]. Lui aussi, il avait peur de paraître reculer devant les injures des antisémites et tenait à montrer que le souci, non pas de l’honneur, qui n’était pas en jeu, mais du point d’honneur, n’était pas moins vif dans son âme de juif que dans celle d’aucun chrétien. Morès reconnut que Mayer était étranger à l’incorrecte divulgation[225], mais prétendit qu’il en nommât lui-même l’auteur[226]. C’était rendre le duel inévitable. Mayer repoussa cette indignité, qui était une nouvelle injure.

Morès et Guérin savaient que l’indiscrétion commise était le fait d’Ernest Crémieu, qui l’avait avouée, spontanément, aux témoins de son frère. Le lieutenant Trochu, tout de suite, en avait avisé Guérin[227].

Visiblement, les antijuifs, Morès, Drumont, cherchaient à étendre le scandale, la ligne de bataille.

Quelques jours auparavant, dans la salle des Pas-Perdus, au Palais de Justice, Guérin, disait-on, se serait écrié : « Que nous ayons un bon cadavre de juif et vous verrez toute la France en l’air[228] ! »

Le combat, ainsi voulu par Morès, eut lieu le lendemain[229]. Morès apporta deux paires d’épées, très lourdes[230]. Le sort le favorisa pour le choix des armes. « Après un engagement de quelques secondes, Mayer reçut au creux de l’aisselle un coup d’une telle violence que le poumon fut perforé ; le fer s’enfonça de plusieurs centimètres dans la colonne vertébrale[231]. » Il mourut dans la soirée.

Ainsi débuta l’antisémitisme en France : par le meurtre d’un officier français, alsacien.

La Libre Parole, pour atténuer la responsabilité de Morès, osa écrire que « Mayer était détaché à l’École polytechnique en qualité de professeur d’escrime[232] ».

Le capitaine Crémieu, ayant une affaire engagée depuis deux jours avec Morès, eût dû se battre le premier. Il avait réclamé, en effet, son droit de priorité quand son colonel le rappela à Meaux, par dépêche, pour y subir des arrêts[233]. Esterhazy se remit alors à sa disposition, mais pour signer, en hâte, sans le consulter, un double procès-verbal qui, visant les circonstances, clôturait les affaires contre Morès et contre Guérin[234]. Crémieu, dès qu’il eut obtenu, dans la journée du lendemain, la levée de ses arrêts, accourut à Paris, récusa Esterhazy et se mit en quête de nouveaux témoins[235]. Aussitôt la Libre Parole publia les procès-verbaux, sans dire un mot de la récusation[236]. C’était le matin même où Mayer fut tué par Morès.

Dans l’émotion que causa la mort du capitaine Mayer[237], Ernest Crémieu fut sévèrement jugé. Esterhazy, qui l’avait conseillé, lui promit de le dégager avec éclat et de prendre sa part de responsabilité, quand il déposerait au procès intenté à Morès pour homicide. Au jour venu, il n’en fit rien. Ce furieux, qui écrit comme on sabre, sait, quand il le faut, calculer, comme un diplomate, la portée de ses paroles. Il montra son impartialité en rendant un égal hommage au courage de tous : s’il blâma l’emploi des épées trop lourdes de Morès, il n’en fit grief qu’aux témoins de Mayer qui auraient dû les refuser ; il attesta même qu’Ernest Crémieu s’était déclaré tout de suite l’auteur de la publication des procès-verbaux, mais il se tut sur son propre rôle[238] et laissa ainsi abîmer ce malheureux[239].

Morès fut acquitté. Le capitaine Crémieu-Foa alla se faire tuer au Dahomey[240].

Si Esterhazy avait été pour ces jeunes gens un ami loyal, Drumont eût vite fait de le traiter comme quiconque était l’ami d’un juif, et de l’accuser d’avoir reçu de l’argent. Au contraire, Esterhazy devient un familier de la maison, un collaborateur du journal[241]. Quelques-uns des articles les plus virulents qui y paraîtront contre les chefs de l’armée, il les inspire ou les écrit lui-même, et, avec son effronterie habituelle, ne s’en cache pas. Ne serait-il pas l’auteur des articles signés de Lamase et qu’il a si bruyamment flétris[242] ? On l’en a accusé, non sans vraisemblance, mais sans preuves.

  1. Trophæum nobilissimæ et antiquissimæ domus Estorasianæ (Vienne, 1700). Le tableau généalogique ne s’arrête pas à Attila ; il remonte, par Nemrod, à Cham et à Noé. — Le premier du nom serait un prétendu descendant du roi des Huns, Pol Estoras, qui reçut l’eau du baptême, avec saint Étienne, en 969. — Dans le catalogue de la bibliothèque Széchénienne, le Trophée est indiqué comme l’œuvre du palatin Paul Esterhazy. La généalogie est reproduite dans le décret de 1687, qui élève le palatin à la dignité de prince. (Lekotsky, Stemmatographie, 32.)
  2. Salomon de Zerhas. À sa mort, son fils aîné, Pierre, eut Zerhas, et le cadet, Elias, eut Illyeshaza (1238). La branche des Illeshazy s’est éteinte en 1838.
  3. L’île de Schütt ou de Czalloköz, en aval de Presbourg.
  4. Ils portèrent le nom de Zerhazy jusqu’en 1584 ; François Zerhazy, créé baron de Galantha, changea alors son nom patronymique en celui d’Esterhazy. La terre de Galantha leur avait été donnée, en 1421, par l’empereur Sigismond.
  5. 1635-1713.
  6. Le Palatin reçut son titre deux jours avant le couronnement de l’archiduc Joseph (7-9 décembre 1687). — « On acheta Esterhazy le Palatin, en lui promettant la dignité de prince. » (Mémoires de Rakoczy, 118, à la suite de l’Histoire des Révolutions de Hongrie, La Haye, 1739.)
  7. 29 seigneuries, 21 châteaux, 60 bourgs à marché, 414 villages (Ersch et Gruber, Allgemeine Encyclopædie.) — « Les Esterhazy font tout en grand ; le prince Paul a doté deux cents maîtresses. » (Jean Paget, Châteaux des Esterhazy.)
  8. Il était le fils de François Esterhazy, qui mourut jeune (1641-1683).
  9. Mémoires de Rakoczy, 51.
  10. Joseph et François Esterhazy.
  11. 1703. Mémoires de Sourches, V, 252 ; de Dangeau, XI, 77 ; etc.
  12. L’acte de 1715, qui prononça la confiscation des biens de Rakoczy, Berchény, Esterhazy et autres, coupables de lèse-majesté, fut enregistré par le Parlement ; il n’a jamais été rapporté.
  13. Mémoires (Édit. Chéruel), IV, 119.
  14. Ibid.
  15. Commission royale du 12 juin 1720 (Général Susane, Histoire de la cavalerie française, II, 246.)
  16. 1733-1734.
  17. Voltaire, Siècle de Louis XIV, xxix,
  18. L’autorisation est de décembre 1734 ; le régiment fut formé le 25 janvier 1735. (Susane, II, 253.)
  19. Montesquieu, Esprit des lois, VIII, ix : « Cette noblesse qui s’indigna, oublia tout pour combattre et crut qu’il était de sa gloire de périr et de pardonner. » — De même, Michelet, Histoire de France, XVI, 185.
  20. Couleur feuille-morte et trois fleurs de lys d’or.
  21. Décembre 1742. — Susane, II, 247, 253.
  22. Le régiment des hussards Esterhazy passa, en 1743, sous les ordres du mestre de camp David ; il devint ensuite la propriété du comte de Turpin (1747), puis du marquis de Chamborant, dont il prit le nom (1761).
  23. 9 juin 1740.
  24. 22 octobre 1740.
  25. Mémoires inédits du comte Ladislas-Valentin Esterhazy, dans le recueil de Feuillet de Conches, IV, 4.
  26. 1760.
