Histoire de la vie de Hiouen-Thsang et de ses voyages dans l’Inde/Livre 8

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慧立 Hui Li, 彦悰 Yan Cong
Traduction par Stanislas Julien.
(p. 321-325).
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LIVRE HUITIÈME.


Ce livre commence, en été, à la cinquième lune de la sixième année de la période Yong-p’ing (655), lorsque (le Maître de la loi) traduit le Traité Li-men-lun ; il unit au troisième mois du printemps de la première année Hien-k’ing (656), lorsque les magistrats remercient (l’empereur) de leur avoir communiqué l’inscription qu’il a composée pour le couvent (de la Grande bienfaisance).
RÉSUMÉ.

Au jour Keng-ou de la cinquième lune de la sixième année (655), le Maître de la loi, dans les moments de loisir que lui laissaient ses travaux ordinaires, traduisit encore le Traité Li-men-lun (Nyâya pravêça târaka castra). Précédenunent, dans le couvent Hong-fosse, il avait traduit le Traité In-ming-lun [Nyâya dvdra târaka çdstra). Ces Traités forment chacun un livre. Liu-ts’aï, fun des traducteurs adjoints, composa sur ce dernier ouvrage un conunentaire intitulé In-ming-tchou-kiaî. Il y ajouta un tableau qui of&ait le résumé des explications, et le fit précéder d’une préface fort étendue où il parlait des progrès du bouddhisme en Chine, des voyages du Maître de la loi , des sept cents ouvrages qu’il avait rapportés et des mesures qui avaient été adoptées par l’empereur pour les faire traduire. Ce commentaire était terminé par l’analyse et l’éloge du Traité In-ming-lun.

[Notre auteur rapporte ici des dissertations, des lettres et des éloges relatifs au bouddhisme, qui ne nous apprennent rien d’intéressant sur les voyages et les travaux de Hiouen-thsang, Ces différents morceaux, qui se distinguent moins par le fond des idées que par la forme du style qui est constamment d’une élégance recherchée, occupent la plus grande partie du livre VIII.]

Au jour Meou-tseu de la dixième lune, le prince royal se rend dans le couvent Ta-fse-’en-sse (de la Grande bienfaisance), fait donner un repas à cinq mille religieux et ordonne qu’on distribue à chacun d’eux trois pièces de soie. Il envoie deux fonctionnaires du palais impérial pour demander au Maître de la loi ce qu^on peut faire afin de donner de l’éclat aux traductions qui lui ont été confiées, et de quelle manière on procédait anciennement pour exécuter des travaux du même genre.

Hiouen-thsang répond que comme les dynasties des Han et des Weï sont trop éloignées pour qu^il poisse répondre avec assez de détails et de précision, il se bor-nera à exposer ce qui a été fait depuis le règne de Fou-kien et de Yao-hing[1] pour traduire et publier les Soûtras et les Çâstras. Outre les religieux, les princes et les hauts fonctionnaires secondaient eux-mêmes les interprètes officiels. Du temps de Fou-kien, lorsque To-mo-nan-t’i (Dharmanandi) traduisait les livres sacrés, Tchanh fching, l’un des chambellans de l’empereur, tenait le pinceau ; du temps de Yao-hing, lorsque Kieou-mo-lo-chi (Koumâradjiva) traduisait les livres sacrés, Yao-wang (le prince Yao) et le comte Yao-song, de la ville de ’An, tenaient le pinceau.

« Sous les seconds Weï (386-554 après J. C.), pendant que Pûa-ti-Heou-tchi [Bôdhiroutchi) traduisait les livres sacrés, Ts’ouï-kouangy chambellan de l’empereur, tint le pinceau et rédigea ensuite la préface.

« Sous les dynasties des Thsi (479-501), des Liang (502-556), des Tcheou (557-579) et des Souï (581- 618) on suivit le même usage.

« Au commencement de la période Tching-kouan (637), lorsque Po-p’o-lo’-na (Prabhdratna) traduisait les livres sacrés, l’empereur ordonna à Fang-hiouen-ling, Tun de ses ministres, à Li-hiao-kong, prince de Tarron- dissement de Tch’ao, à Thou-tching-lun, intendant de la bouche du prince royal, et à Siao-king, gardien du trésor impérial, de revoir les textes traduits et d’en surveiller l’élégance et la clarté ; maintenant cet usage n’existe plus. Le couvent Ta-fe’e- en-Me (c’est-à-dire le couvent de la Grande bienfaisance), ajouta Hiouen-thsang, a été construit par les soins du saint empereur en l’honneur de l’auguste impératrice Wen-te-heou. Par sa grandeur et sa magnificence, il efface tous les édifices religieux des temps anciens et modernes ; mais on n’y a pas encore placé d’inscription gravée sur pierre pour transmettre sa renommée aux générations futures. Si Vos Excellences pouvaient en parler à Sa Majesté, elles feraient une œuvre méritoire. »

Ils le promirent et se retirèrent en toute hâte. Le lendemain, ils présentèrent en faveur de cette demande un rapport qui reçut l’approbation de l’empereur. Au jour Jin-Chin, Tchou-koue-kou, secrétaire du palais, intendant de la bouche du prince royal et lun des historiens de l’empire, et Tsouï-tun, du titre de Khaï-koue-kong (littéralement : prince qui a contribué à fonder le royaume), publièrent un décret impérial or- donnant à dix des plus hauts fonctionnaires de l’empire (tels que le précepteur du prince royal, les présidents du ministère, de la magistrature et des rites, etc.) de seconder Hiouen-thsang dans ses traductions, afin de donner au style toute la pureté et l’élégance désirables.

Après l’audience solennelle, l’empereur envoya à Hiouen-thsang un messager officiel, nommé Wang-kim-te, qui lui parla de sa part en ces termes : « J’ai déjà nommé les personnages qui doivent vous aider dans vos traductions ; lu-ichi-ning et ses collègues ont reçu de suite l’ordre de se mettre en route. Quant à l’inscription que vous désirez, je ferai mes efforts pour la composer moi-même. J’ignore si elle obtiendra votre approbation. »

En recevant cette auguste communication, Hiouen-thsang fut ému jusqu’au fond du cœur, et, en présence du messager impérial, il ne put retenir ses larmes.

Le lendemain, il se rendit au palais à la tête des religieux, pour offrir ses remercîments à l’empereur.

L’inscription, due au pinceau impérial, fut achevée au bout de quelques jours, et l’un des ministres d’état, nommé Tchang-sun-won-hi, fut chargé par un décret de la communiquer aux princes et aux grands dignitaires de la cour. Cette inscription était consacrée à faire, en termes pompeux, l’éloge de la religion du Bouddha et du voyageur Hiouen-thsang dont les courses intrépides et les laborieux travaux ont eu pour but la gloire et la propagation de la Loi.

Au jour Keng-chin de la deuxième lune, les princes et les grands dignitaires de la cour, ayant reçu l’inscription impériale, se rendirent en foule au palais pour offrir à l’empereur leurs remercîments.

  1. Fou-kien, prince de Thsin, a régné de 358 à 383 : Yao-king, de 397 à 415.