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Histoire des églises et des chapelles de Lyon/II/02

La bibliothèque libre.

Inscription provenant de l’église Saint-Pierre-le-Vieux et conservée au Musée de Lyon.

CHAPITRE II

SAINT-ROMAIN. — SAINT-PIERRE-LE-VIEUX. — SAINT-ALBAN. — LES SŒURS SAINT- VINCENT DE PAUL


I l nous reste à rappeler, en descendant de Fourvière, les souvenirs qui se rattachent aux noms de Saint-Romain, Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Alban, portés par des églises, qui, pour n’avoir pas eu l’importance de leurs célèbres voisines, la Primatiale et ses annexes, décrites dans le volume précédent, ont néanmoins tenu quelque place dans l’histoire du quartier Saint-Jean. Nous y joindrons ceux qui concernent la congrégation des Filles de la Charité, dites sœurs Saint-Vincent-de-Paul et leurs divers établissements, dont le premier, installé autrefois rue Pisse-Truie, existe encore, rue du Doyenné, 8, presque dans les mêmes bâtiments.

SAINT-ROMAIN

Outre les trois églises, Saint-Jean, Saint-Étienne et Sainte-Croix, qui s’élevaient au centre du cloître de Lyon et le dominaient de leur masse, une quatrième, Saint-Romain, de proportions beaucoup plus restreintes, se cachait au midi de la même enceinte, entre la cour de l’archevêché et un chemin qui, par la porte de l’archidiaconé, conduisait à la façade principale de la grande église. L’aspect extérieur n’en est guère connu que par le plan scénographique de la ville de Lyon. On voit que l’église Saint-Romain était fort modeste, avec une nef unique et une petite abside semi-circulaire voûtée en coquille. Nulle trace de clocher ; cependant, au milieu du xiiie siècle, Guillaume de La Palud, prévôt de Fourvière, lui avait légué 15 sols forts pour faire une cloche, « ad campanam faciendam ». Nos vieux chroniqueurs rapportent que, au-dessus de la porte qui s’ouvrait au couchant, était placé un bas-relief, avec les figures à mi-corps de saint Joachim et de sainte Anne, père et mère de la Vierge Marie. Au-dessous, une inscription perpétuait, en ces termes, le nom du fondateur :

TEMPLI FACTORES FUERUNT FREDALDUS
ET UXOR MARTYRII EGREGII QUOD
CONSTAT HONORE ROMANI ILLIUS UT
P. C. RECREANTUR SEDE PERENNI
Le Cardinal de Bourbon, archevêque de Lyon (1117-1488) Rourbons, (d’après une gravure à la bibliothèque de Lyon)

À l’intérieur, outre l’autel primitif placé dans l’abside, deux chapelles s’élevaient : à droite, celle de la Vierge Marie, édifiée au commencement du xve siècle, par les soins de Guillaume de Bames, clerc, notaire public, citoyen de Lyon. La construction autorisée, à la demande de Jean Fournier, chevalier de l’Église et curé de Saint-Romain, le 10 décembre 1400 par le Chapitre, et le 20 du même mois par l’archidiacre Amédée de Saluces, curé primitif, était achevée trente ans plus tard, et, le 4 février 1430, l’archevêque Amédée de Talaru y autorisait la célébration du service divin. On aimerait à connaître par le détail l’histoire de cette église si peu connue, à savoir quelles faveurs elle reçut du chapitre ou des généreux archevêques les Bourbons, les d’Épinac, les Neuville. On ignorera probablement toujours ces menus faits. On sait pourtant que la seconde chapelle, placée sous le vocable de Notre-Dame de Bon-Refuge, était aussi située « du côté droit du grand autel, au-dessous de la sacristie, joignant la rue du côté de vent ». Jean Faure, qui l’avait faite édifier en 1615, avait eu une vie des plus actives. Trésorier de la grande église, chanoine de Fourvière, archiprêtre de Courzieu et l’Arbresle, procureur général en l’archevêché de Lyon, il est le premier qui ait porté le titre de curé de Saint-Romain et Saint-Pierre-le-Vieux ; d’où on peut conclure avec grande vraisemblance que le service paroissial de Saint-Romain a été transféré à Saint-Pierre-le-Vieux sous son administration. Il semble du reste avoir beaucoup tenu à ses fonctions de curé de Saint-Romain, et, parmi les trois tableaux qui décoraient cette église, on en voyait un où était représenté, avec saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste, le portrait du donateur, Jean Faure. En outre, aux termes de son testament en date du 23 octobre 1624, il institua un certain nombre de messes dans la chapelle fondée par lui, puis, par un codicille du 26 août de l’année suivante, il légua au prébendier de cette chapelle, et pour le service de celle-ci, un calice, deux chandeliers, deux corporaux, un missel, une chasuble, une étole, un manipule, une aube, un missel et deux nappes.

Son décès est du 9 septembre 1635, et une observation présentée à ce moment par l’archidiacre se réfère à la légende qui entourait l’origine de Saint-Romain. La légende voulait, en effet, que Saint-Romain eût été édifié par les premiers chrétiens de Lyon, sur un bas-fond, où se serait amassé le sang des martyrs descendu de la Croix de Colle par le Gourguillon. Bullioud qui la rapporte note aussi que, par respect pour ce souvenir, on n’inhumait pas dans l’église.

Cependant, lorsque Guillaume de Bames avait été autorisé par le Chapitre à faire commencer les travaux de sa chapelle, on lui avait permis en même temps de s’y faire inhumer. Cette autorisation avait-elle été suivie d’effet ? Quoi qu’il en soit, Jean Faure avait fait lui aussi élection de sépulture dans sa chapelle Notre-Dame de Bon Refuge, mais, lorsque cette clause dut être exécutée, l’archidiacre Antoine de Gibertès s’y opposa, « la dite élection étant contre la vénération et sainteté de la dite église, procédant du sang des martyrs arrêté en icelle, où, pour cette cause, on n’a jamais mis en terre ». Faisant droit à cette opposition, les chanoines décidèrent que Jean Faure serait inhumé à Saint-Pierre-le-Vieux, au tombeau de Martin Bazoud, son oncle.

Entre la construction des deux chapelles se place la restauration de l’église elle-même, et la reconstruction complète de son portail. Ces travaux furent exécutés pendant les années 1560 et 1361, et, comme les Laurencin, alors établis sur la paroisse, contribuèrent pour une très grosse part à leur paiement, les armes de cette famille furent placées à la voûte de l’église.

Dans cette note sur Saint-Romain, il n’est pas superflu de dire quelques mots de la maison destinée au logement de son desservant. Il est facile de la reconnaître dans le plan scénographique, « devant Saint-Romain, jouxte la porte d’entrée de la dicte église, la rue entre deux, de matin, l’archidiaconé de vent, et une maison canoniale de bize et soir ». Au xviie siècle, ce bâtiment était dans un tel état de ruines, que, le 22 février 1665, les paroissiens avaient dû se réunir pour délibérer sur le parti à prendre à son sujet. La question était délicate ; la paroisse, d’une étendue fort restreinte, ayant peu de ressources. Cependant, les deux rapports dressés sur l’état de la maison curiale concluaient tous deux à la nécessité absolue de sa démolition et de sa reconstruction ; le coût de cette dernière n’était pas estimé moins de 4.000 livres. Heureusement, un quart de siècle auparavant, le curé précédent, Michel Combet, avait fait élever, << dans le cimetière, du côté de matin », un bâtiment destiné à loger un prêtre et à recevoir les ornements de l’église. Le 4 avril 1666, les paroissiens décidèrent que cette maison servirait de cure à l’avenir. Quant à l’ancienne, elle devait être louée et son loyer versé en déduction des charges imposées par Combet sur la nouvelle ; en vertu de cette décision, elle fut effectivement louée, le 21 mars 1669, à Charles Tardy, maître charpentier.

Un siècle plus tard, il fallut prendre une décision pour l’église elle-même, qui, dans son état de vétusté, constituait un danger public. On songea un moment à la faire reconstruire, et, le 27 juin 1743, au moment où le Chapitre décidait d’en faire l’acquisition, l’archidiacre François-Alexandre d’Albon, offrait, en cas de reconstruction, l’autorisation d’appuyer le nouvel édifice contre le mur de l’archidiaconé. Mais ce projet n’eut pas de suite ; le 20 août, le cardinal de Tencin, archevêque, prononçait l’interdit de la chapelle,

en autorisait la démolition et l’aliénation du sol, sous les réserves d’usage ; le service religieux, notamment la fête de saint Romain, et les fondations seraient transférés à Saint-Pierre-le-Vieux, et les corps enterrés dans le cimetière seraient exhumés et déposés dans celui de la même église.

Le 6 septembre de la même année 1743, les curé, marguilliers, paroissiens et notables de Saint-Pierre-le-Vieux vendaient l’église Saint-Romain aux chanoines de Lyon, moyennant une pension annuelle de 100 livres ; un premier paiement eut lieu le 31 janvier 1744, et la démolition fut effectuée dans le courant de la même année. Le 24 décembre 1746, le secrétaire du Chapitre reçut l’ordre de faire placer un écriteau annonçant la mise en location du terrain sur lequel s’était élevé l’ancienne église, et, le 5 juin 1747, le Chapitre en ratifia la location au sieur Étienne Molin, moyennant un loyer annuel de 200 livres et pour une période de neuf années. Cette période écoulée, le terrain fut cédé à l’archevêque, qui l’utilisa pour l’agrandissement des prisons.

Dans quelles conditions le service religieux était-il exercé à Saint-Romain ? L’archidiacre du Chapitre en était, on l’a vu, curé primitif, patron et collateur ; il en conservait la jouissance, et rien ne pouvait se faire sans son autorisation. C’était lui naturellement, qui nommait le chapelain chargé du service divin. L’exercice de ce droit fait naître, au milieu du xve siècle, un bien joli épisode. Lors de l’assemblée capitulaire du 21 janvier 1443, Pierre Bullioud, procureur général du Chapitre, dépose une plainte, à la requête de Guillaume de Chavirey archidiacre, contre Jean du Bois, curé de Saint-Romain. Celui-ci a osé dire que, durant sa jeunesse, l’archidiacre avait été, et qu’il était encore, très malin, catissimus. Le crime, on le voit, était bénin ; mais le procureur général, c’est une tendance professionnelle, n’en jugeait point ainsi. Il n’aurait pas voulu, disait-il, pour 1.000 livres, avoir proféré une telle injure, et demandait en conséquence que le coupable fût privé à la fois de l’habit de l’église et de ses bénéfices. Le pauvre curé comparant répondit simplement qu’il avait tenu le propos en plaisantant, spatiando, et comme en une réminiscence du temps où il était le premier mentor de l’archidiacre. Sa peine fut naturellement proportionnée au délit, et le curé, renvoyé devant les juges du glaive spirituel, se vit assigner comme prison l’enceinte du cloître.

Le chapelain de Saint-Romain appartenait au clergé de la grande église. Il en recevait l’habit, lorsque sa nomination par l’archidiacre avait été confirmée par le Chapitre. Au chœur, il siégeait immédiatement après le panetier. Un privilège particulier l’autorisait à réciter Matines à voix basse dans son église, puis ensuite à entrer au grand chœur et à assister aux autres offices. Dans son service à Saint-Romain, il était secondé par un vicaire.

Une constatation curieuse, c’est que, contrairement à ce qui avait lieu ordinairement, presque toutes les libéralités faites au xiiie siècle en faveur de Saint-Romain allaient, non point à l’église, mais à son desservant. Nous avons déjà noté le don de Guillaume de La Palud pour l’établissement d’une cloche ; en juillet 1226. Martin de Viricelles légua 7 aunes de toile pour faire une aube et un amict. Ce sont les deux seuls legs attribués à l’église. Au contraire, la liste est longue des donations en faveur de son chapelain. Toutes ont la même forme : le donateur créant une fondation, habituellement son anniversaire, spécifie que le chapelain de Saint-Romain aura une part, une procuration entière, dans les distributions créées par lui. Tels sont les termes employés par les doyens Guillaume de Colonges et Hugues de Pizay, par les chamariers Arnaud de Colant, Gaudemard de Jarez et Foulques de Rochefort, par le custode Simon de Marzé, par les chanoines Ylion, Robert Roux, Guichard de Marzé, Dalmace de Saint-Symphorien, Dalmace Morel et Guillaume de Roanne, par Ponce de Pierrelate maître des écoles, par les trésoriers Étienne de Leymens et Jean Bonjour, par Garin, à la fois dapifer et trésorier, par Guillaume Tacons, portier du réfectoire, par Gilbert, archiprêtre et custode de Sainte-Croix, par Humbert charpentier, fils du maître de l’œuvre de Saint-Jean, par Guillaume de Sarron, chamarier de Saint-Paul, enfin par Laurent d’Izeron, prêtre de Limonest, par Girard, prêtre, et par Renaud de Riottiers, sous-diacre.

Plus tard, les fondations eurent la forme ordinaire ; elles ont été enregistrées dans un recueil, rédigé au xve siècle et qui existe encore dans le fonds du Chapitre de Saint-Jean. Nous y relevons les noms les plus intéressants : au 2 janvier, 2.3 juin et 19 novembre, Jean du Bois, dit le Peloux, curé de Saint-Romain, et, au 17, Jean de Montpensier, panetier ; au 17 mars, Barthélémy Dalmace, gardien des prisons de l’archevêque, et au 2S, Guillaume Foreys, trésorier du Chapitre ; au 10 avril, Guillaume de Bames ; au mercredi après la Pentecôte, Boniface Lamirault, écuyer de la duchesse de Bourbon ; au 3 juin, Guillaume de Montpensier, panetier, et au 1er juillet, Catherine, son épouse ; au 30 juillet, Geoffroy de Chaponay ; au 30 septembre, Jean de Fomlana, trésorier de l’église, et Pierre de Buenc, dit Brochet, vice-maître du chœur ; au 27 octobre, Guillette, mère de Pierre Sorel, sacristain de Saint-Étienne ; au 30 du même mois, Barthélémy de l’Orme, curé de Saint-Romain ; enfin au 19 novembre, Pierre de Montpensier, troisième membre de cette famille, qualifié panetier.

Toutes ces fondations visaient exclusivement des anniversaires ; une seule s’étendait au service religieux de l’église. Après avoir indiqué que, chaque année, au jour anniversaire de son décès, le curé de Saint-Romain serait tenu de célébrer ou faire célébrer une grand’ messe et deux messes basses, Guillaume de Bames avait stipulé que ledit curé devrait célébrer des messes paroissiales pour les fêtes de l’Annonciation, de la Conception et de la Nativité de la Vierge Marie et pour la fête de saint Michel archange ; il devait en outre réciter les Ténèbres le jour du Vendredi-Saint.

Aux termes de son testament, en date du 28 février 1583, un chapelain perpétuel, Antoine Pégon, fonda à Saint-Romain une messe quotidienne à célébrer» à l’aube du jour, pour les pauvres artisans ».