  27. Ce second Royal-Esterhazy fut levé par ordre du 10 février 1764.
  28. Mémoires, inédits, IV, 17 et suiv. — Il ne se donnait pas seulement pour le favori, mais jouait au jaloux. Il chercha querelle à Lauzun « pour s’être trop occupé de la Reine au bal de l’Opéra ». (Mémoires de Lauzun, 238.) — Le comte de Saint-Germain l’ayant envoyé en garnison à Montmédy, la Reine fit chercher le ministre et lui ordonna, en termes vifs, de changer aussitôt ses destinations de manière « que M. d’Esterhazy fût content ». Et « là-dessus, écrit Esterhazy, elle lui tourna le dos et vint me trouver dans le cabinet d’où j’avais tout entendu ». (Mémoires, IV, 16.)
  29. Il raconte lui-même ces démarches. (Mémoires, 4, 5, etc.)
  30. Reine à peine depuis quelques jours, Marie-Antoinette écrit à sa mère : « Il y a tout lieu d’espérer qu’éloigné de ce dangereux pays et vivant au sein de sa famille, il peut devenir un bon sujet. Au contraire, je crains que, si on le traitait avec toute la sévérité qu’il mérite, sa tête ne soit pas encore assez remise pour qu’il ne fasse encore quelque nouvelle sottise. J’espère que ma chère maman ne tourne pas tout entière contre Esterhazy. » (Lettre du 14 mai 1774, Recueil d’Arneth.)
  31. Elle lui permit cependant, à plusieurs reprises, le séjour de Vienne. (Lettre du 3 avril 1774.)
  32. Mémoires, IV, 29. — Il dénonce les ministres « maladroits » qui commirent la faute contagieuse « d’établir la liberté en Amérique en soutenant des sujets révoltés contre leur souverain ». Necker est un « charlatan » et un « scélérat ».
  33. Michelet, Révolution, I, 159 : « Royal-Cravate était à Charenton ; à Sèvres, Reinach et Diesbach ; Nassau était à Versailles, Salis-Samade à Issy, les hussards de Berchény à l’École militaire ; ailleurs, Châteauvieux, Esterhazy, Rœmer. »
  34. Mémoires, IV, 35.
  35. Ibid., 36 ; E. Daudet, Coblentz 7.
  36. Les régiments d’Orléans et Royal-Suédois. (Mémoires IV, 37.)
  37. Mémoires, IV, 37.
  38. François de Fontanges, aumônier de la Reine ; il était, depuis 1788, archevêque de Toulouse.
  39. Correspondance du comte de Vaudreuil avec le comte d’Artois, I, 309, lettre du 26 septembre 1790 : « Ceux qui ont à présent la principale confiance de la Reine sont d’Esterhazy et l’abbé de Fontanges. »
  40. Mémoires, IV, 48.
  41. Michelet, Révolution, I, 194. — Esterhazy raconte, dans ses Mémoires, comment, dans une partie de chasse au Vésinet, Louis XVI laissa échapper une occasion de gagner l’armée de Bouillé (IV, 48).
  42. Mémoires, IV, 42.
  43. Lettre d’Esterhazy au marquis de Goury, du 27 août 1789 : « Sur des faits tous également faux. »
  44. Les Révolutions de Paris, n° 11, du 19 au 26 septembre 1789, 47. — Lettre de Quatrefages de la Roquette, député de la sénéchaussée de Nîmes, du 8 septembre 1789, à des amis du Vigan (Intermédiaire des chercheurs, n° 926).
  45. Gazette nationale (Moniteur Universel) n° 45. — Séance du 21 août 1789. — Rapport de Gossuin et Ponchin, députés du bailliage du Quesnoy (27 août).
  46. Lettre du 29 août 1789 : « Je suis désespéré, écrit Henry à Esterhazy, que vous soyez inculpé dans une affaire à laquelle vous n’avez nulle part. Je le déclare sur ma conscience et mon honneur, à la face de la nation et de l’univers : c’est sur la plainte seule des officiers municipaux de Marienbourg, adressée à MM. les députés ordinaires à Valenciennes… etc. »
  47. Alphabet de la Cour, 6.
  48. Mémoires, IV, 51 (8 juin 1791).
  49. Il avait fait venir le comte d’Artois à Saint-Pétersbourg : Catherine donna un million au prince, lui en promit quatre et lui remit une épée magnifique : « Je ne vous la donnerais pas, lui dit-elle, si je n’étais sûre que vous péririez plutôt que de différer à vous en servir. » Artois répondit : « Je prie Votre Majesté de n’en pas douter. » Le comte de Vauban dit à Esterhazy : « Il a reçu cette épée comme un homme qui ne s’en servira pas. » (Vauban, Mémoires, 16.)
  50. Il mourut à Grodek en 1805. Il avait épousé, en 1785, la comtesse de Hollweill et eut d’elle trois filles et deux fils : Valentin, né à Paris en 1786, mort à Vienne en 1839 ; Ladislas, né à Grodek en 1797, mort en 1876, au lieu de sa naissance, sans laisser de postérité. Valentin eut un fils qui fut ambassadeur d’Autriche en Suède et en Russie, ne se maria pas et mourut à Paris, le 2 novembre 1857.
  51. Les Ginestous sont une vieille famille noble du Languedoc et remontent authentiquement au xiie siècle. (Histoire du Languedoc, III, n° 33.) Pierre de Ginestous, seigneur d’Argentières, Madières, Gravières et autres lieux, gouverneur et viguier du Vigan, épousa, le 25 mars 1716, Françoise Daudet dont il eut trois fils et trois filles. L’aîné, Jean-André-César, fut, comme son père, viguier du Vigan ; commandant du régiment du colonel-général et chevalier de Saint-Louis, il reçut de Louis XV le titre de marquis (Lettres patentes du 10 décembre 1752). Ses deux frères, le comte Joseph Louis et le vicomte Henri Fulerand, servirent également comme officiers. Armes : d’or, au lion de gueules, etc. ; devise : stabit atque florebit. (De La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la Noblesse.) C’est le marquis qui fut l’amant de Marie-Anne. — Aristide Ollivier, frère aîné d’Émile Ollivier, fut tué en duel, le 21 juin 1851, par un membre de cette famille.
  52. Né à Valleraugue (canton du Vigan), le 7 mai 1767. — L’acte de baptême, du 1er octobre, porte que « l’enfant fut ondoyé, une heure après sa naissance, par le maître chirurgien-accoucheur Recolin, lequel a présenté l’enfant et a déclaré qu’il était né dans la paroisse… Le parrain a été Antoine Rabier, fabricant en bas de cette paroisse : la marraine, Jeanne Chassagnols, veuve de Claude Blanc, sage-femme du lieu. » Signé : Recolin, Rabier, Teissier, curé. (Extrait des Registres de l’état-civil de Valleraugue.)
  53. « Le nom de Walsin n’a été continué à être porté que comme sobriquet et parce que c’est sous ce nom que le fils de Marie-Anne avait été connu avant sa reconnaissance par sa mère. » (Lettre du commandant Esterhazy à son cousin Christian, décembre 1899.)
  54. Louis XVI et Marie-Antoinette, par Feuillet de Conches, IV, 69. — C’est également la version des Esterhazy d’Autriche. (Lettre du comte Nicolas Esterhazy au Fremdenblatt de Vienne, 24 novembre 1897.)
  55. Lettre (inédite) du commandant Esterhazy à son cousin Christian : « Le cabotin de 25e ordre qui… » etc. — Selon une troisième version, le fils adultérin du marquis de Ginestous aurait été présenté au baptême par un bas officier de son régiment, du nom de Walsin. Mais cette version est démentie par l’acte de baptême.
  56. Lettre du marquis Raymond de Ginestous à Scheurer-Kestner (4 juillet 1898, de Buenos-Ayres). — C’est également la version de Christian Esterhazy. (Libre Parole du 25 novembre 1897.)
  57. Valmont est le héros des Liaisons dangereuses ; Le Paysan parvenu de Marivaux prend le nom de Valville. On trouve encore Valmiers, Valsinore, Valmor (Valmor et Lydia, par le marquis de Sade).
  58. « Valsin, jamais ton inconstance… — Cependant, Valsin infidèle… — C’est ainsi qu’à la volupté — Valsin préparait la beauté. » (Parny.) — Plus tard, l’orthographe du nom s’altère par étymologie populaire ; Valsin devient Valsain : Chéron aîné, Valsain et Florville, comédie en trois actes et en vers, représentée à l’Odéon, en 1803 ; Béranger : « Mais je vois Valsain paraître. » (Chansons, la Chatte.)
