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Histoire de la musique, 1884/2

La bibliothèque libre.

LIVRE ii

LE MOYEN AGE




CHAPITRE PREMIER

DU viie AU xiie SIÈCLE


La notation : les neumes, les clefs, les lignes. — L’harmonie : diaphonie, organum, déchant. — Charlemagne. — Les théoriciens :Hucbald, Reginon de Prum, Odon de Cluny, Guy d’Arezzo et la gamme. — Musique profane : les bardes, les scaldes, la musique publique et privée, les chansons de soldats, les refrains à boire.

Au sortir de l'antiquité, nous entrons dans une longue période qui doit nous conduire presque au seuil de la musique moderne. Le moyen âge n'est pas une époque isolée dans l’histoire ; de même qu’il plonge profondément ses racines dans les temps anciens, de même il étend au loin ses branches vigoureuses jusqu’à l’époque contemporaine. C’est la lutte de ces deux éléments anciens et modernes qui fait précisément l’intérêt philosophique de l’histoire musicale au moyen âge. Malheureusement, pour l’étudier de bien près, il faudrait entrer dans de longs détails techniques qui pourraient paraître ardus à nos lecteurs ; nous tenterons de suivre les évolutions de l’histoire, en évitant les mots et les théories que les musiciens seuls pourraient comprendre et non sans difficulté.

Dès les premiers pas, nous sommes arrêtés. Du VIIe au XIe siècles, l’écriture musicale présente de grandes

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FIG. 28. — NEUMES. NOTATION POINTUE, DITE SAXONNE.

(Bibl. nat., Xe siècle.)

difficultés que les érudits n’ont pas encore complètement surmontées. Nous avons parlé de la notation par lettres, chez les Grecs et chez les Romains. Lorsque les invasions barbares sont terminées, lorsque chacun semble avoir pris de force sa place, il apparaît une écriture, dite en neumes, dont l’existence ne laisse point de doute, mais dont l’origine et le sens sont assez difficiles à déterminer. Les uns donnent à la notation neumatique une origine septentrionale les autres la font venir des Romains. Elle se présente à nous ayant pour

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FIG. 29. — NEUMES. NOTATION CARRÉE, DITE LOMBARDE.

(Mss. du Liber Troporum. Bibl. nat., xe siècle)

base quatre signes principaux qui servent à former les autres : 1o le point ; 2o la virgule ; 3o l’accent grave ; 4o l’accent circonflexe. Ces figures sont tantôt superposées, tantôt placées les unes à côté des autres ; ici, elles sont fines et pointues et on les dit alors saxonnes ; là, elles sont lourdes et carrées, et on les dit lombardes (fig. 28 et 29).

Les premiers manuscrits où nous trouvons les neumes sont du viiie siècle. Les signes sont disposés à hauteurs inégales, au-dessus du texte. La distance plus ou moins grande qui les sépare des mots chantés indique quelle doit être la note.

Les musiciens du moyen âge s’aperçurent bientôt eux-mêmes des inconvénients de cette écriture indécise. Ils eurent l’idée d’indiquer, approximativement du moins, la place des neumes au moyen de points de repère. Ils empruntèrent à l’ancien alphabet musical latin des lettres qu’ils placèrent au commencement de chaque ligne, et tous les signes qui se trouvaient à la hauteur de cette lettre durent représenter la même note. Bientôt cette ligne imaginaire fut remplacée par une ligne réelle, parallèle au texte, portant une lettre indicatrice et sur laquelle devaient venir s’asseoir toutes les notes du même son. Ce fut la lettre F que l’on choisit d’abord pour représenter le fa, puis on lui adjoignit le C, qui indiquait l’ut. La ligne du fa fut peinte en vert, celle d’ut en jaune. Les neumes devenaient déjà plus précis, et cette précision augmenta encore lorsqu’on ajouta les lignes de sol (G), de la (A), de (D), etc., marquées au trait dans le vélin. À partir de ce moment notre écriture musicale était créée, et les lettres romaines sont venues jusqu’à nous sous la figure des clefs, dans leurs déformations successives (fig. 30).

Comme tous les procédés vraiment pratiques, celui des lignes et des clefs n’eut pas, à proprement parler, d’inventeur. Le neume, avec ses formes multiples et bizarres, eut une existence assez longue ; cependant


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FIG. 30.


l’invention de la portée changea et fixa son caractère ; il s’unifia, pour ainsi dire, en conservant les figures principales du point, de la virgule et des deux accents grave et circonflexe, et devint l’écriture carrée que nous rencontrerons aux xiie et xiie siècles. En Allemagne, il ne disparut complètement qu’au xvie siècle.

En même temps que l’écriture, la musique scientifique se formait à son tour. On a pu douter si les Grecs et les anciens avaient connu l’art des sons simultanés, mais dès le viie siècle ce doute n’est plus permis pour le moyen âge. À cette époque, un texte d’Isidore, évêque de Séville, éveille d’abord notre attention ; puis viennent les manuscrits eux-mêmes, dans lesquels les exemples notés complètent et affirment la théorie.

« La musique harmonique, dit Isidore de Séville dans ses Sentences, est une modulation de la voix ; c’est aussi une concordance de plusieurs sons et leur union simultanée. » C’est la première fois que dans l’histoire musicale nous entendons parler avec quelque précision de l’art de faire concorder les sons entre eux. Les termes mêmes de la définition semblent prouver que cette science n’était pas nouvelle au temps d’Isidore de Séville ; mais, faute d’être mieux renseignés, prenons toujours cette phrase pour point de départ. Du viie au xie siècles, on trouve des traces de la musique harmonique dans Aurélien, moine de Réomé (milieu du ixe), et dans Scott Érigène. C’est à la fin du ixe qu’un moine de Saint-Amand, nommé Hucbald, parle, sinon avec clarté, du moins longuement et en s’appuyant d’exemples, de la musique à deux ou plusieurs parties, qu’il appelle diaphonia ou organum.

S’il nous fallait écouter aujourd’hui la cacophonie singulière, décorée au ixe siècle du nom d’organum, ce serait un supplice difficile à supporter. Il est défendu dans la musique moderne, sauf de rares exceptions que le génie seul peut se permettre, de faire entendre simultanément, deux ou plusieurs fois de suite, des sons placés à distance de quatre ou de cinq notes l’un de l’autre ; il suffirait au lecteur d’essayer sur un piano pour juger de l’effet produit ; il aurait comme la sensation désagréable de deux mélodies chantées dans deux tons différents. Ce qui révolte aujourd’hui notre oreille était, au contraire, la règle dans la diaphonie, et cette association barbare de sons se rencontre, non point deux, mais jusqu’à douze et seize fois de suite. C’est dans la disparition de ces intervalles, dits de quintes ou de quartes, si connus des harmonistes, que consiste une des péripéties principales de l’histoire de la musique.

