Histoire de la chimie/Tome 1/Première époque/Première section

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PREMIÈRE SECTION
DEPUIS LES PREMIERS TEMPS HISTORIQUES JUSQU’A THALÈS.
(620 AVANT J.-C.)

La civilisation suit le mouvement apparent du soleil : elle marche d’orient en occident. La Chine, l’Inde, la Chaldée, l’Égypte, se disputent la gloire d’avoir donné naissance aux dogmes religieux, aux sciences et aux arts ; c’est de là que la lumière s’est répandue dans les régions de l’occident. Les traditions antiques reportent vers l’orient l’honneur de toutes les inventions utiles. Mais cet orient se déplace et change de nom, suivant la différence et la situation géographique des peuples. Pour les Grecs, l’orient était l’Égypte ; pour les Égyptiens, c’était l’Assyrie ; pour les Assyriens, l’Inde, et pour les Indiens, la Chine. Ainsi, en remontant le cours du temps, pour saisir l’origine de la civilisation, on arrive naturellement à ces plages lointaines qui sont les premières saluées par les rayons du soleil levant.

Un fait qui domine toute l’histoire ancienne, c’est l’alliance étroite de la religion avec la science. Cette alliance est un des caractères distinctifs de l’antiquité. On y trouve la solution de bien des problèmes soulevés par l’esprit humain.

Les allégories mystiques du paganisme et les doctrines spirituelles du christianisme ont éloigné la science de la voie expérimentale, et se sont diversement réfléchies sur les lettres et les arts. Les transformations de Brahma, les métamorphoses de Jupiter, les dogmes de la transsubstantiation, les mystères des nombres, ont exercé une influence plus ou moins directe sur les théories de la transmutation des métaux et de la constitution élémentaire des corps.

D’après les croyances antiques, tout est animé dans la nature ; les métaux et les minéraux même renferment une parcelle de l’émanation divine, de l’esprit universel, de l’âme du monde. Ces idées devaient avoir pour résultat la fusion de la science divine avec le savoir humain. Les systèmes consignés dans les annales de la philosophie, en sont l’irrécusable témoignage.

C’est dans la construction des monuments inspirés par les croyances religieuses, que les arts, dans l’antiquité, déploient toute leur splendeur et leur puissance. Les temples, les statues consacrés aux dieux, l’arche d’alliance, l’ornement des idoles, les vêtements des pontifes, nous traduisent d’une manière éloquente l’union intime du génie de l’artiste avec la foi et la

science.
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EXTRÊME-ORIENT.
CHINOIS ET JAPONAIS.

Les Chinois cultivaient les sciences et les arts à une époque où les nations de l’occident étaient encore plongées dans la barbarie. Pourquoi ? voilà ce qui a singulièrement préoccupé l’esprit des philosophes et des historiens. Pour expliquer ce phénomène, nous n’avons pas besoin de recourir à des supputations chronologiques, plus ou moins contestables. Le caractère moral, l’histoire politique, la position géographique, la population même de la Chine, expliquent parfaitement l’antiquité de sa civilisation. La population de la Chine est extrêmement nombreuse ; en tout temps elle paraît avoir été trop à l’étroit dans l’espace qu’elle occupe[1]. Moins inquiétée au dehors que la race caucasique ou aryenne, la race mongole a pu se livrer de bonne heure aux travaux paisibles des arts et de l’industrie. Les hordes guerrières, qui ébranlèrent l’Europe et mirent fin à l’empire romain, se dirigeaient de l’orient à l’occident. Toutes ces peuplades indisciplinées, dont l’origine est encore un problème, tournaient donc le dos à la Chine[2].

Toute industrie se développe proportionnellement à la population d’un pays. C’est ce qui ressort de l’enseignement même de l’histoire. Tout peuple pasteur ou chasseur peut se passer des arts et des sciences : il n’a pas besoin de tourmenter le sol pour vivre, ni de s’ingénier à se rendre tributaire le riche qui aime le luxe ; les simples produits de la nature lui suffisent. Mais il a besoin d’un vaste territoire. Or, c’est là précisément ce qui manquait à la population de la Chine. Cette immense population pacifique, sédentaire, dépourvue de tout instinct de conquête, devait, ou périr de famine, ou se livrer de bonne heure aux occupations industrielles et à la culture des arts[3].

La rivalité et l’ambition, deux passions inséparables d’une grande agglomération d’individus, si elles ne s’appliquent pas à des questions irritantes, le plus souvent insolubles, peuvent servir au développement du bien-être par l’appropriation des forces naturelles, trésor de richesses inépuisable.

Ainsi, loin de révoquer en doute l’antiquité de la civilisation chinoise, nous avons plutôt lieu de nous étonner que cette civilisation ait été si lente à se développer, surtout lorsqu’on considère que les savants sont infiniment honorés en Chine[4], et que, dans aucun temps, les habitants de cette contrée populeuse ne paraissent avoir eu à lutter contre ce fanatisme aveugle qui fit, chez nous, condamner les Roger Bacon et les Galilée. Pourrait-on alléguer comme cause de cette lenteur l’infériorité intellectuelle de la race mongole, sa haine de l’étranger, quelque vice d’organisation politique, etc. ? Nous ne faisons que signaler ces questions.

Pour se faire une idée exacte de la chimie chez les Chinois, il faut s’adresser à la médecine, à la métallurgie, à la peinture, à tous les arts utiles. La préparation des remèdes, la fabrication de quelques produits d’industrie, quelques procédés de simple routine, des faits isolés sans lien, sans doctrine scientifique, voilà à quoi se borne ici la science des Chinois[5]. Prompt à saisir le côté pratique d’une découverte, le Chinois néglige, il dédaigne même comme inutiles, les faits qui n’ont qu’une valeur théorique. Le docteur Abel raconte qu’après avoir satisfait aux questions que lui avait adressées un mandarin sur nos manufactures, il saisit cette occasion pour lui apprendre que nous avions des métaux qui, mis en contact avec l’eau, jetaient aussitôt des flammes. « J’avais sur moi, dit-il, un peu de potassium, et je voulus lui en montrer les propriétés. Il me demanda immédiatement à quoi cela était bon ; et comme je ne pus lui en prouver l’utilité d’une manière satisfaisante dans l’ordre de ses idées, il le regarda avec tant de dédain, que je ne jugeai plus à propos de risquer l’expérience[6]. »

La poudre à canon est connue depuis longtemps en Chine ; mais son application aux armes à feu y est assez récente : elle fut introduite de l’occident par la voie des missionnaires. D’après Wilkinson, la poudre fabriquée en Chine contient à peu près les mêmes proportions de nitre, de charbon et de soufre que la poudre qu’on fabrique en Angleterre ou en France[7].

Les Chinois ne se servaient de la poudre à canon que pour les feux d’artifice, dans lesquels ils excellent encore. Le P. Magaillaens rapporte qu’il fut très-émerveillé d’un de ces feux qui se fit en sa présence : « Une treille de raisins rouges était représentée ; la treille brûlait sans se consumer. Le cep de la vigne, les branches, les feuilles et les grains, ne se consumaient que très-lentement. On voyait les grappes rouges, les feuilles vertes, et la couleur du bois, tout cela représenté si naturellement qu’on y était trompé. »

L’art de fabriquer la porcelaine était déjà porté à un très-haut degré de perfection en Chine et au Japon, à une époque où nous n’en avions encore aucune connaissance en Europe[8]. C’est de ces contrées que furent apportés pour la première fois des échantillons de porcelaine. On les admira pour leur beauté ; on chercha ensuite avec ardeur les moyens de s’en procurer, et bientôt cette porcelaine devint, par imitation des vases murrhins[9] chez les Romains, l’ornement de la table des riches. Les nombreuses tentatives qu’on fît pour l’imiter furent presque toutes sans succès ; et ce n’est que par un de ces faits, en apparence fortuits, qui ont si souvent contribué aux progrès des sciences et des arts, que sa composition fut connue en Allemagne au commencement du dix-huitième siècle. Un chimiste allemand (de la Thuringe), nommé Macheleid, s’occupant d’expériences sur les combinaisons des terres les plus propres à former les meilleurs creusets, en trouva une qui produisit une porcelaine semblable à celle de la Chine ou du Japon, et qui la surpassa en solidité. Mais on fit un secret de sa composition, et les savants n’en avaient encore aucune idée exacte, lorsque Réaumur publia, en 1727 et 1729, ses observations sur ce sujet.

Par l’examen comparatif que fit Réaumur des porcelaines de la Chine et de celles fabriquées en France et en Allemagne, il trouva que les premières étaient compactes et solides, tandis que les porcelaines imitées étaient poreuses. En chauffant fortement ces porcelaines, il voyait que celles de la Chine n’éprouvaient aucune espèce d’altération, pendant que les autres se fondaient en une masse vitreuse. Il conclut de ces expériences, que la porcelaine doit sa demi-transparence à une sorte de vitrification, et que cet effet peut avoir lieu de deux manières : « 1° La composition de la porcelaine peut, dit-il, être telle que ses parties constituantes soient susceptibles de se vitrifier aisément à un degré de chaleur convenable, mais que celui qu’elle a reçu ne soit qu’exactement suffisant pour produire un commencement de vitrification : cette porcelaine fortement chauffée fondra facilement. Telle était la composition des porcelaines imitées en Europe. 2° La porcelaine peut être formée de deux substances, dont l’une se vitrifie par la chaleur, qui ne produit sur l’autre aucun changement. En faisant cuire suffisamment une porcelaine de cette espèce, la fusion de la portion qui en est susceptible enveloppe la portion qui résiste à l’action de la chaleur, et il se forme ainsi une substance demi-transparente, que ne peut plus altérer le même coup de feu. C’est dans cet état que doit être la porcelaine du Japon. »

Les détails communiqués par le P. Dentrecolles, sur le mode de fabrication de la porcelaine en Chine, confirment les idées de Réaumur que nous venons de citer.

La matière de la porcelaine se compose, dit le P. Dentrecolles, de deux sortes de terre : l’une appelée pe-tun-tse, et l’autre qu’on nomme kao-lin. Celle-ci est parsemée de corpuscules brillants, micacés ; l’autre est sensiblement blanche et très-douce au toucher. Les pe-tun-tse, dont le grain est si fin, ne sont que des quartiers de roches feldspathiques qu’on tire de certaines carrières[10].

Réaumur trouva aussi qu’en exposant séparément à une chaleur violente ces deux substances, on parvenait à fondre le pe-tun-tse, roche feldspalhique (silicate de potasse et d’alumine), tandis que le kao-lin, espèce de sable argileux, restait infusible[11].

Le P. Dentrecolles nous apprend, en outre, que les Chinois font, avec une certaine substance, appelée hoa-ché, une porcelaine beaucoup plus belle et d’un prix plus élevé que la porcelaine commune.

« Le hoa-ché est, dit-il, une substance glutineuse, et qui se rapproche en quelque sorte du savon ; les médecins en font une espèce de tisane qu’ils disent être détersive et apéritive[12]. »

Ce hoa-ché est, sans aucun doute, le talc[13] (silicate de magnésie et d’alumine), aujourd’hui employé en Europe, particulièrement pour la fabrication de la porcelaine du Piémont.

Le vernis qu’on applique à la porcelaine se prépare avec le pe-tun-tse (feldspath) et le che-kao (quartz) finement pulvérisés. « On y ajoute, dit le P. Dentrecolles, une huile qu’on fait avec des cendres de fougère et de la chaux vive, mêlées et traitées par l’eau. » Évidemment, cette prétendue huile n’est autre chose qu’une solution de potasse caustique qui est, en effet, huileuse au toucher.

Les Chinois connaissaient donc depuis longtemps la préparation des alcalis caustiques au moyen de la chaux vive et des cendres. Celles-ci provenaient, non pas du premier végétal venu, mais de la fougère, plante précisément très-riche en potasse.

À raison de la nombreuse population de la Chine, la main-d’œuvre y est à très-bas prix. Des centaines de bras sont occupés là où l’on n’emploie, en Europe, qu’une douzaine de personnes[14]. « Il est surprenant de voir, dit le P. Dentrecolles, avec quelle vitesse ces vases de porcelaine passent par tant de différentes mains. On dit qu’une pièce de porcelaine cuite a passé par les mains de soixante et dix ouvriers. Car ces grands laboratoires ont été pour moi comme une espèce d’aréopage, où j’ai annoncé celui qui a formé le premier homme du limon, et des mains duquel nous sortons pour devenir des vases de gloire ou d’ignominie[15]. »

Au rapport des voyageurs les plus récents, les porcelaines commencent à disparaître en Chine. Les vieux vases, les vieilles assiettes qu’on fabriquait du temps des Mings et qui portent le cachet de cette dynastie, deviennent de plus en plus rares et se vendent excessivement cher. Parmi ces vieilles porcelaines, on distingue les porcelaines à sujets, les craquelées et les céladons, espèces de vases avec des reliefs et d’une nuance de ce vert, appelé vert céladon. Quant aux porcelaines modernes, sorties pour la plupart des manufactures des environs de Canton, elles sont toutes peintes ; le rouge et le vert y dominent. Ces couleurs ainsi que l’or sont très-peu stables, et le bleu est loin de rappeler les tons chauds et le vif éclat de la belle couleur bleue du vieux chine de Sèvres[16].

La fabrication de la poterie, de la faïence et du verre, paraît également être fort ancienne en Chine. Le leou-li ou verre chinois se fabrique dans le district de Yen-Tsching. Il est plus fragile que celui d’Europe ; il se fendille lorsqu’il est exposé aux injures de l’air[17]. Quoique inférieurs à ceux des Japonais[18], les vernis des Chinois ne laissent pas d’être extrêmement beaux. On en fabrique une multitude d’objets laqués, depuis des paravents jusqu’à des cuvettes. Ce qui en rend le prix élevé, c’est le soin extrême qu’il faut apporter à la préparation d’un vernis plus ou moins consistant, et au nombre de couches à appliquer. Quand on en a appliqué une, on est obligé d’attendre très-longtemps qu’elle soit sèche, avant d’en apposer une seconde. C’est ici surtout qu’il faut admirer la patience et l’esprit industrieux des Chinois[19].