  59. Déclaration de maternité, en date du 6e complémentaire de l’an III de la République, en faveur de Jean-Marie-Auguste Esterhazy, devant Fosquet, notaire public.
  60. Ce faux (en linguistique) ne pouvait faire illusion qu’aux ignorants de la langue hongroise, qui n’admet pas la lettre s sans voyelle intermédiaire.
  61. Assignations du 28 mars 1899 à Christian, et du 28 mars au commandant Esterhazy.
  62. Elle mourut à Nîmes, le 30 janvier 1823, à 81 ans.
  63. Marie-Marthe-Adélaïde Cartier, fille de Vincent Cartier et de Madeleine Devès. — Sur l’acte de mariage, le futur conjoint n’est désigné que sous le nom d’Esterhazy : « Le 20e prairial an V… sont comparus : Jean Marie-Auguste Esterhazy, négociant, âgé de 29 ans, natif de la commune de Valleraugue, fils naturel et adoptif de Marianne Esterhazy… » Signé : Jean-Marie-Auguste Esterhazy.
  64. Né à Nîmes en 1802 (30 germinal an X). Il s’établit à Marseille où il se livra au commerce, mais sans succès. De son mariage avec Mlle Lenormant, il eut trois fils, Edmond, Ernest et Paul. Mort le 15 novembre 1856.
  65. Né à Nîmes en 1804 (25 messidor an XII).
  66. Né à Nîmes le 18 mai 1807. — L’acte de naissance (du 20 mai 1807, devant Étienne Reboul, premier adjoint) donne les prénoms : Louis-Joseph-Ferdinand ; le nom de Walsin figure seulement, comme aux actes de naissance des deux aînés, dans la désignation du père : « Devant nous… est comparu Jean-Marie-Auguste Walsin Esterhazy, propriétaire, domicilié à Nîmes sur la section cinq… » Signé : Walsin-Esterhazy. — D’autre part, l’aînée des filles est enregistrée, sur son acte de naissance, sous les noms de Marie-Joséphine-Almérie Walsin d’Esterhazy, fille de Walsin d’Esterhazy.
  67. Mort à Nîmes le 11 mai 1840. — L’acte de décès le désigne comme suit : Jean-Marie-Auguste Walsin d’Esterhazy, propriétaire, âgé de septante-trois ans.
  68. Camille Rousset, La Conquête de l’Algérie (1841-1857), I, 54. — Souvenirs du général du Barail, I, 121. — Il fut cité trois fois à l’ordre du jour. Capitaine en 1840, chef d’escadron en 1842, colonel en 1847, il ne rentra en France qu’en 1848 et fut nommé général de brigade en mai 1852.
  69. C. Rousset, I, 327.
  70. Notice historique sur le Maghzen d’Oran, par le colonel Walsin-Esterhazy (Oran, 1849), 198.
  71. C. Rousset, I, 359, 362 ; Du Barail, I, 253.
  72. De la Domination turque dans l’ancienne Régence d’Alger, introduction, v, ix, xiii, etc. Ailleurs : « Il faut faire trembler les Arabes. »
  73. Le Maghzen d’Oran, 5, 209, 235, 262, etc.
  74. Jean-Louis Esterhazy sortait de l’École de Saint-Cyr ; il fut attaché, comme capitaine, à la maison militaire de Louis-Philippe et promu général de brigade en 1850.
  75. La mission militaire de Tunis avait été précédemment dirigée, avec beaucoup de succès, par son frère. (A. de Haux, La Régence au xixe siècle, 176.)
  76. Catalogue Charavay, n° 46, pièce 496.
  77. 29 septembre 1855. — Un ordre général du maréchal Pellisser (n° 31) porte à la connaissance de l’armée « le combat d’Eupatoria qui fait grand honneur au général d’Allonville, au 4e régiment de hussards, aux 6e et 7e régiments de dragons, à la batterie Armand de l’artillerie à cheval, ainsi qu’aux généraux Walsin-Esterhazy et de Champeron. » Camille Rousset (Histoire de la guerre de Crimée, II, 414) dit seulement que « ce succès fit beaucoup d’honneur au général d’Allonville ». D’après un autre récit, « le général Walsin d’Esterhazy traversa les rangs des Russes, la canne à la main, semant sur le sol son état-major et son escorte ». (Mismer, Souvenirs d’un dragon, 236.) — Esterhazy s’est vanté souvent du rôle de son père dans ce combat : « Mon père, le sabre à la main, à cinquante pas en avant de son premier rang, chargea, avec quatre escadrons du 4e hussards, deux batteries d’artillerie et deux régiments de cavalerie russes, sabra les canonniers ennemis sur leurs pièces, eut tout son peloton d’escorte, son aide de camp et son officier d’ordonnance défoncés autour de lui et foutit la canaille russe en déroute. C’est le plus brillant fait d’armes dont puisse s’enorgueillir la cavalerie française. » (Lettre à Serge Basset, de Londres, juillet 1899.)
  78. 18 mars 1856.
  79. Le 20 décembre 1855, le thermomètre descendit à 27° au-dessous de zéro.
  80. Né le 16 décembre 1847 à Paris, 23, rue de Clichy. Il était de trois ans l’aîné de sa sœur.
  81. Elle occupait un petit appartement au n° 18 de la rue de Berlin.
  82. Esterhazy entre au lycée Bonaparte (classe de quatrième) en 1860. Il suit, à partir de la troisième, la section des sciences. Au palmarès de 1861, il est porté pour cinq accessits ; à celui de 1862, pour un second prix de narration française et un accessit. Il suit les cours de seconde jusqu’en mars 1863 et quitte alors le lycée. Je note, parmi ses professeurs, Camille Rousset pour l’histoire, Desboves et Tombeck pour les mathématiques, Cucheval et Legouëz pour les lettres.
  83. Il est porté sur les registres du Lycée Bonaparte (aujourd’hui Condorcet) comme ayant quitté la classe de seconde, section des sciences, en mars 1863. Il avait alors seize ans.
  84. 1865.
  85. Il ne passa même pas l’examen du baccalauréat ; le fait a été contrôlé à la Sorbonne. Cependant, le président Ballot-Beaupré écrit dans son Rapport : « Esterhazy, après avoir fait ses études en Autriche, mais obtenu en France les diplômes de bachelier ès-lettres, bachelier ès-sciences et licencié en droit… » (Cass., III, 123.) Les renseignements qui ont été fournis à la Cour de cassation sont autant de faux. Esterhazy, qui a fait ses études au lycée Bonaparte, n’a passé aucun de ces examens.
  86. Feuillet de Conches, Louis XVI et Marie-Antoinette, IV, 7, 8, 10, 16, etc., d’après les Mémoires inédits de Ladislas.
  87. L’accusation, née dans la société du comte de Provence, fut accréditée par les pamphlétaires du Palais-Royal et par ceux de la Révolution ; on a vu (p. 71 que Ladislas se comporta, notamment dans une querelle qu’il chercha à Lauzun, de façon à justifier les soupçons. (Mémoires de Lauzun, 238.)
  88. Cass., I, 715, Gaston Grenier. Ce témoin répète le récit qu’il tenait d’Esterhazy. — Même récit à des journalistes en 1897.
  89. Lettre à Christian Esterhazy, (Voir p. 495.)
  90. Die Theresianische Militær-Académie zu Wiener Neustadt und ihre Zœglinge, von Johannes Svoboda, 3 vol., Vienne, 1894-1897.
  91. Ludwig Esterhazy de Galantha, né à Presbourg le 24 juillet 1837 ; entré à l’Académie le 1er mars 1849 ; sorti le 29 mai 1857. — D’après Svoboda, on ne connaît de cet Esterhazy que ses années d’école ; il mourut probablement au sortir de l’Académie.