L’organum ou diaphonie était peu ou point rythmé ; on le rencontre à deux, trois, quatre ou cinq voix, ce qui constitue déjà un art assez avancé ; s’il n’avait que deux parties, il s’appelait organum duplum ou simplement organum ; à trois il était dit triplum, à quatre quadruplum, à cinq quintuplum ; mais ce dernier se rencontre fort rarement. Ce fut à l’église d’abord que l’organum fut employé et au plain-chant grégorien qu’il fut appliqué ; peu à peu il se transforma, au contact de la musique profane, pour faire place à un autre genre de musique à plusieurs voix, appelé déchant ou discantus ; mais, outre que le déchant tend à perdre de plus en plus son caractère primitif en se dégageant chaque année davantage des formes barbares dont nous avons parlé plus haut, il diffère surtout de l’organum en ce qu’il est rythmé ou mesuré, tandis que l’organum ne l’est pas, ou presque pas.

À partir du ixe siècle, les progrès de l’art musical deviennent très sensibles, et il faut les attribuer, en partie du moins, à l’empereur Charlemagne, qui veillait avec grand soin sur sa musique et sur ses musiciens. Ce prince institua des écoles dans lesquelles la musique tenait une place importante, et constitua l’enseignement musical. À ses yeux, il n’y avait de vraiment instruits que ceux qui savaient chanter ; non seulement il exigeait que les prêtres fussent musiciens, mais il avait fait interdire l’entrée de son palais à tout prêtre qui ne savait point lire ou qui ignorait la musique.

On raconte à ce sujet force anecdotes ; tantôt il demandait deux chantres au pape, celui-ci les envoyait, puis les deux ambassadeurs musicaux s’amusaient malicieusement à enseigner chacun une méthode différente, par jalousie des Francs, paraît-il. Devant un pareil désarroi, on juge de la colère de l’irascible empereur. Une autre fois, c’était Charles lui-même qui emmenait ses chantres avec lui à Rome ; à peine étaient-ils arrivés que les Romains se moquaient d’eux et de leurs voix de taureaux ; plainte à l’empereur, qui ordonnait que ses musiciens eussent à apprendre leur métier auprès des chantres pontificaux, par la raison « que l’eau étant plus pure à sa source que dans les ruisseaux qui coulent loin d’elle, c’était en Gaule et non à Rome que le chant romain s’était le plus corrompu ». Suivant une autre chronique, il envoyait deux de ses clercs musiciens étudier leur art dans la ville des papes. Lorsque ses deux émissaires furent de retour, il en garda un près de lui, confiant à l’autre le soin de créer une école à Metz.

Tous les moyens lui étaient bons pour réussir dans ses projets de réforme et son autorité n’était pas toujours des plus douces. Outre qu’il voulait assister trois fois par jour aux offices en musique et exigeait de ses chantres une assiduité fatigante, il avait quelquefois de singuliers procédés. Un jour il entend le chant des chapelains d’une ambassade byzantine ; émerveillé par cette musique inconnue, il ordonne à ses musiciens de l’exécuter devant lui ; ceux-ci, qui n’en peuvent mais, restent cois. Il les fait incontinent enfermer dans une salle du palais, sans boire ni manger, jusqu’à ce qu’ils chantent de la même façon que leurs confrères d’Orient. La méthode avait peut-être du bon, mais Charlemagne ignorait évidemment le proverbe : « Ventre affamé n’a pas d’oreilles. »

Quoi qu’il en soit de ces anecdotes, vraies ou fausses, un fait reste évident : Charles fonda en France deux écoles musicales : à Metz d’abord, puis à Soissons, exemple bientôt suivi par la plupart des grandes villes de l’empire ; au palais impérial, l’école Palatine avait pour maître de musique le grand Alcuin ; ces écoles furent une riche pépinière de musiciens habiles et de théoriciens célèbres.

En effet, c’est vraisemblablement à ces institutions que le moyen âge doit quelques-uns de ses premiers théoriciens, comme Isidore de Séville au viie siècle, Bède le Vénérable au viiie, Aurélien de Réomé, Remy d’Auxerre, Reginon de Prum, Odon de Cluny, le célèbre Hucbald aux ixe et xe, Bernon et Hermann Contract au xie, dont les traités jettent une vive lumière sur la musique de ce temps.

Nous avons hâte d’arriver au plus célèbre de tous ces maîtres, à Guy d’Arezzo (fin du xe siècle, mort vers 1050), bénédictin, moine de Pompose, dont le nom semble résumer tout le moyen âge musical. Il n’est pas d’invention qui n’ait été attribuée à Guy d’Arezzo, depuis celles dont on connaissait l’existence longtemps avant lui, jusqu’à celles qui ont été trouvées bien des années après sa mort. Dans ses deux ouvrages célèbres, la Lettre au moine Michel et la Préface de l’Antiphonaire, il a de fort bonne foi indiqué ce qui existait avant lui ; mais la clarté de ses démonstrations, son vrai génie vulgarisateur, le grand nombre de copies de ses manuscrits retrouvées dans toutes les abbayes, expliquent comment il a été considéré comme l’inventeur de la musique, en même temps qu’ils prouvent son immense popularité (fig. 31).

Il n’est pas besoin de le répéter, les clefs, les lignes de la portée, la gamme étaient employées avant l’époque du moine de Pompose. Que reste-t-il donc au maître célèbre ? deux inventions, mais capitales. D’abord il sut bien et clairement expliquer la musique de son temps, ce qui n’était pas chose facile ; puis il donna un nom court et aisé à retenir à chacune des notes de la gamme, que l’on désignait le plus souvent jusqu’à lui par des lettres, ou bien en indiquant leur place dans l’échelle. Son invention fut un coup de maître ; il recommanda de nommer chaque note par la première syllabe de chacun des vers qui commencent l’hymne à saint Jean. Chacune de ces syllabes montant d’un ton ou d’un demi-ton, six vers suffisaient pour fournir ainsi un moyen mnémonique qui permettait de retenir facilement le nom et la place des notes ; voici ces vers :


UT queant laxis
REsonare fibris,
MIra gestorum
FAmuli tuorum,
SOLve polluti
LAbii reatum.
Sancte Johannes.

La gamme de Guy d’Arezzo n’a que six notes, mais nous verrons plus tard d’où vient cette lacune.
FIG. 31. — GUY D’AREZZO ET SON ÉLÈVE L’ÉVÊQUE THÉOBALD. Xe ET XIe SIÈCLES.
(Ms. de la bibliothèque de Vienne.)

