Histoire de la paroisse Saint-Joseph de Carleton/6

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Imprimerie générale de Rimouski (p. 81-94).


CHAPITRE SIXIÈME


M. Tessier ; construction d’une nouvelle église ; M. Audet, V. G., ; fondation du couvent.


1849-1906




M. F. X. Tessier, missionnaire à Paspébiac, succéda à M. Desruisseaux à Carleton, et prit possession de sa nouvelle cure le 1er  janvier 1849.

Né à Beauport, le 1er  mars 1815, d’Alexandre Tessier et de Marie Louise Grenier ; ordonné à Québec le 28 septembre 1843, puis vicaire à St-Joseph de Lévis, M. Tessier devint en 1845, missionnaire résidant à Paspébiac ; il y avait fait terminer l’église avec beaucoup de goût et laissé toutes choses dans le meilleur ordre. Il y avait établi les confréries du Sacré-Cœur de Marie et du Chemin de la Croix.

Envoyé à Carleton pour bâtir la nouvelle église, il se heurta dès d’abord à des divisions fort malheureuses. Lorsqu’il s’agit de constructions, le diable aidant, il se produit souvent dans nos populations, d’ailleurs si pleines de foi, un esprit mauvais de rébellion et de discorde.

Il suffit d’une tête chaude pour soulever toute une population d’ordinaire paisible et religieuse.

À la nouvelle de nouveaux travaux, les habitants de Maria desservis jusqu’alors à Carleton, crurent le moment venu de demander un démembrement de la paroisse. Ils s’engagèrent à construire une église et un presbytère et à faire vivre un prêtre. Ils obtinrent gain de cause, malgré l’opposition de M. Tessier qui croyait y voir ses plans de construction écroulés ou du moins terriblement compromis.

Mais l’évêque de Québec ayant ordonné et sanctionné le

démembrement, la nouvelle paroisse fut mise sous le patronage de sainte Brigitte. Maria tire son nom de Lady Carleton épouse de l’ancien gouverneur général du Canada.

M. Tessier fut donc forcé d’accepter le fait accompli, et procéda à l’élection de nouveaux syndics, afin d’éliminer deux des anciens syndics qui résidaient dans la nouvelle paroisse. Cette élection se fit à la porte de l’église de Carleton. Les nouveaux syndics furent Désiré Saint Cœur, Louis Normandeau, Joseph Landry, John Mægher, Frédéric Bujold, Hyppolite Landry, Joseph Allier, Jean Gauvreau et Gilbert LeBlanc.

Une autre difficulté surgit. Les habitants de la nouvelle paroisse de Maria soutenaient la prétention de partager dans les biens de l’église de Carleton et même de lui enlever une partie des ornements et des vases sacrés ; ce dont on avait le juste nécessaire pour la célébration décente des offices divins. L’affaire alla si loin que M. Tessier dut faire intervenir l’évêque qui, par la voix de son grand-vicaire, M. C. F. Cazeau, trancha le différend par la lettre suivante.


« Vous désirez savoir si une paroisse démembrée d’une autre a droit d’avoir une part des vases sacrés, ornements, etc, de celle-ci.

« Je vous réponds sans hésiter qu’une nouvelle paroisse qui juge à propos de se démembrer de la sorte d’une ancienne se trouve dans le cas d’un enfant qui quitte volontairement la maison paternelle et n’emporte que ce que son père veut bien lui donner.

« Ordinairement, une ancienne paroisse, quand elle est bien pourvue, se montre généreuse à l’égard de celle qui est sortie de son sein et l’autorité ecclésiastique est toujours flattée de sanctionner cette générosité ».

M. Tessier prévoyant les difficultés qui allaient tous les jours grandissantes, jugea plus sage de laisser à un autre, peut-être plus habile que lui, le soin de poursuivre cette œuvre de la construction d’une nouvelle église. Il demanda son rappel et fut transféré à la cure de St-François de la Beauce, en 1852 ; il mourut retiré à Charlesbourg, dans un âge avancé, le 15 septembre 1890.

M. Olscamps, alors missionnaire à Sainte-Anne de Ristigouche, revint une seconde fois prendre la charge de la cure de Carleton.

Dès son arrivée, il se mit courageusement à l’œuvre et jeta les fondations de la nouvelle église. Par l’aménité de son caractère, son grand esprit de conciliation et la sagesse de ses conseils, il sut bien vite ramener à de meilleurs sentiments la plupart des récalcitrants.