Le laque de Canton est un des plus recherchés. Il est noir, orné de dessins d’une finesse et d’une inaltérabilité remarquables. Il se fait avec un bois blanc recouvert d’un vernis noir, dont la composition exacte est le secret des fabricants chinois, La couleur d’or s’applique, au rapport de M. de Kéroulée, de la manière suivante : l’ouvrier trace, d’après un modèle et avec un pinceau d’une grande finesse, les dessins qu’il veut représenter ; son pinceau est trempé dans une substance rouge qu’on fait sécher sur le laque apposé le premier et dont le vernis est parfaitement sec. Quand l’application rouge est sèche, on passe sur le tout un tampon de ouate qu’on a préalablement frotté sur la poussière métallique ; celle-ci, par un secret des fabricants, mord les parties dessinées en rouge et forme ainsi un composé inaltérable qui retient la poudre d’or fixée solidement à sa surface. Le laque de Canton sert à faire des coffrets, des boîtes, des écrans, des plateaux, etc. — Le laque de Pékin est rouge. Il y en a d’ancien et de moderne. Dans le premier c’est le stuc concassé qui domine ; dans le second, c’est la cire qui forme le principal ingrédient. Le vieux laque est d’un rouge très-foncé, qui devient grenat au frottement ; tandis que le jeune laque est encore tout resplendissant de son éclat vermillon. Le laque de Pékin sert à faire des jardinières, des montants d’éventail, des étagères, etc. — Le laque de Fou-Tcheou est une composition grise, très-légère et ne se rencontre pas souvent dans le commerce. Malgré sa rareté, il est peu estimé et ne s’emploie que pour la fabrication des mêmes objets[20].

Les Chinois savent employer depuis longtemps le plomb, le cuivre, le fer, dans la préparation des couleurs et la fabrication des pierres précieuses artificielles. Ils connaissent les alliages métalliques, et particulièrement ceux de cuivre, de zinc et d’étain, qui servent à fabriquer des miroirs, des ustensiles de cuisine[21], des gongs, espèce de cloches cylindriques, qu’on fait résonner en les frappant avec de gros maillets de bois[22]. Ils connaissent aussi la trempe des alliages de cuivre pour la fabrication des tam-tams. Leur pacfong ou cuivre blanc, que nous appelons argentan, à cause de sa ressemblance avec l’argent, est un alliage de cuivre, de zinc, et de nickel.

Il est d’autres inventions dont la priorité paraît revenir aux Chinois ; telles sont, entre autres, l’imprimerie, la fabrication du papier, l’encre, etc. Le collage du papier est fort ancien. L’encre de Chine, dont le principal ingrédient est le noir de fumée, se vend, comme l’on sait, sous forme de petits bâtons, sur lesquels les ouvriers ont soin de graver diverses figures de fleurs, d’animaux, etc. Ils y mêlent des parfums pour en corriger l’odeur forte et désagréable.

L’empire de la Chine est riche en mines de plomb et d’étain. Aussi ces métaux s’y vendent-ils à bas prix. L’usage du fer y remonte à une haute antiquité ; car il en est question dans le Chou-king (chap. Yu-kong)[23]. Ce métal, qui se prêle si difficilement à la fusion, les Chinois le réduisent en lames et en fils très-minces. « Leurs ouvrages en fil de fer, dit l’ancien président de la Compagnie des Indes, ne sont pas aussi proprement exécutés que les nôtres, mais ils ne laissent pas d’être bons. Nous les surpassons aussi sous le rapport du bon marché. Les Chinois importent notre fer en barres ; ils préfèrent le travailler eux-mêmes. Ils ont déjà commencé à fabriquer des horloges, des pendules et des montres ; cependant ils font venir les ressorts d’Angleterre [24]. »

Le jade appartient, en Chine, à la classe des objets les plus chers et les plus précieux. C’est une pierre opaque, fort dure, espèce de silicate calcaire magnésien qu’on retire des montagnes du Hu-nan (province occidentale de la Chine). Comme le diamant, on ne le polit qu’avec sa propre poussière. La variété la plus estimée est d’un blanc laiteux pur, marqué de quelques taches couleur de feu et veiné de vert. Le jade vert opaque a beaucoup d’analogie avec la serpentine. Dans le palais d’été impérial d’Huen-mi-nu-hien, incendié par les Anglais (le 13 octobre 1861), on trouva, entre autres objets précieux, deux bâtons en jade, auxquels la forme de sceptre fit donner le nom de bâtons de commandement. L’un fut envoyé à la reine Victoria, l’autre à l’empereur Napoléon III. « Ce sont, dit M. de Kéroulée, des bâtons de souhait, emblèmes de bonheur que les Chinois s’envoient au commencement de l’année, en guise de cadeaux[25] ».

Système monétaire[26]. — Tous les échanges se faisaient autrefois en nature, comme cela avait lieu primitivement dans tous les pays. Sous les Hia et les Chang (de 2400 à 1200 avant J.-C.), on trouve l’indication de trois métaux, jaune, blanc, rouge, employés comme moyens d’échange, à savoir l’or, l’argent, et le cuivre. L’or a été longtemps très-rare en Chine. On le retirait des sables de quelques rivières, par les procédés de lavage ordinaires [27].

L’exploitation des mines d’argent devait être pendant longtemps très-imparfaite, puisqu’elle laissait encore, d’après les détails qu’en donne la Petite Encyclopédie chinoise (écrite en 1633), beaucoup à désirer au dix-septième siècle. Il n’en est pas de même des mines de cuivre, qui sont extrêmement abondantes en Chine, et qui paraissent avoir été en tout temps assez bien exploitées.

Les seules pièces métalliques monnayées sont les sapèques. Elles sont composées d’un alliage de cuivre et d’étain : chacune pèse 12/100 d’once chinoise (4 gr. 50). Elles sont percées au milieu d’un trou carré par lequel on les enfile en chapelets. Il faut 3, 600 sapèques pour faires 2 taëls (15 fr.) L’argent se vend en lingots, et ne se trouve pas à l’état de monnaie titrée. La valeur du lingot ou soulier d’argent est de 1 ou 1 taëls au minimum.

L’ancien gouvernement chinois avait le monopole de l’émission des monnaies et de l’exploitation des mines. Il n’émettait de la monnaie que pour acheter des grains dans les années fertiles, et les revendait ensuite au peuple dans les années de disette.

Les pièces monnayées, les médailles de cuivre, sont moulées, et non frappées sur un flan, à froid, comme se pratique le monnayage actuel. Cette circonstance a rendu le crime de faux monnayage extrêmement commun en Chine, malgré les peines sévères auxquelles les coupables sont condamnés.

La fabrication de la monnaie a toujours été à l’état d’enfance chez les Chinois ; on l’attribue généralement à l’incapacité de cette nation pour l’invention des machines dont l’emploi demande une grande force. Quant aux travaux de main d’œuvre dont l’exécution exige beaucoup d’adresse et de patience, les Chinois n’ont peut-être pas de rivaux dans le monde entier.

Dans les montagnes des environs de la ville de Hoei-Tcheou, il y a des mines de cuivre, d’or et d’argent exploitées depuis la plus haute antiquité. L’affinage de l’argent par la coupellation parait être connu d’assez longue date[28] Les Chinois ne connaissent pas, — chose étrange ! — l’emploi des acides forts pour dissoudre les métaux. Cependant ils connaissent les substances salines, dont le mélange peut donner naissance à des phénomènes chimiques, analogues à ceux produits par des acides. Voici comment les pharmaciens de Chine préparent, par exemple, l’oxyde rouge de mercure :

Mercure
Sulfate d’alumine
Nitrate de potasse
parties égales.

Ce mélange a pour effet d’oxyder le mercure comme si on le traitait par l’acide nitrique. C’est ainsi que procédaient les alchimistes avant la découverte de l’eau-forte (acide nitrique).

La méthode dont ils se servent pour préparer le calomélas est beaucoup moins simple, et démontre qu’aucun principe scientifique ne préside à la préparation de leurs produits chimiques et pharmaceutiques. Voici les substances qu’employa à cette préparation le pharmacien de M. Pearson, chirurgien en chef de la factorerie anglaise, auquel nous empruntons ces détails[29] :

Sulfate de fer 
 4
Sulfate d’alumine 
 920
Nitrate de potasse très impur 
 900
Sulfure de mercure 
 120
Sulfure incertain (de couleur jaune et bien broyé) 
 660
Mercure 
 600
Chlorure de sodium 
 920
Sous-borate de soude 
 930

« Le pharmacien avait, raconte M. Pearson, apporté avec lui son appareil. Le fonrneau dont il se servait était en terre glaise cuite ; c’était un de ces poêles portatifs sur lesquels les Chinois font leur cuisine ; en outre, un vase de terre non vernissé, de la capacité d’environ une livre, et un autre de plus du double, dont le fond était enlevé ; puis un plat de porcelaine ordinaire, et un gros pot de terre contenant un peu d’eau. Après avoir mêlé tous les ingrédients, à l’exception des deux sulfures et du mercure, il les mit dans le vase de terre, les saupoudra avec les deux sulfures et du mercure, et plaça le vase sur le fourneau, c’est-à-dire sur quelques charbons biens ardents.

« Au bout d’une demi-heure le tout se trouvant en état de fusion, il ajouta le mercure et augmenta le feu. Au bout d’une heure, lorsque la fusion fut complète, il ôta le vaisseau du feu et le renversa pour épancher une partie du mercure, qu’il remi ensuite dans le même vaisseau et le plaça de nouveau sur le feu. En l’ôtant encore au bout de dix minutes, il reconnut qu’il ne s’était point perdu de mercure ; alors il le renversa sur le plat de porcelaine, et amoncela du sel ordinaire tout autour du vase de terre ainsi que par-dessus son fond renversé, sur lequel il appliqua l’intérieur du troisième plat, dont le fond était enlevé, de manière que ses bords appuyaient sur ceux du plat de porcelaine. Au bout d’une demi-heure il ajouta du charbon, et ranima le feu en l’éventant ; de temps en temps il appliquait son oreille pour écouter, disait-il, le sifflement et le bouillonnement qui devaient se faire entendre. Enfin, il annonçait ces effets avec tout le charlatanisme d’un alchimiste.

« Le muriate qu’il avait ainsi obtenu était loin de pouvoir soutenir la comparaison avec celui qu’il avait apporté comme substance modèle. Il parut extrêmement confus du triste résultat de son opération, et me dit que, si je consentais à assister à une seconde expérience, il était sûr d’être plus heureux. J’acceptai, et en effet il réussit cette fois. »

Ces opérations ressemblent assez, pour le répéter, aux opérations des alchimistes qui arrivaient, par des voies extrêmement compliquées, aux résultats auxquels nous parvenons aujourd’hui par des voies fort simples [30].

La doctrine de la transmutation des métaux n’est pas inconnue aux Chinois. On en trouve des traces évidentes dans un livre chinois qui a pour titres : Tsai-y-chi ; on y lit, entre autres, qu’un vieux savant avait changé des racines et des terres en or, en les faisant calciner dans un vase façonné en tête d’oiseau. Dans les annales de Song, on lit : « Yang-kiai, sur la croyance qu’on pouvait changer les tuiles et les pierres en or (hoa-oua-che-ouei-hoang-kin), quitta ses emplois pour travailler au grand œuvre[31]. »

La transmutation des métaux, telle que la concevaient les alchimistes, était donc une idée depuis longtemps répandue en Chine. On ne dira pas que les alchimistes l’aient empruntée aux Chinois, et encore moins que les Chinois l’aient empruntée aux alchimistes de l’Europe. Est-ce là une de ces idées qui en tout temps et en tout lieu se présentent en quelque sorte d’elles-mêmes à toutes les intelligences ? C’est là un sujet digne d’être médité.

Au jugement des voyageurs les plus récents, qui ont pu visiter Pékin à loisir, il faut beaucoup rabattre de la renommée artistique des Chinois. « La forme, dit M. de Kéroulée, n’est rien pour les Chinois ; le prix de la matière première et le plus ou moins de difficulté que l’on peut avoir à la travailler, voilà ce qui constitue le mérite des objets. L’enchevêtrement, le fouillis, le heurté, tout ce qui répugne à l’œil d’un homme de goût, voilà ce qui séduit et enchante les hommes de cette race dépourvue des facultés phrénologiques dont la résultante est ce qu’on appelle le sentiment du beau, le goût artistique… Partout chez les Chinois la patience de l’ouvrier tient lieu de la grâce et du fini. On creusera, dans une boule d’ivoire, trois ou quatre autres sphères creuses qui se meuvent indépendantes les unes des autres ; on réunira les ongles d’un millier de fourrures de martres, et, ajustant par un travail inouï de couture toutes ces parcelles de peau l’une à l’autre, l’on aura fait une fourrure tellement riche, tellement précieuse, que l’empereur seul peut la porter : voilà ce que les Chinois considèrent comme le criterium du beau, comme la merveille la plus digne d’admiration… Dans tout ce qui est incrustation, mosaïque, ciselure, leurs œuvres pourront acquérir une certaine valeur et un certain prix, même aux yeux de l’artiste. Mais, pour me résumer, je dirai hautement qu’en Chine je n’ai jamais rien vu qui approchât, comme beauté de forme, de la moindre poterie étrusque, de la plus simple coupelle antique trouvée aux environs du dernier bronze recueilli dans les fouilles d’une ville d’Italie[32]. »

Les Chinois et les Japonais entretenaient-ils des relations avec l’Amérique longtemps avant la découverte de ce continent par les Européens ? C’est une question qui a été souvent agitée, sans pouvoir être résolue[33].

La race mongole, quelle que soit l’antiquité de sa civilisation, ne pèse guère dans la balance du progrès. Repoussant avec hauteur toute lumière venue du dehors, elle se complaisait depuis des siècles dans son immobilité d’idoles, lorsque des querelles récentes lui firent sentir la puissance et la supériorité de l’Occident. La France et l’Angleterre alliées, dictant des conditions de paix (septembre 1800) dans la capitale même de l’Empire du milieu, c’est là un des événements les plus mémorables de notre époque. Grâce à cette alliance civilisatrice, la Chine est aujourd’hui ouverte à toutes les nations de l’Europe.


INDIENS (aryas).

L’Inde est le berceau de la filiation des peuples qui marchent à la tête de la civilisation. Son histoire présente de nombreuses lacunes, et souvent un caractère purement conjectural, du moins en ce qui concerne la période primitive.

Les plus anciens habitants de l’Inde dont l’histoire fasse mention se donnaient eux-mêmes le nom d’Aryas, d’hommes braves. Établis d’abord au pied de l’Himalaya, dans la province de Delhi, ils vinrent occuper, 1500 ans avant J.-C., tout l’Indostan proprement dit. Les Aryas parlaient le sanscrit, et forment par leur langue, par leur type physique et moral, la souche de la grande race indo-européenne.

Comme la Chine, l’Inde est restée longtemps inconnue aux Européens ; car les notions qu’en avaient les anciens, depuis l’expédition d’Alexandre le Grand, ont fort peu de valeur. Ce n’est donc que dans les temps modernes, depuis l’époque de l’établissement des compagnies marchandes dans la presqu’île du Gange, que l’on a pu se procurer des renseignements plus précis sur cette contrée, considérée généralement comme le berceau de la civilisation. Malheureusement, ces renseignements n’ont aucun intérêt direct pour l’histoire de la chimie, ils concernent presque exclusivement la littérature, la religion, les mœurs et les coutumes des peuples de l’Inde (1[34]).

Cependant l’usage des métaux, leur mode d’extraction, l’emploi des alliages et des monnaies, la préparation des couleurs, du bleu (indigo), etc., connus dès la plus haute antiquité dans l’Inde, présupposent nécessairement des connaissances, quelque informes qu’elles soient, en métallurgie et en chimie. Toutefois la comparaison des langues ne nous apprend rien de positif à cet égard (2[35]).