C’était peu, en apparence, que d’inventer et de préconiser un simple procédé mnémonique ; mais en formulant cette unique règle « que toutes les notes placées sur la même ligne doivent avoir le même sens », il avait posé la loi primordiale de la lecture musicale, il avait remplacé la routine par la méthode, rendu la musique accessible à tous. Tels sont les vrais services dont notre art est redevable à Guy d’Arezzo. Ils sont assez glorieux pour qu’il soit inutile de lui attribuer mille inventions dont il n’est pas l’auteur.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que de la musique d’église ; il ne faudrait pas croire pourtant que les amateurs et dilettantes des premiers siècles du moyen âge n’aient eu pour toute distraction que les mélodies grégoriennes et quelques hymnes et antiennes. Héritière, après les invasions, de tout ce qui restait en Occident du trésor intellectuel des Grecs et des Romains, l’Église s’était emparée des lettres, des arts et de la musique, par conséquent ; aussi admettait-elle peu qu’il y eût des chants en dehors d’elle, et ses écrivains ne parlent de la musique profane que pour la flétrir ou la bannir. Mais, vivace comme tout ce qui vient du peuple, cette musique, léguée par les Romains ou apportée par les barbares de tous les coins du monde, n’en avait pas moins continué sa route lentement, sourdement presque, mais, en somme, sans interruption.

La chanson et la musique profanes (car toutes deux sont de même essence) paraissent avoir eu, du viie au xie siècle, deux origines. Ou ce sont des refrains latins, restés populaires en Gaule, ou bien les airs ont été importés par les envahisseurs barbares. La musique gréco-latine ne disparut jamais complètement, et de plus elle resta toujours un art raffiné pour les hautes classes de la société ; c’est ainsi que vers l’an 500, Clovis fit demander à Théodoric un citharède grec ; quelques chansons latines sont parvenues jusqu’à nous.

Il en est d’un tour délicat et charmant, qui prouve jusqu’à quel point le culte des lettres latines était encore vivace en Gaule ; témoin cette adorable berceuse dont nous donnons quelques vers et qui paraît être un chant dédié à la Vierge :

Dormi fili, dormi ! mater
Cantat unigenito :
Dormi puer, dormi ! pater
Nato clamat parvulo.
Millies tibi laudes canimus
Mille, mille, millies.

Dormi, nate ! mi mellite !
Dormi, plene saccharo !
Dormi, vita meæ vitæ
Casto natus utero !
Millies tibi laudes canimus
Mille, mille, millies, etc.

Toutes les chansons, et surtout les chansons gauloises et franques, n’étaient pas aussi littéraires ; loin de là ; mais quelques-unes, guerrières et héroïques, ne manquent ni de fierté ni d’allure. Charlemagne, tout en considérant le plain-chant comme la seule musique digne des oreilles d’un homme libre, ne méprisait pas entre temps quelque refrain joyeux ; c’est ainsi qu’un jongleur lombard chanta devant lui, et avec succès, une chanson de sa composition. En lisant quelques-uns des panégyriques écrits en l’honneur de Charlemagne par les historiens et les poètes que ce prince avait à sa solde, on s’aperçoit rapidement que le saint empereur n’était point tout à fait ennemi du profane.

Du reste, ces peuples barbares, qui changèrent la face du monde antique, avaient pour la musique un amour plus grand peut-être que celui des Grecs, plus qu’un amour, un culte. Cet amour des Germains, des Saxons, des Bretons et des Francs pour la musique n’avait pas échappé aux Romains. César le constate chez les Gaulois, Tacite chez les Germains. Dès les débuts du moyen âge, nous trouvons la musique constituée et pour ainsi dire réglementée ; les musiciens sont des sortes de prêtres en Grande-Bretagne ; en Armorique, ils portent le nom de bardes ; en Norvège et en Gothie (Danemark) celui de scaldes. Un lien mystérieux les unissait tous, comme dans un vaste sacerdoce.

La musique tenait une place d’honneur jusque dans les plus humbles maisons. « Que faut-il à un noble Gallois ? un coussin sur sa chaise, une femme vertueuse et une harpe bien accordée», disait naïvement la loi galloise. La musique était chez ces peuples un puissant moyen d’influence. On raconte qu’Aldhelm, évêque de Sherbournes, entrant dans l’église pour prononcer un sermon, ne trouva pas un fidèle. Sans se déconcerter, il prit une harpe, sortit du temple, s’établit sur le pont qui était près de l’église et chanta. Lorsqu’il eut réuni ainsi autour de lui une foule considérable, il commença son discours (fig. 32).


FIG. 32. — HARPE DES BARDES GALLOIS (IXe SIÈCLE).
Quelques chants militaires nous sont restés de cette époque, comme celui qui fut composé en 841, sur la bataille de Fontanet, par un certain Anglebert, se disant témoin oculaire. Cette musique nous a été conservée en neumes. On fit, au sujet de la victoire de Clotaire contre les Saxons, un chant si populaire « qu’il volait de bouche en bouche, et que les femmes le chantaient, en dansant et en battant des mains ». La victoire de Louis le Germanique sur les Normands donna naissance à un autre chant, dont nous avons les paroles, mais dont la musique est perdue. Les croisades ne se succédèrent pas sans éveiller la muse populaire. On connaît les paroles en langue vulgaire d’un chant de croisés du xie siècle.

C’était à table que les dilettantes du moyen âge, ainsi que les Romains, aimaient à entendre de la musique, à voir exécuter des danses variées. Écoutez ce concert décrit par Aymeric, écrivain du xe siècle : « Les uns sonnaient dans de triples cornes, ceux-ci jouaient du chorus, ceux-là, frappant sur de rustiques tambours, remplissaient l’air de leur bruit. D’autres, venus de la Gascogne, sautaient au son de la musette, tandis que leurs compagnons pinçaient de la harpe et qu’un dernier groupe, armé de l’archet recourbé, imitait la voix des femmes, au moyen du rebec. » Une scène très curieuse, sculptée sur un chapiteau de l’église de Bocherville (xie siècle), nous montre un nombreux orchestre, accompagnant une ballerine qui danse sur la tête (fig. 33).

Plus heureux pour le moyen âge que pour l’antiquité, nous avons conservé quelques-uns de ces chants profanes, au moins à partir du xe siècle. C’est dans un manuscrit, dit de Saint-Martial de Limoges, et qui appartient à la Bibliothèque nationale, que l’on trouve les plus anciennes chansons, non religieuses, notées en neumes. Ce manuscrit est un des plus précieux monuments de l’histoire musicale. Citons encore un chant sur Othon d’Allemagne, dans un manuscrit du xe siècle, à Wolffenbuttel, une chanson de table du xe siècle que possède la Bibliothèque nationale, les odes à Philis et à Tibulle d’Horace, mises en musique par un compositeur inconnu, et qui sont à la Bibliothèque de Montpellier. Ces chants, écrits en neumes, sans lettres

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FIG. 33. — CHAPITEAU DE L’ÉGLISE DE SAINT-GEORGES DE ROCHERVILLE, xie siècle)

indicatrices, et naturellement sans lignes, n’ont pu encore être traduits en notation moderne d’une façon satisfaisante.