Enfin le 10 décembre 1609, Jacques Girinet, receveur du comtat du Chapitre, fit une fondation pour que les vêpres soient psalmodiées tous les dimanches.

De ces trois créations, on peut déduire, semble-t-il, que, bien que l’église fût paroisse, le service religieux y avait été jusqu’alors fort bref ; sans doute une messe ou deux les dimanches.

Une seule fois par an, le 18 novembre, jour de la fête de Saint-Romain, le Chapitre, qui y avait chanté la veille les premières vêpres, venait y officier. Une livraison était faite aux assistants par les soins et aux frais de l’archidiacre, lequel devait en outre donner au curé trois livres de cire qui, converties en un cierge, servaient à illuminer l’église.

Nous avons trouvé à Saint-Romain la trace de deux confréries : celle du Précieux Corps de Dieu, instituée le 14 juin 1582, et une confrérie de filles, qui subsista au xvie et au xviie siècle.

Même après la cessation du service paroissial et son transfert à Saint-Pierre-le-Vieux, l’office continua à être chanté à Saint-Romain les dimanches et jours de fêtes, avec l’aide de quelques prêtres et clergeons de la grande église. Cependant, ce service lui-même dut prendre fin au moment de la démolition. Le 12 novembre 1743, cinq jours avant celui où on avait coutume d’y célébrer la fête patronale, Maurice Pailleu, l’un des sous-maîtres de la cathédrale qui a laissé les plus grands souvenirs, demanda aux chanoines leurs instructions ; il fut décidé, conformément à l’ordonnance de l’archevêque, que « la veille de Saint-Pierre-aux-Liens on irait dire les vespres, et le jour dudit patron la grand’messe, à Saint-Romain ». Comment ce texte doit-il être interprété ? Les chanoines ont-ils eu l’intention de faire disparaître la fête de saint Romain et de faire de la dédicace de Saint-Pierre-aux-Liens, qui se célèbre le 1er août, la seconde fête patronale de Saint-Pierre-le-Vieux ? C’est peu vraisemblable. Et si l’on observe que le jour même de la Saint-Romain, 18 novembre, on célèbre aussi la dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul à Rome, on peut augurer avec grande vraisemblance une erreur du scribe, et penser que l’intention des chanoines fut de conserver les usages anciens et d’ordonner simplement que les offices de la Saint-Romain auraient lieu à Saint-Pierre-le-Vieux, ne pouvant plus l’être dans l’antique église en ruine.

SAINT-PIERRE-LE-VIEUX

Saint-Pierre-le-Vieux était situé, au sud et en dehors du cloître, vis-à-vis de l’archidiaconé ; les derniers vestiges en ont disparu en 1866. À ce moment, un fervent des choses lyonnaises, Paul Saint-Olive, en a dessiné quelques esquisses lesquelles appartiennent aujourd’hui à la bibliothèque du Palais Saint-Pierre ; l’une de ces esquisses a été gravée par Tournier et aussi jointe à la note publiée, la même année, par A. Vachez sur les familles Laurencin et Bellièvre. Rapprochées du plan scénographique, ces esquisses permettent de suivre les modifications apportées à l’aspect extérieur des bâtiments. Les grandes lignes en sont une tour carrée épaulée au levant de deux contreforts et de chaque côté de laquelle s’ouvre une baie ogivale ; au couchant, suit l’église elle-même. Celle-ci était de proportions fort restreintes ; elle mesurait à l’intérieur vingt mètres sur douze.

De longues années avant sa démolition, vraisemblablement au moment de sa vente comme bien national, l’église avait été dépouillée de tous les matériaux présentant quelque intérêt archéologique. Grâce à cet enlèvement, une partie de ceux-ci ont été conservés : Meynis indique comme en provenant « les colonnettes qui décorent aujourd’hui la chapelle de Saint-Martin d’Ainay », c’est-à-dire la chapelle Saint-Joseph ; le musée municipal possède de son côté, outre deux inscriptions funéraires à la mémoire l’une de Pierre Bullioud, décédé le 14 janvier 1575, l’autre de Claude Bellièvre, décédé en octobre 1557, un très curieux bas-relief qui surmontait le portail.

Cette pièce représente à gauche un monument octostyle, dont les colonnes libres et les arceaux à plein cintre supportent un dôme étagé ; à droite, un groupe est formé par saint Pierre tenant les clefs de la main droite, et, devant lui, un personnage, vraisemblablement l’artisan du monument. Une double légende accompagne ces figures, qui pourrait être d’un grand intérêt pour l’histoire de l’édifice si le sens n’en était presque incompréhensible. Artaud en a tenté une interprétation fort hasardée ; plus sage, Commarmond s’est borné à la publier, à peu près exactement

Le bas-relief ayant été reproduit tout entier en tête de notre notice, nous retiendrons seulement la dernière partie de la légende. Celle-ci semble pouvoir être interprétée : Hoc monumentum Villelmus Benedicti (fecit ou ædificare fecit), Guillaume, fils de Benoît, a édifié ou fait édifier ce monument. Si le monument figuré représente Saint-Pierre-le-Vieux, quel était ce Guillaume qui en fut l’artisan ? Le patronage de l’église appartint plus tard à l’archidiacre de Saint-Jean ; faut-il ciiercher cet artisan parmi les chanoines revêtus de cette dignité ? Un Guillaume de Coligny en exerça précisément les fonctions pendant de longues années à la fin du xiie siècle. Le nom de son père n’est pas connu, mais, nous ne croyons pas qu’il puisse être identifié avec le Guillaume du bas-relief. Du reste celui-ci n’est-il pas d’une époque antérieure ?

Nos vieux chroniqueurs lyonnais, réduits aux conjectures quant à l’origine de Saint-Pierre-le-Vieux, ont donné ample carrière à leur imagination toujours féconde. Bullioud, qui les résume, mentionne la légende qui rattache la construction de cette église au passage à Lyon de l’apôtre saint Paul. Ce serait sur les exhortations de celui-ci que les premiers chrétiens de la cité auraient élevé ce sanctuaire et l’auraient placé sous le vocable du prince des apôtres. Saint-Pierre-le-Vieux serait ainsi la seconde des églises lyonnaises ; la première étant celle édifiée en l’honneur de la Vierge Marie ; la troisième, construite peu après, aurait été dédiée à Paul de Tarse lui-même.

Sans faire cette version absolument sienne, Bullioud indique, comme témoignage de la très haute antiquité de Saint-Pierre-le-Vieux, la forme primitive du monument, — il n’observe pas que, quelques lignes plus bas, il mentionne des destructions et reconstructions successives, — la grossièreté des matériaux employés, la situation un peu cachée et presque souterraine, enfin l’existence de certaines pierres tumulaires si anciennes, dit-il, que le souvenir des familles auxquelles elles se référaient avait à peu près disparu. Et, comme la vanité ne perd jamais ses droits, il place, parmi ces très anciens monuments, « à la porte de l’entrée principale », celui des Bullioud. Sans remarquer qu’il parle lui-même d’une simple inscription familiale, cum insculpta parva gentilitia, il cite comme y figurant un Étienne en 1160 et, en 1250, Jean, capitaine et prévôt du cloître du palais de l’ archevêque Philippe de Savoie. L’inscription existait encore un xviie siècle, et Pernetti la rapporte : Tumulus famille Bollioud.

À côté des fantaisies que nous venons de rappeler, que sont les données de l’histoire ? Nulles, ou à peu près, il faut l’avouer. Dans un inventaire des reliques conservées à l’église Saint-Just, inventaire dressé vers le milieu du xiiie siècle, figurent des reliques de saint Péregrin, premier chapelain de l’église Saint-Pierre-le-Vieux, capellani primi ecclesie Sancti Petri Veteris Lugdunensis. Admettant cette mention avec les réserves qu’elle comporte, il faudrait donc placer à peu près à la même époque la construction de l’église et l’existence du saint prêtre lyonnais. Malheureusement la vie de ce dernier est aussi peu connue que l’histoire de l’église elle-même ; les Bollandistes, après avoir constaté le manque de documents, le font vivre au commencement du iiie siècle.

Saint-Pierre-le-Vieux en 1550, d’après le plan scénographique.

Même pour le moyen âge, les traces laissées par Saint-Pierre-le-Vieux sont insignifiantes. De l’absence presque complète de libéralités en sa faveur, on peut déduire que l’église n’avait alors qu’une importance bien secondaire. Une seule fois, au 28 mai, l’obituaire de Saint-Jean notant le décès de l’archiprêtre Pierre, peut-être Pierre de Briord, indique qu’il laissa à Saint-Pierre-le-Vieux unum tractorium. Il est juste d’observer toutefois que les libéralités, qui allaient en si grand nombre au chapelain de Saint-Romain, allaient aussi en un sens à Sainl-Pierre-le-Vieux, puisque ce chapelain assurait le service religieux des deux églises.

Il semble du reste qu’à cette époque elles ont fait l’une et l’autre partie intégrante d’une même organisation, Saint-Pierre-le-Vieux et son cimetière étant utilisés presque exclusivement pour les sépultures qui, on l’a vu, étaient interdites à Saint-Romain. De cette destination devait naître une conséquence, la construction à Saint-Pierre-le-Vieux de chapelles destinées par les familles notables à leur sépulture et la fondation de prébendes pour assurer le service de ces chapelles.

Dans son testament, en date du 1er juillet 1348, Guillaume de Montdidier, curé de Saint-Michel à Lyon, fait élection de sépulture dans le cimetière de Saint-Pierre-le-Vieux, « derrière la chapelle de la Sainte-Vierge ».

Un demi-siècle plus tard, ce même Guillaume de Rames qui édifiait à Saint-Romain une chapelle en l’honneur de Marie, en élevait une autre à Saint-Pierre-le-Vieux et la plaçait sous le double vocable de Notre-Dame et de saint Michel. Peu après, Pierre et Guillaume de Montpensier, tous deux panetiers, faisaient construire la chapelle Saint-Jacques et
Saint-Pierre-le-Vieux au xvie siècle.
Les remparts du cloître au midi, sur la rue Pisse-Truie. — Au premier plan, le cimetière Saint-Pierre-le-Vieux. — À gauche, les remparts et la tour de l’archidiaconé, près de la porte de Coligny. — Le point de vue est pris du commencement de la rue Saint-Pierre-le-Vieux : actuelle, autrefois prolongement de la rue Pisse-Truie.
Saint-Sébastien ; le 21 novembre 1411, ils traitaient pour son service avec le curé de Saint-Romain. Ici se place un de ces curieux incidents dont est semée l’histoire de tous les temps. Le 27 juin 1421, Pierre Bullioud, curé de Saint-Romain, se présentait au Chapitre de Lyon, accompagné de quelques-uns de ses paroissiens, et déclarait que, pendant la nuit, des malfaiteurs s’étaient introduits dans l’église Saint-Pierre-le-Vieux, y avaient enlevé des « images » et les avaient transportées à Sainte-Croix. L’explication fut fournie sur-le-champ par Pierre Farmond, lequel prétendit que les images avaient été déposées à Saint-Pierre-le-Vieux seulement à titre provisoire. Devant ces prétentions, les chanoines ordonnèrent une information.

Au commencement du xvie siècle, on trouve à Saint-Pierre-le-Vieux une chapelle du Saint-Sépulcre ; Girard Cusin, curé de Saint-Romain, y fonde deux messes par semaine le 28 janvier 1512. Un trésorier du Chapitre, Guillaume Perrinet, y avait établi aussi une prébende ; son décès est du 24 mars 1515.

En mai 1562, lors de la prise de Lyon par les protestants, Saint-Pierre-le-Vieux, comme Saint-Romain, dut payer aux vainqueurs un large tribut ; les autels furent complètement détruits, et de longues années s’écoulèrent avant qu’on pût songer à leur rétablissement. Vingt ans plus tard, le 5 septembre 1583, on posait la première pierre de la chapelle des Bellièvre. Nous avons déjà rappelé la publication par A. Vachez de la généalogie de cette famille ; nous nous bornerons dès lors à noter que, par son testament, en date du 10 août 1483, Barthélémy Bellièvre avait fondé une messe dans la chapelle Saint-Jacques et Saint-Sébastien. Ce fut le petit-fils de Barthélémy, Pompone, « celui des Bellièvre dont la haute fortune jeta le plus d’éclat sur le nom de cette noble famille », qui fit construire, « à droite en entrant », une chapelle « soubz le vocable et à l’honneur de M. Saint Claude, pour ce que le père de Monsieur le Chancelier Bellièvre vivant à présent s’appelait Claude ».

Au même moment était relevé l’autel de la chapelle de Bames, « soubz le vocable de la Vierge Marie, Sainte Catherine et Sainte Barbe, et encour de Saint Clair, parce que Madame Girinet m’a fait dire et promettre qu’elle feroit une fondation audit autel soubz le vocable dudit Saint Clair ». Les deux autels furent consacrés, le dimanche 20 mai 1601, par Jean Faure, archevêque de Tarse, et suffragant de Vienne.

Du reste le transfert du service paroissial de Saint-Romain à Saint-Pierre-le-Vieux allait ouvrir pour cette dernière église une ère de grande prospérité. En 1639, lors de sa prise de possession de la dignité d’archidiacre, Laurent de Sémianes-Evenes, « ayant considéré le pauvre estât du lieu où avoit jusques lors reposé le Sainct Sacrement », fit don d’un tabernacle en bois doré « assorti des figures d’un Salvator, d’une Résurrection, d’une Vierge, d’un Sainct Pierre et d’un Sainct Romain… Sur les gradins du pied d’estal dicelluy », les armes du donateur étaient apposées « départ et d’autre ». Deux ans plus tard, à Pâques 1641, Magdeleine Joard offrit un reliquaire pour y déposer le corps de saint Zacharie.

Toutefois le principal artisan de la restauration de Saint-Pierre-le-Vieux fut l’un des paroissiens, Jacques Girinet, qu’on a vu fonder les vêpres à Saint-Romain en 1639. Il avait déjà fait exécuter un certain nombre de travaux, lorsque, le 26 juillet 1643, il traita avec le curé Michel Gombel et avec les marguilliers pour leur achèvement. Aux termes de cet accord, Girinet devait faire construire à ses frais la chapelle du clocher et le chœur de l’église, et dans ce chœur placer un grand autel. Le curé s’engageait de son côté à faire voûter la chapelle des Bellièvre.

Depuis plus d’un siècle, la confrérie de saint Roch avait son siège à Saint-Pierre-le-Vieux ; chaque année, « non le jour de la fête, mais le dimanche suivant », elle y célébrait sa fête patronale ; il y avait procession et grand’ messe ; le roi et la reine faisaient chacun un don à l’église. Il ne semble pas toutefois que les confrères aient eu une chapelle particulière. Ce fut seulement le 20 mars 1658, qu’à la requête de leurs courriers, ils obtinrent du Chapitre de Lyon confirmation de la cession faite à leur profit par les paroissiens d’un emplacement entre l’église et la rue, emplacement destiné à la construction d’une chapelle en l’honneur de saint Roch et de Notre-Dame.