  92. Militær Schematismus des Œsterreichen Kaiserthums fur 1865. 1866, 1867. (Vienne, imprimerie impériale.)
  93. Alexandre, comte Esterhazy, à Szent-Laszlo, général major sans emploi. (Annuaire de 1865, 107.) — Prince Aloïs Esterhazy de Galantha, lieutenant en 1er au 6e régiment de hulans. Même Annuaire, 420.) — Les deux mêmes noms à l’Annuaire de 1866 (107 et 418). — l’Annuaire de 1867 ne mentionne plus le comte Alexandre Esterhazy, mort, sans doute, en 1866. Le prince Aloïs y figure toujours, au 6e régiment de hulans (466). Au 12e régiment de hussards, Georges, comte Esterhazy, sous-lieutenant (454).
  94. Ces recherches furent ordonnées par l’Empereur d’Autriche, en 1897, quand Esterhazy, dénoncé par Mathieu Dreyfus, prétendit avoir servi dans l’armée autrichienne. Le rapport du ministre de la Guerre (n° 11923) est daté du 26 décembre 1897.
  95. Selon une autre de ses versions, Esterhazy aurait été, non pas officier, mais cornette, en 1866, au 13e régiment de hulans, dits « Hulans de Trani », prince des Deux-Siciles, sous les ordres du colonel Pulz. Les recherches faites dans les contrôles de ce régiment ont porté sur les années 1860 à 1869.
  96. 1866-1869.
  97. Christian Esterhazy, Mémoire au procureur de la République, 48, lettre d’Esterhazy. — Cependant la première fois où il vit le Pape (Pie IX), il fut ému et se dit à lui-même : « Voilà le bon Dieu et, toi, tu n’es qu’un sale cochon. » (Récit fait à un journaliste, Charles Roche.)
  98. Mars 1870 ; il était entré dans la Légion romaine en mai 1869. (Cass., III, 123.)
  99. Depuis 1860, dans le cadre de réserve, mais bien en cour. De son mariage avec une Anglaise, miss Sarah Lee, il n’avait qu’une fille.
  100. La nomination parut au Journal militaire officiel, p. 209 : « N° 160, par décret impérial du 24 juin 1870, Régiment étranger, 2e tour, au titre étranger, en remplacement de M. Martin, décédé, Walsin-Esterhazy (Marie-Charles-Ferdinand), ancien officier au service du Gouvernement pontifical. »
  101. Récit fait à Serge Basset.
  102. Le 29 septembre, au 2e régiment de zouaves. Ce régiment fut formé par le lieutenant-colonel (depuis général) Logerot et prit part à la bataille de Coulmiers. Logerot ayant été nommé colonel au 38e de ligne, le 2e régiment de zouaves passa sous le commandement du lieutenant-colonel Chevalier et fit la campagne de l’Est à la 2e division du XVe corps, sous les ordres du général Rebillard.
  103. L’État-Major du général Rebillard était ainsi composé : Uhrich, capitaine, faisant fonctions de chef d’État-Major ; de Liéderke, capitaine, sous-chef, Walsin-Esterhazy, lieutenant, et marquis de Brissac, officier d’ordonnance. (Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale, VII, 77 ; lettre du général Rebillard au président de la Commission.) — Esterhazy fut promu lieutenant (à titre provisoire) le 27 novembre et capitaine le 27 décembre ; la commission de revision des grades, par décision du 31 décembre 1871, le replaça sous-lieutenant. (Cass., III, 123.)
  104. Enquête, III, 120, rapport Perrot : « Le mauvais fonctionnement du service des transports s’accentua de plus en plus… Le XVe corps mit plus de dix jours à franchir une distance qu’il aurait dû parcourir en 48 heures. »
  105. Freycinet, La Guerre en province, 271.
  106. Rapport Perrot, 125 : « Le découragement se propageait comme une fatale contagion et avec une rapidité effrayante. La 2e division, bien qu’énergiquement commandée, se maintenait avec peine ; l’autre, exténuée par une succession de fatigues excessives, échappait absolument. » — Le général Rebillard protesta contre ces appréciations. (Lettre au président de la Commission d’Enquête, VII, 76 et 77.)
  107. Récit fait à Charles Roche.
  108. Au 2e régiment de zouaves, à Oran.
  109. Cass., I, 711, Gaston Grenier. — Le général Walsin-Esterhazy était mort à Lyon en 1871. Il était rentré au service, au commencement de la guerre, en qualité de commandant de la province d’Oran, y avait proclamé la République au 4 septembre et avait été nommé (24 octobre) gouverneur intérimaire de l’Algérie. À la suite d’une émeute, où il paraît avoir manqué de sang-froid, il fut obligé de s’embarquer pour la France, (Enquête, III, 2e division, 15, 86. 87, etc.) — Esterhazy fut amené au général Grenier par l’un de ses officiers d’ordonnance, le capitaine Uhrich, fils du défenseur de Strasbourg. Uhrich et Esterhazy avaient fait la campagne de l’Est à l’État-Major du général Rebillard.
  110. Cass., I, 712, Grenier.
  111. Par exemple, l’auteur de l’article : Qui est Esterhazy ? dans le Daily Telegraph du 25 septembre 1898.
  112. Cass., I, 712, Grenier. — Ses camarades de régiment le savaient atteint de tuberculose. (Figaro du 18 novembre 1897.)
  113. Œuvres d’Hippocrate, trad. de Littré, V, 681.
  114. Griesinger, Traité des maladies mentales, 158, 230, etc. ; Esquirol, Maladies mentales, I, 74 ; Scipion Pinel, Recherches sur quelques points de l’aliénation mentale, 26 ; Hahn, Des Complications qui peuvent se présenter du côté du système nerveux dans la phtisie pulmonaire chronique, 7, 11, 29, 59, 731 ; Lemat, Des Troubles psychiques dans le cours de la phtisie, 9, 14, 23, 30, 33 ; Kéraval, Pratique de la médecine mentale, 437 ; Maurice Letulle, Essai sur la psychologie du phtisique, dans les Archives générales de médecine, 1900.
  115. Il était lieutenant, depuis 1875, au 51e régiment de ligne, à Beauvais, mais il n’y parut jamais (Voir p. 32). — Il publia, un peu plus tard, une petite brochure sur les batailles de Malplaquet et de Denain, d’après des documents du temps. (Paris ; 1877, Publication de la réunion des officiers. — Une plaquette de 40 pages, avec carte.)
  116. 1876. — Le chef du service était alors le commandant Campionnet ; il avait pour second le capitaine Rouff qui faisait fonctions d’archiviste. (Rennes, II, 518, Cordier.)
  117. Notes semestrielles de 1880 : « A toujours été détaché au ministère de la Guerre comme traducteur d’allemand. » (Cass., III, 424)
  118. Cass., I, 53, Picquart ; I, 306, Weil ; I, 580, Esterhazy.
  119. Né à Pogny-sur-Marne le 3 juin 1846. Engagé en 1865 au 36e de ligne, caporal en 1866, sergent en 1867, sous-lieutenant le 28 octobre 1870, lieutenant le 14 décembre ; rétrogradé par la commission de revision des grades, il reçut son second galon en 1874.
  120. Le général de Miribel avait été appelé à l’État-Major sous le ministère Rochebouët, qui prépara un coup d’État contre la Chambre. (Novembre-décembre 1877.)
  121. Quand la fortune (au jeu ou à la Bourse) lui était favorable, il allait au ministère dans une voiture élégante, lui-même de mise très recherchée, une large fleur à la boutonnière. Il demeurait, rue des Écuries-d’Artois, dans un immeuble qui appartenait, disait-il, à sa famille — ce qui était faux — et dont il occupait le rez-de-chaussée.