Les Indiens étaient depuis fort longtemps renommés pour la trempe du fer (3[36]). Tout le monde a entendu parler de l’excellence du fer ou de l’acier indien pour la fabrication des instruments tranchants, particulièrement de ces fameuses épées que les Grecs appelaient Οαυμάσια ξίφη, (épées merveilleuses) et les Occidentaux lames damasquinées (1[37]).

Le célèbre acier-wootz, qu’on imite en alliant l’acier ordinaire avec de très-petites quantités d’argent ou de platine, était autrefois exclusivement employé pour la préparation du moiré métallique (2[38]).

Le borax servait depuis longtemps chez les Indiens dans la soudure des métaux ; il fut pour la première fois apporté en Europe, par l’intermédiaire des marchands arabes. Ce sel (borate de soude), si utile dans les arts, se rencontre particulièrement au nord de l’Inde, dans le Thibet. Là il se trouve déposé au fond de certains lacs, d’où on le retire en masse considérables. Comme il est impur et mélangé avec des matières organiques, on le soumet à une espèce de purification avant de le livrer au commerce.

Comme les Chinois, les Indiens ignoraient la préparation et l’usage des véritables dissolvants des métaux, c’est-à-dire des acides minéraux, sans lesquels la chimie est une science impossible : le vinaigre et les sucs acides des végétaux sont des dissolvants trop faibles ou insuffisants. Aussi la découverte de l’eau-forte et de l’eau régale, de ces deux dissolvants des métaux par excellence, fait-elle véritablement époque dans l’histoire de la science.

Si nous avons fort peu de renseignements sur la pratique de la chimie chez les Indiens, il n’en est pas de même pour ce qui regarde la théorie : les spéculations de l’extrême Orient ont la plupart une grande analogie avec les systèmes des philosophes de l’Occident.

Les théories les plus élevées, les formules les plus générales de la science, ne sont, en dernière analyse, que le reflet des lois immuables de l’intelligence humaine, lois aussi absolues et aussi nécessaires subjectivement que celles qui régissent le mouvement, la matière et ses transformations indéfinies. Voilà pourquoi ces théories se ressemblent toutes, abstraction faite des temps et des lieux.

Arrêtons-nous un moment sur la philosophie indienne, pour faire ressortir quelques-unes de ces idées qui se retrouvent au fond de presque toutes les théories.

Une question qui a en tout temps occupé les esprits qui se sont livrés à l’étude de la nature, c’est de connaître à la fois la qualité et la quantité des éléments matériels qui, par leurs combinaisons diverses, forment l’immense variété des choses. Parallèlement à ces recherches, les philosophes, depuis Aristote jusqu’à Kant, ont essayé, dans une autre sphère, d’approfondir et de classer le nombre des lois élémentaires, ou, comme ils l’appellent, des catégories de l’entendement.

Suivant l’opinion des philosophes indiens, le nombre des éléments qui composent la matière est de cinq : la terre, l’eau, l’air, le feu et l’éther. Ce nombre était également adopté par les philosophes grecs, qui comptaient l’éther au nombre des éléments. Cette opinion a fait pendant longtemps autorité parmi les chimistes.

Cinq éléments ! c’est bien peu de chose à côté du nombre des éléments aujourd’hui connus en chimie (1[39]). Cependant, à mesure que la science marche, tout tend à se simplifier, et il ne répugne nullement de croire que les éléments de la matière, quelque nombreux qu’ils soient en apparence, ne se réduisent au fond qu’à deux ou trois. Dans la manière de voir qui règne actuellement, et qui compose la science courante, les esprits en chimie tendent vers l’unité de la matière, comme en physique vers l’unité des forces.

Les cinq éléments désignés, dans la langue des Védas, sous le nom de pantchatouam (quinquité) (2[40]), sont les formes dont s’est revêtu Brahma, le maître de l’univers. C’est ainsi que, dans le drame de Sacountala, un brahmine, s’avançant vers la scène, prononce cette invocation :

« Puisse le maître de l’univers, présent sous ces formes : l’eau, la première des choses créées, le feu sacré, l’éther sans bornes, la terre, nourrice de tous les germes, l’air, qui anime tous les êtres qui respirent ; — puisse ce dieu favorable vous protéger à jamais (1[41]) ! »

Les philosophes indiens enseignent que tout corps doué de vie est formé de la réunion des cinq éléments. Pour dire qu’un homme est mort, ils se servent de ces expressions : « L’homme est retourné dans les cinq éléments ; il est rentré dans le sein de Brahma. » C’est pourquoi, dans la fable du serpent et des grenouilles, de l’Hitopadésa, le sage Capila, cherchant à consoler un père de la mort de son fils, lui dit : « A quoi bon de tant t’affliger ? Ne sais-tu pas que le corps, composé des cinq éléments, retourne dans panchatouam, et se résout dans chacun de ses principes ? »

Saurions-nous aujourd’hui mieux définir la mort physique, la décomposition naturelle de tout être vivant ? Le corps dont les mouvements ne sont plus sous l’empire des fonctions vitales se réduit en des principes dont les uns se mêlent à la terre, les autres à l’eau, d’autres à l’air, où quelques-uns peuvent même s’enflammer spontanément (2[42]) ; enfin, il y a des produits de décomposition susceptibles de se mélanger avec l’éther, puisque beaucoup de physiciens admettent l’existence d’un fluide hypothétique pour expliquer les phénomènes de la lumière, du calorique et de l’électricité. Les principes dans lesquels le corps se résout après la mort, qu’on les appelle aujourd’hui eau, acide carbonique, ammoniaque, etc., ou qu’on les nomme, comme autrefois, terre, eau, air, etc., peu importe : quel que soit le langage, l’idée fondamentale reste la même. Le domaine des faits particuliers peut, par la suite du temps et de l’observation, varier et s’agrandir ; mais l’idée qui les enchaîne est immuable, parce qu’elle repose sur le fonctionnement de l’intelligence humaine, organisée pour ne saisir que les rapports du mouvement et de la matière.

Aux noms de Brahma (Dieu créateur), de Vischnou (Dieu conservateur), et de Siva ( Dieu destructeur), trinité mystérieuse exprimée par la syllabe mystique de au̇m, se rattachent des pensées à la fois physiques et métaphysiques. Siva lui-même, le Dieu destructeur, est adoré sous le nom de Dieu bon, el regardé comme le principe d’une nouvelle vie ; car tout naît, vit et périt, pour renaître. De là ces cycles de transmigration qui nous rappellent les doctrines de Pythagore, empruntées à la métempsycose des Égyptiens.

Cependant les philosophes indiens ne s’arrêtent pas au simple matérialisme panthéis-ique. Ils vont plus loin : ils admettent, comme les disciples de Platon, une âme du monde, dont les âmes des êtres animés ne seraient que des parties. Au moment de la dissolution du corps, l’âme, âtmâ, très-différente du principe purement vital, se réunira, disent-ils, si elle est pure, à la grande âme universelle, paramâtmâ, d’où elle est émanée ; si elle est impure, elle sera condamnée à subir, un certain nombre de transmigrations ; c’est-à-dire à animer successivement des plantes et des animaux, ou même à être incarcérée dans quelque corps minéral, jusqu’à ce que, purifiée de toutes ses souillures, elle soit jugée digne du moucti, de l’absorption dans la Divinité (1[43]).

Ainsi les minéraux eux-mêmes seraient des êtres animés. Il est à remarquer que cette idée se retrouve au fond delà doctrine des alchimistes, qui attribuaient à chacun des métaux une âme particulière.

Comme dans la kabbale et dans les théories alchimiques, on trouve dans la philosophie indienne l’assimilation des éléments à certaines parties du corps humain, identification de l’homme ou du monde en miniature (microcosme) avec l’univers (macrocosme) ; les triangles et les cercles mystiques (tschakras), traversés par des rayons dont les différents nombres sont mystiques ([44]). On y rencontre également l’idée, d’après laquelle le monde est un animal qui réunit les deux sexes, et qui exerce à la fois les fonctions de père et de mère. Le principe mâle et le principe femelle, le principe actif et le principe passif, se retrouvent non-seulement dans la philosophie indienne, mais dans presque tous les systèmes des philosophes anciens ; cet antagonisme dualistique défraya particulièrement les doctrines de l’art sacré. Ainsi, par exemple, dans le monde minéral, qui est le monde des alchimistes, le principe mâle était l’arsenic, comme l’indique le nom même de ce corps ; car ἀρσενιχόν (arsenic) signifie littéralement mâle, ou principe actif. Le cuivre, consacré à Vénus, était le principe femelle. On sait qu’un des principaux problèmes que les alchimistes s’étaient proposé de résoudre était la conversion des métaux vils en métaux nobles (or et argent). Or, l’arsenic (principe mâle) s’unissant au cuivre (principe femelle) donne naissance à un alliage (cuivre blanc), qui, par son aspect, ressemble à l’argent, et que certains adeptes vendaient pour de l’argent véritable.

C’est ainsi que les disciples de l’art sacré, les alchimistes, empruntèrent aux spéculations des philosophes anciens beaucoup de théories, pour les appliquer à leurs opérations et en donner des interprétations allégoriques.

Le Gange est pour les Indiens ce que le Nil fut pour les Égyptiens : c’est sur les bords de ces fleuves sacrés qu’est venue s’asseoir cette civilisation antique, qui de là s’est répandue dans tous les pays de l’Occident. Aussi l’eau, principe fécondant de la mère commune, alma tellus, joue-t-elle un rôle important dans les cérémonies religieuses ainsi que dans les théories philosophiques et scientifiques de ces nations..

« L’eau est le principe de toutes choses. » Cette idée, que Thalès avait empruntée aux Égyptiens, se retrouve dans les livres sacrés de l’Inde (1[45]). C’est à cet élément, emblème de la purification, que s’adresse le prêtre lorsqu’il récite le texte sacré de l’expiation. « Eau, tu pénètres toutes choses ; tu es la bouche de l’univers ; tu es le mot mystique vasha ; tu es la lumière, le goût et le fluide immortel (2[46]). »

Fidèles aux traditions anciennes, les alchimistes s’emparèrent plus tard de l’idée que l’eau est le principe de toutes choses, et ils la transportèrent dans le monde minéral. Mais ici il fallait entendre par eau, non plus l’eau commune des rivières, mais l’eau philosophale, une eau pesante, ne mouillant qu’un très-petit nombre de corps, douée du brillant de l’argent. Cette eau n’était que le mercure ordinaire pour la tourbe des adeptes, tandis que pour ceux qui se prétendaient initiés aux secrets de leur art c’était un mercure particulier, considéré comme l’élément constitutif de tous les métaux (1[47]).

Voilà comment la plupart des doctrines hermétiques ont leur source dans les spéculations de la philosophie naturelle et dans les dogmes mystiques des plus anciennes religions. Aussi l’histoire de la science est-elle intimement liée à l’histoire de la religion et de la philosophie, comme nous le verrons surtout au siècle de Roger Bacon et d’Albert le Grand.

La société indienne, divisée par castes, devait radicalement s’opposer à la formation d’une science où la pratique doit l’emporter sur la théorie. Les métiers, dont la chimie est tributaire, jetaient, comme à Athènes et à Rome, exercés par une caste méprisée, celle des cudras, tandis que les spéculations philosophiques, intimement liées aux croyances religieuses, étaient dans les attributions de la caste la plus respectée, celle des prêtres ou brahmines.



ÉGYPTIENS. — PHÉNICIENS. — HÉBREUX.

Les monuments antiques, fruits du génie et du travail de l’homme, constituent la principale source de l’histoire des sciences et des arts, auxiliaires puissants de la civilisation des peuples. À cette source il faut joindre les documents écrits, transmis par les historiens. Mais de graves difficultés se présentent dans l’emploi judicieux de ces matériaux. À quel caractères reconnaît-on l’antiquité authentique des monuments invoqués à l’appui de l’histoire ? Comment apprécier la valeur de documents souvent incomplets, tronqués, fictifs, ou incompréhensibles ? Quel est ici le critérium pour distinguer le vrai du faux ?

Ces questions, vraies pour toute l’histoire en général, s’appliquent plus particulièrement à l’histoire de la chimie, et surtout à l’état de cette science chez les anciens Égyptiens, chez les Phéniciens et les Hébreux. Quant aux Chaldéens, aux Assyriens et aux Babyloniens, ils échappent, faute de documents, à toute appréciation exacte.

Avant d’aborder les détails, jetons un coup d’œil rapide sur chacun de ces peuples civilisateurs de l’antiquité.

Les Égyptiens, comme les Chinois et les Indiens, cultivèrent de bonne heure les arts et les sciences. Et ce que nous avons dit des Chinois s’applique en grande partie aux Egyptiens : une population nombreuse (1[48]), établie sur les bords du Nil, mise en présence d’une nature riche en productions de toutes espèces, mais une population dépourvue de l’esprit guerrier et de l’ambition des conquêtes, devait nécessairement, par la seule force de l’intelligence et du travail, se frayer pour sa subsistance des voies nouvelles, inconnues à des tribus nomades ou à des nations exclusivement guerrières. À cela il faut joindre les croyances religieuses et les institutions politiques, qui favorisaient plutôt qu’elles n’entravaient la recherche de l’utile et du beau.

C’est dans le royaume des Pharaons que Platon, Pythagore, Solon et Hérodote étaient venus s’instruire.

L’Égypte devint à différentes époques la proie des conquérants. Soumis successivement à des dominations diverses, les Égyptiens ont dû perdre peu à peu leur antique genre de civilisation et ce cachet d’originalité qui les distinguait de tous les peuples du monde.

Le royaume des Pharaons a rarement joui des bienfaits d’une paix durable ; tous les grands événements qui exercent une influence marquée sur les arts, le commerce et la politique des empires, ont ramené la guerre sur les bords du Nil.

Enfin, à la chute de l’empire romain, l’Egypte éprouva le sort commun aux autres nations de ce vaste empire, qui s’intitulait orbis terrarum.

Si la Chine s’est maintenue à peu près intacte depuis des siècles, c’est qu’elle éprouva des secousses moins fortes de la part des peuples limitrophes : si elle a été conquise, elle l’a toujours été par des nations inférieures en nombre, et les conquis ont fini par s’assimiler complètement les conquérants (1[49]).

L’Egypte, au contraire, en changeant souvent de maîtres, perdit peu à peu les coutumes de ses ancêtres, et en adoptant des usages nouveaux elle finit par altérer son type.

