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Histoire des églises et des chapelles de Lyon/II/07

La bibliothèque libre.
H. Lardanchet (vol. IIp. 219-256).
Maître-autel à Saint-Polycarpe.

CHAPITRE VII

CORDELIERS DE L’OBSERVANCE. — PETITES SŒURS DE L’ASSOMPTION. — SŒURS DE MARIE-JOSEPH. — RELIGIEUSES DU SACRÉ-CŒUR DE LA FERRANDIÈRE, DES ANGLAIS, DE LA RUE BOISSAC. — SŒURS DE NOTRE-DAME DE FOURVIÈRE. — RELIGIEUSES NOTRE-DAME DE L’ASSOMPTION. — NAZARETH. — SERVANTES DES PAUVRES. — MISSIONS-AFRICAINES. — NOTRE-DAME D’AFRIQUE. — ORATORIENS. — SAINT-POLYCARPE. — PROPAGATION DE LA FOI.


C e chapitre sera en partie consacré à l’étude des communautés de notre ville, vouées, comme les religieuses Notre-Dame d’Afrique, les Missions-Africaines, aux héroïques apostolats dans les pays lointains, ou comme les Petites-Sœurs de l’Assomption et les Servantes des Pauvres, aux services les plus humbles de la charité.

On y a joint l’histoire des établissements institués à Lyon par la congrégation très importante du Sacré-Cœur, fondée elle-même par Mme Barat, et enfin celle des anciens Oratoriens disparus à la Révolution et dont l’église est devenue Saint-Polycarpe.

CORDELIERS DE L’OBSERVANCE

À l’origine et jusque fort avant dans le moyen âge, les disciples mitigés de saint François étaient les plus nombreux et connus sous le nom de Conventuels, ce qui n’était pas sans impliquer contradiction avec la vie et la règle du patriarche d’Assise. Parfois, cependant, celle diminution de la vie religieuse était traversée de quelques remords et rachetée par un renouveau de ferveur aux œuvres de charité et à la prière chorale.

L’Observance, à Lyon, eut pour fondement un de ces précieux remords, mais celui-ci soutenu et durable. Ce fut, en effet, où des conventuels franchement réformés dans l’esprit de leur origine, que les Observants, appelés Observantins par façon de diminutif plaisant, durent leurs commencements, qui ne furent pas communs.

Chapelle actuelle de l’Observance.

Deux frères Mineurs français, Jean Bourgeois, de la custodie de Dôle, et Jean Tisserand, de la custodie de Dijon, dans le troisième tiers du xve siècle, n’hésitèrent pas, malgré des obstacles locaux et des contradictions qui leur venaient de plus loin, à constater que ce n’était point vivre en Franciscains que de posséder des biens et de ne point s’en tenir à la vie pauvre et incertaine qu’avait voulue saint François, pour lui et pour la foule de ses disciples. Jean Bourgeois, révéré pour sa sainteté admirable, avait la confiance de Charles VIII et d’Anne de Bretagne ; Jean Tisserand ne jouissait pas d’une moindre faveur auprès de la duchesse reine : le premier, néanmoins, était, par des mérites particuliers d’esprit et d’éloquence, le plus écouté. Il n’eut pas de peine à mettre dans son dessein le monarque étourdi, facile à céder aux illusions de la gloire, mais fermement chrétien et protecteur enthousiaste de tout ce qui était de l’Église. Charles VIII dépêcha donc noble Thibaud Bevention, courtier de l’écurie royale, pour faire garde à Laurent Bretenet et Claude Pulinet, compagnons du frère Bourgeois, avec lettres datées de Montils-les-Cours, 30 avril 1491, et adressées aux conseillers de Lyon, pour les presser de choisir un lieu propice au futur établissement des Franciscains réformés. Après quelques tâtonnements et hésitations dont le détail serait ici fastidieux, on préféra à la Chana, qu’avaient choisi Louis de Blot, gardien d’Autun, et Guillaume Franchet, gardien de Chalons, de concert avec Humbert de Villeneuve, sénéchal de Lyon, le voisinage des Deux-Amants dans le faubourg de Vaise. On appelait alors faubourg de Vaise l’emplacement qu’occupent aujourd’hui la chapelle de l’Observance et l’école vétérinaire. En 1.589, on y construisit une porte sur laquelle les ligueurs mirent cette inscription, leur devise, en maintes villes : « Un Dieu, un roy, une foy, une loy. »

