Histoire de la Révolution russe (1905-1917)/Chapitre II

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II


Le 6 février 1904, à la suite d’une longue tension diplomatique, le Japon rompit les relations avec la Russie et, dès le lendemain, ouvrit les hostilités en attaquant la flotte russe à Port-Arthur. Combattant le bras tendu, avec une organisation militaire et navale très défectueuse, une intendance brouillonne et peu intègre, la Russie subit des revers dont le dernier surtout, la destruction de la flotte à Tao-Shima (28 mai 1905), exaspéra l’opinion. Cette guerre n’était pas populaire et ne pouvait l’être, car la Russie ne poursuivait pas, en Mandchourie et en Corée, un but indispensable à son existence et à sa grandeur ; le bruit courait que l’amiral Alexeiev et ce qu’on appelait la « coterie des grands-ducs » avaient cherché, sur les confins de la Chine, la satisfaction de leurs intérêts particuliers. Aussi, longtemps avant la paix de Portsmouth, qui, grâce à l’habileté diplomatique de Witte, mit fin sans excès d’humiliation à ce conflit ruineux (5 septembre 1905), le mécontentement de toutes les classes du pays s’était manifesté tant par des attentats individuels que par des révoltes, toujours impitoyablement réprimées.

Le vœu presque universel de la Russie était que la bureaucratie, rendue responsable de ces désastres, fût contrôlée par une assemblée élue de représentants du peuple. Cette idée n’était pas nouvelle, même en Russie ; il y avait eu plusieurs assemblées au XVIIe siècle ; Catherine II, en 1767, en avait convoqué une, qu’elle s’empressa d’ailleurs de dissoudre ; en 1809, en 1825 et à la fin du règne d’Alexandre II, il avait été question d’un Parlement russe. Mais Nicolas II et ses conseillers y étaient hostiles. Il fallut la fermentation générale, l’assassinat du général Bobrikov, gouverneur de Finlande (30 juin 1904) et celui du ministre de l’Intérieur Plehve (29 juillet) pour faire réfléchir le Gouvernement.