Saint-Pierre-le-Vieux en 1866, au moment de sa démolition.

Concurremment à la chapelle de Saint-Roch, une autre chapelle fut édifiée dans l’aile droite de l’église sous le vocable de Notre-Dame-de-Bonnes-Nouvelles. Louise Perrachon, veuve de Jacques Ferriol, conseiller du roi en la sénéchaussée et siège présidial de Lyon, aux frais de laquelle cette chapelle avait été construite, y fonda, le 16 février 1644, cinq grand’messes.

Enfin en 1691, les cloches de l’église furent refondues.

Au milieu du xviiie siècle, Saint-Pierre-le-Vieux comptait 1.600 communiants. Le cimetière était devenu insuffisant, et, en 1752, les paroissiens durent acquérir, pour servir de cimetière, un petit terrain situé rue Dorée et rue Ferrachat ou du Louvre. Le propriétaire antérieur de ce terrain, Louis Clémencin, bourgeois de Lyon, l’avait légué à l’Aumône Générale, et ce furent les recteurs de l’Aumône qui traitèrent ; ils reçurent en échange la rente de 100 livres due par le Chapitre à la fabrique de Saint-Pierre-le-Vieux pour l’aliénation de l’ancienne église Saint-Romain.

Mises en vente comme bien national, l’église, la sacristie et la maison curiale de Saint-Pierre-le-Vieux furent adjugées, le 11 janvier 1791 , à Catherin-François Boulard, architecte, qui, huit jours plus tard, le 19, fit connaître qu’il avait enchéri pour le compte de Louis-Firmin-Joachim Boitard, négociant : en conséquence, ce dernier fut déclaré adjudicataire définitif. Aux termes de la vente avaient été réservées à la nation, « toutes les décorations de l’église et sacristie, consistant en autels, rétables, tableaux, confessionnaux, grilles, cloches, beffrois et autres objets de ce genre ». Ce fut vraisemblablement en exécution de cette clause que furent enlevés le bas-relief et les pierres tumulaires, aujourd’hui au musée de Lyon, et les colonnes transportées à Ainay.

Les bâtiments convertis en ateliers et logements ont subsisté jusqu’en 1866, où, on l’a vu, ils ont été complètement démolis.

SAINT-ALBAN

Malgré ses lignes rudimentaires, la vue que nous reproduisons ci-contre et qui est empruntée au plan de Simon Maupin, permet de reconnaître assez bien les grandes lignes du tènement où s’élevait l’église Saint-Alban. Ce tènement, situé au nord du cloître de Saint-Jean, en était séparé par le chemin qui, de la Saône, ou plus exactement de la maison de Savoie, conduisait à la Porte-Froc et à la rue de la Bombarde. Une autre rue le séparait lui-même, au nord, de la maison de Roanne, siège de la sénéchaussée depuis l’année 1435.

Orientée du levant au couchant, conformément aux règles liturgiques, sa nef unique, son abside semi-circulaire voûtée en coquille, à laquelle ont été adjointes postérieurement deux petites chapelles, assignent à Saint-Alban une origine fort ancienne ; de même le portail à plein cintre, qui s’ouvre à l’ouest, construit « en pierre de taille gothique ». Au nord un petit bâtiment sert de sacristie, épaulant un clocher pentagonal. En avant de la façade est le cimetière, où on inhumait encore au xviie siècle. Enfin, au midi, les dépendances formaient un petit cloître et servaient d’habitation.

L’intérieur de l’église, fort simple, comprenait une seule nef voûtée en arête et trois chapelles placées sous les vocables de la Sainte Vierge, saint André et sainte Catherine. Les dimensions en étaient de 03 pieds, 7 pouces de longueur et 16 pieds, 8 pouces de largeur.

L’histoire commence pour elle avec la donation qui en fut faite en 1137 ou 1138 par Pierre, archevêque de Lyon, à Odon Ier, abbé de Saint-Claude, sous le servis d’un cens annuel de 10 sols, monnaie de Lyon, donation confirmée successivement par Innocent III, le 24 avril 1138, par Lucius II, le 17 avril 1144 et par Eugène III le 9 février 1146. Immédiatement les religieux érigèrent en prieuré l’église et le tènement qui l’entourait.

Cette mutation ne devait point du reste tarir l’intérêt porté à Saint-Alban par le clergé lyonnais, et, au siècle suivant, on trouve au nombre de ses bienfaiteurs, Étienne, chapelain d’Anse, Durand Thimotée, prêtre, Bérard d’Acre, panetier de l’Église, et un doyen du Chapitre, Hugues de Pizay. On n’est point étonné dès lors de rencontrer, parmi les titulaires du prieuré, des membres du Chapitre de Lyon : Guillaume Raymond de Meauvoisin, sacristain de Lyon, qui le 9 mars 1311, avait succédé à son oncle, Guillaume, cardinal piètre du titre de Sainte-Pudentienne, et eut lui-même pour successeur, le 1er mars 1317, un autre cardinal, Bertrand de Monfavend, aussi chanoine de Lyon. Les revenus du prieuré étaient modestes ; ils « consistaient presque uniquement en quelques droits censuels à percevoir sur le vignoble de Fourvière, et en fondations pieuses faites dans les chapelles intérieures ». Les religieux de Saint-Claude n’y avaient guère d’autre intérêt que celui de trouver un logement dans ses bâtiments lorsqu’ils passaient à Lyon. Aussi, au commencement du xvie siècle, leur abbé Jean-Louis de Savoie céda le tènement tout entier, au titre d’emphytéose, à Claude d’Avrillat, docteur en droit : la cession était faite sous le servis du cens dû à l’archevêché de Lyon et la réserve que l’abbé et ses frères conserveraient le droit de loger au prieuré.

Chapelle Saint-Alban en 1625, d’après le plan de Simon Maupin.

Falcon d’Avrillat, président au parlement du Dauphiné, eut, après son père, la jouissance de Saint-Alban ; à son décès, en 1534, elle passa à sa fille, Méraude d’Avrillat, mariée à Laurent Rabot, conseiller au même parlement. Ce dernier obtint, le 15 mars 1534, de l’abbé Pierre de la Baume, confirmation de la cession faite à l’aïeul de sa femme.

Malgré la donation de Saint-Alban aux religieux de Saint-Claude, cette église avait continué à servir, en certaines circonstances, au clergé de la cathédrale. Le Chapitre lui-même s’y rendait chaque année, au jour de la fête patronale, et y célébrait l’office divin. En outre, durant la semaine sainte, les custodes de Sainte-Croix venaient y psalmodier les Ténèbres, usage qui persista jusqu’en 1454. Lorsque, à la suite d’aliénation des bâtiments à un laïque, le prieuré disparut, ce furent ces mêmes custodes qui eurent l’administration générale de l’église et de son cimetière.

Ce sont eux qui, le 24 janvier 1543, exposent aux chanoines de Lyon que noble Louis du Peyrat, lieutenant royal, ne pouvant « entrer et sortir de sa maison qu’avec beaucoup de difficultés, à cause du débordement de la Saône », leur a demandé l’autorisation d’établir un pont de bois entre sa dite maison et le cimetière de Saint-Alban, autorisation qu’ils lui ont accordée, sous réserve de l’approbation du Chapitre que celui-ci accorde.

Ce sont eux qui obtiennent, le 17 février 1548, le patronage de deux messes par semaine fondées à Saint-Alban par Benoît Descotes, prêtre habitué de l’église.

Lors de l’occupation de la ville par les protestants, ceux-ci, allant prendre possession du cloître de Saint-Jean, devaient fatalement rencontrer devant eux la petite église de Saint-Alban ; ils s’en emparèrent et y commirent de nombreuses et graves déprédations. La réparation de ces dégâts exigeait une somme importante, et cette considération décida les religieux de Saint-Claude à renoncer définitivement à leur bénéfice. Le 14 septembre 1574, leur abbé, Marc de Rye, vendit le prieuré à Néry de Tourvéon, lieutenant général civil et criminel en la sénéchaussée de Lyon, et à Catherine de Chaponay, son épouse : depuis cinq ans déjà, Tourvéon en avait la jouissance, y ayant été subrogé en 1569 par Laurent Rabot.

À cette époque les custodes de Sainte-Croix utilisaient Saint-Alban presque exclusivement pour l’enseignement du catéchisme aux enfants du quartier. De loin en loin cependant une sépulture avait encore lieu dans son cimetière. Mais c’était surtout le voisinage immédiat de la maison de Roanne, siège de la sénéchaussée, qui valait à l’église de voir son enceinte s’emplir à certains jours. Du fait de ce voisinage, « Messieurs de la justice » s’étaient en effet accoutumés à la considérer comme la leur et à en user comme telle. Chaque année, après la Saint-Martin, à l’ouverture des cours, les membres de la sénéchaussée et du siège présidial s’y rendaient en corps, accompagnés des avocats et procureurs ; ils assistaient à la messe du Saint-Esprit, après laquelle ils procédaient à la prestation du serment.

Chaque année aussi, le 19 mai, fête de Saint-Yves, les conseillers du roi, notaires en la ville de Lyon, célébraient à Saint-Alban leur fête patronale. Tout membre de la communauté était tenu de fermer son étude ce jour-là et d’assister à la messe, sous peine d’amende. En outre, le dimanche qui suivait le décès de l’un d’eux, une messe était célébrée dans la même chapelle à l’intention du défunt.

Enfin Saint-Alban était le siège de la confrérie de Saint-Nicolas, dite vulgairement du Palais ou de la Basoche, instituée par la communauté des procureurs, qui y faisait célébrer la messe tous les dimanches. Les derniers jours de mai ou les premiers de juin, la procession de la Basoche se déroulait, partant de Saint-Alban, passant « devant la grande église, par la brèche Saint-Jean au Change, par la Juiverie, devant Saint-Paul, au puis de la Sail en rue de Flandres » et rentrant par la rue Saint-Jean. À son retour une grand’messe était chantée à laquelle assistaient Messieurs de la justice et Messieurs de la Ville. Le chroniqueur qui a noté ces détails dans les registres de Sainte-Croix a soin d’ajouter que la messe n’était point suivie d’un sermon. Pouvait-il en être autrement pour les enfants de la Basoche, condamnés par profession aux interminables auditions ?

Les entreprises d’un chapelain perpétuel de la grande église, chargé du service religieux de la confrérie, suscitèrent, au milieu du xviie siècle, les protestations des custodes de Sainte-Croix. Tenant de Messieurs de la justice la clé de la chapelle, Pierre Crespé n’avait point tardé à la considérer comme son fief. Non content d’en conserver la clé et d’en refuser l’entrée aux vicaires de Sainte-Croix et autres prêtres qui voulaient y célébrer, il avait organisé un véritable service paroissial. Tous les soirs, la cloche de Saint-Alban était mise en branle et les fidèles assemblés chantaient des hymnes. Les samedis, Crespé confessait, puis il donnait la communion et faisait « une infinité de choses qui ne peuvent être faites que par les seuls curés ou leurs vicaires » ; souvent il laissait le saint Sacrement exposé sur l’autel.

L’abbé Perrin, aumônier de la prison dite de Roanne à Lyon (1753-1844).

Le différend avait été porté devant le Chapitre et, une première fois, le 8 mars 1636, défense faite à Crespé « de confesser, communier, sonner la cloche et chanter des hymnes en ladite chapelle ». Il n’en avait guère tenu compte, et, le 8 novembre 1638, après l’avoir mandé et entendu, les chanoines prononçaient à nouveau (pi il lui était interdit de confesser et administrer les sacrements sans l’autorisation du curé. Il devait, en outre, remettre la clé pour qu’une seconde en fût faite à l’usage des custodes et de leurs vicaires. Comme sanction, le livreur de Saint-Jean eut ordre de ne lui délivrer ses distributions ordinaires que lorsqu’il aurait obéi.

Les Tourvéon conservèrent le tènement de Saint-Alban un peu plus d’un demi-siècle. Le 23 avril 1638, Jeanne Girard, veuve de Charles de Tourvéon, le vendit à Pierre de Sève, qui fît raser les bâtiments et édifier l’hôtel auquel il donna le nom de sa seigneurie de Fléchère.

Toutefois l’église fut conservée. Ce fut seulement le 24 décembre 1753 que le Chapitre donna à Étienne-Horace-Gabriel de Sève autorisation de la faire démolir.

Cette détermination n’avait été prise qu’en suite de l’étal des constructions et sur les conclusions d’un rapport dressé par les sieurs Rosset et Fauconnet, experts-architectes, rapport auquel ceux-ci avaient eu soin de joindre un devis des travaux nécessaires pour la conservation de la chapelle. Le 23 janvier 1754, Sève présenta au cardinal de Tencin, archevêque, une requête aux fins d’avoir de sa part la même autorisation de démolir ; à la suite, et en vertu d’un mandat en date du 28, François-Alexandre de Boffin de Pusigneux, vicaire général, dressa, le 10 du même mois, un procès-verbal constatant l’état d’extrême vétusté de l’église, puis, le 27 mars, l’archevêque rendit une ordonnance stipulant que le service religieux serait transféré à Sainte-Croix et que l’antique chapelle pourrait être détruite. Deux conditions y étaient mises : les vases sacrés, reliquaires et fondations devaient, sans aucune réserve, être transportés à Sainte-Croix ; en outre le cimetière devait être défoncé jusqu’à trois pieds de profondeur et les ossements exhumés déposés dans le cimetière paroissial.

Pourquoi ce respect pour les dépouilles des défunts ne s’est-il pas perpétué jusqu’à nos jours ?

À cette histoire de Saint-Alban doit être rattachée celle de l’aumônerie de la prison voisine dite de Roanne, et dont l’abbé Perrin fut la plus belle illustration. Le souvenir de ce dernier reste encore, après soixante ans, présent à la mémoire de beaucoup de Lyonnais, et sans doute est-ce ici le lieu de le rappeler en quelques mots.

André Perrin naquit à Feurs le 29 juillet 1753. Ses premières années se « passèrent au milieu d’une famille chrétienne, qui lui inspira de bonne heure la pensée d’entrer dans les ordres. Après avoir terminé ses études au séminaire de Saint-Charles, qui dépendait de la paroisse de Saint-Nizier de Lyon, il fut nommé vicaire de Feurs, et remplit pendant quatorze ans ses fonctions pastorales avec le dévoûment et l’abnégation qui furent la règle de sa vie ». Quand la Révolution voulut exiger de lui le serment de la Constitution civile, il refusa de le prêter. La conséquence de ce refus, c’était l’exil, et le digne prêtre s’y résigna. Il se mit en route vers la fin de septembre 1792, non sans se retourner plusieurs fois, vers sa famille et ses chers paroissiens.