Le gîte était riche, frais, enchanteur, par les ombrages et par la Saône, et commode par
Le château de Pierre-Scize et la chapelle de l’Observance au xvie siècle (restitution de M. R. Lenail).
l’aisance prompte des communications et de l’approvisionnement. Il y avait bien un vieil hôpital dépendant du chapitre de Saint-Paul, mais il était désert d’infirmes, et se réduisait « à une ruine debout ». Tout autour abondaient les vignes et les vergers plantés sur la colline du Greillon.

Le 8 décembre 1492, en vertu tant des lettres patentes de Charles VIII que de la bulle du pape, et du consentement du ministre de la province franciscaine de Bourgogne, donné à Chambéry, le 16 juin de la même année, les Observants entrèrent en possession de leur domaine, qu’aussitôt ils parcoururent et déblayèrent, traçant, dans l’espoir de la venue du roi, le plan du monastère que le monarque avait promis de fonder lui-même.

Leur espoir ne fut pas trompé. « Le gentil guerroyeur, petit mais ramassé de corps et franc d’âme », posa la première pierre de l’église, sept ou huit jours avant la fin de 1493.

« En faubourg de Lyon pour les frères Mineurs,
Il fonda un couvent, puis avec grands seigneurs,
Princes, barons et bande qui frétille.
S’en alla conquérir et Naples et la Sicile. »
Abside de l’ancienne église de l’Observance.

Tels sont les vers attribués à Ronsard. Dès le malin du jour de la cérémonie, le duc de Savoie se rendit au logis du roi Charles VIII qui était déjà prêt » Les deux princes, dit la chronique du Loyal Serviteur, s’embrassèrent d’une amitié qu’il fallait voir, puis montèrent sur leurs mules et allèrent ensemble devisant, le large de la ville, jusqu’au couvent où ils ouïrent dévotement la messe, escortés de toute la cour. Or, le roy et la reine, en voyant grande multitude de seigneurs et de peuple assemblés pour cette cause, apposèrent de leurs mains la première pierre, en signe de tiltre en la fondation de l’église du dit couvent, en laquelle pierre sont figurées et levées leurs armes. » Au-dessous des armes se lisait une inscription dont voici la traduction : « Jésus et Marie. Charles VIII et la reine Anne ont fondé l’église Noire-Dame des Anges, 1493. » L’archevêque de Lyon n’assistait pas à la cérémonie : c’est qu’elle eut lieu pendant le procès entre Hugues II de Talaru et André d’Épinay, ce qui équivalait à une vacance du siège. Jean Rely évêque d’Angers, confesseur du roi « solennellement, en pontifical, célébra la bénédiction de la dite pierre ». Après quoi, Charles prit lui-même par la main. Frère Bourgeois, l’introduisit et avec lui dix-neuf autres religieux parmi lesquels le frère Tisserand. Le roi se déclara en outre, ainsi qu’Anne de Bretagne, « fondateur et protecteur de la maison », qu’il enrichit de privilèges ; c’est ainsi qu’il permit à ses « chers féaux moines d’Observance restreinte — c’est-à-dire de la stricte observance — d’avoir en propriété trois bateaux sur la Saône pour venir aux approvisionnements de blé, vin, bois, légumes et autres denrées ; enfin il chargea le sénéchal de Lyon et Claude le Charron de continuer la construction et de payer des deniers royaux, les prix faits des ouvriers ».

Deux ans après, en 1496, « le couvent fut du tout parachevé et rendu si parfait que ce fut un des mieux troussés de la province et doit méritoirement être appelé de fondation royale, car l’église est des plus allègres, bien claire et industrieusement rentée ».

Louis XIII renouvela, en 1612, tous les privilèges des Observants de Lyon. Leur chapelle qui passait pour un beau monument de Lyon, traversa les jours les plus mauvais de la Révolution et ne fut détruite qu’en plein xixe siècle, sur le conseil, dit-on, de M. Catlet, curé de Saint-Paul, qui craignait qu’on en fît une paroisse, ce qui aurait diminué la sienne. Elle a été remplacée par la petite chapelle dite de l’Observance, située près de l’École vétérinaire et dont nous donnons une vue.

