LA PRESSE SOUS LA SECONDE RESTAURATION (1813-1830)
Le Sabre et l’Esprit — Aurore d’un monde nouveau. — Les Royalistes ultra et leurs idées rétrogrades. — Ardeur révolutionnaire de la jeunesse. — Rénovation totale dans les arts et dans les lettres. — Publicistes illustres chez les royalistes catholiques et dans le camp libéral. — Ordonnance du 8 août 1815 : loi sur les actes et écrits séditieux, du 9 novembre 1810 ; amende, déportation et peine de mort. — Répression des provocations indirectes. — Les cours prévôtales. — La Terreur blanche. — Silence des journaux sur les illégalités commises. — Royalistes ministériels et royalistes ultra. — La Monarchie selon la Charte, par Chateaubriand ; propagation du pamphlet, en dépit de la saisie. — Les royalistes de la Chambre introuvable deviennent partisans de la liberté de la presse. — Loi du 28 février 1817 ne laissant paraître les journaux qu’avec l’autorisation du Roi ; poursuites et condamnations. — Sociétés des amis de la presse. — Brochure de Benjamin Constant. — Origine du parti doctrinaire ; sa définition, par Eugène Spuller. — Nouvelle loi sur la presse ; exclusion du jury, éloquent discours de Royer-Collard. — Suppression du Mercure, qui ressuscite sous la forme de la Minerve. — Hardies révélations de la Bibliothèque historique ; théorie subtile et casuistique de M. de Marchangy. — Création d’organes ministériels (le Publiciste, le Spectateur, le Modérateur) et de l’organe ultra-royaliste, le Conservateur. — Progrès continus des idées libérales dans tous les partis. — Législation nouvelle : lois sur la presse, des 17 et 26 mai et du 9 juin 1819, déposées par M. de Serre ; discussion mouvementée. — Institution du jury : preuve en matière de diffamation. — Le cautionnement et la déclaration (loi du 9 juin 1819) ; discours de Benjamin Constant, Guizot et Royer-Collard. — Langage violent des journaux : impuissance de la répression. — L’Assassinat du duc de Berry par Louvel (13 février 1820) fait naître un projet de loi suspendant la liberté individuelle et rétablissant la censure. — Conséquences de cette loi nouvelle : disparition de la plupart des journaux ; formation de la Société des brochures. — Procès burlesque du Miroir. — Condamnation de Paul-Louis Courier (28 août 1821) ; le Pamphlet des Pamphlets. — Manifestations hostiles au pouvoir dans les cafés, dans les lieux publics, etc. ; et particulièrement aux funérailles du jeune Lallemand (7 juin 1820). — Lois illibérales de 1821 : le ministère Villèle. — Procès des chansons de Béranger (9 décembre 1821) ; son extraordinaire retentissement. — Loi du 17 mars 1822 s’attaquant à l’esprit et la tendance des écrits périodiques. — Inquisition sévère et minutieuse appliquée aux articles de journaux. — Achat de divers organes à l’aide des fonds secrets. — Ordonnance du 15 août 1824 établissant la Censure. — Opposition du Journal des Débats ; ardente polémique de Chateaubriand ; multiplicité des brochures — Avènement de Charles X : ordonnance du 29 septembre 1824 abolissant la Censure. — Retour aux pratiques gouvernementales de l’ancien régime : influence croissante de la congrégation des Jésuites. — Procès du Constitutionnel et du Courrier français, triomphante plaidoirie de Dupin aîné. — La loi de justice et d’amour, traitée de loi Vandale par Chateaubriand. — Entraves apportées à l’industrie des imprimeurs et des libraires ; les droits de timbre. — Protestations de Casimir Périer et de L’Académie française ; retrait de la loi Peyronnet (18 avril 1827) : le chef-d’œuvre Oratoire de Royer-Collard. — Rétablissement de la Censure ; dissolution de la Chambre des Pairs (5 novembre 1827). — La Chambre des 221 ; le ministère Martignac ; suppression de la Censure (avril 1828). — Le ministère Polignac (août 1829) incarne le parti de la contre-révolution. — Article devenu historique du Journal des Débats ; acquittement de Bertin l’aîné. — La grande presse et la petite presse en guerre contre le ministère. — Le Globe (Pierre Leroux, Dubois, Jouffroy), d’abord littéraire, puis politique, devient le porte-drapeau du libéralisme. — Le National, avec Thiers, Mignet, Armand Carrel. — Ordonnances du 26 juillet 1830 abolissant la liberté de la presse, dissolvant la Chambre des Députés et transformant la loi électorale. — Protestation de la presse, dans le National, provoquant la nation à résister au pouvoir. — La Révolution de 1830 ; chute de Charles X.
Pendant plus de quinze années, au commencement de ce siècle,
nous avons vu la presse, et avec elle la littérature tout entière, l’esprit
français, en un mot, opprimés et humiliés sous la main de fer
d’un despote.
L’Empereur vaincu et détrôné, le génie national devait naturellement
se réveiller et reprendre ses aspirations vers la liberté, avec
d’autant plus d’ardeur qu’il fut plus longtemps comprimé. Napoléon
lui-même en avait eu le pressentiment, lorsqu’il disait un jour,
en 1809, à M. de Fontanes : « Fontanes, savez-vous ce que j’admire
le plus dans le monde ? C’est l’impuissance de la force pour organiser
quelque chose. Il n’y a que deux puissances dans le monde, le sabre
et l’esprit. À la longue, le sabre est toujours battu par l’esprit. »
La deuxième Restauration eut pour premier et pour principal effet
de soustraire la France à cette ivresse militaire, qui lui avait fait
oublier les grandes conquêtes civiles et politiques de la Révolution.
On eut le spectacle d’une effervescence, d’une agitation merveilleuse
des esprits, d’un mouvement intellectuel des plus intenses,
comme à la veille de l’enfantement d’un monde nouveau.
Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que la société française se
divisait en deux camps nettement tranchés : celui qui était dévoué
aux idées issues de la révolution, et l’autre, celui de la royauté de
droit divin, de la Sainte-Alliance.