Durant son court séjour à Carleton, M. Olscamps fit prêcher une grande mission par le grand vicaire Alexis Mailloux, apôtre de la tempérance, assisté de M. Louis Allain, curé de Bonaventure et Épiphane Lapointe, curé de Paspébiac. Cette mission, commencée le 12 mars, se termina le 27 et fut suivie avec beaucoup d’attention et de piété par les fidèles de Carleton. À la fin de la retraite, M. Mailloux, muni de pouvoirs extraordinaires, fit plusieurs ordonnances concernant les mœurs et les désordres qui avaient cours dans la paroisse. Ces ordonnances se rapportaient surtout à l’ivrognerie, au blasphème, aux danses vives, aux fréquentations, etc.

À l’automne 1853, M. Olscamps dut demander son rappel, à raison de l’état délabré de sa santé.

M. C. J. O. Béland desservit la paroisse pendant quelque temps et fut remplacé par Messire Nicolas Audet.

Le nouveau curé de Carleton était né à Saint-Gervais, le 31 août 1824 et avait été baptisé le lendemain par Messire Simon Lawlor, curé de l’endroit. Fils de Pierre Audet et de Marguerite Bulteau, il fit ses études au séminaire de Québec. Ordonné à Québec le 14 octobre 1851, puis vicaire à la Malbaie, il fut transféré de ce poste à la cure de Carleton.

En arrivant dans sa nouvelle cure, il trouva l’église en construction. Il se mit immédiatement à l’œuvre pour la terminer et fut assez heureux pour la livrer au culte le 7 novembre de la même année. On en fit ce jour-là la bénédiction solennelle. Le révérend M. Allain, curé de Bonaventure et enfant de la paroisse, officiait, ayant pour diacre, à la messe, M. E. Lapointe, curé de Paspébiac et M. Audet, curé de Carleton, sous-diacre ; M. Lapointe fit le sermon de circonstance.

Dans l’après-midi du même jour, il y eut bénédiction d’un « mai » de tempérance, érigé par la garde d’honneur de Carleton, et la translation des restes mortels de feu le révérend M. Félix Desruisseaux de la vieille église à la nouvelle.

Le 5 juillet 1863, M. Audet reçut la visite pastorale de Mgr  de Tloa, la première que ce digne prélat faisait dans la Baie, et la dernière qui y fut faite par les évêques de Québec.

L’évêque était accompagné du R. P. Baudry S. J., prédicateur, de M. Faucher, curé de Lotbinière, ancien curé de Carleton, comme nous l’avons vu plus haut, de M. Bonneau, curé de St-Laurent, Île d’Orléans et de M. Martin, assistant-secrétaire.

Mgr de Tloa, appréciant la science et la sagesse du jeune curé de Carleton, lui conféra, après le départ du grand-vicaire Mailloux, de Bonaventure, les titres et prérogatives de vicaire-général du diocèse de Québec, pour toute la Gaspésie et la Baie des Chaleurs. Il est le dernier qui ait exercé cette juridiction en cette partie du diocèse.

Dans une circulaire adressée au clergé du district de Gaspé, en date du mois de septembre 1865, Mgr de Tloa s’exprime ainsi en parlant du nouveau titulaire : « M. le grand-vicaire Mailloux étant obligé, à cause du mauvais état de sa santé, de revenir dans l’intérieur du diocèse, je vous informe que j’ai nommé M. Audet, curé de St-Joseph de Carleton, vicaire forain pour le district de Gaspé, et lui ai conféré sur toute l’étendue de sa juridiction, les pouvoirs de grand-vicaire.

« En donnant à M. Audet cette charge de confiance, je ne fais qu’aller au devant des désirs de ses confrères de cette partie du diocèse, qui ont su apprécier ses éminentes qualités, et surtout le zèle et la prudence avec lesquels il s’est acquitté des devoirs de son ministère de pasteur… »

Dès son arrivée M. Audet comprit la nécessité d’une maison d’éducation secondaire pour les jeunes filles de la Baie des Chaleurs. Le manque de communications, le manque de moyens que les parents en général avaient à disposer pour envoyer leurs enfants au loin, pour y recevoir une éducation convenable, la rareté des institutrices pour le maintien des écoles primaires, tout cela avait fait germer dans le cœur du zélé pasteur, l’idée de la fondation d’un couvent à Carleton.