  122. Cass., I, 594, Esterhazy : « Weil qui, quand j’étais heureux et honoré, était trop fier de se montrer avec moi. »
  123. Lettre d’Esterhazy à Jules Roche, décembre 1896 : « Le commandant Henry, en effet, est mon débiteur depuis 1876 ; je lui ai prêté quelque argent qu’il ne ma jamais rendu, qu’il me doit encore. » (Cass., I, 709.) — Lettre d’Esterhazy à Grenier, 10 février 1897 : « Le ministre écoute les calomnies intéressées d’un drôle quelconque en épaulettes, et vraisemblablement du sieur Henry, mon débiteur et mon obligé. » (Rennes, II, 6.) Même propos à Christian Esterhazy pendant l’hiver 1897-1898 (Mémoire, 72.) — Déposition à Londres, 1er mars : « Je lui ai rendu de petits services d’argent. » — Il existe trois versions de la déposition d’Esterhazy à Londres : 1° texte original, (inédit), écrit, sous sa dictée, par le consul général de France, André Lequeux, les 22 et 26 février, 1er et 5 mars 1900, signé du consul et d’Esterhazy ; — 2° texte publié par le journal le Siècle, au mois de mai 1901, puis en brochure, d’après un manuscrit autographe d’Esterhazy qui a été conservé ; — 3° texte publié par l’Indépendance belge, à la même époque, puis en brochure, d’après un autre manuscrit d’Esterhazy. Les versions du Siècle (Édition de Paris) et de l’Indépendance belge (Édition de Bruxelles) sont substantiellement conformes au texte original, mais elles sont beaucoup plus développées, « enrichies » de détails nouveaux et de commentaires. Esterhazy tire à la ligne, comme un bon fabricant de romans-feuilletons. — Le texte publié par le Siècle fut payé 5.000 francs par l’Agence nationale ; l’Indépendance paya le sien 3.000. — Les documents originaux que produit Esterhazy sont d’un grand intérêt. Son propre récit est rempli de mensonges. Aucune de ses assertions ne peut être acceptée sans un contrôle sévère. On peut le tenir pour véridique lorsqu’il n’a aucun avantage à mentir. Encore ment-il parfois pour le plaisir, par habitude.
  124. Dép. à Londres, 1er mars 1900.
  125. Rouff dit à Cordier qu’Esterhazy faisait fort peu de besogne ; « il aimait beaucoup à se promener et à s’amuser ». (Rennes, II, 518.)
  126. Lettre à Christian Esterhazy. (Mémoire, 47.)
  127. Procès Esterhazy, 134 : « Il est évident que j’ai toujours eu des besoins d’argent. » — Cass., I, 711, Grenier : « Il menait la grande vie sans fortune suffisante. »
  128. Au cercle de la rue Royale. Il y entra en 1875, présenté par MM. Passy et Lecouteux de Caumont. En 1884, le cercle décida de se dissoudre, non pas faute de ressources (c’était déjà l’un des cercles les plus riches de Paris), mais pour se reconstituer en éliminant, sans scandale, quelques-uns de ses membres compromis dans des histoires de jeu ou dans d’autres affaires fâcheuses. Esterhazy n’osa pas se représenter, craignant de ne pas être agréé.
  129. Procès Esterhazy. 126 : « Mon écriture a, malheureusement, traîné chez bien des gens dont le métier est de prêter de l’argent. » — De même, à l’enquête Pellieux. (Cass., II, 92.)
  130. Le détournement de titres fut commis par Esterhazy chez une ancienne danseuse de l’Opéra dont il était l’amant. Dans une des lettres à Mme de Boulancy, il est fait allusion à une autre affaire du même genre, où la plaignante est aussi une danseuse.
  131. L’un de ces incidents a été raconté, à plusieurs reprises, tant par la comédienne. Léonide Leblanc, qui en fut victime, que par le duc d’Aumale, qui n’appelait Esterhazy que « cette canaille ». — Esterhazy, au temps où il était l’amant de cette comédienne, racontait qu’il l’était par ordre du Gouvernement, pour « surveiller le duc ».
  132. Scènes de la vie de province : Un ménage de garçon (Édit. de 1853), VI, 94. — Voir Taine, Nouveaux essais de critique, 112.
  133. Esterhazy s’est vanté de s’être battu vingt-deux fois en duel : « Jamais pour des femmes et deux fois pour mon chien. » Il n’existe, naturellement, aucun procès-verbal de ces rencontres. — Il se disait friand de la lame et « d’une belle force à l’épée » ; l’un de ses anciens camarades du 135e régiment de ligne raconte, dans des notes manuscrites que j’ai sous les yeux, qu’il fit assaut avec lui et lui « flanqua, par deux fois, une pile terrible ». Ce même officier l’ayant provoqué en duel, Esterhazy fit des excuses. (Voir p. 38.)
  134. Eugénie-Marie-Gabriel le Cartier, veuve du colonel de Boulancy, née en 1846 : « Les lettres qu’Esterhazy m’a écrites de 1881 à 1884 et que j’ai mises en lieu sûr. » (Interrogatoire de Mme de Boulancy par le juge Bertulus, le 12 février 1898 ; Procès Zola, I, 509.)
  135. Ces lettres parurent, pour la première fois, dans le Figaro du 28 novembre 1897, qui n’en donna, d’ailleurs, que des extraits. Les lettres complètes ont fait partie des dossiers du conseil d’enquête Esterhazy (Cass., II, 171), et de la Cour de cassation (III, 124, 257, etc.).
  136. 21 février 1874. Au 51e régiment de ligne. — À l’Annuaire de 1873, il a le n° 1296 sur la liste d’ancienneté des sous-lieutenants.
  137. 14 septembre 1880. Au même régiment. — À l’Annuaire de 1879, il a le n° 621.
  138. Esterhazy prétend qu’il a dû sa nomination, « au choix, hors tour, à l’intervention personnelle de Gambetta ». (Cass., I, 699, lettre à Jules Roche.) Il est possible qu’Esterhazy se soit fait recommander à Gambetta, alors président de la Chambre, par l’un de ses secrétaires, Arnaud (de l’Ariège), qu’il avait rencontré dans le monde des théâtres. — L’ancien officier du 135e de ligne, dont j’ai déjà cité les notes, reproduit ce propos d’Esterhazy : « J’ai deux cent mille francs de dettes et, si mon ami Arnaud ne répondait pas pour moi, je ne saurais comment faire pour modérer mes créanciers. »
  139. Esterhazy venait d’être nommé au 135e régiment de ligne quand le premier bataillon, dont il faisait partie, fut envoyé en Tunisie (juillet 1881). Il y fut incorporé d’abord à un régiment de marche, sous les ordres du lieutenant-colonel Corréard, puis attaché au service des Renseignements et, pendant deux ans (1882-1883), aux affaires indigènes.
  140. Chevalier de la Légion d’honneur pendant son séjour en Tunisie. (Annuaire de 1882.)
  141. Cass., III, 423, 424.
  142. Cass., III, 123.
  143. Lettre du 19 août 1896 à Jules Roche. (Cass., I, 699,)
  144. Picquart entre en 1872 à Saint-Cyr ; capitaine en 1880, à 26 ans. Esterhazy et Picquart sont capitaines de la même promotion, du 14 septembre. — Dreyfus entre à l’École polytechnique en 1880 ; lieutenant en 1882, capitaine en 1889, à 30 ans.
  145. Né le 2 juin 1846, capitaine le 16 décembre 1879.
  146. Cass., I, 97, Roget : « J’estime (c’est une simple opinion de ma part) qu’il n’y a pas fait autre chose que de disposer peut-être de fonds secrets pour son usage personnel. »
  147. Borel, Gresley, Farre.
  148. Procès Zola, I, 295, Picquart : « Le colonel Dubuch m’a fait dire (à Tunis) par le commandant Sainte-Chapelle qu’Esterhazy avait eu, en 1882, à Sfax… » etc. « Grâce à la longanimité très grande de l’autorité militaire et à ses supplications, Esterhazy avait échappé au conseil d’enquête et au conseil de guerre… Le fils du général La Rocque m’a dit qu’Esterhazy avait été surveillé par son père, alors que celui-ci commandait la subdivision de Constantine. » — Ses relations affichées avec Bulow, l’attaché militaire allemand, contribuèrent à le rendre suspect.
  149. À Marseille, en 1884.
  150. Précisément, à la suite des événements de Tunisie. Le traité du 20 mai 1882 fut annoncé au Reichstag, le 12 juin, par le prince de Bismarck.
  151. Esterhazy donne le propos comme ayant été tenu devant lui par des officiers prussiens. (Procès Zola, I, 521 ; II, 149, Albert Clemenceau.) — Esterhazy reconnut, dans une conversation avec un journaliste, l’authenticité de ces diverses lettres. Figaro du 17 février 1898.)
  152. Esterhazy, quand cette lettre fut publiée par le Figaro, allégua qu’elle avait été « maquillée » ; Mme de Boulancy déposa une plainte en faux contre X… L’instruction se termina, le 22 mai 1898, par une ordonnance de non-lieu, d’où résultait l’authenticité.