Les Phéniciens nous présentent également le spectacle d’un peuple nombreux, établi sur un territoire proportionnellement très-restreint. Ici encore le génie de l’homme devait suppléer au défaut de la nature. Par son territoire la Phénicie était petite, mais ses habitants étaient grands par leur commerce, par leur industrie, par tous les arts de la paix. Les marchandises de Tyr et de Sidon étaient recherchées dans le monde entier. Ce peuple, essentiellement navigateur et commerçant, resserré dans des limites étroites par suite des conquêtes de ses voisins, fut naturellement porté à fonder des colonies dans les contrées qu’il aborda le premier. Ce fut ainsi qu’il découvrit l’Espagne (2[50]). Ce pays était riche en or et en argent ; ses habitants n’en connaissaient ni la valeur ni l’usage (3[51]).

Ce fut à peu près dans le même état que, près de trente siècles plus tard, les Espagnols trouvèrent l’Amérique et ses autochthones.

Les Phéniciens, après avoir établi des entrepôts dans les îles de Rhodes et de Chypre, d’où ils tirèrent leurs minerais de cuivre, franchirent les premiers le bassin de la mer Méditerranée, et prirent possession du détroit de Gades (1[52]) (Cadix), comme d’un poste important pour leurs colonies et leur commerce. Ils poussèrent leurs navigations, au nord, jusqu’aux îles Britanniques, d’où ils tirèrent le χασσίτερς (étain), dont parlent déjà Moyse (2[53]) et Homère (3[54]).

Les navigations lointaines produisirent alors dans les arts et dans l’industrie même révolution qu’a produite à notre époque le commerce avec l’Inde.

Une chose digne de remarque, c’est que dès la plus haute antiquité, tous les peuples essentiellement mercantiles avaient auprès des autres nations une réputation d’improbité. C’est ce qu’attestent ces paroles qu’Homère met dans la bouche d’Ulysse :

Alors vint un Phénicien, un maître fourbe,
Un grappilleur, qui avait déjà fait beaucoup de mal aux hommes (4[55]).

La foi punique, fides punica, était, dans la bouche d’un Romain, synonyme de mauvaise foi. Les peuples animés de l’esprit de lucre ne cultivent guère que le côté pratique des sciences. Sous ce rapport, les Phéniciens différaient entièrement des Égyptiens, qui se complaisaient dans le dogmatisme philosophique et religieux.

Hébreux. — Opprimés par les Égyptiens, avilis par les Assyriens et les Syriens, méprisés par les Romains, persécutés au moyen âge, disséminés aujourd’hui sur tout le globe les Juifs ont conservé, au milieu de leurs infortunes, leur foi, leurs mœurs, leur caractère, jusqu’au type même de leur physionomie[56]. Cet accord de tous les peuples à maltraiter les Juifs ne donne-t-il pas à penser ? — Ce qu’il y a de certain, c’est que le christianisme, qui prêche la fraternité, a eu son berceau chez les Juifs, qui dans toute l’antiquité passaient pour le peuple le plus égoïste et le moins conciliant du monde. Les Romains, les plus tolérants des mortels, ne leur reprochaient-ils pas odium totius generis humani ? — Incontestablement les Israélites étaient dès leur origine animés du même esprit de lucre que les Phéniciens, avec lesquels ils avaient plus que de simples rapports de voisinage.

Quoique fidèles à leurs croyances religieuses, les Hébreux ont cependant emprunté aux Égyptiens et aux Phéniciens la pratique des choses qui leur paraissaient les plus utiles. Ils mettaient dans la construction du tabernacle tout le raffinement des arts de l’Egypte ; et les ornements du grand-prêtre devaient avoir mis à contribution les ateliers de Tyr et de Sidon[57]. Bien que Moyse, le Solon des Juifs, n’ait pas précisément institué des lois en faveur de la culture des arts, il fait cependant l’éloge des ouvriers et des artisans. (Exod., XXI, 11 ; XXXV, 30 — 36.) Les orfèvres, les sculpteurs, les forgerons, en général tous les artisans (חֲרָשִׁים), étaient, comme chez les Egyptiens, des hommes libres, et non des esclaves, comme chez les Grecs et les Romains.

§1.

De l’origine de la chimie.

Hermès ou Mercure, surnommé le trois fois très-grand (τριςμέγιστος), passe pour l’inventeur des arts en Égypte, et particulièrement pour l’inventeur de la chimie[58]. On attribue à ce personnage mythique, qui s’appelle aussi Thaat ou Thaut, un grand nombre d’écrits sur les arts, sur la médecine et l’astrologie, dont plusieurs existent encore sons le pseudonyme d’Hermès Trismégiste[59]. Ce qui prouve que ces écrits sont supposés, c’est qu’aucun écrivain antérieur à l’ère chrétienne n’en fait mention. Les auteurs qui en ont parlé les premiers appartiennent presque tous à la fameuse école d’Alexandrie, véritable atelier de science et de littérature pseudonymes.

D’autres attribuent l’invention des arts utiles à Phtha ou à Vulcain. Ils le regardent comme identique avec Tubalcaïn qui, d’après la tradition biblique, travailla le premier les métaux[60]. Zosime, Eusèbe et Synésius rapportent qu’il y avait dans le temple de Phtha (Vulcain), à Memphis, un endroit destiné à l’exercice de la science divine ou de l’art sacré, qui, comme nous le verrons plus bas, n’était autre que la chimie ou l’alchimie. C’est ainsi que les alchimistes se réunissaient autrefois dans les cathédrales pour se livrer aux opérations du grand œuvre.

Les alchimistes paraissent avoir également emprunté aux prêtres de l’Égypte les formes énigmatiques, les signes hiéroglyphiques de leur art, le rapprochement mystique des métaux, des planètes et des signes du zodiaque, les théories de l’œuf philosophique,  etc.

On a beaucoup et vainement discuté sur la science cachée des prêtres de Thèbes, de Memphis et d’Héliopolis. Le silence était imposé à ces prêtres sous les peines les plus sévères, et il ne leur était permis de s’exprimer que symboliquement.

Au rapport d’Eusèbe et de Synésius[61], c’est dans le temple de Memphis que Démocrite d’Abdère fut initié par Ostanes aux mystères de l’Égypte, en compagnie d’autres philosophes, parmi lesquels on cite Pammènes, et une prophétesse juive, nommée Marie.

Ces initiations mystiques offrent quelque analogie avec celles des alchimistes du moyen âge, qui s’engageaient aussi, par des serments terribles, à garder le secret de leur art, et qui ne parlaient des choses les plus simples que par énigmes.

Les disciples de l’art sacré, comme les alchimistes, se divisaient, à proprement parler, en deux classes : 1° ceux qui traitaient de la science par des signes ou des symboles, et qui dédaignaient d’observer la nature ou d’interroger l’expérience ; 2° ceux qui, sans suivre exclusivement leur imagination, arrivaient par la pratique de leur art à des découvertes utiles. Les premiers se faisaient remarquer par leur dogmatisme orgueilleux : ils se disaient les initiés par excellence, pour se distinguer de ceux de la deuxième classe, qui, pour être plus modestes, n’en étaient que plus estimables. Si c’est à la première classe qu’appartenaient les prêtres de Memphis, de Thèbes et d’Héliopolis, nous n’avons pas à regretter leur science : elle méritait l’oubli.

Les objets d’art de l’antiquité sont sortis des mains de l’ouvrier ; étranger à la langue du prêtre, il travaillait les métaux, fabriquait le verre, faisait de riches étoffes, et métamorphosait la matière brute en monuments que le temps a en partie respectés et que la postérité admire.

Laissons Borrichius[62], Conringius[63], Kircher[64], et d’autres érudits, discuter si c’est à Hermès Trismégiste, à Phtha, ou aux prêtres de Memphis et de Thèbes, que revient l’honneur de l’invention de la chimie ; si cet art a pris naissance, sous le règne d’Isis et d’Osiris, dans l’Égypte, appelée anciennement Chemia ou Chamia (pays de Cham), ou s’il a eu son berceau dans Chemmis, ville de la Thébaïde, consacrée à Pan. Essayons plutôt d’apprécier convenablement les connaissances pratiques que possédaient les Egyptiens dans les arts tributaires de la chimie.

Les preuves de l’antique existence des arts du verrier, du peintre, du sculpteur, du batteur d’or, du doreur, du statuaire en pierres et en métaux, du graveur, du stucateur, du fabricant de ce papyrus sur lequel les anciens habitants de l’Égypte traçaient leur écriture, du fabricant de toile, du teinturier, etc. ; les preuves de l’antique splendeur de tous ces arts se voient encore aujourd’hui dans les palais, dans les temples et surtout dans les hypogées de la ville de Thèbes. On y admire de petits tubes d’émail colorés, les uns en bleu, les autres en rouge ; des poteries émaillées de diverses couleurs, des vases, des statues en faïence, des verres, des pâtes de verre colorées, un stuc composé, vraisemblablement comme le nôtre, de plâtre et de colle forte, ou, comme celui des Romains, de marbre blanc et de chaux, et sur ce stuc, sculpté en relief, des figures diversement peintes, et qui ont, après des siècles, conservé leurs vives couleurs. On y voit des momies d’hommes et d’animaux,. dont l’enveloppe et les membres sont couverts de feuilles d’or ; des statues de bois et de bronze dorées ; des toiles de lin et de coton, les unes sans couleurs, les autres teintes, ou en bleu, par l’indigo, ou en rouge, par la garance ; enfin des papyrus offrant des caractères tracés avec une encre noire par des mains exercées.

On rencontre encore aujourd’hui, dans plusieurs villes de l’Égypte, des édifices construits en briques émaillées, et des appartements décorés de carreaux de faïence recueillis dans les ruines des villes anciennes, et qui, à cause de leur beauté, sont préférés par les riches aux carreaux que fournit actuellement l’art du faïencier, dégénéré dans ce pays, comme les autres arts [65].

Essayons de remonter à l’origine de ces arts.


§2.

Pain. — Ferment. — Vin. — Bière. — Huile.


Les premiers besoins de l’homme ont dû de bonne heure éveiller en lui cet esprit de recherches qui amène des découvertes ou des inventions utiles et nécessaires. Des témoignages irrécusables nous attestent l’antiquité de l’art de faire le pain, le vin, l’huile, de la fabrication des étoffes et des métaux, etc. À peine l’homme eut-il de quoi satisfaire les premiers besoins de la vie, qu’il songeait à embellir son existence. Jubal est contemporain de Tubal. Le vin est aussi ancien que le pain. La préparation des couleurs, la teinture des étoffes, l’emploi des pierres précieuses,  etc., remontent à l’antiquité la plus reculée. La musique et la danse datent de l’origine du monde.

Du blé au pain la distance est grande. Comment cette distance fut-elle franchie ? C’est ce qu’il est difficile de déterminer. Il a fallu peut-être longtemps avant de découvrir que le grain donne la farine, et que la farine réduite en pâte, et ayant subi la fermentation et la cuisson, donne le pain, ce symbole de la vie dans la langue sacrée. L’agriculture, dont le principal objet était la culture des céréales et de la vigne, remonte probablement aux temps antéhistoriques. Beaucoup d’anciens peuples employaient, comme le font encore aujourd’hui les tribus sauvages, certaines racines au lieu du fruit des graminées ; et ce n’est certes pas l’analyse chimique qui leur a appris que ces racines renferment une substance (fécule) tout semblable à celle que contient le froment.

Il fallait des instruments pour broyer les graines. À cet effet deux pierres pouvaient suffire. Ces deux pierres broyantes donnèrent sans doute l’idée du mortier, qui devait conduire à l’invention du moulin. Ce ne fut certainement que beaucoup plus tard qu’on inventa le tamis, ou un instrument analogue, propre à séparer l’enveloppe de la graine, le son de la farine. C’était déjà un raffinement. L’opération du blutage devait être d’abord très-imparfaite ; car le pain qu’on a trouvé dans les momies d’Égypte contient du blé grossièrement moulu, ce qui lui donne l’apparence du pumpernickel des Hollandais (1[66]). Cependant Pline nous apprend (2[67]) que les Egyptiens connaissaient le tamis, et qu’ils le fabriquaient avec des filaments de papyrus et des joncs très-minces. Les anciens habitants de l’Espagne faisaient des tamis en fil, et les Gaulois sont les premiers qui aient eu l’adresse d’y employer le crin des chevaux (3[68]).

Il se passa sans doute bien des siècles avant d’arriver à faire fermenter la pâte, et à lui appliquer le degré de cuisson convenable dans des fours appropriés. La fermentation avant la cuisson dénote déjà un certain perfectionnement dans l’art de la panification. Le pain, לֶחֶם {lekhem), qu’Abraham servit aux trois anges qui lui apparurent dans la vallée de Mambré, avait été fait avec de la pâle non fermentée ; c’était une espèce de biscuit de mer. Il fut de bonne heure interdit de faire fermenter la pâte du pain qui devait servir aux cérémonies religieuses. Pourquoi ? Parce que la fermentation, qui est une espèce particulière de putréfaction, était regardée comme l’acte d’un mauvais génie.

Dès l’époque de Moyse on connaissait l’usage du levain et du pain fermenté. Ce législateur, en prescrivant aux Hébreux la manière dont ils devaient manger l’agneau pascal, leur défendait expressément de manger du pain fermenté (חָמֵץ) (4[69]). Nous lisons dans l’Exode que les Israélites, lors de leur sortie d’Egypte, mangèrent du pain sans levain et cuit sous la cendre : les Egyptiens les avaient si fort pressés de partir, qu’ils ne leur avaient pas laissé le temps de mettre le levain dans la pâte (5[70]).

Les Juifs mangent encore aujourd’hui du pain azyme (non fermenté), en souvenir de la sortie de leurs ancêtres de la terre de Mizraïm.

En général, les anciens ne préparaient leur pâte qu’au moment où ils voulaient s’en servir ; ils la faisaient immédiatement cuire sous la cendre, comme cela se pratique encore aujourd’hui dans certains pays. D’autres fois ils préparaient avec la farine et l’eau une espèce de bouillie claire, qu’ils faisaient cuire avec des viandes ; c’est ce que les Romains appelaient pulmentum ou pulmentarium. Lors de la découverte des Canaries, on remarqua que les indigènes de ces îles ignoraient l’art de la panification : ils mangeaient leur farine cuite avec de la viande ou du beurre.

Comment fut découvert le ferment ? Le mot hasard n’explique rien. Il fallut nécessairement que l’esprit d’observation s’emparât d’un fait, en apparence, insignifiant. On aura été sans doute bien étonné en voyant qu’un morceau de pâte aigrie, et d’un goût détestable, ajouté à une pâte fraîche la faisait gonfler, et que cette pâte donnait un pain plus léger, plus savoureux, et d’une digestion plus facile.

La fermentation est de tous les phénomènes chimiques le plus important et en même temps le plus anciennement connu. Et cependant ce phénomène n’a été bien étudié que de nos jours : c’est la fermentation qui, par la découverte de l’acide carbonique, devint, au dix-septième siècle de notre ère, le point de départ de, la chimie moderne.