En quittant le xie siècle pour entrer dans le xiie, nous abordons une période plus connue, et qui est comme le développement et la suite de celle que nous avons esquissée en quelques pages : le moyen âge se prépare à atteindre son apogée.


Brandi (Ant.). Guido Aretino, Monaco di S. Benedetto, della sua vita. Turin, 1882.
David (E.) et Lussy (M.). Histoire de la notation musicale, in-fo, 1882.
David (E.). Études historiques sur la poésie et la musique de la Cambrie, gr. in-8o, 1884. >/br> De Coussemaker. Histoire de l’harmonie au moyen âge. Paris, in-4o, 1842. — Mémoire sur Hucbald, in-4o, 1841.
Raillard. Explication des Neumes, in-4o.
Schubiger. Histoire de l’école de chant de Saint-Gall, du viie au viiie siècle ; gr. in-8o, 1866.
Musical notation (the) of the middle age, exemplified by fac-similes of ms. written between the xe and xvie centuries, grand in-4o, 1890 (photograv.).
Paléographie musicale publiée en fac-similé par les bénédictins de Solesmes, in-4o, 1889-1895 (photograv.).



CHAPITRE ii

LES XIIe ET XIIIe SIÈCLES

Le xiiie siècle artistique et littéraire : les écoles, les maîtrises, les écoles de ménestrandie. — Le Solfège: la notation proportionnelle, les muances. — La Musique : les chansons et les divers genres de musique, le déchant, la virtuosité, les instruments. — Le Théâtre : mystères et jeux, Robin et Marion. — Les Musiciens : trouvères, troubadours et minnesänger, ménétriers et jongleurs.

Pendant cette longue période historique qui a nom le moyen âge, le xiiie siècle nous apparaît comme une époque lumineuse et belle entre toutes. On commence à sortir des sombres doutes de l'époque précédente ; il y a comme une sorte de respiration du monde étouffé. La sublime folie des croisades a porté ses fruits ; nous avons appris à connaître l’Orient, les civilisations se sont fondues. Aussi le xiiie siècle est-il comme une première renaissance, comme une éclosion du génie moderne, non encore altéré par un retour pédantesque vers l’antiquité. À partir du xiie siècle, la sculpture, l’architecture adoucissent leurs lignes encore raides et barbares. Nous voyons apparaître la cathédrale de Chartres et son portail magnifiquement sculpté, nous pouvons admirer les délicates représentations de la basilique de Saint-Denis. N’est-ce pas le même siècle qui voit s’élever Notre-Dame de Paris, tandis que s’élance vers le ciel la fine et hardie Sainte-Chapelle ? Partout l’esprit humain produit sans relâche. Dans la littérature religieuse et la philosophie, voici saint Bernard, saint Thomas, etc. ; dans la littérature profane, voici des historiens comme Joinville, puis d’innombrables conteurs et poètes, enfin Dante, dont le nom seul suffit pour illuminer deux siècles.

En musique, les xiie et xiiie siècle sont indissolublement liés l’un à l’autre. C’est avec eux que se manifeste ouvertement pour la première fois l’art populaire, l’art libre qui cherche à se dégager des liens du plain-chant de l’Église ; la poésie nationale prend son essor, portée sur les ailes de la musique. L’organisation de cette dernière est fixée définitivement, et par les écoles religieuses et profanes, et par l’institution des corporations de ménétriers et de faiseurs d’instruments. En Allemagne, en France, la même impulsion est donnée ; nous connaissions mal l’Italie artistique de cette époque, assez cependant pour savoir que la musique n’y était pas non plus négligée. Pendant les cinq siècles précédents, nous en étions réduits aux tâtonnements et aux hypothèses ; aux xiie et xiiie, la musique bégaye encore, mais elle parle et on peut la comprendre.

Durant la sombre période des xe et xie siècles, l’enseignement, base de toute science, avait subi un temps d’arrêt ; mais bientôt il avait été remis en honneur. Aux XIIe et XIIIe siècles, les écoles abondaient, où la musique était enseignée avec soin. On en vit une à Soissons, qui rivalisait avec Metz, d’autres à Poitiers, à Orléans, à Clermont, à Aix, etc. ; il n’était pas une cathédrale qui n’eût sa maîtrise, pas une abbaye qui n’eût son école de musique.

Il ne faudrait pas croire que seules les églises et les abbayes eussent leur part dans ce fructueux labeur. À peine établies, les universités avaient inscrit la musique dans leurs programmes. L’art profane et populaire avait aussi ses écoles ; les trouvères et ménestrels, voyageant par les villes, s’arrêtaient en temps de carême, à l’époque où tout chant joyeux devait cesser, et là, enseignaient, à qui voulait les apprendre, chansons et refrains. Les plus grands seigneurs envoyaient leur personnel chantant et musiquant à ces écoles, dites de Ménestrandie ou Scholæ mimorum, pour renouveler leur répertoire et apprendre de nouvelles mélodies.

Nous avons vu que dès la fin du xie siècle les neumes se trouvent assis sur les lignes de la portée, leur forme est chaque jour de plus en plus accusée et bientôt on voit les points et les virgules se transformer et devenir la notation carrée, qui a été employée pendant tout le moyen âge et dont nous nous servons encore dans le plain-chant de l’Église. Quant au nombre des lignes de la portée, il est absolument sans importance : tantôt on en trouve trois, tantôt quatre, tantôt cinq, quelquefois onze, qui représentent toute l’étendue employée dans le chant. Ce n’est qu’à une époque assez rapprochée de nous, vers la fin du xvie siècle, que le nombre des lignes de la portée est fixé définitivement, à quatre pour le plain-chant, à cinq pour la musique profane.

Mais si l’écriture des xiie et xiiie siècles paraît à l’œil assez simple, il n’en est pas de même lorsqu’on veut traduire le sens de chaque signe. Il ne suffisait pas d’indiquer la hauteur des notes, il fallait aussi marquer leur durée, c’est-à-dire le rythme ; c’est pour le rythme qu’a été créée une écriture particulière dite Notation proportionnelle, parce que la valeur de chacun de ses signes était proportionnée à la valeur de ceux qui le suivaient ou le précédaient.

Pour exposer en détail la notation proportionnelle, un chapitre ne suffirait pas : les signes se multiplient, se nuisent les uns aux autres ; les conventions annulent d’autres conventions ; traduire ces mélodies est un véritable jeu de patience, et on pourrait définir ainsi cette notation : une écriture dans laquelle le même signe peut avoir plusieurs sens, en même temps qu’une seule idée peut être représentée par plusieurs signes. Remarquons bien qu’au xive siècle elle doit se compliquer encore de nouvelles figures et de nouvelles inventions. Voici les signes les plus employés dans la notation proportionnelle :

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FIG. 34.