  153. Cass., I, 713, Grenier : « Esterhazy causait incessamment ses lettres à Mme de Boulancy ; je veux dire par là qu’il tenait des propos injurieux pour la France et l’armée. » — Dans la lettre d’un officier, du 6 janvier 1898 : « Ce qu’Esterhazy a écrit à Mme de Boulancy, je le lui ai entendu exprimer de vive voix, en Tunisie, en 1882, et il fut même vivement pris à partie par des camarades. »
  154. Il fit d’abord le bravache : « J’appellerai tous ces messieurs sur le pré. » Le capitaine lui dit alors qu’il était à ses ordres. Comme c’était l’officier qui avait fait assaut avec lui à Paris et dont il savait la supériorité, il réfléchit un instant, puis s’excusa.
  155. Notes d’un ancien officier du 135e.
  156. Dép. à Londres (Éd. de Bruxelles), 127.
  157. Lettre d’un officier, son camarade en Tunisie. — Dans les notes d’un ancien officier du 135e : « Il avait l’air d’un étranger. »
  158. Figaro du 18 novembre 1897 ; propos tenus à Jules Huret par un officier du 74e de ligne, dont faisait partie Esterhazy : « Il n’était en somme qu’un rastaquouère dans l’armée française ! » — Procès Zola, II, 158, Huret : « Voilà le mot le plus grave qui a été souligné à ce moment par la presse et que je maintiens. »
  159. Note manuscrite d’un témoin ; le propos fut tenu à Sainte-Menehould, en plein prétoire.
  160. On trouve, au xive siècle, un seigneur Jean de Beauval et de Havesquerque en différend avec Nicolas Braque, seigneur de Châtillon-sur-Loing. (Arrêt du Parlement, 22 novembre 1367.)
  161. Valentin-Joseph Esterhazy marié à Philippine de la Nougarède ; Marie-Anne, enceinte des œuvres du marquis de Ginestous ; Jean-Auguste Walsin, marié à Adélaïde Cartier ; le général Walsin, marié à Mlle de Beauval.
  162. En 1897, quand son nom éclata, ce fut l’impression des journalistes qui se rencontrèrent avec lui : « Il rappelle bien le type hongrois. » (Temps, du 17 novembre.)
  163. Procès Zola, I, 545, Louis Havet : « Dans le bordereau, il y a des tournures incorrectes et des tournures impropres, qui semblent indiquer quelqu’un qui ne connaîtrait pas bien la langue ou qui penserait en une langue étrangère. Ainsi : Sans nouvelles pour sans avis ; un nombre fixe pour un nombre déterminé… De même, dans l’une des lettres à Mme de Boulancy : la belle armée de France pour la belle armée française ; je ferai toutes tentatives pour aller en Algérie. Ailleurs : telle et telle personne doivent avoir conservé toutes traces de cette affaire. Au contraire, Dreyfus écrit une langue très correcte ; j’ai cherché en vain dans toutes ses lettres une incorrection. L’un et l’autre mettent très bien l’orthographe ; seulement Dreyfus n’est pas très grammairien, tandis qu’Esterhazy met crapuleusement les accents, les traits d’union, tous les petits accessoires de l’orthographe. » — Même déposition à Rennes (III, 246 à 261), avec de nouveaux exemples. Dans le bordereau : Chaque officier détenteur pour tout officier détenteur. Dans une lettre à Jules Roche : Atroce à tous points de vue pour à tous les points de vue. Dans la lettre du Hulan : Il n’y a pour moi qu’une qualité humaine. Dans une autre lettre à Mme de Boulancy : Les Allemands mettront tous ces gens-là à leur vraie place pour remettront à leur place. On dit en allemand : in den richtigen Platz setzen. Il emploie le mot comme dans le sens de l’allemand als : Je serai tué comme capitaine de uhlans. Dans une lettre à Jules Roche : Tous les pauvres miens ; c’est l’allemand : die armen Meningen. Dans la même lettre : Si vous le jugez bien pour si vous le jugez bon. — On pourrait multiplier ces exemples.
  164. Procès Zola, I, 514, Émile Molinier ; Cass., I, 651, Giry.
  165. Son style lui avait valu ses seuls succès scolaires : en 1862, en seconde, il eut le deuxième prix de narration française.
  166. Morceaux de Mémoire ; le cahier, relié, porte le millésime 1858. Ce sont des morceaux choisis d’auteurs classiques, en prose et en vers, copiés de la main d’Esterhazy : p. 20 : puissance, dissipée ; p. 22 : passent, épanouissent, jeunesse, avec le double ss inversé.
  167. Procès Zola, I, 507, Auguste Molinier : « Cette forme (du double ss) est une forme absolument physiologique. »
  168. Par exemple, dans celles de Berryer, de Gambetta, de Challemel-Lacour.
  169. Par exemple, dans l’armée, le maréchal de Bassompierre, Rantzau, Maurice de Saxe, Berwick, Masséna, Napoléon, Mac Donald, Mac Mahon, O’Connor, etc.
  170. « Je suis un bandit chic. » (propos tenu à C… R…)
  171. Procès Zola, I, 295. — La Vigie algérienne, du 4 novembre 1898, fait allusion à l’une de ces affaires. — Esterhazy, en 1882, était fort endetté ; il écrivit de Sfax : « Je suis dans ce triste pays, non pour mon plaisir, mais par économie. »
  172. Figaro du 28 novembre 1897.
  173. Voir p. 13.
  174. Acte du 10 janvier 1885, signifié par H. Bazin, huissier. Le requérant « fait réserve de tous ses droits généralement quelconques pour réclamer à ladite dame tels dommages-intérêts qu’il avisera pour le cas où elle se livrerait à son égard à des actes de procédure vexatoire ». — Cette assignation fut rendue par Mme de Boulancy à Esterhazy, conservée par lui, puis vendue, avec un lot de vieux papiers, en 1901, à Dommartin.
  175. Figaro du 2 décembre 1897.
  176. Voir p. 32.
  177. Notes du lieutenant-colonel Cugnier.
  178. À El-Arbaïn, 26 et 29 août 1881 ; la colonne se replia le 30 sur Hammam-Lif. Aux combats du 26 et du 29, le bataillon du 135e avait été placé sur la gauche, pour tenir en observation les troupes, douteuses, du bey de Tunis. (Clemenceau, L’Iniquité, 388.)
  179. Le capitaine Giovannoni, les lieutenants Jecker et de la Coste. (Ordre du 31 août.)
  180. Notes d’un ancien officier du 135e.
  181. « Le capitaine Esterhazy a abordé la situation de front ; les Arabes ont été délogés par cette attaque conduite vigoureusement ; les officiers et la troupe ont rivalisé d’entrain et de vigueur. Je suis heureux de pouvoir citer particulièrement le commandant Brouillet, le capitaine adjudant-major Pasquin et le capitaine Esterhazy qui, avec sa ligne de tirailleurs, s’est précipité dans le bois, en enlevant ses hommes avec un entrain et un élan remarquables. » Ordre du 1er septembre 1881, n° 82. (Voir Procès Zola, II, 213 ; Cass., I, 607, Esterhazy.)
  182. Il semble y être entré sur la recommandation du général (alors colonel) de Pellieux. (Notes d’un ancien officier du 135e.) Il y fit la connaissance de Sandherr. (Dép. à Londres, 1er mars 1900.)
  183. Cass., I, 616, général Guerrier : « Au moment de l’inspection générale de 1896, j’ai été frappé par une inscription, sur ses états de services, d’une citation à l’ordre de l’armée. En voyant la date du fait auquel cette citation se rapportait, j’ai été certain que cette inscription ne pouvait être justifiée par la raison péremptoire que cette affaire, qui avait été malheureuse, n’avait donné lieu à aucune citation pour personne. » L’ordre du colonel Corréard, qui ne nommait d’ailleurs pas Esterhazy, n’était qu’un ordre de régiment ; les ordres du jour de l’armée figurent seuls, sur les états de service, à un feuillet spécial. Guerrier rendit compte au commandant du 3e corps, et le ministre (Billot) ; ordonna la radiation de la fausse citation (Procès Zola, I, 314, Picquart) ; elle n’en figura pas moins, au pluriel, sur les notes qui furent communiquées au conseil de guerre de 1898 : « Très beaux services de guerre, citations, etc. » (Procès Esterhazy, 138.)