Arrivé à Lyon, l’abbé Perrin y obtint, par l’entremise de son frère, un passeport pour la Suisse, sous le nom de Rimper, anagramme de son nom véritable, et il se disposa à gagner la frontière en se faisant passer pour voyageur de commerce. À travers des dangers sans nombre, il atteignit la frontière de Savoie où il faillit être reconnu fâcheusement pendant la visite des passeports à la douane du Pont de Beauvoisin.

Après Thermidor, l’abbé Perrin revint en France, mais il dut, comme tant d’autres prêtres, se cacher pour son ministère, qu’il accomplissait tantôt dans une maison, et tantôt dans une autre. « Un jour qu’il disait la messe dans la chambre d’un boulanger du faubourg de Vaize, nommé Olésat, un homme de la municipalité, en conséquence d’une dénonciation portée contre le vertueux prêtre, lui intima l’ordre de le suivre à la commune ; mais à peine y était-il arrivé qu’un autre municipal, nommé Prost, lui dit à voix basse : « Sortez, on ne vous voit pas, on arrangera le reste. » L’abbé Perrin fut de nouveau réduit à se cacher : retiré au faubourg Saint-Just, il y continua secrètement l’exercice de son ministère, et se vit encore plusieurs fois sur le point d’être arrêté. Après le Concordat « il fut d’abord attaché à l’église Saint-Jean en qualité de chapelain, mais, bientôt après, M. Claudin, son ami, curé de cette métropole, et qui avait deviné l’apôtre futur, le fit nommer aumônier de la prison de Roanne ».

Là, il se trouvait dans le milieu qu’il avait souhaité. Le dimanche, raconte un de ses biographes, « il dit la messe à ses prisonniers ; tous y assistent avec recueillement ; et l’ascendant de cet homme de bien sur les natures les plus perverties est tel, qu’ils feignent, au moins devant lui, les sentiments qu’il voudrait faire germer dans leurs cœurs. Après la messe, l’abbé Perrin leur fait une espèce de prône, peu long, peu brillant, car ce n’est point un orateur que l’abbé Perrin ; mais les paroles, chez lui, partent du cœur pour arriver au cœur. Les cérémonies religieuses terminées, il distribue à ses pensionnaires les effets d’habillement qu’il a pu se procurer, car s’il ne demande rien pour lui, il ne craint pas de demander pour ses enfants, et il arrive à Roanne chargé de souliers, de pantalons, de vestes, et d’autres vêtements également nécessaires dont il fait la distribution ».

Il se gardait bien de négliger les besoins moraux de ses prisonniers. Il avait fait établir à ses frais « dans chaque classe de détenus, c’est-à-dire dans le bâtiment des hommes et dans celui des femmes, deux bibliothèques composées chacune d’une centaine de volumes ». Tant de soins trouvaient d’ailleurs un écho dans l’âme de ces malheureux. Un jour dans l’année ils réunissaient le peu d’argent qu’ils avaient pu économiser aux dépens de leur appétit, et achetaient des fleurs ; c’était la Saint-André, fête de l’abbé Perrin.

Pour donner une idée de l’affection dont il était entouré, et du dévouement qu’il apportait à ses fonctions, il suffira de rapporter l’anecdote suivante bien suggestive. « Un jour, qu’on guillotinait sur la place des Minimes, l’abbé Perrin accompagnait un malheureux condamné à mort pour assassinat. Arrivé au pied de l’échafaud, le patient le pria d’y monter avec lui, et, voulant accomplir ce dernier vœu d’un mourant, l’abbé Perrin monta ; mais n’ayant pas vu la fatale bascule qui attendait béante le corps du supplicié, il y glissa et se fit une blessure grave. Remonté sur les fatales planches par l’exécuteur lui-même, qu’il appela à son aide, l’abbé Perrin, oubliant son mal, continua ses saintes exhortations au patient qui, se tournant avec intérêt vers lui, lui dit : « Vous vous êtes fait mal, Monsieur Perrin, et c’est pour moi ! — Ne songe pas à moi, mon enfant, lui répondit le digne prêtre, songe à Dieu devant qui tu vas paraître ». Et il lui donna le dernier baiser d’adieu. L’abbé Perrin se rappela toujours ce mot si étrange du condamné qui oubliait que sa tête allait tomber pour s’apitoyer sur la blessure dont il était la cause involontaire. Le bon abbé Perrin mourut le 4 mars 1844, et les regrets unanimes l’accompagnèrent à ce point qu’il circula presque aussitôt toute une imagerie populaire représentant le portrait du héros et les principaux traits de sa vie.

SŒURS SAINT-VINCENT DE PAUL

Vers le milieu du xviie siècle, une association de Dames de la Charité fut fondée à Lyon sous le nom et le patronage de sainte Françoise, veuve romaine canonisée en 1606. Cette œuvre étendait son action bienfaisante sur les paroisses Saint-Pierre-le-Vieux et Sainte-Croix, remplacées depuis le Concordat par la paroisse Saint-Jean, et sur la paroisse Saint-Georges qui a été conservée.

Une notice historique de l’œuvre de sainte Françoise fut commencée par M. l’abbé Rozier, curé archiprêtre de Saint-Jean de 1842 à son décès le 30 mai 1859. Malheureusement son travail ne put être terminé et il s’arrête à la révolution. Tout ce que nous dirons ici de la maison Saint-Jean est emprunté, sauf indication contraire, à cette notice et aux archives de l’œuvre Sainte-Françoise.

Les statuts de la société furent approuvés, le 2 mars 1656, par Antoine de Neuville, abbé de Saint-Just et vicaire général de Camille de Neuville, son frère, archevêque de Lyon. D’après une tradition conservée dans la société Sainte-Françoise, saint Vincent de Paul serait venu à Lyon inaugurer l’œuvre. Rien ne le prouve : il est même vraisemblable que si saint Vincent en eût été le fondateur, il lui aurait donné les mêmes forme et règlement qu’il donnait à toutes les Charités qu’il établissait. Cependant l’analogie qu’on remarque entre le règlement de Sainte-Françoise et celui des Dames de Charité de Châtillon-en-Dombes, alors du diocèse de Lyon, montre l’influence exercée par l’œuvre établie par saint Vincent à Châtillon, en 1617, et à Mâcon en 1623. Les dames de Lyon étaient d’ailleurs bien préparées aux œuvres de la charité chrétienne, car, dès l’an 1579, elles avaient offert à l’administration de l’Hôtel-Dieu d’aller chaque jour, à tour de rôle, visiter les malades et assister à leur repas. L’offre fut acceptée, et une liste des Dames fut dressée. (Dagier, Histoire de l’hôpital général, tome I, p. 118.)

La société Sainte-Françoise fut encouragée et récompensée de son zèle par les éloges et faveurs spirituelles qui lui furent accordés par les papes Alexandre VII en 1661 et Clément X en 1706. Cependant les Dames de Sainte-Françoise expérimentèrent bientôt, comme l’avaient fait celles de Paris, qu’elles ne pouvaient pas toujours rendre aux pauvres les services réclamés par leur état ; aussi voulurent-elles se donner des aides en appelant à leur secours les Filles de la Charité. La venue à Lyon des religieuses fut procurée par un prêtre de grand mérite, M. Démia, fondateur des sœurs Saint-Charles ; on lit, en effet, dans sa vie : « Informé qu’un grand nombre de pauvres honteux, par l’extrême répugnance qu’ils avaient à se retirer à l’hôpital, étaient réduits dans leur maladie à une extrême misère, M. Démia conçut le dessein de faire venir à Lyon les Filles de la Charité. Il pria une dame d’une grande piété, Mme Pichon, d’entreprendre cette œuvre. En conséquence, M. Démia demanda à messieurs de Saint-Lazare deux sœurs pour les établira Lyon. Elles arrivèrent dans cette ville le 14 août 1671, et comme la maison qu’elles devaient occuper n’était pas encore meublée, M. Démia les logea pour quelques jours dans la sienne. » C’est de ce moment que date cette organisation si ingénieuse et qui portera désormais tant de fruits : l’œuvre dirigée et soutenue par les Dames de Charité, c’est-à-dire des personnes du monde, et le travail confié par elles à des Filles de la Charité ou sœurs Saint-Vincent de Paul.

Par acte du 6 février 1679, Mme Pichon, née Louise Pérachon, constitua, au capital de 6.000 livres, une rente perpétuelle de 300 livres, dont 200 devaient être « payées aux deux filles de la Charité qui servent présentement les pauvres malades des susdites paroisses, sans être tenues d’en rendre autre compte que celuy auquel elles sont obligées par leur institution » ; 45 livres de cette rente annuelle étaient le prix de la maison qui était achetée pour l’œuvre, et dans laquelle « outre le logement des dites sœurs de Saint-Lazare, il y aura un lieu pour tenir les écoles des petites filles pauvres et pour la demeure de deux filles qui auront la direction des dites écoles ». Les 55 livres restantes devaient être le gage de ces deux filles chargées des classes.

Les conditions de cette constitution de rentes étaient les suivantes ; nous en respectons la teneur et le style : 1° Les supérieures de la communauté des filles de la Charité, servantes des pauvres malades, établies au faubourg Saint-Lazare de Paris, s’obligeront de fournir et entretenir à perpétuité deux filles de la Charité et une troisième lorsqu’on fournira les fonds nécessaires pour son établissement, pour assister les pauvres malades des paroisses Saint-Pierre-le-Vieux, Saint-Georges et Sainte-Croix, et pour enseigner les pauvres filles de ces paroisses ; en sorte que, quand les unes viendront à mourir ou à être rappelées, la communauté sera tenue d’en envoyer d’autres.

2° Elles seront établies sous la juridiction de Mgr l’archevêque de Lyon et de M. le curé de la paroisse Saint-Pierre-le-Vieux.

3° Le supérieur général de la Mission pourra les visiter, confesser ou assigner un confesseur, les rappeler en substituant d’autres à leur place.

4° Pour le temporel et entretien des pauvres, elles seront entièrement soumises aux Dames de charité établies dans leur paroisse, et particulièrement à la supérieure pour la réception des pauvres, distribution des bouillons et congé des pauvres.

5° Elles ne seront pas tenues d’assister les filles qui auraient été débauchées, ni les femmes dans leur accouchement, ni de sortir la nuit pour visiter les malades, ou les veiller.

6° Elles feront elles-mêmes les sirops, confitures, décoctions, tisanes, infusions et remèdes suivant l’ordonnance des médecins.

7° Elles seront tenues de n’assister que les pauvres malades et de n’employer le temps que pour eux, pas même pour messieurs les ecclésiastiques s’ils ne sont pauvres ; elles n’iront jamais chez eux sans grande nécessité et accompagnées.

8° Elles tiendront un mémoire de la recette et dépense, qu’elles présenteront tous les mois à la trésorière des Dames de charité.

9° Elles seront entretenues de gros linge et ustensiles aux dépens de la Charité, et en cas de maladie, comme les autres pauvres, aux dépens de la Charité qui leur fournira les remèdes.

10° Les frais des voyages des sœurs que les Dames demanderont à être changées, comme de celles qui seront envoyées en leur place et de celles qui mourront, seront fournis par les dites Dames de charité. Quant à celles qui seront rappelées pour aller en d’autres maisons, leur voyage sera supporté par les Filles de Saint-Lazare, et non par les Dames, si ce n’est qu’elles eussent demeuré six ans et qu’elles fussent rappelées pour demeurer à Paris.

11° En cas de décès d’une religieuse, son corps sera levé par M. le curé et porté sans pompe pour être enterré en l’église ou cimetière de la paroisse, et suivi par des sœurs avec une bougie en main ; outre la grand’messe et vigile, seront célébrées deux autres messes basses aux frais de la confrérie.

Le 15 décembre de la même année 1679, ce traité fut ratifié à Paris, par devant notaire et signé par M. Edme Jolly, supérieur général, sœur Mathurine Guérin, supérieure de la communauté des Filles de la Charité, sœur Suzanne Parent, assistante, Marie Chelle, économe, et Françoise Michaud, officière.

Le contrat portait aussi que, au cas où rétablissement des sœurs vînt à cesser, ou qu’on voulût y apporter quelque changement, la somme versée appartiendrait de plein droit à messieurs de l’hôpital du Pont-du-Rhône, aussi bien que la maison en l’état qu’elle se trouverait.

Mme Pichon choisit pour la demeure des sœurs une maison, « la plus proche de l’église de Saint-Pierre-le-Vieux, qu’elle put trouver, tant pour donner aux sœurs plus de facilité d’exercer leur dévotion, que pour les mettre plus en vue aux paroissiens, afin de les émouvoir et inciter davantage à faire des charités pour les pauvres malades ».

Cetlte maison était située au coin de la rue Pisse-Truie, aujourd’hui Saint-Pierre-le-Vieux et de la rue d’Or, aujourd’hui rue Dorée. Cet emplacement fut cédé à la ville, en 1842, pour former l’avenue du Doyenné.

La maison des sœurs n’était pas grande : 28 pieds de long sur 12 de large à un bout, et 16 à l’autre. Elles durent y faire des réparations importantes, voûtes de cave, puits, etc. À l’occasion de ces réparations, le Chapitre primatial qui avait juridiction sur ce bout de la rue, et l’autorité civile de qui dépendait le côté du Gourguillon, reconnurent la nécessité d’élargir cette rue très fréquentée, et de lui donner la largeur réglementaire de seize pieds. Pour cela, il fallait reculer la maison des sœurs de huit pieds et ne leur laisser qu’une largeur inutilisable de quatre ou cinq pieds.

Pour les indemniser des dépenses faites en réparations, le Consulat et le Chapitre, de concert, s’engagèrent, par acte du 21 juin 1680, à payer les 45 livres de rente annuelle qui étaient le prix de leur maison, à leur donner la maison voisine, à l’ouest, soumise aussi au reculement, et également à payer 110 livres de rente annuelle. Enfin, par acte du 15 décembre 1680, Mme Pichon acheta la troisième maison, à la suite, avec jardin, laquelle tombait en ruine et devait aussi être reculée. Elle l’obtint pour 1 00 livres de rente, mais comme elle en recevait 70 d’indemnité pour le reculement, le prix de l’acquisition était réduit à 30 livres. C’est sur l’emplacement de ces trois immeubles, qu’on dut bâtir l’habitation des sœurs et les classes. Il ne reste aucune pièce concernant cette construction. L’acte du 21 juin 1680 donne le nom des premières sœurs, et elles étaient déjà trois : Anne Dupré, Jeanne Girardin et Cantienne Amyet. Leur conseil était M. Jean Le Hait, supérieur de la maison des prêtres de la Mission, établie à Lyon depuis 1668.