Mais la notation n’était pas la seule difficulté de la lecture musicale au moyen âge ; on en trouvait une autre dans la constitution même des tons, qui a duré presque jusqu’au siècle dernier et qui n’a pas peu contribué à rendre compliquée l’étude de notre art. Si peu musicien que l’on soit, chacun sait que notre gamme se compose de sept notes ; en réalité, la gamme du moyen âge, elle aussi, en avait sept ; mais six seulement étaient nommées, comme nous l’avons vu, en parlant de Guy d’Arezzo. Exposer tout au long cette théorie, qui tient cependant tant de place dans l’histoire de la musique, conviendrait peu à cet abrégé, dans lequel nous voulons éviter autant que possible ce qui pourrait paraître trop technique à nos lecteurs ; aussi bien nous nous contenterons de signaler, en passant, l’existence du système de solfège compliqué, connu sous le nom de Système des muances. Il fut échafaudé à cette seule fin d’éviter le triton ou quarte juste, qui était pour les musiciens du moyen âge l’abomination de l’abomination, le Diabolus in musica, et qui fait aujourd’hui partie de notre langue musicale courante[1].

Malgré les difficultés de la notation et du solfège, il est facile de se rendre compte de l’état de la musique aux XIIe et xiiie siècles. À partir de cette époque, les monuments abondent ; les manuscrits sont remplis de chansons avec musique, sans compter les livres de chants religieux. Pour n’en citer que quelques-uns, la Bibliothèque nationale, à elle seule, possède plusieurs magnifiques manuscrits, où sont renfermées beaucoup de chansons notées des trouvères français ; on peut en voir un à la Bibliothèque de l’école de médecine de Montpellier, dans lequel on trouve près de quatre cents chansons profanes et religieuses, à deux,


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FIG. 35. — CHANSON DE THIBAUT DE NAVARRE.
(Chansonnier du roi, Bibliothèque nationale.)


trois et quatre voix. La mélodie du xiiie siècle est vague, ses rythmes sont chancelants ; cependant cette musique, si barbare qu’elle nous paraisse, n’est pas plus improvisée au hasard que la nôtre ; comme la nôtre, elle a sa syntaxe et sa grammaire ; on peut même y retrouver, à l’état embryonnaire, les premiers éléments de notre art moderne (fig. 35).

Les musiciens de ce temps avaient deux manières de composer. Tantôt ils trouvaient et cherchaient des chants originaux, tantôt ils combinaient ensemble deux, trois ou quatre mélodies déjà connues que l’on faisait entendre simultanément, d’aprés les règles du déchant. Beaucoup de ces compositions nous sont restées, qui ont une saveur toute moderne, témoin ce petit morceau de Thibaud de Navarre, dont le rythme rappelle singulièrement l’air populaire de la Bonne aventure. Voici le premier couplet de cette chanson :

L’autre jour en mon dormant.
Fui en grant doutance
D’un jeu parti[2] en chantant
Et en grant balance,
Quant amours me vint devant
Qui me dit : « que vas querant ?
Trop a corage movant,
Ce te vient d’enfance. »

Chants profanes et populaires, paroles latines sacrées, tout se trouvait mêlé de la plus singulière façon dans cette musique à plusieurs voix, issue de l’organum dont nous avons parlé, et qui avait nom déchant. Mais, si l’organum était peu ou n’était point rythmé, le déchant l’était, au contraire, et d’une manière assez précise.

Ainsi nous rencontrons, dès les xiie et xiiie siècles, la musique sous ses deux formes, soit que le chant se présente seul, soit que plusieurs mélodies se fassent entendre à la fois. Du reste, ces genres de compositions étaient fort variés, malgré la pauvreté de la langue musicale. On employait le plus souvent (sans que cette règle fût pourtant absolue) le chant seul dans les chansons de gestes, dans les romances, pastourelles, serventois, lais et jeux partis. Au déchant étaient réservés les motets, les rondeaux, les conduits ; suivant que ces compositions étaient à deux, trois, quatre ou cinq voix, elles prenaient les noms de duplum, triplum, quadruplum et même quintuplum.

Malgré leur titre de chansons, les romans héroïques en vers, ou chansons de gestes, contenaient peu de musique ; ou, s’ils en avaient, c’était comme une sorte de refrain, pour soutenir le débit du récitant. En revanche, les romances, les pastourelles, petits poèmes amoureux et villageois, étaient chantées sur des mélodies d’un rythme facile, ainsi que le serventois, sorte de poème souvent satirique. Venu de la Bretagne armoricaine, le lai, récit pittoresque de quelque aventure touchante ou comique, avait un genre de mélodie assez développée qui lui était particulier. Il en était de même du jeu parti, lorsqu’il comportait de la musique.

Le motet, le rondeau et le conduit étaient des compositions artistement composées à plusieurs parties. Souvent les conduits étaient sans paroles, ce qui permet de supposer que beaucoup de ces compositions étaient instrumentales.

S’il nous reste bon nombre de morceaux de tout genre, il n’est point facile de nous imaginer comment on les exécutait. Cependant nous savons que le chant était un art important au xiiie siècle, nous savons même que la virtuosité était en grand honneur ; dans les concerts, comme à l’église, on entendait partout des chantres et des ménestrels, hommes et femmes, lutter de vocalises et de fioritures. Foudres papales, interdictions épiscopales, rien ne pouvait arrêter le luxe des ornements dans la musique. « Il faut, disait Jean XXIII, que les hommes chantent d’une manière virile et non avec des voix aiguës et factices, en imitant les femmes ; il faut qu’ils évitent de chanter d’une voix lascive et légère, comme les histrions. » La parole pontificale était toujours restée sans effet ; et que pouvaient faire pareilles défenses, lorsque les évêques eux-mêmes étaient complices ?

Ces chanteurs habiles et exercés étaient accompagnés par divers instruments. On est assez porté à croire que les musiciens des époques reculées connaissaient peu d’instruments de musique. C’est une erreur, et l’on pourrait même dire que les instruments sont d’autant plus nombreux que l’art est moins avancé. Pendant tout le moyen âge, ce que nous appelons aujourd’hui instrumentation, c’est-à-dire l’art de combiner les sonorités d’après les rapports des timbres, n’existait réellement pas ; mais les instruments étaient en grand nombre. Les miniatures, les sculptures, les bas-reliefs nous en montrent une étonnante variété ; les poètes et les chroniqueurs en citent peut-être plus encore.