L’idée d’exprimer le suc des raisins et de le conserver dans des vases, pour s’en servir en guise de boisson, devait se présenter tout naturellement à l’esprit des hommes. Aussi l’art de la vinification est-il très-ancien en Égypte, ainsi que dans les contrées principales de l’Asie où prospérait la vigne. Sa connaissance remonte aux temps mythologiques. Osiris apprit aux hommes, selon la tradition des Égyptiens, à cultiver la vigne et à faire du vin (1[71]). Suivant d’autres, l’honneur de cette invention revient à Noé (2[72]) et à Bacchus. Dans les sacrifices primitifs, on offrait à la Divinité du pain et du vin (3[73]).

La bière, dont la connaissance est fort ancienne, était probablement d’abord une espèce de tisane d’orge. C’était la boisson la plus commune de la plupart des habitants de l’Égypte (4[74]). Les Espagnols et les Gaulois connaissaient de temps immémorial la préparation de la bière. Tacite raconte des Germains qu’ils avaient « un breuvage fait avec de l’orge, et converti, par la corruption (fermentation), en une espèce de vin : ex hordeo factus et in quamdam similitudinem vini corruptus) (1[75]) ; » ce qui montre que la bière des Germains était une liqueur fermenté comme le vin, et qui devait être en effet semblable à notre bière. L’emploi du houblon dans la préparation de la bière est d’une date récente ; aussi les bières des anciens devaient-elles facilement tournera l’aigre ou éprouver la fermentation acide.

Les anciens ignoraient sans doute que dans le suc exprimé des raisins, de même que dans le moût de bière (2[76]), la matière sucrée se transforme en alcool sous l’influence du ferment. Mais ils savaient fort bien que le moût perd au bout de quelque temps sa saveur sucrée, et qu’il acquiert la propriété d’enivrer. S’ils ignoraient l’eau-de-vie pure, ils connaissaient des liqueurs qui en contenaient : la découverte de l’esprit-de-vin coïncide avec celle de la distillation.

La connaissance du vin et de la bière implique celle du vinaigre ; car ces liqueurs, exposées au contact de l’air et dans les conditions atmosphériques ordinaires, s’acidifient naturellement, en donnant naissance, par suite de l’oxydation de l’alcool, à l’acide acétique. Les anciens connaissaient le vinaigre, mais ils ignoraient la cause qui le produit. Le vinaigre (vinum acidum, d’où acetum) ne servait pas seulement à assaisonner des légumes (3[77]) ; mais, délayé dans de l’eau, il était employé comme boisson (4[78]). Chez les thalmudistes, le vin et le vinaigre sont souvent pris l’un pour l’autre, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre ce passage de l’Évangile : « Ils lui donnèrent à boire du vinaigre (ὄξος) mêlé de bile. (5[79]) »

Il est à remarquer qu’ici, comme dans beaucoup d’autres cas, le nom donne, en quelque sorte, la raison même de la chose.

Ainsi, le mot חֹמֶץ (khomets), qui signifie (en hébreu, en chaldéen, en phénicien, etc.) vinaigre, dérive de חׇֹמֵץ (khamets) qui veut dire ferment, comme pour indiquer que le vinaigre est un produit de la fermentation. Bien plus, le nom יין (yine) vient lui-même du verbe יין faire effervescence, se soulever (1[80]), comme pour faire allusion au moût, qui se soulève (en dégageant de l’acide carbonique) pour se transformer en vin. Le nom יין (yine) qui signifie produit de la fermentation, est à peu près le même en phénicien, en syriaque, en arabe, en cophte et en arménien (ghini). Le nom grec οἱνς et le latin vinum dérivent évidemment de la même racine ; car οἶνος devait se prononcer inos comme on le prononce encore aujourd’hui en Grèce, et peut-être faisait-on sonner en même temps l’esprit doux (’) comme v, de manière à prononcer vinos ; de là le latin vinum (2[81]). C’est de ce dernier mot que dérive l’allemand wein (en bas-saxon wyn), l’anglais wine, l’italien vino, le français vin, enfin les mots qui dans toutes les langues indo-européennes signifient vin, c’est-à-dire, produit de la fermentation.

Mais ce n’est pas seulement avec les raisins qu’on faisait une boisson fermentée ; le suc du palmier et d’autres végétaux servait depuis fort longtemps à la préparation des liqueurs fermentées. Le vin de palmier des Assyriens est déjà mentionné par Hérodote (3[82]).

L’idée d’écraser les fruits pour en retirer, soit la fécule, soit le suc, amena la découverte de l’huile. Dans presque toutes les graines où l’embryon n’est pas entouré de fécule, on trouve, à la place de celle-ci, une matière grasse, qui paraît, comme la fécule, être destinée à nourrir l’embryon à mesure qu’il se développe. Selon toute apparence, l’huile, la fécule et le moût ont été découverts en même temps ; car l’homme qui le premier songea à écraser le fruit de la vigne n’avait aucune raison pour ne pas poursuivre ses expériences : il devait essayer de traiter de même tous les fruits secs ou charnus des plantes qu’il avait sous les yeux. L’huile, et en particulier l’huile d’olive, fut d’abord, ainsi que le produit des autres fruits, employée comme aliment ; puis on s’en servit dans les cérémonies religieuses, enfin comme d’un moyen d’éclairage. L’observation d’un fait à la portée de tous donna sans doute lieu à l’invention de la mèche. Avant l’emploi les lampes, on s’éclairait à la lueur des torches en bois résineux, comme cela se pratique encore aujourd’hui dans les pays où abondent les forêts de pins, de sapins et de cèdres. Les lampes devaient être connues en Égypte déjà avant l’arrivée de Moyse. L’usage qu’en fait ce législateur et la description qu’il en donne ne permettent aucun doute à cet égard (1[83]).


§3.

Métallurgie. — Or. — Argent. — Airain. — Fer, etc.

Les métaux sont les indispensables auxiliaires de l’industrie. Ils attirèrent de bonne heure l’attention du cultivateur et du chasseur. Et le guerrier lui-même devait bientôt reconnaître, soit pour l’attaque, soit pour la défense, l’incontestable supériorité des métaux sur les armes primitives de pierre ou de bois.

Le premier connu de tous les métaux, c’est l’or. D’abord, sa couleur et son éclat le font remarquer des sauvages et même de certains animaux (2[84]) ; puis, on le rencontre presque partout à l’état natif, c’est-à-dire avec la couleur, avec l’éclat et les autres propriétés physiques qui le caractérisent.

Une chose digne de remarque, c’est que le nom qui en hébreu, en phénicien et probablement dans la langue démotique des Égyptiens, signifie or, זָהָב, dérive précisément du verbe briller, resplendir, צָהַב (tsahab). C’est avec l’or qu’on a fabriqué les premiers instruments métalliques. Il est question, dans le Pentateuque (3[85]), de coupes, d’encensoirs, de tasses et de candélabres, faits avec de l’or pur, travaillé au marteau.

Le mot טָהוֹר (tahor), qui signifie pur, sans mélange, supposerait-il la connaissance de quelque moyen chimique de purifier l’or ? C’est une question sur laquelle nous reviendrons. Il paraît certain que l’on ne connaissait pas à l’époque de Moyse la dorure proprement dite, et que l’on ne savait aucun moyen de dissoudre l’or. Pour la construction du tabernacle, le seigneur avait dit : « Vous couvrirez les ais de lames d’or ; — vous couvrirez aussi ses barres de lames d’or (1[86]). »

C’était là une simple opération mécanique, semblable à celle dont parle Homère à propos du sacrifice de Nestor : « Vint le forgeron tenant dans ses mains les instruments de son art, l’enclume, le marteau et les tenailles bien faites, avec lesquels il travaillait l’or (χρυσὸν εἰργάξετο) (2[87]). »

Les anciens chimistes ont fait bien des conjectures sur le veau d’or que Moyse brûla, et qu’il donna à boire aux Israélites (3[88]). On est allé jusqu’à supposer ce législateur initié à la chimie ou à l’alchimie. Suivant Stahl, l’auteur de la fameuse théorie du phlogistique, Moyse eut le secret de l’or potable, et en faisant boire cette dissolution il aurait aggravé la punition infligée aux Israélites récalcitrants (4[89]). Le mot brûler, remarque Wiegleb (5[90]), signifie aussi fondre ; comme le veau d’or était probablement en bois recouvert de lames d’or, Moyse ne brûla réellement que le bois, pendant que l’or allait se fondre en culot : les cendres mises dans l’eau donnèrent non pas de l’or potable, mais une eau lixivielle (chargée de sels alcalins), qui devait produire l’effet d’un purgatif.

Moyse s’était-il réellement servi d’un moyen chimique pour dissoudre le veau d’or ? Non ; car en lisant attentivement le texte hébreu on peut se convaincre qu’il n’y est parlé que d’une opération purement mécanique. Voici comment nous traduisons ce passage de l’Exode : « Et il (Moyse) prit le veau, qu’ils (les Israélites) avaient fait, et le détruisit dans le feu (6[91]), et il le moulut (dans un moulin à bras (1[92]) en petites parcelles, qu’il jeta dans l’eau et fit boire aux fils d’Israël. »

Ainsi donc, c’était de l’or divisé par un moyen mécanique et tenu en suspension dans l’eau, que Moyse fit boire aux Israélites. Toutes ces discussions sur la prétendue dissolution du veau d’or et sur le savoir chimique de Moyse tombent d’elles-mêmes devant la clarté du texte original.

L’argent devait être connu presque en même temps que l’or ; car il est plus répandu dans la nature qu’on ne se l’imagine, et il se rencontre également à l’état natif. Quoique l’argent n’attire pas autant les regards que l’or, le nom qu’il porte dans toutes les langues anciennes est fondé sur la couleur et l’aspect que présente ce métal. Ainsi, כֶּסֶף (khesef), qui signifie argent en hébreu, dérive du verbe כָּסַף (khasaf), être pâle ; de même qu’en grec ἅργυρος ; (argent) vient de grc, blanc. C’est de là que dérivent le latin argentum et les mots équivalents des langues néolatines. L’argent servait aux même usages que l’or.

Après ces deux métaux viennent le cuivre, l’étain, l’airain et le plomb. On trouve l’énumération complète des métaux anciennement connu (vers 1 500 avant J.-C.), dans le passage suivant du Pentateuque (2[93]) : « Que l’or זָהָב (zahab), l’argent כֶּסֶף (khesef), le fer בַּרְזֶל (barzet), l’airain נְחֹ֫שֶׁת (nekhocet), le plomb עֹפָ֫רֶת (oferet), l’étain בְּדִיל (betil), et tout ce qui peut passer par le feu (3[94]), soit purifié par le feu. »

L’histoire ne nous a pas transmis le nom de celui qui eut le premier l’idée de retirer les métaux des minerais, dont l’extérieur ne fait ordinairement guère soupçonner les substances qu’ils recèlent.

Les Égyptiens attribuaient cette découverte à leurs premiers souverains (4[95]) ; les Phéniciens, à leurs divinités (5[96]).

Quand on songe qu’à notre époque, où la science fait tant de progrès, on n’a pas encore trouvé le moyen d’obtenir les métaux à l’état de pureté parfaite, on a toute raison de croire que les métaux des anciens étaient très-impurs et très-imparfaits. Comme les minerais ne renferment jamais un seul et même métal, les métaux qui en provenaient devaient être des espèces d’alliages, plus ou moins faciles à travailler. L’extraction et l’affinage des métaux supposent des connaissances qui se perfectionnent de jour en jour.

Il n’y a qu’un moyen d’expliquer la haute antiquité des métaux, c’est d’admettre, par hypothèse, que les métaux ou leurs mines étaient pour ainsi dire à fleur de terre ; que les éléments minéralisateurs, comme le soufre, l’oxygène, etc., n’avaient pas encore eu le temps de compléter leur action en altérant les métaux au point de les rendre méconnaissables, et que la plupart existaient à l’état natif ou à peine altérés, pareils au fer et au nickel qu’on trouve dans les météorites. Ne se pourrait-il pas que le fer d’alors, dont le prix était presque égal à celui de l’or, fût du fer aérolithique ? C’est une question que nous ne faisons que poser.

Les Égyptiens paraissent avoir connu de temps immémorial le moyen de purifier l’or et l’argent à l’aide du plomb et des cendres des végétaux. Le borith (בֹּרִית), par lequel il faut entendre tantôt le sel alcalin retiré des cendres (carbonate de potasse du commerce), tantôt les cendres mêmes, était primitivement employé comme fondant et dans l’affinage des métaux (1[97]).

Les anciens ignoraient l’usage des acides ou des eaux corrosives pour attaquer les métaux ou les minerais. Ils ne connaissaient que le vinaigre et les sucs acides des végétaux ; ils savaient cependant que ces derniers, conservés dans des vases d’airain, acquièrent des qualités malfaisantes. Il faut arriver au neuvième siècle de notre ère pour trouver les premières traces de la dissolution des métaux au moyen d’un acide minéral (eau-forte).

Les opérations auxquelles on soumettait les métaux étaient, pour le répéter, purement mécaniques. L’enclume, les tenailles et le marteau sont mentionnés par les auteurs les plus anciens comme attributs du forgeron (2[98]). On réduisait les métaux en lames plus ou moins minces ; mais on ne connaissait pas encore le moyen de les réduire en fils.

Les peuples primitifs employaient, comme le font encore aujourd’hui les peuples sauvages, le cuivre, ou des alliages de cuivre et d’étain ou de zinc (airain, bronze), pour les mêmes usages auxquels nous faisons aujourd’hui servir le fer ou l’acier, « Les Massagètes emploient, dit Hérodote, l’airain pour la fabrication des lances, des pointes de flèche, des sagayes. L’or leur sert dans leurs ornements. Ils garnissent le poitrail de leurs chevaux de cuirasses d’airain, et enrichissent d’or les brides, les mors et les housses. Mais ils ne connaissent pas le fer (1[99]). »

Les alliages de cuivre sont désignés par les noms génériques נְחֹ֫שֶׁת (nekhochet) (2[100], χαλαός aes, que l’on traduit généralement par airain. Nous reviendrons plus bas sur la valeur de ces mots.

Tous les auteurs anciens s’accordent à dire que les instruments aratoires, les armes, les outils employés dans les arts, etc., étaient fabriqués en airain (3[101]). Les armes, et d’autres instruments antiques, que l’on conserve dans les musées et dans les arsenaux de l’Europe, confirment ces témoignages (4[102]).

Le fer cru et non travaillé était probablement connu depuis la plus haute antiquité. Mais comme ce métal est très-difficile à fondre et à travailler, il s’était sans doute passé des siècles avant que l’on parvint à l’extraire convenablement de sa mine, à le forger, et à le rendre par la trempe apte à servir dans une foule d’usages, et à devenir ainsi le plus utile et conséquemment le plus précieux des métaux.

L’histoire de la découverte du Nouveau Monde nous apprend que les Mexicains et les Péruviens, qui connaissaient depuis longtemps l’art de travailler l’or, l’argent et le cuivre, n’avaient aucune notion des instruments de fer, quoique ce dernier métal abonde au Mexique et au Pérou[103]. Or, l’histoire des peuples sauvages est l’histoire des peuples primitifs.