Les dames de la paroisse Saint-Michel, près d’Ainay, laquelle comprenait les paroisses actuelles d’Ainay, Saint-François et Sainte-Croix, voyant le bien que faisait la société, demandèrent à en faire partie ; elles y furent admises avec approbation de l’autorité ecclésiastique donnée le 8 août 1681. À cette occasion, le 5 mars 1682, M. Perrachon, marquis de Saint-Maurice, voulut contribuer, par une rente annuelle de 47 livres, à l’entretien de la troisième sœur, à la condition qu’elle visiterait les pauvres de la paroisse Saint-Michel. Mais, en 1695, après quatorze ans d’union, les dames de Saint-Michel formèrent une société distincte, et établirent les Filles de la Charité dans leur paroisse. Ce fut le commencement de la Marmite actuelle transférée du 18 de la rue de la Charité, dans son local actuel, rue Auguste-Comte ; 27. À ce propos, on se demande souvent pourquoi ce terme de la Marmite appliqué à ce genre d’établissement : la raison en est simple, avant la révolution, et jusque vers 1830, les maisons des sœurs Saint-Vincent-de-Paul étaient appelées, à Lyon, des Marmites, à cause du genre d’aumônes qui y était fréquemment usité.

En 1698, il y avait déjà quatre sœurs à la Marmite de Saint-Pierre-le-Vieux, dont deux faisaient la classe ; elles avaient remplacé les deux religieuses dont il est question dans l’acte de fondation. Le 30 mai 1698, on installa une cinquième sœur, dont l’institution fut fournie par les bénéfices de la pharmacie.

Mme Pichon parut, à un certain moment, vouloir révoquer sa fondation ; mais, en octobre 1698, elle déclara devant notaire confirmer ses premières dispositions et reconnut que les pauvres trouvaient dans cette œuvre le soulagement et l’assistance qu’on en pouvait attendre.

À la même époque, les Filles de la Charité furent appelées à l’hôpital de la Charité de Lyon. Elles devaient y remplacer les sœurs de la Providence, de Paris, reçues par acte du 22 décembre 1697, « après avoir fait preuve de leur utilité pendant neuf mois ». Malgré cet essai de neuf mois, sept mois après, le 22 juillet 1698, le recteur de l’hôpital de la Charité, signait à Paris, devant notaire, un traité avec la communauté des Filles de la Charité, pour leur entrée à l’hôpital. Le traité fut approuvé et ratifié par les administrateurs « pour être exécuté en sa forme et teneur pendant tout le temps qu’ils le jugeront à propos et utile à l’hôpital de la Charité ».

Ils ne le jugèrent pas longtemps satisfaisant, car, huit mois après, le 8 mars 1699, le bureau déclare que « Messieurs de Saint-Lazare et la supérieure des Filles de la Charité, établies à Paris, du nombre desquelles il en était venu douze dans cette maison, n’ayant pas agréé la ratification conditionnelle, faite par le bureau, du contenu qui avait été passé avec elles, et le bureau ayant d’ailleurs considéré qu’il ne convenait pas à cette maison de la faire servir par des personnes engagées à une communauté et qui se trouveraient soumises à deux autorités différentes, comme seraient les Filles de la Charité, qui, aux termes du contrat, dépendraient de leurs supérieur et supérieure et de messieurs les recteurs, tous ensemble ; que l’institution de ces Filles était même plutôt pour servir les pauvres malades que les valides ; pour ces raisons et plusieurs bonnes considérations, le bureau a résolu et délibéré de ne plus garder dans la maison les dites Filles de la Charité et de la faire servir par telle autre personne qu’il verra bon être » (Archives de la Charité, Inventaire sommaire, E, 47, 48). Un peu plus loin, l’Inventaire porte : « Payé par le trésorier 80 livres pour les appointements échus jusqu’au 26 mars 1699 des sœurs de la Charité qui avaient servi la maison, et 322 livres 4 sous pour quatre places à la diligence de Paris ou retournaient les dites religieuses. » L’inventaire a dit plus haut qu’il était venu douze sœurs, et ici il n’est question que de quatre places ; on ne voit pas pourquoi cette différence. M. Henri de Boissieu, racontant ce fait dans le Correspondant du 25 novembre 1902, ajoute : « Ces religieuses, dont l’éloge serait superflu, avaient malheureusement commis une légère faute, celle de ne pas tenir suffisamment compte du caractère lyonnais. Elles avaient le tort, impardonnable à Lyon, de s’appuyer sur leur supérieur général ou même sur l’archevêque, ce qui exaspérait les recteurs laïques si chatouilleux sur les chapitres de l’indépendance et de l’autorité. »

À l’Hôtel-Dieu aussi, quelques années auparavant, il avait été question d’appeler les Filles de la Charité, mais ce projet n’eut pas de suite, on ne sait pourquoi. En 1661, raconte Dagier (Histoire de l’hôpital général, tome Ier, p. 413), « Monsieur le recteur président offre à sa compagnie, dans le cas où elle persisterait dans son projet d’appeler à l’Hôtel-Dieu, pour le service des malades, des Filles, dites sœurs grises de Paris, de meubler à ses frais l’appartement qui leur sera destiné ». Il ne fut plus question de ce projet.

L’année même, 1699, où les sœurs Saint-Vincent quittaient l’hospice de la Charité, elles étaient appelées à Saint-Paul pour aider les Dames de cette paroisse, qui, depuis vingt-quatre ans, en 1675, avaient établi l’œuvre de la Marmite dans la maison dite du Cygne, rue de Bourgneuf. C’est la maison où habitent encore les sœurs de Saint-Paul, la rue de Bourgneuf étant devenue le quai Pierre-Scize.

Cependant, à Saint-Pierre-le-Vieux, le travail des religieuses augmentant toujours, les Dames en demandèrent une sixième, le 3 décembre 1703. Elle leur fut accordée, le 6 mai 1704, et retirée bientôt après. Les Dames, dans leurs assemblées de décembre 1705, janvier et février 1706, sollicitèrent son retour, et M. Gallien, ancien visiteur de Saint-Lazare, leur exposa que les nombreuses demandes faites à sa communauté, le mettaient dans l’impossibilité de les satisfaire ; il les pria d’attendre jusqu’à l’année suivante, 1707.

L’époque de l’arrivée de la septième sœur n’est pas connue : ce fut vraisemblablement en 1711, car on s’occupa alors du prix de la pension des sœurs et on le porta à 150 livres. Mais, en 1727, une somme de 6.000 livres ayant été léguée à la société Sainte-Françoise par Mme veuve de Souternon, pour en affecter le revenu à la pension de la sixième sœur et aussi de la septième qui avait été payée jusque-là sur la pharmacie, un nouveau traité fut conclu entre la société Sainte-Françoise et la communauté, pour fixer cette pension à 200 livres pour chacune. Cet acte, du 20 février 1732, porte la signature de M. Bonnet, supérieur général, et des sœurs Pasque Carlier, supérieure, Marie-Anne Bonnegoye, Suzanne Platran et Suzanne Chevalier, officières.

On trouve quelques détails intéressants sur la communauté des Filles de la Charité, à cette époque, dans les circulaires que leur adressait M. Bonnet, supérieur général de 1711 à 1735. Il serait trop long d’entrer ici dans ces renseignements circonstanciés et parfois très intimes.

La maison de Saint-Pierre-le-Vieux était relativement importante puisque, avec ses sept sœurs, elle dépassait de deux unités la moyenne d’alors. Ce nombre s’accrut encore, en 1767, par la fondation d’une huitième sœur, et peu de temps après arriva la neuvième. Lorsqu’éclata la Révolution, elles étaient neuf, dont six étaient payées par des fondations faites à l’œuvre, et les trois autres par des dons adressés directement aux sœurs, dont elles n’avaient à rendre compte qu’à leurs supérieurs, enfin par le produit de leur pharmacie.

La maison que les sœurs occupaient dut aussi s’agrandir. L’œuvre acheta, en 1736, le petit jardin et le bâtiment du sieur Roman, joignant la propriété des religieuses Trinitaires ; et, en 1746, elle acquit de la veuve Dulieue, une maison située à la suite, sur la rue Pisse-Truie, qui semblait alors rougir de son nom et vouloir s’appeler rue de Rozin ou Saint-Pierre-le-Vieux. C’est cette dernière appellation qui prévalut.

Le bien accompli par l’œuvre Sainte-Françoise et par les sœurs de la Charité en explique les progrès. On faisait à l’œuvre des dons et fondations en faveur des pauvres des trois paroisses sur lesquelles elle étendait son action.

Des chanoines et autres ecclésiastiques de Saint-Just, ainsi que des personnes charitables de cette paroisse, firent profiter leurs pauvres des charités de l’œuvre Sainte-Françoise, en y fondant des portions quotidiennes de pain, bouillon et viande. De 1740 à 1790, il y eut seize portions fondées. Il fallait pour chacune un capital de 3.000 livres au moins, ou de 150 livres de revenu. Pour les 16 portions fondées en faveur de Saint-Just, le capital s’élevait à 51.800 livres et le revenu à 2.460.

Parmi les dons faits à la société Sainte-Françoise on note, en 1687, quatre maisons situées à Saint-Georges. Le sieur Amable Berthon, conseiller du loi, les avait léguées à son neveu Jean Bissalard, et si celui-ci mourait sans enfants, ce qui arriva, à ses confrères les pénitents du Saint-Crucifix, appelés de Saint-Marcel, pour être par eux employés en faveur des pauvres honteux ou malades de la paroisse Saint-Georges. Les pénitents de Saint-Marcel, effrayés des charges annexées à ce legs et des procès à soutenir avec la veuve du testateur et d’autres, offrirent aux Dames de Sainte-Françoise de leur céder cet héritage, et celles-ci acceptèrent en 1687. Elles comprirent bientôt, mais trop tard, le fardeau dont elles s’étaient chargées : nombreuses rentes à payer, plusieurs procès à soutenir, réparations urgentes à faire, et pour faire face à tant d’obligations, des maisons habitées par des pauvres qui ne pouvaient payer leur loyer. L’œuvre dut faire de nombreux débours au détriment des pauvres de Sainte-Croix et de Saint-Pierre-le-Vieux. Le conseil de l’œuvre, auquel assistaient les trois curés des paroisses intéressées, ne trouva pas d’autre moyen de rétablir une juste compensation qu’en rendant les maisons de Saint-Georges communes à toute l’œuvre et en confondant leur revenu dans la caisse générale de l’œuvre.

En 1789, les bâtiments produisaient 1.210 livres de revenus dont voici le détail : les maisons nos 90 et 91 : 390 livres ; la maison no 110, avec jardin : 250 livres ; enfin la maison no 111, avec jardin : 570 livres ; ajoutons cependant que les frais de réparations et autres réduisaient ce revenu de moitié.

L’œuvre était riche surtout en rentes placées ; par exemple 826 livres sur le clergé de France ; 390 sur le clergé de Lyon ; 420 sur les chapitres de Saint-Jean et de Saint-Just ; 800 sur les hôpitaux de Lyon ; 4.975 sur la ville de Lyon ; 700 sur la trésorerie de France ; 300 sur la ville de Paris ; enfin sur des particuliers. Au moment de la Révolution, elle possédait, outre la maison des sœurs, un capital d’environ 250.000 livres, et près de 10.000 livres de revenu. Un état de l’œuvre, rédigé par la supérieure des sœurs, établit de fait un revenu total de 9.470 livres, alors que les calculs de M. Rozier, faits sur les actes, le portent à 10.281.

Le bien ne se fait pas sans difficultés : il en survint pour la maison de Saint-Pierre-le-Vieux du côté de la pharmacie. Outre les services qu’elle rendait aux pauvres.

la pharmacie était pour la maison une ressource, et fournissait l’entretien d’une ou deux sœurs. On n’y préparait que des remèdes simples et d’une efficacité éprouvée. Les sœurs avaient même la propriété de plusieurs recettes importantes qui avaient de la vogue. L’assemblée ou conseil du o mai accepta avec reconnaissance un remède contre la rage qui fut enseigné et offert par le commandeur-curé de Saint-Georges. Or, la vente des remèdes éveilla la susceptibilité des apothicaires de la ville, et, dès 1690, la pharmacie des sœurs fut attaquée. Les supérieurs, par crainte et par prudence, interdirent la vente des remèdes ; mais les Dames ayant fait comprendre à M. Cornier, visiteur, le préjudice que celle mesure causait à l’œuvre, celui-ci promit de plaider leur cause, dès son retour à Saint-Lazare de Paris. Mme Pichon, énergique malgré sa vieillesse, s’indigna de ce qu’elle appelait hésitation et faiblesse ; elle menaça de révoquer la fondation qu’elle avait faite. La supérieure générale, émue de tant de plaintes, permit alors un débit modéré des remèdes en faveur des Dames de la société et de leur famille. C’est alors, en 1698, que Mme Pichon fit la déclaration dont il a été question, pour rétracter ce qu’elle aurait pu faire de contraire à la fondation.

Il était cependant difficile de se renfermer dans les limites assignées ; on s’en écarta peu à peu et on finit par reprendre l’habitude de vendre des remèdes à tous indistinctement. Pendant longtemps les apothicaires semblèrent en prendre leur parti. Mais, en 1763, une plainte fut déposée contre les pharmacies des Marmites du Doyenné, de Saint-Paul et de Saint-Pierre-le-Vieux. Elles furent défendues par les curés des paroisses intéressées, et, malgré cela, condamnées, le 7 février 1763, chaque maison à 100 livres d’amende et aux dépens. Cependant « les sœurs furent maintenues dans leur titre et qualité de sœurs de la Charité, et, en conséquence, dans le droit et faculté de composer et distribuer gratuitement aux pauvres les remèdes à eux nécessaires ». Une troisième attaque eut lieu en 1789 ; pour parer le coup qui, cette fois, aurait pu être fatal aux pharmacies, les Dames de Sainte-Françoise, chargèrent un savant théologien, M. Jacques, de rédiger un mémoire qui fut présenté à l’archevêque, Mgr de Marbœuf, et au doyen du chapitre. La Révolution qui survint rendit ces précautions inutiles.

D’autres difficultés se présentèrent du côté des hôpitaux de Lyon. Les recteurs de l’Hôtel-Dieu et ceux de la Charité qu’on appelait aussi l’Aumône générale, ne voyaient pas de bon œil une œuvre qui était pour eux une rivale, et attirait à elle les ressources qui leur semblaient destinées. L’Hôtel-Dieu manifesta son mauvais vouloir et prétendit, en 1690, racheter par le paiement du capital les rentes annuelles el perpétuelles qu’il avait à servir aux Dames de Sainte-Françoise : il échoua, car les rentes n’étaient pas rachetables. Trois ans plus tard les recteurs arrêtèrent qu’ils ne recevraient plus les pauvres malades de Saint-Pierre-le-Vieux, Sainte-Croix et Saint-Georges et qu’il ne leur serait plus accordé de remède. Cette mesure cependant ne fut pas mise à exécution par crainte de l’indignation générale. Un nouveau conflit survint au sujet des quêtes. L’Hôtel-Dieu faisait quêter tous les deux ans, à la mi-carême ; les Dames de Sainte-Françoise ou sœurs de la Marmite, se permettaient d’en faire autant, à l’époque de la fête de sainte Françoise qui coïncidait parfois avec la quête de l’Hôtel-Dieu. Les recteurs obtinrent du sénéchal de Lyon que les quêtes des Dames ne pussent se faire en même temps que la leur. (Dagier, tome II, page 36.)