Avant d’entrer dans quelques détails, que le lecteur nous permette de présenter dans un seul tableau les instruments du xiiie siècle. Des tableaux semblables à la fin du xvie et pour l’époque contemporaine nous mettront à même de faire aisément la comparaison.

instruments de musique du xiiie siècle.
instruments à cordes. instruments à vents. percussion.
frottées. pincées. frappées. à bec. à anches. à réservoir. à bocal. à baguettes. sans baguettes.
genre viole.
Vièle.
Gigue.
Rebec.
Growth.

genre vielle
Organistrum.
Chifonie.
genre luth.
Luth.
Mandore.
Citole
genre guitare.
Guiterne.
Guitare mauresque.
genre harpe.
Harpe.
Harpe double ou irlandaise.
Psaltérion.
Canon.
Dulcimer.
Flûtes.
Flûte droite.
Flageolet. Flûte traversière.
Fifre.
Flûte Bréhaigne.
Hautbois.
Chalumeau.
Muse.
Pipe
Bombarde.
Douçaine.
genre cornemuse.
Muse.
Chevrette.
Cornemuse.
genre orgue.
Grandes orgues.
Orgues portatives ou régales.
genre trompette.
Trompette.
Buccine.
Trompe.

genre clairon.
Clairon.
Graile.
genre cor et cornet.
Cor.
Corne. Cornet. Oliphant. Cor sarrasinois.
genre tambour.
Tambour.
Tabor.
Tympanon.
Bedon.

genre timbales.
Nacaires.
Clochettes.
Cymbales.
Grelots.
Triangles.
Carillon.

genre castagnettes.
Eschelettes.
Tartavelles.
Taules.
Nous n’avons pas tenu compte dans ce tableau des

nombreux noms donnés à chacun des instruments, suivant les dialectes des diverses provinces.

Depuis les xe et xie siècles, les lyres et cithares antiques paraissent avoir disparu, en Occident du moins, ou s’être transformées, de telle sorte qu’elles sont devenues méconnaissables ; mais, en revanche, deux instruments ont fait leur apparition, qui tiendront une grande place dans l’histoire de la musique, la viole et le luth.

La viole ou vièle, dont on fait vibrer les cordes au moyen d’un archet, et qui a donné naissance au violon, semble être venue elle-même du crowth, ou violon barbare des populations bretonnes. Le crowth était une sorte de violon à trois cordes d’une structure fort grossière, qui, à une époque assez rapprochée de l’antiquité, était déjà très usité, comme le prouvent ces deux vers de Venantius Fortunatus :

Romanusque lyra plaudat tibi, barbarus harpa,
Græcus achilliaca, chrotta britanna canat.

La vièle apparaît dès le xie siècle. Fort répandue en Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie, elle changea cent fois de formes, suivant les pays et les époques. Ici elle est lourde, presque ronde, à ce point que l’on ne peut comprendre comment le musicien pouvait faire vibrer les cordes ; là elle se rapproche du crowth, ainsi qu’on peut le voir sur le portail de la cathédrale de Chartres, mais avec un dessin plus élégant (fig. 36) ; c’est, dès le xiiie siècle, un magnifique instrument, d’une riche et belle structure, comme dans le portail de l’abbaye de Saint-Denis. Le nombre de ses cordes variait de trois à six. La vièle fut l’instrument préféré de tout le moyen âge : c’était elle qui accompagnait le chant des lais, rondeaux, chansons de geste. Jérôme de Moravie, un écrivain de la fin du xiiie siècle, l’a décrite en détail, donnant son accord et sa forme.

Il ne faut pas confondre la vièle à archet, ou viole, avec la vielle à roue et à manivelle, dont nous nous servons encore aujourd’hui. Les plus anciennes vielles à roue se trouvent sur le chapiteau de Saint-Georges de Bocherville, que nous avons vu plus haut, et dans un manuscrit du xie siècle. Elle est grande, et quelquefois jouée par deux personnes ; cependant elle diffère peu de notre vielle moderne (fig. 33). Elle portait le nom d’organistrum pour les savants, celui de chifonie pour le vulgaire. Le xiiie siècle fut son époque de gloire. Ornée de sculptures, de peintures, d’armoiries, enrichie de pierreries, d’or et d’argent, la vielle lutta, et quelquefois avec avantage, contre la viole. Nous la retrouverons plus tard, mais bien déchue de sa gloire première.

[ image manquante ]

FIG. 36. VIOLE, xiiie siècle. (Cathédrale de Chartres.)

Violes et chifonies eurent un terrible concurrent dans le luth. Élégant de forme, difficile à jouer, mais facile à porter, le luth semble avoir fait son apparition après les croisades et être d’origine orientale. À côté de lui, orientale aussi, mais venant vraisemblablement des Maures d’Espagne, la guitare fut bien vite à la mode. Le luth et la guitare eurent d’abord quatre cordes et ne différaient que par leur forme ; mais bientôt le nombre des cordes du luth augmenta considérablement, tandis que la guitare, dite guiterne mauresque, prenait et gardait les six cordes doubles qu’elle possède encore aujourd’hui. Derrière ces deux instruments venaient d’autres plus petits et plus maniables, la gentille citole et la mandore, diminutif du luth, dont il est parlé pour la première fois au xiiie siècle, dans les vers du troubadour Giraud de Calenson (fig. 37).

[Image Manquante]

FIG. 37. MANDORE.

(Chansonnier, Bibliothèque nationale.)

Nous avons vu la harpe au xie siècle. Telle elle était à cette époque, telle nous la retrouvons dans toutes les miniatures et dans toutes les sculptures des xiie et xiiie siècles. Ses formes sont plus élégantes, l’instrument a pris de plus grandes proportions, mais au fond il est resté le même (fig. 38).

Le psaltérion, ou canon, est un des instruments les plus caractéristiques du moyen âge. Avec ses dix ou vingt cordes, tendues sur un cadre en bois et frappées au moyen de marteaux, ou pincées avec les doigts, le psaltérion se rencontre fréquemment dans les représentations de l’époque ; ce qui le rend des plus intéressants pour nous, c’est qu’à partir du xve siècle il donna naissance au manicordion, au virginal, à l’épinette, au clavecin et, par suite, au piano moderne. Le dulcimer est une variété du psaltérion. Cet instrument n’a pas disparu, et les tziganes s’en servent encore sous le nom de tympanon (fig. 39).

[Image Manquante]

FIG. 38.

HARPE XIIe ET XIIIe SIÈCLES.

Les flûtes du moyen âge diffèrent peu de celles de l’antiquité. Il faut toujours distinguer celles qui se jouent avec un bec, ou flûtes droites, et celles dans lesquelles on introduit l’air par une embouchure latérale. Celles-ci sont dites traversières ou traversaines ; plus tard, elles prirent le nom de flûtes d’Allemagne. Chaque genre de flûte était représenté dans les registres aigus par le chalumeau et le fifre, l’un pour les flûtes droites, l’autre pour les flûtes traversières.

Comme la flûte, le hautbois, avec son anche double, resta des plus primitifs. En passant de l’antiquité au moyen âge, il changea fréquemment de nom, mais point de forme. Cependant nous trouvons, dès le xiiie siècle, les instruments à anche, à sons graves, qui, sous le nom de bombardes ou de douçaines, donnèrent plus tard naissance au basson.

[ Image Manquante ]

FIG. 39.