Les traditions des Phéniciens et des Crétois font remonter la découverte du fer à des époques très-reculées[104]. Les Grecs l’attribuaient à des personnages fabuleux, à Cybèle, à Prométhée, aux Cyclopes et surtout aux Dactyles du mont Ida. « Les Dactyles étaient, dit le scoliaste d’Apollonius de Rhodes, des enchanteurs et des magiciens, qui passent pour avoir trouvé le fer[105]. » — Il y avait un mont Ida dans l’ile de Crète et un autre sur les limites de la ïroade et de la Phrygie, au fond du golfe d’Adramyttium. Duquel des deux s’agit-il ici ? Cette question se trouve résolue par le passage suivant de Diodore : a Le mont Ida est la plus haute montagne de l’Hellespont ; on y trouve un antre merveilleux, où les déesses furent, dit-on, jugées par Paris. C’est dans ce même antre que la tradition place les ateliers des Dactyles idéens, qui les premiers forgèrent le fer, après avoir appris cet art de la mère des Dieux [106] » — Les Chalybes, qui habitaient sur les bords du Pont-Euxin, passaient aussi pour très-habiles à travailler le fer[107] par l’emploi de la trempe, dont ils paraissent avoir eu le secret. Serait-ce en honneur des Chalybes que l’acier reçut le nom latin de chalybs ?

La connaissance de la trempe du fer, que François Bacon regarde à tort comme une découverte moderne, remonte au moins à mille ans avant l’ère chrétienne. Homère en parle en termes non équivoques, à propos de Polyphème, auquel Ulysse creva l’œil avec un pieu. « Et il se fit entendre, dit le poète, un sifflement semblable à celui que produit une hache rougie au feu et trempée dans l’eau froide ; car c’est là ce qui donne au fer la force et la dureté (τὸ γὰρ αὖτε σιδήρου γε κράτος ἐστίν) » [108].

Sophocle, qui vivait au temps de Périclès, par conséquent plus de 400 ans avant J.-C., compare quelque part un homme dur et entêté à du fer trempé (βαφῇ σίδηρος ὣς)[109]. Selon les marbres d’Arundell, le fer était connu 188 ans avant la guerre de Troie. Mais cette autorité est contredite par Hésiode, Plutarque et d’autres. Les anneaux de fer que l’on a trouvés dans les tombeaux d’Égypte sont d’une date plus récente ; la plupart ne paraissent pas être antérieurs aux Ptolémées[110].

La dureté du fer et la difficulté de le faire fondre, ces deux qualités caractéristiques, ont de tout temps fixé l’attention sur ce métal. Moyse parle souvent, au figuré, de la dureté du fer[111]. Une domination dure est désignée par שֵׁבֶט בַּרְזֶל (chefet barzel)[112], domination de fer ; un cœur insensible est comparé à une chaîne de fer (גִיד בַּרְזֶל)[113].

En voyant Moyse comparer la servitude à la chaleur d’un fourneau dans lequel on fond le fer, on serait porté à croire que l’on construisait déjà à l’époque de ce législateur, et probablement avant cette époque, des fourneaux particuliers pour faire fondre le fer. « Le Seigneur, dit Moyse aux Israélites, vous a fait sortir de l’Égypte comme d’un fourneau [où l’on fond] le fer (כּוּר הַבַּרְזֶל)[114].

Qu’il nous soit permis ici de relever une de ces erreurs qu’il arrive souvent de commettre, lorsqu’on est réduit à se fier) des traductions qui ne peuvent en aucun cas remplacer le texte original.

Goguet dit, à la page 342, tome I, d’un ouvrage estimé[115] : « Mais ce qu’on doit le plus remarquer, c’est que dès lors (à l’époque de Moyse) on faisait en fer des épées, des couteaux, des cognées, et des instruments à tailler des pierres. Pour parvenir à faire des lames de couteau, d’épée, etc., il a fallu trouver l’art de convertir le fer en acier, et le secret de la trempe. Ces faits me paraissent prouver suffisamment que la découverte de ce métal et l’art de le travailler remontent à des temps très-anciens, etc. »

Cette opinion, inconsidérément adoptée par beaucoup leurs, ne repose sur aucun texte de Moyse. Dans les passages du Pentateuque que Goguet cite, il n’est nullement question de lames de fer, ni de couteaux, ni d’épées. Voici comment nous traduisons textuellement :

« Il (le prêtre) lui déchirera les ailes ; il ne la partagera pus (לֹא יַבְדִּיל)[116]. » Le verbe בָּדַל (seulement employé au Hiphil) n’a jamais signifié autre chose que partager, séparer, disjoindre. Mais on peut disjoindre quelque chose par la simple force des mains, comme avec une pierre ou un os aiguisé. Il ne s’agit donc ici ni de lames ni de couteaux. De plus, le nom de fer ne s’y trouve même pas indiqué ; et les traducteurs, qui se sont servis des expressions de « lames de fer ou de couteaux », auraient pu tout aussi bien employer d’autres termes, tels que lames d’or, lames d’argent, d’airain, etc.

Ce qui prouve que les lames des couteaux qu’on employait alors (vers 1500 avant l’ère chrétienne) dans les cérémonies religieuses, et pour d’autres usages, étaient, non pas en fer, mais en pierre, ce sont les expressions de צוּר et צוּריס pierre, rocher, qui accompagnent toujours le nom חֶרֶב, couteau, épée[117]. C’est ce que les Septante ont rendu par μαχαίρας πετρίνας, et la Vulgate par cultros lapideos (couteaux de pierre).

Passons à une autre citation sur laquelle s’était appuyé Goguet, suivi par d’autres : « Si quelqu’un frappe avec [le] fer, et que [celui qui aura été frappé] meure, il est coupable d’homicide [118]. »

Dans ce passage il n’est non plus question ni d’épées, ni d’aucun instrument tranchant. On y trouve seulement le nom בַרְזֶל (barzel), qui signifie masse de fer. Mais on peut frapper quelqu’un avec une massue de fer ou une baguette, tout aussi bien qu’avec un instrument tranchant. Ce qui prouve qu’il faut entendre par בַרְזֶל une barre ou massue de fer, c’est que le verbe הִכְהי (de נָכָה), qui est ici employé pour désigner l’action de frapper, se rencontre plusieurs fois dans le Pentateuque, particulièrement à propos de la baguette de Moyse[119].

L’arme de fer (מִנֵּשֶׁק בַּרְזֶל), mentionné dans le livre de Job[120], le fer employé pour tailler les pierres, et d’autres instruments qui ne sont jamais désignés autrement que par la dénomination de fer (בַרְזֶל), pouvaient être de simples massues, des barres ou des espèces de marteaux de fer[121].

En insistant sur ces détails philologico-archéologiques, nous ne prétendons point nier que les anciens n’aient connu aucun moyen de travailler le fer pour en fabriquer des armes et d’autres ustensiles ; il nous importait seulement de montrer combien il faut être circonspect lorsque, pour défendre ses opinions, on ne s’appuie que sur l’autorité des traducteurs.

Quoi qu’il en soit, il paraît certain que, jusqu’au douzième siècle avant l’ère chrétienne, presque tous les instruments qui sont aujourd’hui en fer ou en acier étaient fabriqués avec des alliages de cuivre. Les outils du forgeron, l’enclume, le marteau et les tenailles, qui doivent être comptés au nombre des premiers instruments qu’on ait songé à faire en fer, étaient en airain, même au siècle d’Homère (χαλκήια, πείρατα τέχνης)[122].

Suivant quelques érudits, le fer fui introduit en Grèce vers l’an 1400 avant J.-C., à l’époque où régnait en Égypte Aménophis III, fondateur du temple de Louqsor et de beaucoup d’autres monuments de la haute Égypte ; mais cette opinion ne repose sur aucun document authentique. Au rapport d’Hésiode, le fer n’était pas encore connu des Grecs au temps de Thésée, qui occupa le trône d’Athènes en 1245 avant J.-C. : le glaive de ce héros légendaire était d’airain.

Ce qui avait fait croire que les Égyptiens connaissaient le fer très-anciennement, ce sont les figures hiéroglyphiques taillées dans des pierres extrêmement dures, telles que le granit et le basalte. En effet, pour exécuter ces sculptures, il fallait des instruments fabriqués avec des matières plus dures que ces roches. Mais est-ce qu’on n’aurait pas pu préalablement ramollir la pierre aux endroits où elle devait être entamée, par quelque moyen chimique ? Nous verrons plus loin que l’Egypte est la patrie de l’art sacré qui possédait le secret des dissolvants. Suivant M. de Rozière, cité par M. Wilkinson, les granites égyptiens ont été taillés et gravés avec des outils de bronze, à juger surtout par les traces d’oxyde de cuivre qu’on y rencontre. Les glaives et poignards, trouvés à Thèbes, sont en bronze. Malgré leur vétusté, ils sont flexibles et élastiques comme le meilleur acier trempé. Les glaives sont droits, d’environ deux pieds et demi de long. On en rencontre qui sont surmontés d’une tête d’épervier, symbole des Pharaons. Les faux ou couteaux recourbés, qu’on voit figurés sur les monuments de Thèbes, ont leurs lames peintes en bleu, ce qui semblerait indiquer qu’elles étaient en acier. Certaines massues paraissent avoir été composées de fer météorique[123]. Les clefs furent au nombre des premiers instruments fabriqués avec le fer, lorsque ce métal devint d’un usage plus répandu[124].

L’usage du fer est postérieur à l’usage de l’or, de l’argent et du cuivre (airain). C’est là l’opinion qu’avait déjà émise Isidore de Séville, qui vivait au sixième siècle de notre ère ([125].

Le bedil (בְּדיל), que les traducteurs rendent par étain, paraît, ainsi que le plumbum des Romains, avoir signifié, tantôt étain (plumbum album), tantôt plomb proprement dit (plumbum nigrum). Dans d’autres cas, bedil (בְּדִיל) veut dire scories, impuretés, comme dans le passage suivant (Isa. c. I. V, 25) : « J’étendrai ma main sur vous ; je vous purifierai de toute votre écume par le feu ; j’ôterai tout l’étain qui est en vous [126]. » — Le mot bedil dérive ici évidemment de badal (בָּדַל), séparer, éliminer. L’étain, le plomb, et en général tous les métaux alors connus, composaient une branche importante du commerce des Phéniciens et des Carthaginois ([127]. S’il est vrai que les métaux doivent, comme l’or et l’argent, leurs dénominations primitives à leur aspect ou à quelque propriété physique saillante, nous établirons, contrairement à l’autorité de tous les traducteurs et archéologues, que l’opheret (עוֹפֶרֶת) des Hébreux, des Phéniciens et des Égyptiens, est, non pas le plomb, mais le cuivre[128] ; car opheret dérive de aphar (עָפַר), rouge, ou terre rougeâtre[129]. Or la couleur rouge n’est applicable qu’au cuivre. Le mot opheret ne saurait faire allusion à la couleur de la litharge ; car jamais les propriétés des composés métalliques, qui étaient considérés comme des produits tout particuliers, ne servaient à désigner le métal. Sans doute les anciens connaissaient le plomb, mais ce métal n’avait alors aucun nom spécial : bedil signifiait, ainsi que nous venons de l’indiquer, tantôt étain, tantôt plomb. Il règne ici la même confusion que chez les Romains et les Grecs, pour les mots stannum, plumbum et χασίτερος.

Les composés métalliques, les plus anciennement connus, sont les oxydes (rouilles) de fer, de plomb, de cuivre et d’étain, obtenus, soit par la calcination, soit par la simple exposition de ces métaux à l’air. Peut-être faut-il y ajouter encore les acétates, préparés par la dissolution des métaux dans le vinaigre. Certains oxydes métalliques (rouilles) étaient depuis longtemps employés par les Égyptiens et les Phéniciens pour colorer le verre.

Les Hébreux, moins industrieux que les Égyptiens, auxquels ils empruntèrent leurs arts, avaient des mines dans le pays de Chanaan[130] ; mais on ne voit point qu’ils les aient exploitées. D’ailleurs ils ne nous ont laissé aucun détail sur les procédés dont ils se servaient pour l’extraction et l’affinage des métaux. Nous n’avons à cet égard que des mots isolés, tels que fourneau de fer (pour préparer le fer) (כּוּר הַבַּרְזֶל)[131], scories (כֶּ֣סֶף סִ֭יגִים)[132], four pour purifier l’argent et l’or (סִגִים כֶּסֶף וְוַהַכ כּוּר)[133], des cendres de borith (בֹּרִית)[134] (carbonate de potasse impur).


§4.

Monnaies.