En 1716, une semblable difficulté s’éleva avec la Charité. Les Dames allaient s’installer pendant toute l’octave du Saint-Sacrement dans l’église de cet hôpital pour y faire leur quête. Les recteurs, trouvant le procédé trop hardi, portèrent plainte au chapitre de la Primatiale en réclamant sa bienveillante intervention. Les Dames s’adressèrent à l’archevêque et obtinrent de lui de continuer leurs quêtes annuelles à la Charité, qui cependant avait grand besoin de ressources pour faire face à ses charges. En 1743, est-il raconté dans l’Histoire de l’hôpital par Dagier (tome II, p. 109), « des Dames dites de la Charité, ont formé le projet d’établir à Lyon un autre hôpital pour les pauvres incurables ; mais les recteurs et administrateurs s’y opposent. Dans un mémoire qu’ils présentent à sa Majesté, ils exposent le préjudice que cet établissement porterait à l’Hôtel-Dieu ; car, ajoutent-ils, pour peu que les aumônes diminuent, l’Hôtel-Dieu ne sera plus en étal de subsister ».

Les écoles des Filles de la Charité étaient également en butte à de nombreuses difficultés. Il existait à Lyon un bureau des petites écoles, créé en 1679, par l’archevêque, pour administrer les classes de la ville, établies par Charles Démia, fondateur des sœurs Saint-Charles. Cette administration prétendait exercer son autorité sur toutes les écoles de la ville, recevoir les dons, nommer les maîtres et maîtresses. En 1684, à l’occasion d’un legs Langlois, une ordonnance épiscopale reconnut l’indépendance de l’école des sœurs ; un autre décret de 1717, rendu au sujet d’un legs Josserand, de 3.000 livres, en faveur de toutes les écoles de Lyon, obligea le bureau à remettre aux sœurs de la Marmite la seizième partie du legs, et, à l’avenir, de tous les legs qui seraient faits pour les écoles. » Le bureau essaya souvent, dit le biographe de M. Démia, de faire révoquer cette ordonnance, qu’il trouvait injuste à cause de la proportion du seizième attribuée à l’école de Saint-Pierre-le-Vieux ». C’est sans doute pour répondre à une de ces attaques que fut rédigé un mémoire conservé aux archives de la société Sainte-Françoise. Il donne sur les classes les détails suivants : « Les sœurs sont au nombre de sept, entre lesquelles trois sont uniquement employées pour prendre soin de l’école des pauvres filles, qui sont au nombre de 200. Elles ont soin d’attirer dans ces classes toutes les pauvres filles, en privant de la portion qu’on distribue journellement aux infirmes, les pères et mères qui refusent d’envoyer leurs filles à l’école. Les sœurs ne bornent pas leurs soins à les instruire, à les mener à la messe et à confesse ; elles s’appliquent encore à soulager leurs besoins en fournissant aux unes du linge et des habits, et en procurant aux autres des apprentissages aux frais des Dames. »

Nous voici arrivés aux mauvais jours de la Révolution. La communauté est alors gouvernée par sœur Thérèse, pleine d’ardeur et de dévouement. Pendant le siège de Lyon, elle ne quitta point ses pauvres ; s’étant mise à la disposition du conseil siégeant à l’Hôtel de ville, elle rendit des services signalés. Une bombe, lancée par les assiégeants, éclata sur la maison, elle ne voulut pas l’abandonner : » un bon soldat, disait-elle, doit mourir à son poste ». Dans le feu de la persécution, elle s’éclipsa quelque temps, puis, lorsque le calme commença à se rétablir, elle revint à son œuvre chérie. Les archives de la maison permettent de donner de plus amples détails sur la période révolutionnaire. Un décret du 18 août 1792 supprima les congrégations séculières, confréries et costumes religieux. L’article 2 ajoute : « néanmoins dans les hôpitaux et les maisons de charité, les mêmes personnes continueront comme ci-devant le service des pauvres et le soin des malades, à titre individuel, sous la surveillance des corps municipaux et administratifs », jusqu’à une organisation définitive qu’on avait en vue. Les sœurs purent rester à leur poste en prenant un costume laïque, et elles y demeurèrent environ un an. On pense bien qu’elles n’avaient pas une entière liberté pour leurs œuvres que l’administration civile voulait diriger.

Le 21 décembre 1792, an 1er de la république, le corps municipal arrête : « 1° que les citoyennes, préposées à la manutention des Marmites sont autorisées à distribuer aux infirmes de leur arrondissement les chemises, couvertures, bouillons, portions, cordiaux et autres secours semblables, comme aussi de faire blanchir les chemises des infirmes, le tout sous la surveillance des citoyens et citoyennes ci-devant trésoriers et trésorières de l’œuvre, et qu’à cet effet, il sera procédé à la levée des scellés apposés sur ces objets ; 2° que la distribution de pain et autres objets comestibles et de chauffage faite par l’œuvre des Marmites, demeure supprimée, attendu que la société fraternelle est chargée de fournir ces secours. Toutefois, l’œuvre des Marmites ne cessera pas de faire ces distributions avant que l’on soit assuré qu’elles seront faites par la société fraternelle. » Dix jours après, le 31 décembre 1792, la municipalité faisait écrire à la citoyenne ci-devant administratrice de l’œuvre « pour la prier de vouloir bien lui continuer ses soins ».

Cependant, en 1793, le régime de la Terreur suscita à Lyon la révolte qu’on sait. La Convention envoya une armée pour réduire la ville. Le siège dura du 8 août au 9 octobre. Puis ce furent des massacres horribles. Le procès-verbal d’une visite faite à la maison, le 21 janvier 1801, par le maire du 6e arrondissement de l’Ouest, raconte ce qui se passa au temps de la Terreur : « Cet hospice, dit-il, fut détruit, on vendit et dilapida les meubles et les effets, les sœurs furent obligées de se disperser sur différents points de la République, mais leur zèle ne se ralentit point par la persécution ; se rappelant les devoirs sacrés de leur institution, elles se réunirent et sollicitèrent, dès l’an IV (1796), leur rentrée dans cette maison. »

L’établissement avait été mis en vente, les biens confisqués et déclarés nationaux, comme, en particulier, les immeubles voisins appartenant aux religieux Trinitaires ; mais il ne trouva pas d’acquéreurs et demeura entre les mains de la municipalité.

La loi du 2 brumaire an IV (22 octobre 1793) et celle du 28 germinal suivant mirent provisoirement les hôpitaux et maisons de secours en possession de leurs immeubles ; aussi, le 23 thermidor an IV (août 1796), de nombreux citoyens signent-ils une nouvelle pétition aux administrateurs du département du Rhône pour obtenir de rentrer en possession des maisons, revenus et papiers de l’œuvre de la Marmite. Le 24 fructidor suivant (16 septembre), l’administration municipale du canton de l’Ouest, séant à la ci-devant manécanterie « lecture faite de la pétition présentée par un grand nombre de citoyens, tendant à ce que les biens de l’œuvre ci-devant établie rue Pisse-Truie, lui soient rendus, que les filles qui la régissaient, sous le nom de Filles de la Charité, y soient rappelées, « estime qu’il y a lieu de faire droit à la pétition, à la réserve néanmoins que les biens ne seront aucunement remis entre les mains des Filles de la Charité, mais seront régis par des citoyens. »

Un arrêté de l’administration départementale, en date du 28 fructidor an IV (20 septembre 1796), réintégra les sœurs dans leur œuvre, et, depuis cette époque, dit le rapport de 1801, déjà cité, « malgré la privation des ressources qu’elles avaient anciennement, elles n’ont cessé de visiter les pauvres et les malades et de leur distribuer des remèdes, sans exiger d’eux aucune rétribution ».

En 1797, les commissions administratives des hospices avaient la surveillance des Marmites (Dagier, t. II, p. 372) ; mais une loi du 1er frimaire an V attribua aux bureaux de bienfaisance la régie des secours à domicile et des œuvres consacrées aux indigents. C’est pour cela, sans doute, que le 23 floréal an IV (12 mai 1798), l’administration centrale du Rhône certifie et atteste que l’œuvre de la Marmite du ci-devant Saint-Pierre-le-Vieux, appelé maintenant bureau de bienfaisance du canton de la Raison, n’a été réuni à aucun autre hospice et que, pour la régir et administrer, les citoyens Desgranges, Lamartinière et Dumont ont été nommés administrateurs, et la citoyenne veuve Goye, trésorière.

Le 1er nivôse an 9 (décembre 1800), le ministre Chaptal rappelle la sœur Deleau, et l’installe, comme supérieure générale, rue du Vieux-Colombier, à Paris. La communauté avait alors 260 établissements rétablis, que Napoléon autorisa en l’an XI. En 1800, une pétition en faveur de la pharmacie des sœurs, menacée par une affiche du 15 prairial an 8, dit que « les citoyennes, dites sœurs, ont toujours travaillé pour les besoins des pauvres et que les profits qu’on a pu faire ont toujours été versés dans le sein des pauvres ». Le 21 nivôse an IX (H janvier 1801), le maire de l’arrondissement de l’Ouest visite la Marmite, par ordre du préfet, pour s’informer des revenus aliénés et de ceux qui restent à l’œuvre. Il trouve un total de 3.764 livres, composé du revenu annuel de 2.964 livres et de 800 livres que doivent les hôpitaux.

Dans ce chiffre, la maison, qui était le siège de l’œuvre, figurait pour 644 livres, ce qui suppose qu’on en avait loué une partie, peut-être parce qu’on ne faisait plus la classe et qu’il n’y avait que quatre sœurs.

Bientôt après, une note non datée porte le revenu annuel à 4.950 livres, parce que, depuis l’an IX, on reçoit de l’État 2.512 livres, résultant de la liquidation qui a été faite de ce qui était dû par la ville de Lyon et la trésorerie de France.

Le brouillon d’un rapport adressé, en 1859, par Madame de Carambert à Monseigneur l’archevêque, dit que l’association Sainte-Françoise disparut au moment de la tempête révolutionnaire de 1793, pour reparaître en 1804. « Tout d’abord, elle s’empressa de recueillir les quelques débris qui avaient échappé au naufrage et reprit le cours dé ses distributions charitables aux indigents de son ancienne circonscription jusqu’en 1827 ». Les pièces officielles citées plus haut montrent que les pétitions des citoyens, le zèle des sœurs et le concours de l’administration civile avaient réorganisé le service des pauvres huit ans plus tôt, en 1796.

Les sœurs avaient dû prendre des vêtements séculiers en 1792 et n’avaient pas encore été autorisées à reprendre l’habit religieux. La circulaire de la mère Deschaux, du 2 janvier 1805, annonce que permission est accordée de reprendre l’ancien costume, le 25 mars suivant. En voyant la communauté adopter le costume noir pour plus d’uniformité et maintenir la prohibition du voile, on est autorisé à croire que, même avant la Révolution, on s’était relâché au sujet de l’uniformité dans le costume, et qu’il y avait une tendance à s’habiller comme les religieuses. L’usage du noir dura jusqu’en 1835.

M. Courbon, vicaire général de Lyon.

En 1805, les sœurs de Saint-Jean eurent la joie, mêlée sans doute de quelques regrets, de savoir le cœur de saint Vincent à quelques pas de leur maison. Au moment de la dispersion des deux communautés de Paris, en 1792, et par crainte de profanation, il avait été emporté à Turin, avec l’autorisation du supérieur général, M. Coyla de la Garde et avec la promesse de le rendre aussitôt que la congrégation serait rétablie en France. Or, le 1er janvier 1805, le cardinal Fesch, archevêque de Lyon et oncle de l’empereur, écrivait à l’archevêque de Turin : « En ma qualité de grand aumônier de l’Empire, les Missionnaires et les Filles de la Charité étant rétablis, je réclame ce dépôt et vous prie de le remettre au général de Menou qui me le fera parvenir. » Le cardinal parlait ensuite de « restitution ». La restitution fut faite par ceux qui étaient les dépositaires de la précieuse relique. Les prêtres de la Mission, dispersés en Italie, la concédaient à leur maison-mère que, d’après la lettre du cardinal, ils croyaient rétablie. Il n’en était rien. Mais, à défaut de la maison-mère des missionnaires, on avait celle des Filles de la charité, provisoirement installée rue du Vieux-Colombier, qui gardait déjà le corps de saint Vincent ; elle aurait pu tout aussi bien garder son cœur. On ne paraît pas avoir eu cette pensée à Lyon, mais on crut que saint Vincent, ayant été curé à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), qui avait appartenu jusque-là au diocèse de Lyon, il était naturel de garder son cœur à la Primatiale, et pour cette raison, dit Mgr Lyonnet, dans sa vie du cardinal Fesch (tome II, p. 232), Napoléon fit remettre à son oncle la précieuse relique. Celui-ci, à son tour, la remit solennellement au Chapitre de l’église Primatiale, le dimanche 19 septembre 1805, (Vie de M. Duplay). Comme consolation, le vicaire général, M. Courbon, céda aux religieuses de Lyon le précieux volume (t. II de la Vie des saints, par le Père Giry), dans l’intérieur duquel on avait enfermé la relique et le reliquaire lui-même. On leur en donna une attestation portant la signature des trois vicaires généraux et la date du 5 octobre 1805. Elles ont fidèlement gardé l’attestation avec le volume, respecté comme une relique.

C’est en mars 1806 que mourut la vaillante supérieure Thérèse Bonard ; elle fut remplacée par sa compagne, sœur Jonard.

Mgr Lyonnet, prêtre du diocèse de Lyon, puis évêque de Valence (1857) enfin archevêque d’Albi (1865-1875).

L’œuvre continuait modestement et semblait même faire quelques progrès. Les rentes et loyers du 1er août 1807 au 2 août 1808, atteignirent 5.505 livres. Un décret impérial, daté du camp de Friedland, 15 janvier 1807, restitua « aux sœurs de la Charité, formant l’association connue sous le nom de la Marmite de Sainl-Pierre-le-Vieux, la petite maison située à Lyon, rue Dorée, et provenant du chapitre de Saint-Jean ». C’est là même que les sœurs habitaient depuis la fondation de l’œuvre, en 1679 ; la maison leur avait été rendue en 1796, mais le décret l’attribue par erreur au chapitre. L’occasion de ce décret qui confirmait la propriété des sœurs, semble indiquée par les paroles suivantes « sauf à donner un autre lieu d’une égale valeur à la caisse d’amortissement, à laquelle cette maison avait été cédée en exécution de notre décret impérial du 8 mars 1806 ». En 1806, on aurait donc disposé par erreur de cette maison comme si elle n’avait pas été depuis dix ans restituée aux sœurs. L’Empire ne fut pas pour les œuvres de charité une époque de liberté. Le préfet avait défendu aux Marmites la distribution des légumes secs. Il y eut quelque contravention à cette défense. De là, le 5 juin 1812, une lettre de rappel à l’ordre et de reproches.