PETITES-SŒURS DE L’ASSOMPTION

Les Petites-Sœurs de l’Assomption s’intitulent gardes-malades des pauvres à domicile. Elles suivent la règle de saint Augustin et ont été fondées en 1865, par le Père Pernet, religieux Augustin de l’Assomption. Leur but est, en même temps que leur sanctification personnelle par la vie religieuse, la régénération chrétienne de la famille de l’ouvrier. Leur moyen d’action est de soigner exclusivement et gratuitement, à domicile, les pauvres et les ouvriers quand ils sont malades.

Par une bénédiction particulière de Dieu, les fruits de cette mission sont devenus multiples et variés ; chaque jour apporte son contingent, non seulement de malades soignés, mais aussi de baptêmes d’adultes et d’enfants, de premières communions et d’abjurations préparées, de mariages réhabilités, de réconciliations. Enfin l’œuvre de la fraternité de Notre-Dame de l’Assomption et celle des filles de Sainte-Monique, en groupant autour des religieuses, les pères et mères de famille, permettent de continuer et de développer dans la famille de l’ouvrier le bien commencé à l’heure de la maladie.

Les Petites-Sœurs se font aider dans leur apostolat par des dames du monde dites dames servantes des pauvres, et par des hommes du monde appelés décurions qui patronnent l’ouvrier. La congrégation compte aujourd’hui 500 sujets répartis dans quarante-deux maisons, savoir : à Paris, la maison mère, 57, rue Violet, avec neuf succursales dans le diocèse de Paris ; les établissements de Sèvres, Creil, Lyon-Guillotière, Lyon- Croix-Rousse, Oullins, Saint-Étienne, Nîmes, Perpignan, Cette, Nevers, Roanne, Reims, deux maisons à Lille, Le Teil, quatre maisons en Angleterre, trois en Irlande, trois à New-York, trois en Belgique, deux en Espagne, enfin deux à Rome.

À Lyon, comme on l’a dit, se trouvent deux établissements : celui de la Croix-Rousse et celui, plus ancien et plus important, de la rue Rachais au quartier de la Buire. Ce dernier, fondé en 1883, compte une vingtaine de religieuses.

Chapelle des Petites-Sœurs de l’Assomption, rue Rachais.

La chapelle occupe un vaste rectangle sans nef, ni colonnes, et est éclairée par le vitrail de l’Assomption ; la Vierge est accompagnée de deux anges portant l’inscription : Assumpta est Maria in cœlum. À droite, quatre vitraux achèvent de donner une clarté abondante : ils représentent les évangélistes, saint Luc avec le bœuf, saint Marc avec le lion, saint Matthieu et l’ange, saint Jean et l’aigle.

Le chœur est vaste et possède deux tables de communion, celle des sœurs et celle des fidèles qui sépare ceux-ci des stalles des religieuses placées en chœur. Deux petits autels, ceux de la Sainte Vierge et de saint Joseph, encadrent le chœur. Les statues du Sacré-Cœur, de saint Antoine de Padoue, de saint Roch et saint Augustin complètent l’ornementation de la chapelle