Il est impossible de dire à quelle époque remonte l’emploi des métaux, particulièrement de l’or et de l’argent, comme signes représentatifs des produits industriels, ou du prix des marchandises et des denrées. Les Égyptiens paraissent en avoir les premiers fait usage. Abraham (1900 ans avant J.-C.) ne connaissait l’or et l’argent, comme signes de la richesse, qu’après son voyage en Égypte[135]. Ces métaux n’étaient pas d’abord monnayés ; ils se vendaient au poids, comme cela se pratique encore en Chine. Moyse fit peser devant tout le peuple la somme d’argent destinée à l’achat d’un terrain de sépulture[136]. Les expressions, telles que or ou argent pur, très-pur, qu’on rencontre dans l’Écriture, font supposer que ces métaux étaient, comme ils le sont encore aujourd’hui, des espèces d’alliages dans lesquels l’or et l’argent prédominaient. Y avait-il, à cette époque reculée, quelque moyen chimique pour apprécier le titre, c’est-à-dire la quantité réelle d’or ou d’argent contenue dans ces alliages ? C’est ce qu’il est difficile de déterminer. Cependant il semble ressortir de différents passages de l’Écriture, que de même qu’on employait les cendres des végétaux (borith) pour nettoyer les étoffes, on s’en servait aussi pour nettoyer l’or et l’argent, afin de leur enlever les scories, les impuretés désignées par le nom בְּדיל, plomb. Ainsi, les cendres des végétaux (faisant le même office que les coupelles d’os calcinés), le plomb et le feu, voilà, en effet, l’ensemble de tous les éléments de la coupellation. Et il n’est pas impossible que les fourneaux qui servaient à purifier l’argent et l’or (כּוּר כֶּסֶף וְוַהַכ) aient été réellement des fourneaux d’essai, et les מְכַבְּסִֽים (purificateurs), des Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/71 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/72 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/73 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/74 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/75 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/76 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/77 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/78 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/79 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/80 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/81 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/82 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/83 Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/84

  1. Le peuple chinois civilisé n’occupait, au XIIe siècle avant notre ère, qu’un espace limité au midi par le 33e ou le 34e degré de latitude, au nord par les 37e et 38e. Le milieu de cet espace correspond à la vallée inférieure du fleuve Jaune ; et, d’après un recensement de cette époque, sa population s’élevait à vingt et un millions d’individus. Jusqu’au IIIe siècle avant notre ère , les parties méridionales de la Chine ont été occupées par des hordes sauvages. (Journal asiatique, n" 58, 1840.)
  2. « Une tribu de pasteurs au teint basané, de race toukiouiche ou turque, les Hiouguioux, habitaient sous des tentes de peau, la steppe élevée de Gobi. Une partie de cette tribu, longtemps l’épouvante de la puissance chinoise, fut refoulée au sud vers l’intérieur de l’Asie. Ce choc des nations se propagea irrésistiblement jusqu’à l’Oural, siège primitif des Finois. De là firent irruption les Huns, les Avares, les Khasars, et diverses races mêlées, d’origine asiatique. Les armées des Huns se montrèrent d’abord sur le Volga, puis en Pannonie, enfin sur la Marne et aux rives du Pô, dévastant les riches campagnes où, depuis les temps d’Anténor, le génie créateur de l’homme avait entassé monument sur monument. Ainsi un souffle empesté vint, des déserts de la Mongolie, flétrir, sur le sol cisalpin, la fleur délicate des arts cultivée depuis tant de siècles. » Alex. de Humboldt, Tableaux de la nature, tome I, p. 19 de notre traduction.
  3. Au rapport du chancelier Thomas Morus, l’Angleterre ne fut jamais plus près de sa ruine que lorsque tous les propriétaires voulaient avoir des troupeaux de moutons ; ce qui occasionna d’abord une dépopulation extrême dans les campagnes, et fit enfin manquer le pain jusque dans Londres.
  4. « L’art de faire de l’encre, de même que tous les arts qui ont rapport aux sciences, est honorable à la Chine, où ce n’est que par les sciences que l’on s’élève aux dignités de l’empire. » Page 135, vol. 1, de la Description géographique, historique et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, par le P. J.-B. du Halde. (Paris, 1735, 4 vol. in-fol).
  5. Il n’existe pas d’ouvrage chinois sur la chimie proprement dite. On conserve à la Bibliothèque impériale de Paris un très-petit nombre de livres chinois qui pourraient intéresser l’histoire de cette science. Parmi ces livres, nous citerons particulièrement la Petite Encyclopédie chinoise des arts et métiers (côtée F. 358), sous le titre de Thien-kong-khaï-we. En voici la table des matières :
    TOME I.

    Teinture des étoffes. — Fabrication de toutes les couleurs. — Indigo. — Carthame. — Sels. — Sels de mer. — De rivière. — Sel gemme. — Sucres, miel. — Sucreries.

    Tome II.

    Art du potier et du tuilier. — Métaux et leurs alliages. — Trépieds. — Cloches. — Chaudières. — Figurines. — Canons. — Miroirs. — Monnaies.

    Métallurgie. — Haches. — Bêches. — Limes. — Ciseaux. — Scies. — Polissoirs. — Ancres. — Aiguilles. — Tam-tams. — Chaux. — Chaux d’écailles. — Charbon de terre. — Aluns blanc, bleu, rouge, jaune, vert. — Soufre. — Arsenic.

    Huiles. — Huile d’écorce ( ?). — Fabrication du papier.

    Tome III.

    Les cinq métaux. — L’or, l’argent. — Le cuivre rouge, jaune, blanc. — Le zinc. — Le fer. — L’étain. — Le plomb. — Blanc de plomb. — Rouge de plomb.

    Armes. — Arcs. — Boucliers. — Poudre. — Salpêtre. — Soufre. — Armes à feu. — Canons. — Fusils. — Mines. — Cinabre. — Vermillon. — Cuivre, — Eau-de-vie de grains. — Perles. — Diamants. — Agate. — Cristal. — Verre.

    On voit que dans aucun de ces volumes il n’est question d’acides minéraux. Mais on y remarque quelques produits (zinc, eau de-vie) dont la préparation suppose nécessairement la connaissance de la distillation.

    Les deux ouvrages chinois (cotés XXVII et XXIX) intitulés Piun-cao-kam-mo et Fuen-pu-puen-ca, qui traitent des propriétés médicinales des plantes, sont à peu près sans intérêt pour la chimie.

    L’EncycIopédie japonaise, San-Thsaï-thou-hoeï, c’est-à-dire les trois choses principales ( le ciel, la terre, et l’homme), nous donnent également très-peu de renseignements sur la chimie. (Voy. Abel Remusat, Notions et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi, t. XI, Paris, 1827.) En voici cependant un passage assez curieux, ainsi conçu : « Le feu follet nait du corps des hommes et des animaux morts. » Ce feu follet serait-il le gaz phosphoré, spontanément inflammable à l’air, et qui s’observe souvent dans les cimetières ? — On lit dans cette même Encyclopédie, à l’article Feu : « Il y a quatre espèces de feux pour le ciel, trois espèces de feux pour l’homme, et cinq espèces pour la terre. Les quatre feux du ciel sont : celui de l’éther suprême, qui est le vrai feu, ou le feu par excellence ; le feu des étoiles, qui est d’une nature plus fugitive ; celui des dragons, et celui du tonnerre. Sur la terre, on distingue le feu qui s’obtient par le frottement du bois, celui qui prend naissance par le choc d’une pierre, celui qui vient de l’huile des pierres, et celui qui naît dans l’eau. »

  6. La Chine, par J.-F. Davis, ancien président de la Compagnie des Indes en Chine, t. II, p. 192 (trad. par A. Pichard ; Paris, 1837-8).
  7. Poudre de Chine : Nitre 75,7. Charbon 14,4. Soufre 9,9.
    Poudre française : Nitre 75. Charbon 15. Soufre 10.
  8. On a proposé bien des étymologies pour le nom de porcelaine (tse-ki, en chinois). Suivant les uns, ce nom vient du portugais porcellana, petite tasse ; suivant d’autres, il dérive de portulaca oleracea, pourpier, dont la fleur est d’un blanc rosé : on l’appelait ainsi parce que la porcelaine des anciens était de cette couleur. (Whitaker’s Course of Hannibal over the Alpes, i, 55.) Enfin, d’après Marsden, le mot porcelaine ou porcellana fut appliqué dès le commencement par les Européens à la faïence chinoise, à cause de la ressemblance que présente sa surface polie avec celle de la coquille univalve, qui tirait elle-même son nom du rapprochement de sa forme convexe avec le dos arrondi d’un porcella ou petit cochon. (Marco-Polo, p. 428, note de Marsden.) Les Anglais appellent la porcelaine, avec beaucoup plus de raison, Chinaware, marchandise de Chine.
  9. Les vasa murrhina des Romains étaient, selon Whitaker, des vases de porcelaine. (Voy. Course of Hannibal over the Alpes, i, 55.)
  10. Du Halde, Description de la Chine, vol. ii, p. 177. Le P. Dentrecolles, missionnaire de la Chine, avait une église dans King-te-Tsching, endroit où l’on fabrique la plus belle porcelaine de la Chine, et parmi ses chrétiens néophytes il en comptait plusieurs qui étaient fabricants de porcelaine.
  11. Ces recherches ne furent pas poussées plus loin par Réaumur. Mais, en 1758, le comte de Lauraguais, Darcet et Legay, entreprirent une série d’expériences qu’ils continuèrent pendant quatre ans. Ils furent ainsi amenés à la découverte d’une porcelaine ayant les mêmes qualités que celle de la Chine ou du Japon, et qui ne lui cédait qu’en blancheur. Macquer, qui était alors chargé de l’inspection de la manufacture de Sèvres, conseilla au gouvernement français de proposer un prix pour la découverte des substances terreuses propres à donner une porcelaine blanche. Cette proposition ayant été adoptée, un pharmacien de Bordeaux, nommé Villaris, annonça que, dans les environs de Saint-Yrieux-la-Perche (Haute-Vienne), il existait une terre blanche qui, dans son opinion, devait remplir le but désiré. En effet, cette terre, essayée par Macquer, répondit à cette attente. Il fut établi dès lors une manufacture de porcelaine à Sèvres, qui devint le modèle d’autres établissements semblables en Europe.
  12. Du Halde, ouvrage cité, p. 178 {iie vol.).
  13. Le mot talc dérive de l’allemand talg, graisse, à cause du toucher graisseux de cette roche.
  14. Ce qui s’oppose à la culture du thé en France ou en Algérie, c’est bien moins la nature du sol ou du climat que le manque de bras et le défaut de ces soins minutieux où les Chinois excellent. Il est difficile de se faire une idée de la patience et du temps qu’ils mettent à égréner les plus petites mottes de terre : on dirait la terre passée au tamis. 1 ! faut y joindre encore les soins avec lesquels ils récoltent et préparent le thé avant de le livrer au commerce.
  15. Ouvrage cité, p. 184 (vol. ii).
  16. G. de Keroulée. Un voyage à Pé-kin (Paris, 1861), p. 257.
  17. Du Halde, ouvrage cité, p. 199 (vol. 1).
  18. Voici comment s’exprime à cet égard l’empereur Kaug-hi, dans ses observations de physique et d’histoire naturelle : « Le vernis du Japon est d’une finesse, d’un éclat et d’un poli qui charment l’œil ; celui de la Chine lui est inférieur. Tout le monde en fait honneur à l’adresse des Japonais : c’est une méprise de préjugé et d’ignorance. L’application du vernis demande un air doux, frais, serein ; celui de la Chine est rarement tempéré, et presque toujours chaud ou froid, ou chargé de poussière, etc. » (Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, etc., des Chinois, par les missionnaires de Pékin, t. iv.)
  19. Davis, La Chine, vol.ii, p. 186.
  20. G. de Kéroulée, Un voyage à Pé-kin p. 254 et suiv.
  21. Extrait du Ming y pie’ tou : « Pour tous les remèdes qui se préparent sur le feu, il ne faut point d’ustensiles de cuivre et de fer, il faut se servir d’ustensiles d’argent ou de terre. » (Du Halde, vol. iii, p. 454.) Cette citation montre que les Chinois connaissent le danger des ustensiles de cuivre et l’emploi de la vaisselle d’argent.
  22. La grande cloche de Pékin, mesurée par les jésuites, avait quatorze pieds et demi de hauteur, et environ treize de diamètre. L’alliage des gong-gongs est, d’après Klaproth, composé de 78 parties de cuivre et de 22 parties d’étain.
  23. Histoire générale de la Chine, trad. du texte chinois par le P. de Moyriac de Mailla, missionnaire à Pékin, vol. XIII, 4 ; Paris, 1785 (p. 296). Le Chou-king qui signifie le livre des temps antiques, traite de l’histoire des anciennes dynasties depuis 2200 jusqu’à 1000 avant J.-C., ou depuis l’empereur Yao jusqu’à la dynastie Tsckehu
  24. Davis, ouvrage cité, vol. II, p. 173.
  25. Ibid., p. 252
  26. Édouard Biot a publié sur ce sujet (Journal asiatique, série III, 1837) des détails précieux, tirés de documents originaux (viiie et xie cahiers de la collection de Ma-touan-lin).
  27. Voy. Encyclopédie des arts et métiers (Tien-kong-kaï-w).
  28. « Il y a des ouvriers dont l’unique métier est d’affiner l’argent en bâtons (il n’y a pas d’argent monnayé) dans des fourneaux faits à ce dessein, et d’en séparer le cuivre et le plomb. » ). (Du Halde vol. II, p. 188.)
  29. Davis, ouvrage cité, vol. II, p. 202.
  30. Les pharmaciens sont fort nombreux en Chine. Leurs boutiques sont ornées d’une foule de vases et de bocaux, avec des inscriptions, comme chez les pharmaciens d’Europe. Partout à Pékin et dans les villes d’alentour on voit des affiches qui annoncent quelque médicament merveilleux : l’huile de Po-kio, « souverain contre toutes les maladies » ; les pastilles de gin-sing, qui se vendent au poids de l’argent et qui guérissent de la dyssenterie ; les pilules rouges de Kian-tse, qui préservent des insolations, etc. (G. de Kéroulée, Voyage à Pékin, p. 103.)
  31. Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, etc., des Chinois, par les missionnaires de Pékin, t. ii, p. 493. (Ouvrage en xiv vol. , 4 ; Paris, 1777).
  32. G. de Kéroulée, Un voyage à Pékin, attaché à l’ambassade extraordinaire de France en Chine (1860-1861) ; Paris, 1861, p. 250-251
  33. Consultez le Livre sacré et les Mythes de l’antiquité américaine par l’abbé Brasseur de Bourbourg, Introduction, p. xxix et suiv., Paris 1861.
  34. Parmi les manuscrits sanscrits de la Bibliothèque impériale de Paris, il ne se trouve aucun document qui puisse intéresser l’histoire de la chimie.
  35. Voy. Adolphe Pictet, Les Origines indo-européennes, ou les Aryas primitifs, essaie de paléontologie linguistique, 2 vol.  in-8o, Paris et Genève, 1863.
  36. Il paraît certain que les Indiens védiques, ainsi que les Iraniens, à peu près contemporains, savaient travailler le fer ; mais, comme dans leurs langues respectives, ayas ou ayah (le latin aes), désigne aussi le bronze, on reste dans le doute sur la valeur primitive de ce nom. Voy. A. Pictet, Les Origines indo-européennes, vol. II, p. 149.
  37. Le mot damasquiné vient de Damas, ville de Syrie, qui était le principal entrepôt du commerce de l’Europe avec l’Inde, avant la découverte du cap de Bonne-Espérance.
  38. Lorsqu’on mouille, avec des acides affaiblis, des lames de certaines espèces d’acier (notamment le wootz de l’Inde), après les avoir travaillées au marteau, on remarque à leur surface des ramifications veineuses d’un aspect chatoyant. C’est là ce qu’on appelle le moiré métallique. C’est une véritable surface cristallisée, mise à découvert par un acide.
  39. Il y a cinquante ans le nombre de corps simples, c’est-à-dire actuellement non décomposables, n’était encore que de cinquante-quatre. Aujourd’hui on en compte soixante dix, et depuis qu’on emploie la lumière (spectre coloré) pour analyser la matière, il faut s’attendre à voir augmenter encore ce nombre.
  40. Dérivé pantcha, cinq.
  41. La reconnaissance de Sacountala drame sanscrit et pracrit de Calidasa, traduit par A.-L. Cliézy, 1830-4 ; Paris.
  42. Entre autres l’hydrogène phosphoré, qu’on remarque souvent dans les cimetières et dans les marais.
  43. Voy. Manou, le Gnîtâ, les Pourânas, etc. L’absorption dans la divinité retrouve, en partie, dans le Nirwana du bouddhisme. Voy. M. Barthélémy Saint-Hilaire, Sur le bouddhisme, et M. E. Schlagintweit, Buddhisme in Tibet, Lond. 1863, in-8o, avec un Atlas gr. in-folio.
  44. Journal asiatique, no 68, 1841, p. 414
  45. « L’univers a été produit par l’eau. », Manou, chap. I, v. 8.
  46. Après avoir prononcé ces paroles, le prêtre remplit d’eau le creux de sa main, l’approche du nez, l’aspire par l’une des narines, et la rend, au bout de quelques instants, par l’autre, en se tournant vers le nord-est. C’est là la cérémonie de l’ablution interne, destinée à enlever tous les pêchés. Voy. Colebrooke, Asiatic researches of Calcutta, vol. Voy. O. Borrichius, De ortu et progressa chemia. Manget, Bibl. Chem., i.
  47. Il est incontestable que l’Égypte sous les Pharaons était beaucoup plus peuplée qu’elle ne l’est aujourd’hui
  48. Quelques érudits, De Guignes entre autres, ont prétendu que l’Egypte était une colonie chinoise. Rosellini (Quarterly Review, num. 105, févr. 1835) et Davis (la Chine, vol. II, p. 184) possèdent, dans leurs collections, des flacons trouvés dans des tombes égyptiennes. « Ces flacons sont, dit M. Davis, identiques, pour la forme et même pour la beauté de la porcelaine, aux flacons de senteur et aux bouteilles à tabac fabriquées actuellement en Chine. Sur un de ces flacons on voit une image de plante légèrement esquissée ; la tige et les feuilles ont l’air d’un dessin exécuté à l’encre de Chine. Le style de cette esquisse est complètement chinois. De l’autre coté sont cinq caractères pareils à l’écriture cursive des Chinois. » — Ce n’est pas avec quelques fragments d’antiques, d’une authenticité plus ou moins contestable, que l’on reconstruit l’antiquité ; c’est bien plutôt avec cette profondeur de vue qui embrasse l’ensemble des détails. Michel-Ange, par la seule conception de son génie, restaura une statue antique mutilée ; et lorsque, plus tard, on découvrit le fragment véritable, on le trouva en tout semblable à la pierre ajoutée par ce grand maître.
  49. Le nom Espagne est lui-même phénicien ; il dérive de Spanja, ou de l’hébreu (qui a beaucoup d’analogie avec le phénicien) שׇכׇן (chapan), qui signifie lapin, ou animal qui se creuse des terriers, parce que, d’après les témoignages anciens, l’Espagne était remplie d’une quantité prodigieuse de lapins. — (Varro, De re rustica, litt. 3, c. XIII. Strab. IIIPlin., Hist. nat., lib. VIII.) Il est bon d’ajouter que ce même nom signifie, au figuré, un ouvrier qui creuse dans les mines.).
  50. Strab., lib.  III}}. — Diod. de Sicile, V
  51. Le nom de Gadir (Gades, Cadix) signifie enclos, refuge ; plus tard il fut changé en celui de Gibraltar, de l’arabe ghibel al Tarick (rocher de Tarick) ; Tarick étant un des généraux des Maures qui envahirent l’Espagne en 711, sous la conduite de Walid. Le nom de colonnes d’Hercule, que portait ce détroit rappelle encore les Phéniciens, s’il est vrai qu’il faut faire dériver Hercule de harokel, qui en phénicien signifie marchand.
  52. Nombres, XXXI, 22.
  53. Iliade, XI, 25 et 34.
  54. Δὴ τότε Φοῖνιξ ἦλθεν ἀνὴρ ἀπατήλια εἰδώς,
    Τρώκτης, ὃς δὴ πολλὰ κάκ᾽ ἀνθρώποισιν ἐώργει.