  184. Sur son agenda de 1885, à la date du 18 mai : « Lettre au carrossier Gibert pour réclamation insolente. ». J’ai sous les yeux cet agenda, qui fait partie de la collection d’autographes d’Auguste Molinier.
  185. Affaire Brion-Esterhazy. (Tribunal de Marseille, audiences des 17 et 24 février 1885.) — Il s’agit d’un appartement où Esterhazy a installé sa maîtresse et d’où il a déménagé sans payer son terme.
  186. En juin, 7. 850 francs, dont 7.100 en valeurs, le reste en monnaie. — En juillet 6.000 francs.
  187. Agenda, 9 et 28 juillet ; 4, 10 et 20 août ; 5, 6, 10, 17 et 18 septembre 1885, avec les noms et adresses « les correspondants.
  188. Château de Nettancourt, près de Révigny. — Le marquis de Nettancourt avait un fils et deux filles, l’une qui épousa un capitaine de frégate, l’autre qui devint Mme Esterhazy.
  189. Lettre à Maurice Weil, de juin 1894.
  190. Un fac-similé du contrat de mariage, recopié de la main d’Esterhazy, a paru dans le Journal du 17 novembre 1897. Par l’article 3 du contrat, Esterhazy déclare apporter en mariage : 1° ses habits, linge, effets et bijoux pour 4.000 fr. ; les meubles meublants, objets mobiliers, objets d’art, argenterie et bibliothèque, estimés à la somme de 43.150 francs ; ensemble : 47.150 francs. — La dot de Mlle Anne de Nettancourt fut constituée par sa mère ; cette dot comprenait un trousseau d’une valeur de 5.000 francs et 2.225 francs de rente 4 1|2. Mlle de Nettancourt apportait en outre au mariage : 1° des effets et objets d’une valeur de 2.000 francs ; 2° le montant d’un legs de 150.000 francs qui lui venait de sa grand’mère, Mme de Rogier ; ensemble : 207.000 francs.
  191. À Dommartin-la-Planchette (Marne) à 5 kilomètres de Sainte-Menehould. « Les terres sont inlouables ou invendables ; bien dotal. » (Cass., I, 706, lettre à Jules Roche.)
  192. Il perdit une forte somme dans la faillite d’un agent de change à Marseille. (Lettre à Maurice Weil.)
  193. Impliqué dans une affaire de détournement de mineures (Cass., I, 713, Grenier), il ne s’en tira qu’en achetant le silence des maîtres-chanteurs qui l’avaient dénoncé.
  194. « En 1892, Esterhazy, de concert avec…, négocia 135.000 fr. de bonnes valeurs appartenant à Mme Esterhazy et, à titre de remploi dotal, acheta un immeuble (grevé d’hypothèques), d’une valeur fictive de 135.000 fr., qu’il paya en réalité 100.000. » (Rapport de Picquart au ministre de la Guerre, novembre 1896.) — L’immeuble est situé à Belleville, 42, rue des Cascades. — (Cf. Procès Zola, I, 313, Picquart ; Cass., I, 706, lettre d’Esterhazy à Jules Roche ; I, 713, Grenier.) L’annulation de la vente fut prononcée, le 17 juillet 1901, à la requête de Mme Esterhazy, par la première chambre du tribunal de la Seine. Le jugement condamna solidairement Esterhazy, les vendeurs et le notaire à rembourser 96.381 francs.
  195. — Dans une lettre d’Esterhazy à un agent d’affaires : « À la suite de grandes pertes faites à la Bourse et qui avaient compromis la fortune de ma femme, etc. ». La séparation de biens fut prononcée par la suite.
  196. Procès Zola, I, 313, Picquart ; Instr. Tavernier, Rapport Desvernine. — Tribunal civil de Rouen, audience du 23 juin 1894. Le tribunal, ne pouvant mettre en doute la parole d’un officier, déboute le propriétaire de l’immeuble, mais n’accorde pas à Esterhazy les 500 francs de dommages-intérêts qu’il avait eu l’audace de demander. (Affaire Raulin c. Esterhazy.)
  197. Cass., I, 673, Schmidt, agent d’affaires ; 674, Rieu, tailleur. — Lettre d’Esterhazy (sur papier pelure), datée de Courbevoie, le 17 avril 1892.
  198. Lettre saisie chez Lortat-Jacob, avoué, en réponse à une lettre recommandée du 20 août 1891, dont la copie est au dossier de la Cour de cassation. — Esterhazy déclare (naturellement) « qu’il n’a jamais refusé de payer les termes échus ».
  199. Cass., I, 712, Grenier.
  200. Voir t. I, 217.
  201. Cass., I, 714, Grenier : « Malgré les maux qu’il a causés à la famille Crémieu-Foa, par une intervention au moins maladroite, sinon louche, maintenant encore ceux-mêmes qu’il a le plus atteints lui gardent un arrière-fond de regrets. »
  202. Des 23 et 24 mai 1892. Il y en eut deux autres, le 26 et le 28.
  203. Acte d’accusation du marquis de Morès. (Loi du 30 août 1892, Droit, Gazette des Tribunaux, etc.)
  204. 28 mai 1892.
  205. Le marquis de Morès (né le 14 juin 1858, mort le 9 juin 1896) était le fils du duc de Vallombrosa. Il avait passé quelque temps dans l’armée, puis, ruiné au jeu, partit pour l’Amérique, où il fit le commerce des bœufs. Il se jeta, vers 1890, dans l’antisémitisme par haine des Rothschild, qui étaient les amis de son père, mais que ses demandes répétées d’argent avaient lassés. Lors du mariage de Mlle de Rothschild avec le baron Léonino, il organisa une manifestation aux portes de la synagogue ; des camelots lancèrent des boules d’assa fœtida sur les robes des invitées. Il avait épousé une Américaine.
  206. Il était mon camarade de collège. Le lendemain, il vint me retrouver, me dit que le comte Esterhazy s’était mis à sa disposition et me pria d’être son second témoin. Je lui dis que, s’il ne trouvait pas un second officier, je serais à sa disposition, mais qu’Esterhazy avait une réputation plutôt fâcheuse. Il me répondit : « C’est la nature la plus généreuse que je connaisse ! »
  207. Le duel eut lieu, à l’épée, le 1er juin 1892, à Saint-Germain.
  208. « À la suite de l’intervention du Dr Fauquelin, les témoins ont dû arrêter le combat. » (Procès-verbal de rencontre, dans la Libre Parole du 2 juin.)
  209. Procès-verbal du 31 mai, réglant les conditions de la rencontre. (Libre Parole du 2 juin.)
  210. Le texte de cette lettre a été publié dans la Libre Parole du 30 août 1892.
  211. Procès-verbal de rencontre entre Crémieu-Foa et Lamase : « M. de Lamase reconnaît qu’il a signé lesdits articles sans en être l’auteur, l’auteur de l’article étant un officier de l’armée active qui désire garder l’anonyme. » — Au procès Morès, le président Delegorgue demande à l’accusé de déclarer, sur sa parole d’honneur, si cet officier existe ; Morès répond affirmativement (Droit du 30 août 1892.)
  212. Procès Morès, audience du 30 août 1892. (Loi du 1er septembre.) — Esterhazy ajoute : « Je ferai même déshabiller les deux chasseurs qui l’expulseront, pour qu’ils ne salissent pas leur uniforme. » — Les journaux de toutes nuances sommèrent en vain l’officier anonyme de se nommer.
  213. Jules Guérin, né à Madrid, le 14 septembre 1860. Il fit, pendant plusieurs années, des affaires qui tournèrent mal. En 1888, il s’associa à deux Allemands de Hambourg, Menesser et Ackermann, dans une affaire d’huiles minérales, pour faire concurrence à la maison dont il était le représentant. Les associés y perdirent 200.000 francs. Déclaré en faillite le 15 octobre 1889, il s’associa, en 1891, pour le commerce du pétrole, avec un sieur Roblin qui y perdit tout son avoir. Il fut l’un des organisateurs des groupes antisémites. (Haute Cour de Justice, procès de 1899, IV, 4 et 5.)