Plein de confiance en la divine Providence et en l’excellence de son œuvre, M. Audet s’adressa d’abord à la bonne volonté de ses paroissiens. Ce n’était pas chose facile. On venait de terminer une église au prix des plus grands sacrifices. Mais rien ne peut arrêter M. Audet dans son œuvre. Aucun obstacle ne lui semble insurmontable. C’est qu’il s’agit d’une portion importante de son troupeau, du maintien des bonnes mœurs par l’éducation toute chrétienne que les jeunes filles doivent recevoir, et la grande cause de l’éducation est en jeu. C’est plus qu’il n’en faut pour stimuler le zèle du pasteur.

M. Audet n’hésite point. Il se met courageusement à l’œuvre. Bientôt la divine Providence vient à son secours d’une manière évidente. Un riche industriel de Carleton, M. John Meagher, lui ouvre sa bourse, et les paroissiens lui apportent les matériaux nécessaires à la construction de l’édifice. Grâce à ces secours, l’œuvre est désormais assurée.

M. John Meagher, qui a le plus contribué à l’établissement du couvent de Carleton, était un Irlandais catholique, originaire d’Halifax et marié à Dame Anne Drake. Il avait émigré à Carleton en 1834. Après avoir exercé pendant plusieurs années le trafic du poisson sur les côtes du Labrador, il se fixa sur le banc de Carleton où son commerce ne fit que prospérer. Puis il ouvrit un magasin général de marchandises sèches, et épicerie. Il eut pendant plusieurs années, dans une grande partie de la Baie des Chaleurs, le monopole du commerce, et y réalisa une jolie fortune, dont il disposa généreusement, soit pour l’église, soit pour aider M. Audet dans la construction de son couvent.

C’est une élégante construction de 60 pieds sur 45, avec une annexe de 50 pieds récemment ajoutée au corps principal, à trois étages. Cette maison d’éducation fut confiée aux Révérendes Sœurs de la Charité de Québec. L’ouverture des classes se fit au mois de septembre 1867.

Les résultats produits sous le rapport religieux et intellectuel par la fondation du couvent de Carleton sont évidents. On ne peut nier, en effet, que cette fondation a eu pour effet de moraliser la population, d’adoucir la rudesse des manières, de former le goût des arts utiles, d’éveiller, au moins jusqu’à un certain degré, l’amour de l’instruction et surtout d’éclairer la piété des gens.

Depuis la fondation, au-delà de 40 jeunes filles de Carleton se sont consacrées au service du Seigneur dans les différentes communautés du pays. Un très grand nombre d’institutrices lui doivent leur éducation. Sous l’habile direction des bonnes Sœurs de la Charité, cette institution continue l’œuvre si bien commencée et avec un succès toujours grandissant. Elle rend ainsi un perpétuel témoignage de la générosité de ses fondateurs et est la fidèle expression de leurs vœux les plus chers.

Lors de l’érection du diocèse de St-Germain de Rimouski, en 1867, Mgr Jean Langevin, premier évêque de ce diocèse, confirma M. Audet dans sa juridiction de vicaire-général pour le district de Gaspé.

C’est en 1860 que fut érigée canoniquement la paroisse de Carleton. Elle avait alors une étendue d’environ 36 milles de front sur une profondeur de 7 milles en moyenne, comprenant le canton de Carleton et une partie du canton de Maria, bornée à l’est par les terres occupées alors par Eugène Dugas et Maxime Audet ; à l’ouest partie par la seigneurie de Shoolbred, partie par le canton de Nouvelle, à l’est de la rivière Shoumenac ; au nord par les terres de la Couronne et au sud par la baie des Chaleurs.

Quand il s’est agi de l’érection civile de cette paroisse, on a cru devoir laisser de côté les limites fixées pour l’érection religieuse, et s’en tenir aux limites fixées pour les cantons. Il en résulte une anomalie et des inconvénients ennuyeux dans les affaires civiles, municipales et scolaires.

La première cloche de Carleton avait été achetée par Monsieur Painchaud en 1808. En 1864, une seconde, du poids de 665 livres et demie, fut importée par la maison LeBouthillier, de Paspébiac.