    (Odyss., XIV, 289.)

  55. On a remarqué que les figures des Israélites peintes il y a plus de trois mille ans, sur d’anciens sarcophages ou sur d’autres monuments égyptiens, ont les même traits de physionomie que les Juifs de nos jours.
  56. Voy. pour la description du tabernacle l’excellent ouvrage de l’abbé Glaire, Introduction historique et critique aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, t. II ; Paris, 1839, p. 606
  57. Tertullien (de Anima, c.2, et adversus Valentinianos, p.15) appelle Hermès physicorum magistrum.
  58. La table d’émeraude (tabula smaragdina) de Hermès Trismégiste était consultée comme un oracle par les alchimistes du moyen âge. Le divinus Pymander, écrit originairement en grec (alexandrin), et traduit en latin par Marsilius Ficin, est un ouvrage mystique, souvent cité. Voy. les ouvrages attribués à Hermès Trismégiste, dans Clément d’Alexandrie (Stromat. lib. . — Theatrum chemicum, Manget, Bibl. chemica ; Iatro-mathematica Hermetis, par Dav. Hoeschel, Augsb., 1597 ; les manuscrits arabes de la Bibliothèque de Leyde. Saint Augustin (de Civ. Dei, c. 23, 24 et 26), cite un ouvrage attribué à Hermès Trismégiste sous le titre de Verbe parfait (Λόγος τέλειος). On lui attribue aussi un livre intitulé Asclepias, dont la version est probablement due à Apulée.
  59. Genes., IV, 22. Diodore de Sicile, liv. II, ῝Ηφαιστον λέγουσιν τῆς περὶ τοῦσιδήρου ἐργασίας εύρετὴν γενέσθαι.
  60. Eusebiana græca scalig., p. 43.
  61. De ortu et progressu Chemiæ, dans Manget, Bibl., chem., t. I.
  62. H. Conringius, de Hermetica Ægypt. Helmst. 1648, 4.
  63. Ath. Kircher, Œdip. Ægypt., t. II, par. II (Rome, 1653, in-fol.), p. 387. Alchimia hierogliphica. Suivant cet auteur, les mythes égyptiens, comme les mythes grecs, renferment, sous une forme allégorique, tous les secrets de la chimie. Osiris et Isis représentant, dit-il, comme Jupiter et Junon, le principe mâle et le principe femelle, l’actif et le passif. Osiris (la matière de l’alchimiste) est mis en pièces par son frère adultérin Typhon ( division), et placé dans un tombeau (vase chimique), où il subit l’action de Phtha (feu). Bientôt Isis rassemble les morceaux épars du corps d’Osiris, les joint et les combine ensemble, pour en faire un corps plus parfait. C’est pourquoi Isis est à la fois la mère, la sœur et l’épouse d’Osiris. De l’union d’Osiris avec Isis naquit Horus, qui fut instruit par sa mère dans tous les secrets du grand œuvre. Horus (Apollon) était le maître d’Hermès Trismégiste qui, selon la tradition, est l’inventeur des hiéroglyphes et de tous les arts pratiqués en Egypte. — Les pommes du jardin des Hespérides, gardé par un dragon, renferment, selon le même auteur, tout le mystère de l’art hermétique. Hercule, étouffant le lion de la forêt de Némée, exprimerait symboliquement la décomposition de la matière par un acide puissant. On joue ici sur le mot ὔλη, qui signifie en effet tout à la fois forêt et matière. Voy.. Maier, Arcana arcanorum omnium arcanissimum. — J. Faber, Hercules Piochymicus.
  64. Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Égypte pendant l’expédition de l’armée française. 2e édit. in-8o ; Paris, 1821, t. IX, p. 247.
  65. On voit des morceaux de ce pain au Musée égyptien du Louvre.
  66. Hist. nat. lib. ), 11.
  67. Plin. ibid.
  68. Exode, XII, 65 ; XIII, 3.
  69. Exode, XII, 39.
  70. Diodore de Sic., I.
  71. Gen. IX, 20.
  72. Gen. XIV, 18.
  73. Hérodote, II, 77. — Diodore, liv. I. — Strabon, lib. , p. 1179 (édit. Casaub.). — Athénée, I, p. 34 (édit. Schweigh.)
  74. Tacite, de Moribus Germanorum.
  75. Les Grecs appelaient la bière οῑνς χρίθινσς, vin d’orge. Il en est souvent question dans les œuvres de Xenophon
  76. Ruth. II, 14.
  77. Nombres, VI, 3.
  78. Saint Mathieu, XXVII, 34. Ce qui prouve que le mot ὄξος signifie οῑνς, vin, c’est que saint Marc (XV, 23), rapportant le même fait de la Passion, emploie le mot οἱνς : χαὶ ἐδίδουν αὐτῷ πιεῖν ἐσμυρνισμένον οἶνον. On remarquera en même temps que le mot ἐσμυρνισμἐνον, aromatisé de myrrhe (aromate très-amer), remplace, dans saint Marc, les mots μετὰ χολῆς μεμιγμένον, mêlé de bile, de saint Mathieu.
  79. חֶֹמֶר (khemer), qui signifie aussi vin, vient du verbe חַֹמַר (khamar), qui veut dire faire effervescence, fermenter
  80. Ce qui prouve que l’esprit doux (’) était souvent prononcé comme v c’st que οἶς (brebis), αιών (âge), ont donné naissance aux mots latins ovis, ævum qui ont les mêmes significations.
  81. Herod., I, 113
  82. Exode, XXV, 31.
  83. Les pies, les corbeaux, et d’autres oiseaux d’un instinct voleur.
  84. Exode, XXV, 29, 31, 36.
  85. Exode, XXVI, 10, 29.
  86. Odysée, III 432 et suiv.

    Ηλθε δὲ χαλκεὺς
    ὅπλ᾽ ἐν χερσὶν ἔχων χαλκήια, πείρατα τέχνης,
    ἄκμονά τε σφῦραν τ᾽ ἐυποίητόν τε πυράγρην,
    οἷσίν τε χρυσὸν εἰργάξετο

  87. Exode, XXXII, 20.
  88. Vitilus aureus in Opusc. Chym. Phys. med., p. 585.
  89. Handbuch der allg. Chemie, t. I, p. 120 ; 1786.
  90. Littéralement, il l’absorba dans le feu, וַיִּשְׂרֹף בָּאֵשׁ, c’est-à-dire qu’en le fondant il en détruisit la forme. Exode, XXXII, 20.
  91. וַיִּטְחַן עַד אֲשֶׁר-דָּק : le verbe טְחַן (thakhane), qui est ici employé vient du subst. טַחֲנָה (takhanah), moulin à bras
  92. Nombr. XXXI, 22 et 23.
  93. כָּל־דָּבָ֞ר אֲשֶׁריָבֹ֣א בָאֵ֗ש
  94. Diodore, I, 43. Agatharchide apud Phot., c. II.
  95. Voy. notre Phénicie, p. 68, dans l’Univers pittoresque
  96. Voy. pag. 54 et 58.
  97. Job. XXX, 10 ; Hom., Odyss., III, 432.
  98. Hérodote, I, 215.
  99. נְחֹ֫שֶׁת est un nom onomatopique, qui dérive de נָחַשׁ (nakhach), faire du bruit, siffler
  100. Genes. iv, 22. Exod. xxvi, 11. Hésiod. Theog. v, 722, 726, 733. Lucrèce, liv.  V, 1286. Varron dans S. Augustin, de Civ. Dei, lib.  vii, c.24. Isid. Orig. lib.  viii, c. 11. Illiad. IV, v. 511 ; xiii, v. 622 ; xxiii, v. 560 ; xxiii, v, v. 723 ; xxiii, v. 118. Odyss. XXI v. 423 ; V, v. 244. Diodore, i. Agatharchide apud Phot., c. 1341 et 1344.
  101. Avant la connaissance du bronze, les hommes fabriquaient leurs armes et ustensiles avec la pierre silicieuses. De là trois âges bien distincts dans la marche de la civilisation : 1o  l’âge de pierre, 2o  l’âge de bronze, 3o  l’âge de fer. La durée de chacune de ces périodes est difficile, sinon impossible, à déterminer. Comp. p.30 et 43.
  102. Al. Barba. I, p. 111 et 118. Acosta, Hist. des Indes, in-fol., p. 132. Mém. de l’Acad. de Berlin, 1746, p. 451.
  103. Sanchoniath. apud Euseb. p. 35.
  104. Ad. Argonaut. I, 1129. Voy. P. Rossignol, les Métaux dans l’antiquité p. 16 (Paris 1863).
  105. Diodore, XVII, 7.
  106. Eschyle, in Prometh. vincto, v. 718. Virg. Georg. lib. , v. 58. Ammien Marcelin, liv. XXII, c. 8. Tzetzès, Chron. 10, p. 338
  107. Odyss. IX, 393.
  108. Ajax, v. 720.
  109. J.-G. Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, vol. I, p. 242.
  110. Deut. XXVIII, 23 et 48 ; III, 11, VIII, 9. Lévit. XXVI, 19.
  111. Ps. II, 9.
  112. Is. XLVIII, 4.
  113. Deut. IV, 20.
  114. De l’origine des lois, des arts et des sciences, etc., 6 vol.  Paris, 8, 1778
  115. Lévit. I, 17. וְשִׁסַּע אֹתוֹ בִכְנָפָיו לֹא יַבְדִּיל, ces mots ont été inexactement rendus par les traducteurs « Il lui rompra les ailes sans les couper, et sans diviser l’hostie avec le fer (ou le couteau). » — Le mot שסַּע (chissa), qui est ici employé, est onomatopique comme le grec σχίζω, imitant, en quelque sorte, le bruit de l’action de déchirer.
  116. Josué V, 2, 3. Exod., iv, 25. Ps. LXXXIX, 44.
  117. Nombres XXXV, 16.
  118. Exode, VIII, 13 ; II, 11, 13. Deut. XXV, 3
  119. Job, XX, 24.
  120. Job, XIX, 24. Deut. XIX, 5 ; XXVII, 5. Jos., VIII, 31.
  121. Odyss. III, v.  433.
  122. S.-G. Wilkinson Manners and Customs of the ancient Egyptians, vol. I, p. 320 (Londres, 1837).
  123. Ibid., p. 112, M. Wilkinson possède une de ces clefs égyptiennes dont il a donné le dessin dans son ouvrage. Elle ressemble à une pince dite monseigneur ; un de ses bouts est armé de trois dents.
  124. Ferri usus post alia metalla repertus est. Isidore, Orig., XVI, 20.
  125. אָסִירָה כָּל בְּדִילָיִךְ, removebo omnia stanna tua, i. e. spurias et impuras metalli partes. Gesenius. Lex. Heb. et Chald. ; Lips. 1833.
  126. Ezech. XXVII, 12 « Les Carthaginois trafiquaient avec vous, en vous apportant toutes sortes de richesses, et remplissaient vos marchés d’argent, de fer, d’étain et de plomb. »
  127. Exode, XV, 10. Zach. V, 8.
  128. Job. XXVIII, 6. Prov. VIII, 26.
  129. Deut. VIII, 9. Job parle également de mines (c. XXVII). Il en est encore question Psaum. XCV, 4, et Isa. II, 1.
  130. Deut. IV, 20. I Reg. VIII), 51. Jer. XI, 4.
  131. Prov. XXVI, 23. Ps. CXIX, 140. Isa. I, 22, 25.
  132. Ezech. XXII, 18-22. Prov. XVII 3 ; XXVII, 21.
  133. Malach. III, 2. Jerem. II, 22.
  134. Genèse, XIII, 2.
  135. Gen. XXIII, 16.