PSALTÉRION OU CANON, XIIIe SIÈCLE. (Chansonnier, Bibliothèque nationale.)

Désignées par les noms de muse, chevrette, symphonie, etc., la cornemuse et la musette, qui se composent en somme d’anches de hautbois et de bombardes adaptées à des outres, jouèrent un grand rôle pendant tout le moyen âge, sans différer beaucoup de celles que nous connaissons aujourd’hui en Italie et dans les provinces de France, sous les noms de zampogne, biniou, cornemuse, etc.

La cornemuse nous conduit tout naturellement à parler de l’orgue, dont le principe sonore est, en résumé, le même. Dans l’antiquité, nous avons laissé un orgue embryonnaire ; au moyen âge, il a déjà plus de quatre cents tuyaux ; le clavier se compose de touches de plus d’un mètre, que l’organiste enfonce à grand renfort de coups de poing. Le premier orgue connu en France fut, dit-on, envoyé à Pépin le Bref par l’empereur de Constantinople Constantin Copronyme ; mais, en 951, nous trouvons déjà la description d’un orgue immense, construit par les soins de l’évêque Elphège, à Winchester. Il avait quatre cents tuyaux et quarante touches ; il était joué par deux organistes et alimenté d’air par vingt-six soufflets, que mettaient en mouvement soixante-dix hommes. À cette époque, l’art de jouer de l’orgue était déjà fort avancé, et les plus grands musiciens du moyen âge étaient organistes.

Tout le monde ne pouvait posséder ces immenses instruments ; aussi avait-on inventé de petites orgues portatives, qui furent en vogue pendant tout le moyen âge et que l’on rencontre fréquemment dans les miniatures et dans les monuments. Un ou deux rangs de tuyaux, posés sur un sommier ou caisse à air, qu’un, deux ou trois soufflets alimentaient, plus un clavier, voilà de quoi se composaient ces orguettes, ces régales, ces portatifs, auxquels les textes du moyen âge font continuellement allusion. Nous retrouverons les régales aux xve et xvie siècles.

Malgré la multiplicité des noms qui désignent la trompette, cet instrument se réduit toujours à deux espèces : la trompette militaire de grande dimension et le clairon, graile et claronceau, à la voix aiguë.

Le cor suivit les mêmes transformations que la trompette. Instrument légendaire de la chasse et de la guerre, il se retrouve dans plus d’un manuscrit, dans plus d’un texte. Il est en bois, en or, en argent, en ivoire. Qu’il soit le cor magique d’Arthur ou l’oliphant de Roland, toujours il est le même, droit ou à peine courbé, donnant quelques notes de signal, plutôt qu’un chant suivi. Il faudra encore plusieurs siècles pour qu’il devienne l’instrument, à peu près musical, si connu sous le nom de trompe de chasse.

La percussion est, de tout le matériel sonore, celui qui est le moins sujet aux transformations. Aussi trouvons-nous, dès le xiiie siècle, les instruments de ce genre

[Image Manquante]

FIG. 40. — BEDON OU GROSSE CAISSE.

(Stalles de la cathédrale de Rouen.)

dont nous nous servons encore aujourd’hui. Le tambour change peu de forme, ainsi que le tambourin, qui soutient de son rythme le chant du galoubet provençal. Notre grand tambour de guerre n’est connu, en France du moins, qu’à partir du siège de Calais par les Anglais ; mais, en revanche, nous rencontrons la grosse caisse avec grelots, sous le nom de bedon. Les stalles sculptées de la cathédrale de Rouen en offrent un exemple curieux (fig. 40). Rapportées d’Orient par les croisés, les naquaires remplacent les petits tambours hémisphériques dont on se servait aux xe et xie siècles, et parviennent jusqu’à nous, presque sans changement, sous forme de timbales.

Les cymbales, grelots, triangles, castagnettes, cliquettes pour les mains et pour les pieds, ou échelettes, ne changèrent point depuis l’antiquité. Cependant, en unissant plusieurs clochettes ensemble, on forma un instrument, dont on jouait en frappant les cloches, au moyen de marteaux, et qui avait nom quadrillo. Très répandu au moyen âge, il donna naissance aux grands carillons des xve et xvie siècles, encore en usage dans nos villes du Nord et en Belgique, et aux petits jeux de clochettes à clavier, dont se servent quelquefois nos compositeurs modernes (fig. 41).

[Image Manquante]

FIG. 41.

CARILLON, XIIIe SIÈCLE.

(Ms. de la Bibliothèque nationale.)

Mélodie, déchant, instruments, tout était employé, surtout dans les représentations dramatiques, car le théâtre occupait déjà une place considérable à cette époque. Nous n’avons pas l’intention de refaire l’histoire de l’art théâtral au moyen âge. Rappelons seulement que les premiers essais de ce genre furent des mystères, ou la mise en action des récits de la Bible ou du Nouveau Testament. L’apologue des Vierges sages et des vierges folles est un des plus anciens drames liturgiques de ce genre, et la Bibliothèque nationale en possède un superbe manuscrit du xie siècle ; puis viennent les Prophètes du Christ, la Résurrection et bien d’autres encore. Aux xiie et xiiie siècles, voici, parmi les plus connus, Daniel, le Fils de Gédron, le Juif volé, moitié religieux, moitié comique, la complainte des Trois Maries, et surtout le drame d’Adam.

La musique était tellement importante dans ces drames, que l’on pourrait presque les considérer comme des sortes d’opéras.

Nous avons cité les jeux partis, dialogues presque dramatiques, qui étaient souvent chantés ; mais le xiiie siècle vit naître les jeux, qui nous intéressent de plus près encore que les mystères, puisque l’on a retrouvé en eux les premiers essais de notre opéra-comique.

Ces jeux, qui étaient en assez grand nombre au xiiie siècle, gardaient encore quelques traces de l’influence légendaire et religieuse, comme le Jeu Saint-Nicolas de Jehan Bodel, le Miracle d’Amis et d’Amille. Mais voici une petite pièce villageoise, le Jeu de Robin et Marion, tout à fait en dehors du théâtre clérical et liturgique. Elle est pleine de naïveté, cette scène dans laquelle Marion se défend bravement contre les entreprises du chevalier Aubert, pour se conserver à son ami Robin, et où tout finit par des chansons et des danses. La musique tient une grande place dans ce petit opéra-comique primitif. Quelques-uns de ses refrains sont restés populaires, comme celui de « Robin m’aime, Robin m’a », dont la mélodie a un tour moderne, qui n’est point sans charme. Tout, jusqu’à la mise en scène, indique que le genre musical de l’opéra-comique est né dès ce jour.

Le Jeu de Robin et Marion fut exécuté pour la première fois à la cour de Naples en 1285. Il avait pour auteur un trouvère d’Arras nommé Adam de la Halle, dit le bossu d’Arras, que l’on peut considérer comme le premier créateur de notre opéra-comique.