Le 4 août de la même année, Monsieur le Grand-Vicaire Mailloux en fit la bénédiction et donna le sermon de circonstance. Elle reçut les noms multiples de Marie-Anne-Rose-Amélie-Julie-Constance-Catherine.

Le Révérend Monsieur Gauvin, premier curé de Maria, remplissait l’office de diacre et le Révérend Monsieur Dumontier, procureur au Collège de Lévis, celui de sous-diacre.

Les Révérends Messieurs P.-J. Saucier, missionnaire à Ristigouche, et M. McDonald, du séminaire de Saint-Hyacinthe, assistaient à la cérémonie. Il y avait onze parrains et autant de marraines. La collecte rapporta la jolie somme de £33-3-9.

On trouve aussi comme présent à cette cérémonie Monsieur l’abbé Joseph-Théophile-Allard, clerc du Séminaire de Québec, et enfant de la paroisse. Né à Carleton le 27 août 1842, du capitaine Pierre Allard et de Marie-Gillette Allain, sœur du Révérend Monsieur Louis Allain, premier prêtre sorti de Carleton, Joseph-Théophile Allard était entré au séminaire de Nicolet en 1854, et il y termina son cours classique en 1863. Il commença immédiatement ses études théologiques au Grand Séminaire de Québec. Mais, invité par Monsieur le Grand-Vicaire Paquet, curé de Caraquet, à entrer au diocèse de Chatham, qui ne comptait alors que onze prêtres, il obtint une excorporation du diocèse de Québec, et s’en fut, en 1865, au collège de Memramcook. Son cours de théologie terminé, il fut ordonné prêtre dans la cathédrale de Saint-Jean, N. B., le 26 décembre 1869. Après avoir occupé plusieurs autres postes importants dans le diocèse de Chatham, le Révérend Monsieur Allard devint pour la seconde fois, en 1885, curé de Caraquet et il y réside encore.

En 1895, M. Allard, reprenant à son compte et sur un autre terrain l’idée de son oncle, le Révérend Monsieur Allain, jetait dans sa paroisse, les fondations d’un collège qu’il compléta à ses propres frais et dont il confia, avec l’agrément de l’Évêque, la direction aux Révérends Pères Eudistes. L’ouverture des classes s’y fit le 9 janvier 1899. Le Révérend Monsieur Allard vient d’être élevé à la dignité de Protonotaire Apostolique, digne récompense d’une vie si laborieuse et si bien ordonnée.

Le 3 août 1868, Monseigneur Jean Langevin, premier évêque du nouveau diocèse de Rimouski, faisait sa première visite pastorale à Carleton, accompagné du Révérend Monsieur Coller, et de Monsieur l’abbé Lepage, acolyte. Sa Grandeur, après avoir approuvé les comptes de la fabrique, loua vivement Monsieur le curé de son zèle pour l’éducation des jeunes filles et fit la visite du nouveau couvent.

Au printemps de 1870, une violente épidémie sévissait à Carleton. Le pasteur n’écoutant que son zèle, se dépensa sans mesure au service des malades, et ressentit lui-même les atteintes de l’épidémie, pendant la célébration des offices du Samedi-Saint. Il succomba, victime du dévouement, le 2 avril 1870, à l’âge de 46 ans. La mémoire de Monsieur le grand-vicaire Audet est encore vivace au cœur de la population, et le couvent qu’il a bâti demeurera en perpétuel témoignage de la générosité de son cœur et de son grand zèle pour l’éducation.

Ses restes reposent sous l’église de Carleton, à côté de ceux de son prédécesseur le Révérend Monsieur Desruisseaux, comme lui victime, de son dévouement au service des pauvres malades.

Le Révérend Monsieur J. J. Auger, curé de Saint-Jean l’Évangéliste, paroisse nouvellement détachée de celle de Carleton, fut chargé de la desserte de Carleton jusqu’à l’arrivée du nouveau curé, en septembre suivant.

Le Révérend Monsieur Blouin, curé de la Grande-Rivière, succéda à Monsieur le Grand-Vicaire Audet.

Né à Saint-Jean de l’Isle d’Orléans le 25 mars 1827, Joseph François-Adelme Blouin avait fait ses études au séminaire de Québec, où il avait été ordonné prêtre le 18 novembre 1852. Nommé d’abord vicaire à Chicoutimi, il en devint curé en 1854, puis fut transféré à la cure de Sainte-Cécile du Bic deux ans plus tard. En 1857, il devint curé de la Grande-Rivière.