De 1809 à 1815, les sœurs furent soumises à une pénible épreuve. Napoléon, qui voulait tout réglementer, plaça, en février 1809, les congrégations hospitalières de femmes sous la protection de madame Mère. Il voulut aussi soustraire les Filles de la Charité à la direction du supérieur de la Mission et les soumettre à l’administration des évêques. La mère Deschaux, légitime supérieure, étant morte le 17 avril 1809, l’élection de sa remplaçante fut annoncée le jour même par une circulaire de l’assistante, comme devant se faire le lundi de la Pentecôte. Elle ne put avoir lieu à cette date à cause du conflit soulevé par le gouvernement. M. Hanon qui gouvernail la famille de Saint-Vincent, par ordre du pape Pie VII, avec le titre de vicaire général, s’opposa aux prétentions de l’empereur, et, comme conséquence, un décret impérial du 27 septembre 1809, supprima la congrégation de la Mission. L’élection de la sœur Mousterot put se faire le 10 décembre 1809. Elle fut reconnue comme supérieure générale, légitimement élue, mais obligée bientôt après, par le gouvernement, de se démettre, elle fut renvoyée de la communauté.

Le 15 mai 1810, la sœur Durgueilh, nommée à sa place par l’influence du gouvernement et de l’archevêque de Paris, se présenta à la compagnie comme légitime supérieure depuis la démission de sœur Mousterot, par la raison qu’elle avait été proposée avec elle à la dernière élection. Malgré cette raison, la légitimité de sœur Durgueilh fut refusée par un grand nombre de maisons. On ne trouve, par exemple, aucune de ses circulaires à Saint-Jean, ni à Saint-Paul, ni à la Marmite, de 1809 à 1815 ; les archives de Saint-Paul ont conservé l’ordre venu de la préfecture « pour les sœurs de la Charité desservant différentes œuvres de la Marmite, de partir dans les vingt-quatre heures pour le lieu de leur naissance, monseigneur le cardinal ayant promis d’envoyer d’autres sœurs pour ce service ». La raison de ce brusque renvoi était le refus de « reconnaître la supérieure de leur ordre ». Le renvoi fut signifié aux sœurs de Saint-Paul, le 10 avril 1812 ; elles partirent le 11 au soir et le lendemain matin elles étaient remplacées provisoirement par trois sœurs Saint-Charles. À la Marmite d’Ainay, aujourd’hui paroisse Sainte-Croix, rue Auguste-Comte, les sœurs furent aussi renvoyées, mais non remplacées, car le 12 avril, les Dames, dans leur délibération, demandent l’autorisation de remplacer, par des filles laïques, les respectables sœurs que M. le préfet, par ordre du ministre, a obligées de se retirer.

À Saint-Jean, on ne trouve rien sur cette affaire, si ce n’est l’absence des circulaires de 1809 à 1815 ; dans celle de M. Hanon, du 24 février de cette année, est écrite en post-scriptum la permission pour les sœurs Jonard, Perrin et Bauzin, de reprendre l’habit religieux, ce qui indique qu’elles avaient dû quitter la maison et l’habit.

L’expulsion des sœurs de Lyon, en 1812, fut fatale à une maison fondé en 1806, sur la paroisse Saint-Nizier, rue des Quatre-Chapeaux, et mentionnée dans les almanachs de Lyon sous la rubrique : Sœurs dites des incurables ; ceux-ci ne pouvant être reçus dans les hôpitaux de la ville, devaient être soignés à domicile. Comme les sœurs de Saint-Paul, celles de Saint-Nizier furent remplacées par des sœurs Saint-Charles ; ces dernières y sont demeurées depuis, et tiennent la pharmacie des Quatre-Chapeaux. De nos jours, les sœurs Saint-Charles remplacent également à l’hôpital de Trévoux, les Filles de la Charité expulsées, sous Napoléon Ier, pour le même motif. La maison d’Ainay ne paraît pas avoir souffert de cette crise, car on trouve dans ses archives les circulaires de 1809 à 1815, ce qui semble prouver qu’elle ne fut point fermée.

Cette épreuve fut terrible pour la communauté, et faillit la perdre. Voici ce qu’en disait à la Chambre, en 1830, le député baron de L’Épine : il s’agissait aussi de la suppression des Lazaristes et autres missionnaires : « Rappelez-vous, Messieurs, ce décret de colère qui, en 1809, fut lancé sur les Lazaristes. Quel en fut l’effet immédiat sur les sœurs de la Charité ? Ce fut une désorganisation complète qui dépeupla leurs maisons et faillit anéantir leur congrégation. » (Vie de M. Étienne, p. 50). La pacification de la communauté ne se fit pas sans difficulté. M. Hanon, arrêté en 1811 et renfermé dans la forteresse de Fenestrelle en Piémont, où était aussi détenu le cardinal Pacca, fut remis en liberté le 13 avril 1814. Arrivé à Paris le 1er juin, il exigea que la sœur Durgueilh se démît, et restitua la sœur Mousterot, régulièrement élue en 1809. Sœur Durgueilh s’y refusa, porta l’affaire à Rome, où elle se sentait appuyée par le cardinal Mattei, dont elle se réclama dans sa circulaire du 1er janvier 1815. La réponse de Rome fut un bref adressé, le 24 février 1815, à M. d’Astros, vicaire général de Paris, le chargeant de signifier à la communauté, qu’une nouvelle élection, qu’il présiderait en qualité de visiteur apostolique, se ferait en présence de M. Hanon et dans laquelle toutes les prérogatives de celui-ci seraient respectées. L’élection eut lieu le 12 mars, et la sœur Baudet fut élue.

Mgr de Pins, administrateur apostolique de Lyon (1821-1850).

Dès le 1er janvier 1815, M. Hanon avait invité toutes les sœurs sorties, à rentrer, soit dans leur ancienne maison, soit dans toute autre de la communauté, dont la supérieure voudrait les accepter provisoirement. Permission était donnée de reprendre l’habit à toutes celles qui seraient au moins deux ensemble, dans un établissement de charité quelconque ; permission aussi de renouveler les vœux à celles qui le demanderaient. M. Hanon mourut le 24 avril 1816, sans avoir pu achever la réconciliation. Il restait dans quelques maisons des divergences entre les restées et les rentrées. Pour en finir, il fallut un nouvel appel à la concorde et à l’observation des règles, par une circulaire du 1er juillet 1816. En mai 1818, sœur Jonard était remplacée par sa compagne sœur Perrin, qui l’était elle-même, en 1828, par sœur Bauzin ; c’étaient les trois sœurs que M. Hanon avait autorisées, en février 1815, à reprendre l’habit et à renouveler leurs vœux. Elles se succédèrent dans la conduite de la maison. Mais la dernière, sœur Bauzin, affaiblie par l’âge, dut, en 1832, avoir une assistante, sœur Merle, qui lui succéda.

L’œuvre de la Marmite ou Sainte-Françoise avait repris ses distributions aux pauvres dans tout le territoire qu’elle avait avant la Révolution. La paroisse Saint-Just en faisait partie depuis que, par ses fondations successives de 1740 à 1790, elle avait droit à seize portions. En 1827, le curé de Saint-Just et celui de Saint-Irénée, ne remettant plus à l’œuvre que le tiers de leurs quêtes et retenant leurs Dames dans leurs paroisses, tendaient par là même à une séparation. L’œuvre accepta en ne donnant plus à leurs pauvres que les portions auxquelles ces paroisses avaient droit en proportion des revenus sauvés du naufrage de la Révolution, soit huit pour Saint-Just et six pour Saint-Irénée. Pour les mêmes motifs, une mesure semblable fut prise, en 1831, pour la paroisse Saint-Georges et dès lors, à côté de l’œuvre générale qui n’eut plus pour objet que la distribution des portions, on trouve l’œuvre particulière de Saint-Jean qui lit bénéficier ses pauvres des 5.000 francs de quêtes et des annuités des Dames.

Nous voici à l’époque où, sous l’épiscopat de Mgr de Pins, on voit l’œuvre s’accroître rapidement. Le 5 août 1839, M. Charpentier, demeurant quai Saint-Clair, 5, fit une donation de 32.000 francs aux Filles de la Charité de Saint-Jean pour fonder une Providence en faveur de six jeunes filles orphelines de Saint-Jean et de Saint-Georges. La donation ne pouvait être autorisée parce que les sœurs n’avaient point d’existence légale. La demande en fut faite, paraît-il, et n’aboutit pas, par suite de l’opposition de la communauté, dit une lettre de M. Gilardin, président du Bureau de bienfaisance du 6° arrondissement. M. Charpentier disposa alors de la somme de 32.000 francs pour sa providence en faveur du cardinal de Bonald. La maison Lagneau, rue Saint-Pierre-le-Vieux, 9, fut achetée en son nom, le 10 novembre 1842, au prix de 20.000 francs. Les 12.000 francs restants devaient produire un revenu pour l’œuvre. La maison des sœurs ayant reçu l’autorisation légale, le 30 mai 1855, le cardinal lui fit cession de la maison Lagneau, le 22 octobre suivant.

Un important accord fut conclu, le 16 août 1842, entre la ville de Lyon et le bureau de bienfaisance du 6e arrondissement, représentant les sœurs et l’œuvre, au sujet du percement de la rue du Doyenné. La ville, est-il dit dans l’acte, a depuis longtemps conçu le projet de faire communiquer la place Saint-Jean avec celle Saint-Georges par l’ouverture de cette rue. Ce projet avait même reçu un commencement d’exécution depuis l’archevêché jusqu’à la rue Saint-Pierre-le-Vieux ; là, on fut arrêté par la difficulté de trouver un local pour loger les sœurs en attendant la reconstruction de leur maison qui arrivait jusqu’à la rue Dorée et qui était condamnée à être démolie pour faire place à la nouvelle rue. Une intéressante lettre de M. Gilardin à M. Terme, maire de Lyon, en date du 17 avril 1841, révèle une autre difficulté. La municipalité avait la prétention de disposer de cette maison comme de son bien propre, par la raison que le bureau de bienfaisance en était le propriétaire légal. M. Gilardin montre, en faisant l’historique de l’œuvre, que la maison est la propriété indivise des sœurs et de l’œuvre Sainte-Françoise, et que c’est parce que ni l’une ni l’autre n’a d’autorisation légale que le bureau en est le représentant légal. Un mémoire, daté d’avril 1840, faisait remarquer à la municipalité que si un propriétaire peut céder de son droit, les mandataires des pauvres ne sauraient consentir au plus léger sacrifice qui compromettrait leurs intérêts. Enfin la ville s’étant fait autoriser, le 3 mai 1841, à recourir à l’expropriation, on traita de gré à gré. Elle donna 70.000 francs pour la démolition de la maison et la cession d’une bande de 8 mètres ; on ajoutait 3.000 francs d’indemnité pour le déplacement des sœurs. Outre le logement des sœurs et le local pour le service des pauvres, la maison qu’on allait démolir comprenait des parties louées dont on retirait un revenu annuel de 736 francs ; peut-être s’agit-il du local où on faisait des classes avant la Révolution.

Pour avoir, dans la maison qu’elles allaient construire, autant de logement que dans l’ancienne, les sœurs durent acheter à leur voisin M. Mory un terrain de 16 mètres de long qui lui restait sur la nouvelle rue. L’acte fut signé en mars 1844 ; le terrain coûtait 10.230 francs, à raison de 100 francs le mètre de superficie. Il fallut aussi surélever la maison Lagneau, afin de gagner en hauteur ce qu’on perdait en surface. Les constructions se firent en 1843 et 1844 ; la faillite de l’entrepreneur Lenoir donna beaucoup de tracas et nécessita de nombreuses formalités de paiements. Pour élargir la rue Saint-Perre-le-Vieux, la ville exigea qu’on bâtit en reculement. Le terrain qu’on lui cédait ainsi, joint à celui qu’on lui avait abandonné entre la rue Dorée et la nouvelle rue du Doyenné, formait un total dont le prix, à 100 francs le mètre, fut estimé 17.381 francs par acte du 10 avril 1846 ; une partie fut payée en 1849 et le reste ne fut réglé qu’en octobre 1861. après beaucoup de démarches et de difficultés surmontées par la sœur Callamand.

Le bienheureux J.-A. Bonnard, prêtre du diocèse de Lyon, martyrisé, peinture annamite, au grand séminaire de Lyon.

Le 7 janvier 1847, M. Aladet, représenté par sœur Joséphine Merle, achetait au sieur Mory trois maisons situées à l’angle des rues du Doyenné et Bellièvre, portant les numéros 12, 14 et 16. Elles provenaient des anciens religieux Trinitaires et touchaient par le nord et l’ouest à la propriété de la Marmite. Elles étaient en mauvais état et sans locataires : aussi, jusqu’à leur démolition, les sœurs demandèrent-elles d’être déchargées d’impositions. La contenance totale était de 598 mètres et le prix de 34.000 francs. Sœur Callamand, installée à Saint-Jean le 21 janvier 1850, fit élever en 1851 et 1852, sur une partie de l’emplacement de ces maisons le bâtiment affecté à l’orphelinat. Le prix de cette construction s’éleva à 67.000 francs. Elle donna occasion à quelques différends avec les voisins, à propos de jours fermés et d’autres servitudes : une transaction fut signée à ce sujet entre M. Aladet et les époux Théverut. La maison achevée, on l’orna, et à côté du portrait des anciennes supérieures de la communauté, on plaça ceux de Mgr Fransoni, archevêque de Turin qui, exilé, vécut dans cette maison plusieurs années, des bienheureux Ciel et Perboyre, prêtres de la Mission, martyrisés dans des contrées inhospitalières, dignes émules de notre bienheureux Bonnard, élevé à Lyon, et qui lui aussi donna sa vie pour sa foi.