Le nom d’Adam de la Halle nous fait penser tout naturellement aux trouvères et aux troubadours, ces poètes musiciens qui créèrent en même temps la littérature et l’art musical du moyen âge. En effet, si tous ne composaient pas, presque tous chantaient leurs vers, en s’accompagnant de la vièle ; quelquefois, le trouvère disait ses vers, pendant qu’un jongleur exécutait la musique. On appelle trouvères les poètes musiciens du Nord, depuis l’Artois jusqu’à la Loire, et troubadours ceux du Midi, Gascogne, Provence, Auvergne, etc. Depuis les artistes ambulants, comme Ebles, Élias, Guy et Pierre d’Uissel, qui allaient jouant, chantant et poétisant, pendant que l’un d’eux faisait la recette, jusqu’au haut et puissant comte Thibaut de Champagne, roi de Navarre, jusqu’au roi Richard Cœur de Lion, ces poètes appartenaient à toutes les classes de la société, célébrant l’amour, payant d’une chanson l’hospitalité qui leur était libéralement offerte, ou, s’ils étaient riches, entretenant à leur cour des troupes de chanteurs et de musiciens (fig. 42).

Citons quelques-uns des trouvères et troubadours les plus célèbres, choisissant de préférence ceux qui semblent avoir été musiciens, car il est assez difficile de distinguer parmi eux les poètes des compositeurs, chanteurs et instrumentistes. Au xiie siècle, ce sont Arnault de Mareuil(1170-1200), l’ardent Bertrand de Born, le Juvénal du moyen âge, Folquet de Marseille, Gaucelm Faidit, Peyre Vidal, Pons de Capdueil, troubadours ; parmi les trouvères, Gillebert de Berneville, un vrai poète, chantant ses vers sur de gracieuses mélodies.

[Image Manquante]

FIG. 42.

TROUVÈRE JOUANT DE LA VIOLE

XIIIe SIÈCLE.

(Ms. de la Bibliothèque nationale.)

Au xxiiie siècle, trouvères et troubadours abondent. Sans compter Adam de la Halle, dont nous avons déjà parlé, voici Aymeric de Peguilain, Albert de Gapençois, Andrieus Contredit, Jean Bodel, auteur de jeux dramatiques, Jean Perdigon, les deux Monniot, de Paris et d’Arras, Pierre de Corbie, Perrin d’Angecourt, Robert de Sabillon, puis Colin Muset et Marie de France, musiciens-poètes, dont les œuvres se lisent encore avec plaisir ; Thibaut, comte de Champagne et roi de Navarre, le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion et Blondel de Nesles, dont le dévouement est resté légendaire, quoique l’anecdote qui nous le montre délivrant, au moyen d’une romance, son maître languissant dans les prisons du duc d’Autriche, soit loin d’être prouvée.

Il serait injuste d’oublier, à la même époque, les théoriciens dont les œuvres jettent tant de jour sur la musique du xiiie siècle, comme Jérôme de Moravie, Jean de Garlande, Jean Cotton, Francon de Paris, Marchetto de Padoue, Walter Odington, Élie Salomon ; enfin des écrivains sacrés, comme saint Bernard, des philosophes comme Abailard (1079-1142), qui était aussi musicien et chanteur.

En Italie et en Allemagne, le même mouvement littéraire et musical se faisait aussi puissamment sentir. Dante, dans la Divine Comédie, nous a laissé les noms de Casella, qui fut, paraît-il, son maître de musique, et de Bellacqua, le célèbre joueur de luth. En Allemagne, les musiciens-poètes formaient toute une caste, constituée régulièrement. Ces artistes, auxquels on a donné le nom de Minnesänger (chantres d’amour), composaient leurs chants et leurs vers, concouraient entre eux au château de la Warburg, pour le prix de la poésie et de la musique. Richard Wagner, dans son magnifique opéra du Tannhaüser, nous a montré les deux minnesänger Tannhaüser et Wolfram d’Eschenbach dans un de ces fameux concours. Parmi ces minnesänger, les uns étaient riches, les autres pauvres, mais tous nobles et chevaliers. Il faut citer au nombre des plus célèbres Klingsor, Wolfram d’Eschenbach et Tannhaüser, dont nous venons de parler, Walther von Vogelweide, Ulrich de Lichtenstein, Nitthart, etc.

[image manquante]

FIG. 43. ― LES MINNESÄNGER, XIIIe SIÈCLE.

Wolfram d’Eschenbach. — Tannhaüser

(Manuscrit Manesse.)

Le

plus beau monument de cet art est le manuscrit Manesse, contenant les portraits et les poésies des plus célèbres minnesänger (fig. 43).

Tel a été le xiiie siècle, l’époque la plus brillante et la plus glorieuse du moyen âge. Si abrégé que soit notre récit, nous pensons avoir montré combien furent actifs et novateurs les artistes de cette belle période. Les musiciens se multiplient de toutes parts, l’art se détache de plus en plus de l’antiquité, pour devenir national et se rapprocher de notre génie ; on peut dire que c’est au xiiie siècle que nous voyons naître la musique moderne, et particulièrement la musique profane.


Adam de la Halle. Œuvres complètes, publiées par De Coussemaker, in-4o, 1872.
Clément (Félix). Les Chants de la Sainte-Chapelle, in-4o, 1875.
De Coussemaker. L’Art harmonique aux xiie et xiiie siècles, in-4o, 1865.
De Coussemaker. Drames liturgiques du moyen âge, in-4o, 1860.
De Coussemaker. Histoire de l’harmonie au moyen âge, in-4o, 1852.
De Coussemaker. Scriptorum de musica medii œvi ; nova series, in-4o, 1864 et suivantes.
Dinaux (A.). Trouvères, Jongleurs et Ménestrels du nord de la France, in-8o, 1836-43.
H. Lavoix fils. La Musique au siècle de saint Louis, IIe volume du Recueil de motets français des xiie et xiiie siècles, publiés par Gaston Raynaud, in-8o, 1883.
Riemann (Hugo). Studien zur Geschichte der Notenschrift, in-8o, 1858.
Schultz (Alwin). Das Höfische Leben zur Zeit der Minnesänger, in-8o, 1879.
Sepet (M.). Les Prophètes du Christ, études sur les origines du théâtre au moyen âge, in-8o, 1878.
Von der Hagen. Minnesänger deutsche liederdichter. 1834. 5 volumes. — (La musique en notation moderne et en fac-similé de ces musiciens-poètes se trouve dans le quatrième volume.)
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  1. On trouvera des détails sur la notation proportionnelle et sur le Système des muances dans la Musique au siècle de saint Louis. (iie vol. des Motets français, publiés par Gaston Raynaud et H. Lavoix fils.)
  2. On appelait «jeu parti» un genre de composition poétique et souvent musical, dans lequel deux interlocuteurs dialoguaient entre eux.