Lorsque Monsieur Blouin fut chargé de la cure de Carleton, celle-ci était la plus populeuse et la plus importante du district de Gaspé. Elle contenait 273 familles formant une population de 1275 âmes.

Monseigneur Langevin confia immédiatement au Révérend Monsieur Blouin la charge de vicaire-forain pour le comté de Bonaventure, et, quelques années plus tard, le nomma chanoine honoraire du nouveau Chapitre de sa Cathédrale.

En 1882, l’église de Carleton s’enrichit d’un magnifique tableau, représentant la mort de saint Joseph, don généreux d’un enfant de la paroisse, Monsieur le docteur Landry, lequel avait déjà fait cadeau à l’église de sa paroisse natale d’un beau Chemin de la Croix. Aussi, les habitants de Carleton voulurent témoigner leur reconnaissance à cet insigne bienfaiteur. Une assemblée de paroisse eut lieu à la sacristie le 3 décembre 1882 et on y adopta les résolutions suivantes :

1o Que l’église de cette paroisse a été dernièrement gratifiée par J. J. E. Landry, Ecr, M. D., ancien professeur à l’Université Laval, chevalier de l’ordre de Saint Grégoire et natif de cette paroisse, d’un magnifique tableau, de grande dimension, représentant la mort de saint Joseph et décorant splendidement l’abside en arrière du maître-autel.

2o Qu’en 1875, le même J. J. E. Landry, Ecr., avait déjà fait don à la sus-dite église de Carleton d’un très beau Chemin de Croix orné de cadres dorés. En conséquence, il fut proposé par Sieur Guillaume Normandeau, marguillier en exercice, secondé par Sieur Hyacinthe Thibodeau, et adopté unanimement, que Monsieur le docteur Landry soit considéré comme bienfaiteur insigne de cette église et qu’il est du devoir de la fabrique de Carleton en particulier, et des habitants de cette paroisse en général, de témoigner au dit bienfaiteur leur plus vive reconnaissance pour ces dons généreux ; 3o Proposé par Henri Josué Martin, Ecr., M. P. P., secondé par Nicolas Arseneau, Ecr., maire du conseil municipal de Carleton, que c’est avec la plus grande satisfaction que la population de St-Joseph de Carleton a appris la bienveillante intention de Monsieur le docteur Landry de donner sa propriété de Carleton pour l’instruction et l’éducation des jeunes gens par des Frères enseignants. En conséquence, elle désire lui témoigner sa vive reconnaissance par l’entremise de son député au parlement et de son maire : adopté unanimement ;

4o Proposé par M. le curé, secondé par Sieur Joseph Bernard, marguillier, et approuvé avec applaudissements, que pour donner à la reconnaissance publique envers notre bienfaiteur un caractère plus véritable et plus efficace, il soit récité, chaque jour, dans chaque famille de la paroisse, après avis donné au prône de la messe paroissiale, des prières, telles que chapelets du Sacré-Cœur de Jésus ou autres, pour la conservation et le bonheur de Monsieur le docteur Landry et de sa famille, à partir du 8 décembre, fête de l’immaculée Conception, jusqu’à la fête prochaine de saint Étienne, y compris l’octave ;

5o Proposé par Pierre Clovis Beauchêne, Ecr., N. P., secondé par John Cullen, Ecr., marchand, et adopté unanimement, que copie des présentes résolutions soit envoyée aussitôt que possible à Monsieur le docteur Landry. »

M. Blouin fit faire des travaux considérables au presbytère et rebâtir la sacristie. Pour ces travaux M. John Meagher, l’un des bienfaiteurs du couvent, offrit généreusement son concours en prêtant à la fabrique, la somme de $500.00 sans intérêts.

Quelques colons s’étant établis dans le canton de Carleton à une grande distance de l’église, M. Blouin y bâtit, à ses frais, une chapelle, sous le vocable de St-Louis de Gonzague. On y conserve un ancien tableau de ce saint, importé de France par M. L. J. Desjardins, ancien missionnaire à Carleton.

Il y a actuellement en cette mission, environ 25 familles, et elle dépend maintenant de la nouvelle paroisse de Saint-Omer.