En 1852, à l’occasion d’un legs de 6.000 francs on sollicita l’autorisation légale, qui fut accordée le 30 mai 1853. L’article 1er du décret est ainsi conçu : « La congrégation des sœurs de la Charité de Saint-Vincent de Paul, existant à Paris, en vertu d’un décret impérial du 8 novembre 1809, est autorisée à fonder à Lyon (Rhône), rue du Doyenné, 4, un établissement de sœurs de son ordre, à la charge pour les membres de cet établissement de se conformer exactement aux statuts approuvés pour la maison-mère par le décret précité. »

La maison de Saint-Jean voyait se multiplier à Lyon les établissements de la communauté. En 4823, avait été fondée une maison de charité sur la paroisse Notre-Dame Saint-Louis, aujourd’hui Notre-Dame Saint-Vincent. Un ouvroir fut ouvert, en 1846, pour le tirage de la soie, Montée du Chemin-Neuf, 49, là où quelques années plus tard devaient habiter les missionnaires. Mais cette maison fut fermée en 1848 à la suite du pillage et de l’incendie des ateliers par les Voraces ou insurgés de la Croix-Rousse. En 1847, ce fut la fondation de la maison de charité de Saint-Bonaventure ; en mars 1848, la maison de santé de la route de Vienne. Les désordres de 1848 ralentirent cet élan qui reprit en 1855 par la fondation de l’asile des garçons incurables de Saint-Alban. En 1857, s’ouvrirent la providence et les écoles de la nouvelle paroisse de la Rédemption ; la pharmacie des ouvriers en soie à Saint-Polycarpe ; l’hôpital militaire et les écoles de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul, ces deux dernières fondations destinées à disparaître en 1904 et 1906. Une note de Mme veuve de Corombert, dit que le 14 décembre 1858, M. le curé Rozier donna lecture à l’assemblée de fragments d’un ouvrage composé par lui sur la fondation et la marche de l’œuvre de Sainte-Françoise ; il s’agit de la notice malheureusement inachevée et résumée dans notre travail. M. Rozier mourut le 30 mai 1859, et le 22 juin l’assemblée faisait l’éloge de celui « qui pendant dix-sept ans avait prodigué à l’œuvre son zèle et ses lumières ».

De décembre 1856 à 1860, il est plusieurs fois question dans les registres de l’œuvre de Saint-Jean d’une nouvelle répartition ou séparation des intérêts de Saint-Jean et de Saint-Georges. Le brouillon d’un mémoire adressé à Mgr l’archevêque et communiqué par M. Rozier à Mme Corombert, le 31 mars 1859, rappelle la destination des portions qui fut faite, en 1827, avec Saint-Just et en 1831 avec Saint-Georges. À cette paroisse, il avait été attribué trente-cinq portions et soixante-quinze à Saint-Jean. D’après le mémoire, c’est M. le Curé de Saint-Georges qui demande une nouvelle répartition, et on propose de lui donner un peu moins, c’est-à-dire un tiers, vu que Saint-Jean représente les deux anciennes paroisses de Saint-Pierre-le-Vieux et de Sainte-Croix. Le mémoire est accompagné d’un tableau des ressources de l’œuvre qui peut se résumer ainsi. L’œuvre générale possède un revenu total de 4.832 francs ; le revenu des loyers est de 900 francs, soit un total de 5.732 francs. L’œuvre particulière de Saint-Jean possède un revenu annuel de 5.251 francs. Les quêtes produisent 3.000 francs et les annuités de 130 dames 3.120 francs, soit un total de 13.371 francs.

Le différend avec Saint-Georges se termina aux assemblées de juillet 1860 et janvier 1861. L’œuvre cédait à Saint-Georges les deux maisons estimées 18.000 francs, sur lesquelles il n’avait droit qu’à un tiers et en échange Saint-Georges offrit 600 francs de la rente annuelle qui lui était due. Saint-Jean gagnait à ce traité de n’avoir plus la charge de la réparation des deux maisons portant les nos 78 et 82.

Le 6 mars 1860, sœur Callamand écrivait au président du 10e comité de bienfaisance pour le prier de s’adresser au comité central et d’obtenir de la ville, le paiement d’une somme de 17.000 francs encore due pour la cession de terrains qu’on lui avait faite en 1843. Cette lettre importante fait l’historique de la maison et montre la propriété commune des sœurs et de l’œuvre Sainte-Françoise sur tout l’immeuble. Outre la question de justice, sœur Callamand invoquait le besoin de ressources pour réparer le mur lézardé du nouveau bâtiment, payer les dettes et construire une salle pour les pauvres.

Une œuvre fondée en 1860 par sœur Callamand fut celle des Bonnes Mères ou petit hospice pour les vieilles femmes. Le registre des Dames, du 13 mars 1860, appelle cette œuvre une providence de vieilles femmes créée chez les sœurs, et il ajoute « qu’elles pourront recevoir les portions de la marmite ».

Le 9 novembre 1861, M. Étienne, supérieur général de la congrégation de la Mission et des Filles de la Charité, installait à Lyon, montée Saint-Barthélémy, 34, deux de ses missionnaires et un frère. Ce retour à Lyon, des fils de Saint-Vincent, soixante-neuf ans après que la révolution les en avait chassés, fut une grande consolation pour sœur Callamand qui avait beaucoup travaillé à obtenir ce résultat, avec le concours de M. Brac de La Perrière, président des conférences de Saint-Vincent de Lyon. Le premier emploi des missionnaires fut l’aumônerie de deux réunions de la Sainte-Famille qui se faisaient l’une dans la crypte de l’Immaculée-Conception, l’autre dans [la chapelle du pensionnat des Frères des Écoles chrétiennes établi dans l’ancienne maison des Lazaristes et qui en porte encore le nom. Les missionnaires étant mal logés, ils s’installèrent en août 1862, montée du Chemin-Neuf, 49, et le 14, M. Étienne bénissait lui-même la chapelle et la Maison. Les sœurs eurent cette même année la consolation de voir s’installer à Lyon l’œuvre des Pauvres malades que M. Étienne avait rétablie à Paris en 1840. Le bureau de l’œuvre Sainte-Françoise fit bon accueil à cette œuvre-sœur, et le 10 mars 1863, comme témoignage de sympathie, mais sans engagement pour l’avenir, elle donna 300 francs à l’œuvre de la visite des malades pauvres.

Le 11 avril 1862, le registre des Dames signale le désir du bureau de faire nommer par le 10e comité de secours un architecte qui serait adjoint à celui de sœur Callamand, en vue de vérifier les travaux à faire rue du Doyenné, 4, c’est-à-dire pour la construction de la chapelle des enfants de Marie, avec au-dessous, une salle pour recevoir les pauvres.

La maison de Saint-Jean ne faisait pas seulement des constructions, elle obtenait aussi des merveilles. Un fait extraordinaire que plusieurs qualifièrent de miraculeux se produisit grâce à l’intercession du bienheureux Vianney, curé d’Ars, décédé depuis trois ans et pour lequel on avait dans la maison un vrai culte. Une enfant de la providence, Adélaïde Joly, âgée de neuf ans, s’étant heurtée contre un mur en tombant, fut atteinte d’une tumeur blanche au bras gauche. Les médecins désespéraient de la guérison ; un lacet des souliers du vénérable serviteur de Dieu, fut appliqué sur le bras de la patiente pendant une neuvaine de prières. La guérison survint de suite, et fut tellement complète que bientôt il ne subsista plus aucune trace de la maladie. Ce récit est l’extrait textuel du décret de la Congrégation des Rites, du 18 février 1904, déclarant l’authenticité de ce miracle en vue de la béatification du vénérable serviteur de Dieu. Une seconde grâce fut obtenue en 1864, en faveur de sœur Callamand. À la suite d’un rhumatisme à la tête, qui avait commencé le jour même de ses vœux, le 15 octobre 1840, elle avait perdu l’œil droit. Une neuvaine faite à saint Jean Népomucène, lui avait obtenu la guérison du rhumatisme, mais son œil resta dans le même état. Il demeura privé de la vue pendant vingt ans. En 1863, sœur Callamand fut menacée de perdre l’œil gauche ; malgré les traitements des médecins, son état empirait, et elle finit par être obligée de cesser tout travail ; elle ne reconnaissait pas une personne à deux pas. En 1864, M. Étienne, de passage à Lyon l’autorisa, pour obtenir sa guérison, à faire une neuvaine et à aller assister à Dax, à l’inauguration du monument érigé au lieu de la naissance de saint Vincent. La neuvaine devait se terminer le 24 avril, jour de l’inauguration. Beaucoup de personnes, surtout à Lyon et à Alger, s’unirent à cette neuvaine, et en particulier les 200 enfants de Marie de Saint-Jean. Elles priaient avec tant de ferveur, qu’elles se tenaient pour sûres d’être exaucées ; au moment même où la procession se faisait au bureau de saint Vincent, elles montaient au Chemin-Neuf à la chapelle des missionnaires portant chacune un cierge et un chandelier auprès de la relique du saint fondateur pour le remercier d’avance de la guérison obtenue par son intercession. Au Bureau, cependant, la journée se passait sans modification et sœur Callamand se résignait à reprendre le chemin de Dax avec son infirmité, lorsqu’elle eut la pensée de demander sa guérison, non plus pour elle-même, mais pour récompenser la foi de tant de jeunes cœurs. Elle repartit, et sur la route de Dax, bordée de peupliers, elle commença à voir. Une seconde neuvaine fut commencée pendant laquelle elle allait deux fois par jour au monument de saint Vincent, et son œil alla de mieux en mieux. Elle persévéra dans la prière et à la fin de la cinquième neuvaine, l’œil était parfaitement guéri. Depuis, elle put reprendre son travail et le continuer sans éprouver la moindre fatigue. Tel est le résumé de la relation qu’elle en fit elle-même et que M. Étienne inséra dans sa circulaire du 4 août 1864, où il raconta huit autres miracles obtenus par l’intercession de saint Vincent.

Aujourd’hui les œuvres dirigées par les Filles de la Charité sont plus nombreuses et plus prospères que jamais. Après la guerre surtout, et sous la ferme impulsion de Mgr Ginoulhiac, la maison du Doyenné s’est agrandi et décoré. Le matériel n’a pourtant pas diminué le spirituel et le lecteur ne constatera pas sans émotion que ces religieuses. fidèles disciples de saint Vincent, ont depuis deux siècles et demi collaboré dans notre ville, comme on vient de le voir, à de nombreuses œuvres de charité et de dévouement. Il suffira pour me résumer de rappeler les quatre établissements aujourd’hui existant : le Doyenné, l’œuvre des Messieurs à Ainay, l’œuvre des Dames ou de la Marmite, rue Auguste-Comte ; enfin la maison de Saint-Paul à Pierre-Scize.

Mgr Ginoulhiac, archevêque de Lyon (1870-1875).

La chapelle des sœurs Saint-Vincent-de-Paul occupe le premier étage de leur maison du Doyenné. Elle n’est pas très vaste, ne devant servir qu’aux religieuses. L’autel de marbre est simple, orné, par devant, de cinq arcades ouvertes. Sous la table de l’autel repose le corps de saint Maxime martyr : les chairs de ce confesseur de la foi ont naturellement disparu, mais les ossements ont été habillés d’un corps factice de cire. Le chœur de l’église est séparé de la nef par une architrave supportée par deux colonnes. Au bas de la chapelle s’ouvre une salle allongée qui sert au besoin à l’agrandir. Récemment, on a fait construire une autre chapelle pour la congrégation des enfants de Marie de la paroisse : ce sont elles qui en ont fait tous les frais. Elle est vaste et belle. Sous l’autel repose le corps du martyr saint Polydore et tout autour se trouvent quatre statues représentant saint Joseph, saint Vincent de Paul, les bienheureux Ciel et Perboyre, ces deux derniers de la congrégation de la Mission. Le chœur et les murs de la nef sont décorés de belles fresques dues au pinceau de deux religieuses de la maison. Enfin les fenêtres sont décorées de vitraux avec médaillons de gracieux effet.

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE II

Les notices sur Saint-Romain, Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Alban ont été rédigées à l’aide de documents appartenant aux archives départementales du Rhône, fonds du Chapitre de Lyon et fonds Églises et chapelles.
Ou consultera en outre :

SAINT-ROMAIN

Constitution du règlement pour la congrégation des filles de la Doctrine chrétienne, érigée à Lyon dans les chapelles de Saint-Romain, proche Saint-Pierre-le-Vieux et de Sainte-Catherine des Terreaux. Lyon, 1717, in-8o.

SAINT-PIERRE-LE-VIEUX

Les devoirs et saintes occupations des confrères et Sœurs de la confrérie de Saint-Roch et de Saint-Sébastien, la première de cette ville, érigée dans l’église paroissiale de Saint-Pierre-le-Vieux. Lyon, Juttet, 1726, in-12.

Les tombeaux de Saint-Pierre-le-Vieux, par A. Vachez, dans : Revue du Lyonnais, 1866, série III, t. 2, p. 222-46 et 459-89. Tirage à part : Lyon, imp. Vingtrinier, 1866, in-8o, 61 p., 1 gravure.

SAINT-ALBAN ET L’ABBÉ PERRIN

Bibliothèque historique du Lyonnais, notes et documents pour servir à l’histoire de cette ancienne province et des provinces circonvoisines de Forez, Beaujolais, Bresse, Dombes et Bugey, publiés par M.-C. et Georges Guigue, anciens élèves de l’école des Chartes. Lyon, Vitte et Perrussel, 1886, in-8o, vii-172 p. — Document sur Saint-Alban, p. 26-7.

M.-C. Guigue, L’hôtel et la prison de Roanne, le prieuré

de Saint-Alban et le palais de justice actuel de Lyon, notice historique. Lyon, imp. Mougin-Rusand, 1880. [Au début :] Extrait du Moniteur judiciaire du 12 juillet 1880. — In-8°, 19 p.

L’abbé Perrin, aumônier de ta prison de Roanne, notice biographique. Lyon, Louis Perrin, 1836. — In-8°, 18 p., et fac-similé.

Un apôtre au xixe siècle, M. l’abbé Perrin, aumônier des prisons de Lyon ; par M. Jury. Paris, imp. Worms, 1843. — In-8°, 15 p.

SŒURS SAINT-VINCENT DE PAUL ; ŒUVRE DES MESSIEURS ; LA MARMITE

L’esprit et règlemens de l’association des dames de Sainte-Françoise, établie pour le soulagement des pauvres malades des paroisses de Sainte-Croix, Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-George, qui n’ont pas qualité à être reçus à l’Hôtel-Dieu, et pour l’éducation des pauvres filles des trois paroisses. Lyon, Chabanne, 1716, petit iu-12.

Instruction concernant l’administration de l’Œuvre des Messieurs, établie pour le soulagement des pauvres dans la paroisse d’Ainay. Lyon, Périsse, 1763, in-12.

La ville des aumônes, tableau des œuvres de charité de la ville de Lyon ; par l’abbé N. Bez, chanoine d’honneur de Saint-Diez. Lyon, librairie chrétienne, 1840. — In-8°, 282 p.-1 f. — Avec notice sur l’œuvre des Messieurs et sur la Marmite.

Fête du centaire, œuvre des Messieurs. Lyon, imp. Alf. Louis Perrin, 1874. — In-8° 2 f.-60 p.-1 f.

Compte rendu de l’œuvre des dames de la Marmite, de l’année 1868. Lyon, imp. Aimé Vingtrinier, 1868. — In-8°, 15 p.

Notice sur l’œuvre de la Marmite à Ainay, aux xviie et xviiie siècles, par F. Frécon, dans : Revue du Lyonnais, 1887, série 5, t. 3, p. 161-79. — Tirage à part : Lyon, imp. Mougin-Rusand, 1887, in-8o, 24 p.