  214. 38, rue du Mont-Thabor.
  215. Cass., I, 712, Grenier ; il insiste sur les « relations incessantes d’Esterhazy avec MM. Drumont, de Morès, Guérin, etc., pendant toute la durée de l’affaire des duels, relations qui n’ont pas cessé depuis avec la rédaction de la Libre Parole. Ces relations avec Morès et Drumont remontent au printemps de 1892. » — Dans une lettre d’avril 1894 a Ernest Crémieu-Foa, Esterhazy rappelle que la Libre Parole publia, le 1er juin, au lendemain du duel, une note courtoise, « note, Morès est vivant pour l’affirmer, Drumont est prêt à le dire, qui n’avait été écrite qu’à ma demande expresse et à ma considération ».
  216. Le 12 juin 1892, les témoins de Lamase, qui n’ont pas reçu à temps la lettre des témoins de Crémieu-Foa, manquent au rendez-vous ; aussitôt, Esterhazy et Devanlay écrivent à Morès et à Guérin que cette absence équivaut à une déclaration qu’il n’y a pas lieu à suivre. Morès et Guérin protestent, réclament un autre rendez-vous. Esterhazy prétend n’avoir reçu leur lettre que le 16. Dès le 17, Morès et Guérin provoquent Crémieu-Foa. Le 18, Esterhazy et Devanlay se retirent, parce qu’ils ne sauraient consentir à assister leur client dans un duel avec un homme de paille.
  217. Morès avait été, à Saint-Cyr, le camarade de Crémieu-Foa. Il lui écrivit le 18 juin : « Je suis à l’heure actuelle un des témoins de M. de Lamase. Depuis quinze Jours nous vous attendons ; nous avons à ce sujet un dossier complet. »
  218. Crémieu-Foa reprocha à ses témoins de n’avoir pas insisté sur la question du jury d’honneur ; Mayer répondit que Morès avait parlé tout le temps et l’avait étourdi. L’incident fut assez vif. (Procès Morès, Libre Parole du 30 août ; Mémoire justificatif par Ernest Crémieu-Foa, 36 et 37.)
  219. Acte d’accusation : « Le procès-verbal sera communiqué seulement aux intéressés, aux adversaires et à leur entourage immédiat. » La demande fut formulée par Mayer.
  220. Cass., I, 711, Grenier : « C’est lui qui a donné à mon beau-frère Ernest Crémieu-Foa le conseil de publier le procès-verbal du duel Lamase, publication d’où sont résultées la mort du capitaine Mayer et la disqualification d’Ernest Crémieu. » — Esterhazy, dans ses dépositions et dans de nombreux écrits, a fréquemment injurié Gaston Grenier, mais sans jamais contester ce fait précis.
  221. Il le dit lui-même à Ernest Crémieu.
  222. Matin du 20 juin 1892.
  223. Mémoire, 43.
  224. Procès Morès. (Libre Parole, Droit, etc., du 30 août.)
  225. Procès-verbal de rencontre, signé : pour Morès, comte de Lamase, J. Guérin ; pour le capitaine Mayer, capitaine Delorme, capitaine Poujade.
  226. Procès Morès, audience du 29 août 1892 : « Si le capitaine Mayer, demande le président Delegorgue, avait dénoncé l’auteur de l’indiscrétion, vous l’auriez considéré comme un lâche, » Morès garde le silence. À l’audience du lendemain, Esterhazy dit que la « proposition était inacceptable ; si le capitaine Mayer avait fait cela, il eût été mis en quarantaine par ses camarades. »
  227. Procès Morès, audience du 29 août, interrogatoire de Guérin, déposition du lieutenant Trochu. À l’audience du 29 août, Morès prétendit n’en avoir rien su. Mais Guérin avoue formellement que Trochu avait nommé Ernest Crémieu-Foa (Droit du 30 août 1892) ; il est impossible que Guérin n’en ait pas informé Morès.
  228. Acte d’accusation : « Le 15 juin, alors qu’on attendait le verdict du jury sur la poursuite dirigée contre le directeur du journal la Libre Parole (par Burdeau, dans l’affaire de la Banque de France), Guérin avait osé formuler tout haut ce souhait criminel… » etc. À l’audience du 30 août, Guérin nie le propos qui lui est imputé par un des témoins à charge, Léo Taxil. Cet ancien élève des Jésuites, de son vrai nom Gabriel Jogand-Pagès, avait débuté par une série de pamphlets orduriers, dont le plus fameux : Les Amours secrètes de Pie IX, lui avait valu une amende de 65.000 francs. Le 24 avril 1885, « la lumière inonda soudain son âme ténébreuse ». Il ferma sa librairie anticléricale et détruisit ses écrits sacrilèges. « Sa conversion apparut comme le triomphe de la grâce divine » ; il reçut l’absolution du nonce à Paris, Mgr di Rendi et commença la publication de ses fameuses Révélations sur la franc-maçonnerie. « Par toute l’Europe, la presse catholique accueillit ses œuvres avec de grands éloges. » (H.-C. Lea, Léo Taxil et l’Église romaine, 12 et suiv.) En 1892, Léo Taxil dirigeait la France chrétienne, où il raconta l’incident du Palais de Justice. Guérin aurait dit encore : « Rothschild, nous l’étranglerons, nous le pendrons à la porte de son hôtel… Ce sera la guerre civile, et tous les Juifs y passeront. » — Morès dit de même à un journaliste : « Nous ne sommes qu’au commencement d’une guerre civile. » (Écho de Paris du 25 juin.)
  229. 23 juin.
  230. Acte d’accusation : « Le marquis de Morès s’était muni de colichemardes pesant 754 à 781 grammes, alors que l’épée de combat ordinaire est du poids de 500 grammes. » Au procès, les maîtres d’armes de l’École polytechnique déclarèrent que les épées étaient trop lourdes, ce qui fut contesté par les maîtres d’armes civils, Vigeant, Prévost, et confirmé par Esterhazy.
  231. Acte d’accusation.
  232. Numéro du 24 juin.
  233. Dépêche du mardi 21 juin,
  234. Les deux procès-verbaux sont datés du 21 juin. La signature de Devanlay, absent de Paris, fut ajoutée le 22.
  235. 22 juin. — Esterhazy porta lui-même à Morès la lettre qui le récusait. (Mémoire, 48.)
  236. 23 juin. — Esterhazy ni Devanlay ne protestèrent.
  237. Une interpellation eut lieu à la Chambre ; Freycinet, ministre de la Guerre, déclara que « susciter la division entre les officiers, c’est un crime national ». À l’unanimité, la Chambre adopta un ordre du jour approuvant les déclarations du Gouvernement (25 juin).
  238. Cass., I, 712), Grenier : « Il ne dit pas un mot du conseil qu’il avait donné, ne prit aucune part de la responsabilité qu’il avait encourue. » — Libre Parole du 31 août : « Il se montre très courtois pour nos amis. »
  239. Le président Delegorgue, l’avocat général, Demange, avocat de Morès, relevèrent durement l’indiscrétion d’Ernest Crémieu-Foa, qui fut hué par le prétoire et quitta la Cour d’assises au milieu de manifestations hostiles. — La Libre Parole tint a constater « la courtoisie » du président Delegorgue à l’égard des accusés ; « c’est un brave homme » ; elle opposa son attitude à celle du président Mariage, qui présida les assises dans le procès intenté par Burdeau à Drumont.
  240. Blessé le 26 octobre suivant, il ne voulut pas interrompre son service. Il mourut le 17 novembre à Porto-Novo.
  241. Voir plus loin (p. 488) des extraits de quelques-uns de ces articles et p. 434 ses lettres à Weil sur ses rapports avec Drumont. Dans d’autres lettres (p. 488) il offre à des amis de faire attaquer, dans la Libre Parole, les ministres dont ils auraient à se plaindre.
  242. Drumont écrit le 28 août : « Un officier, victime probablement de passe-droits odieux, comme beaucoup de ses camarades, nous a apporté des notes ; il a demandé le secret ; on le lui a promis. M. de Lamase a bien voulu se charger de mettre ces notes en ordre. » Nulle autre indication.