En 1891, Monsieur Blouin, naturellement artiste, fit faire des travaux considérables de décorations à l’église de Carleton ; les tableaux en ont tous été exécutés par des artistes canadiens. Les autels ont été faits suivant les plans de M. Blouin ; et l’ensemble en fait un des plus beaux temples de la Province de Québec.

Après un règne de près de 25 ans cet homme de bien, d’une piété angélique et d’une fermeté de caractère indomptable, homme d’oraison aussi bien qu’homme d’action, s’éteignit dans le Seigneur, à la suite d’une longue maladie, dans les bras de son neveu le Révérend J. F. A. Lavoie, son assistant, le 25 juillet 1895. Ses funérailles, présidées par Mgr  A. A. Biais, évêque de Rimouski, se firent au milieu d’un grand concours de peuple et d’un nombreux clergé, accouru de loin.

Son successeur fut M. le chanoine J. O. Normandin. Ce prêtre vénérable était bien connu dans la Gaspésie et la Baie-des-Chaleurs, ayant occupé successivement les importantes paroisses de Bonaventure et de la Grande Rivière. Grand ami de l’agriculture et apôtre de la colonisation, il introduisit, au prix de grands sacrifices personnels, l’industrie laitière dans la paroisse et se fit un devoir d’instruire les cultivateurs par de fréquentes conférences très pratiques.

Après six années d’un ministère fructueux, il fut transféré à Ste-Cécile du Bic, en 1901, et peu après appelé au chapitre de la Cathédrale.

Son successeur fut le Révd. M. J. H. Lavoie, prêtre jeune encore, qui, par l’aménité de son caractère, ses connaissances des hommes et des choses, a su continuer la tradition des plus dévoués curés de Carleton. On peut caractériser sa courte administration par cet axiome connu : Fortiter in re, suaviter in modo.

Aussi lorsqu’en 1905, Mgr  de Rimouski l’appela à l’importante cure de Saint-Fabien, ses paroissiens de Carleton en ressentirent-ils une vive émotion.

M. Lavoie, dès son arrivée à Carleton songeai sérieusement à réparer le presbytère, devenu presque inhabitable. Aidé et puissamment secondé par ses paroissiens, avec les connaissances acquises par l’expérience, il en fit un des plus confortables, en même temps qu’un des plus élégants du diocèse.

C’est aussi sous sa sage administration que le couvent de Carleton fut agrandi considérablement, complétant ainsi l’œuvre de M. le Grand-Vicaire Audet.

Vicaire forain pour le comté de Bonaventure, le révérend Monsieur Lavoie fut élevé à la dignité de chanoine honoraire en 1903. Il est aujourd’hui chanoine titulaire.

Son successeur fut le Révd M. J. B. A. Bélanger, curé de Maria. L’histoire de l’avenir dira qu’il fut en tout digne du poste important qu’il occupe.

En 1899, sur les instances de la majorité des francs-tenanciers de Carleton Ouest, Mgr  de Rimouski démembra cette partie de la paroisse de Carleton et l’érigea canoniquement en paroisse sous le vocable de Saint-Omer, en l’honneur du curé d’alors, M. Orner Normandin.

Le Révd M. Biron, curé de St-Alphonse de la Rivière-Caplan, en devint le premier curé et dirige encore cette jeune paroisse dans la voie du progrès.

Arrivé à la fin de son œuvre, l’historien se demande s’il a été fidèle au programme qu’il s’était tracé : consigner pour l’histoire future de cette partie du pays, les documents qu’il lui a été donné d’avoir entre les mains et les souvenirs des anciens qu’il a été à même d’interroger.

S’il a contribué à la fois à édifier les contemporains en leur montrant l’esprit d’endurance, de sacrifice et de religion de leurs ancêtres, et à rendre un juste hommage à l’admirable dévouement de leurs missionnaires et de leurs pasteurs, il en bénit le Ciel et le remercie d’avoir fait surgir de tels hommes et de telles œuvres dans notre pays.

Qu’il prospère longtemps et grandisse toujours le vieux Tracadièche ! et que les mérites accumulés par ses premiers habitants et ses missionnaires se répandent en rosée de bénédiction sur la paroisse de Saint-Joseph de Carleton pour qu’elle demeure la paroisse modèle de cette partie de notre pays !