SŒURS DE MARIE-JOSEPH

La ville de Lyon a été le berceau d’une communauté admirable dont les membres sont, dans notre ville, voués aux soins des prisons ; cette œuvre, bien modeste dans ses commencements, devait prendre un grand essor, grâce aux vertus et à la sage direction de la fondatrice, Anne Quinon, dite mère Saint-Augustin, née le 8 septembre 1799, morte le 4 août 1859, en odeur de sainteté, à l’âge de soixante ans, dont quarante-deux de communauté. Le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, prélat très zélé pour toutes les œuvres de charité, s’était intéressé vivement à l’apostolat que de pieuses demoiselles de Lyon exerçaient courageusement envers les prisonniers pauvres. Ses successeurs ne se montrèrent pas moins empressés à protéger l’œuvre des prisons qui s’était transformée, dès l’année 1807, en congrégation religieuse, et devait être, en 1852, légalement reconnue par le gouvernement. La congrégation de Marie-Joseph, avant sa formation définitive, avait abrité ses premiers pas dans la maison des sœurs Saint-Joseph : mais à une œuvre distincte, il fallait nécessairement des statuts différents et une direction plus adaptée à ses besoins et à sa mission. Cette nouvelle congrégation, approuvée par le pape Pie IX, avait adopté la règle de saint Augustin ; elle ne devait avoir d’autre gouvernement que celui de la Supérieure générale et de son conseil, sous la juridiction des évêques. Si l’on veut connaître l’esprit qui animait la fondatrice de cette communauté, il suffit de rappeler les paroles suivantes, expression fidèle de ses sentiments : « Si je voyais un jour à la congrégation une avance de cent mille francs, je croirais qu’elle est perdue et qu’elle va bientôt disparaître. Aussi je me sens pressée de faire des fondations de charité, de multiplier les œuvres ; par là, je place nos fonds à la banque du ciel, qui jamais ne fait faillite. Faire des réserves, c’est, à mes yeux, se défier de la Providence ; le bon Dieu ne nous donne des ressources que pour faire le bien. »

Il convient d’ajouter à ce bref aperçu de l’œuvre des prisons ce qui se rattache à l’action personnelle de mère Saint-Augustin.

En 1819, Mlle Quinon était placée à la prison de Roanne, près du Palais de justice, à Lyon. Elle fut admise à la vêture, le 16 avril 1820, chez les sœurs Saint-Joseph, et reçut le nom de sœur Saint-Augustin. Au mois de novembre 1824, elle fut nommée supérieure à la prison Saint-Joseph et le 23 septembre 1835, appelée à remplacer, comme provinciale, mère Saint-Polycarpe, laquelle, dès 1821, avait fondé, dans une petite maison du chemin de Montauban, l’établissement de la Solitude, qui devait servir de refuge aux femmes et aux filles libérées. En 1839, Mgr de Ronald ayant succédé au cardinal Fesch, décédé à Rome, où ce dignitaire avait subi un exil immérité, il fut question de souder les deux branches de la communauté Saint-Joseph, qui, unies de droit, ne l’étaient pas en fait. Des difficultés s’élevèrent et finalement la branche des prisons devint rameau distinct, conformément aux vues providentielles qui ne cessaient de veiller à son accroissement et à sa perfection. La nouvelle communauté s’appela congrégation de Marie-Joseph. Elle jouit bientôt de la faveur marquée du gouvernement qui tint à honneur de lui confier nombre de maisons centrales, et notamment celle de Clairvaux. Ces heureux résultats étaient dus sans conteste à la vaillante mère Saint-Augustin dont le courage et l’intelligence étaient à la hauteur de toutes les tâches et de toutes les situations. Aussi ne s’étonne-t-on pas de voir les fondations s’ajouter aux fondations, et aux difficultés inhérentes à toute œuvre accomplie par des forces humaines se substituer les applaudissements et les succès qui dénotent aux yeux de tout esprit éclairé l’intervention de Dieu. La profonde humilité de la mère fondatrice ne l’a pas défendue contre la reconnaissance officielle de ses mérites et il n’est pas téméraire d’espérer que, de son tombeau, exempt de corruption, s’élèvera un jour la palme de la sainteté. La congrégation de Marie-Joseph, fondée à Lyon en 1805, eut sa maison mère transportée, en 1841, au Dorat, diocèse de Limoges. Elle possède quatre établissements dans le diocèse de Lyon : 1° la prison Saint-Joseph de Lyon ; 2° celle de Saint-Étienne ; 3° celle de Montbrison, et 4° une providence dans cette dernière ville. Les constitutions de la congrégation ont été approuvées en 1863.

RELIGIEUSES DU SACRÉ-CŒUR

Pour retracer l’histoire delà congrégation du Sacré-Cœur, il faudrait reprendre, presque en entier, l’histoire religieuse de la France au xixe siècle, tellement ont été nombreuses, dans notre pays, les maisons fondées par les éminentes supérieures qui ont successivement dirigé l’institut, et tellement a été considérable leur influence éducatrice sur la société féminine contemporaine. Les Pères Jésuites ont puissamment aidé au développement de cette congrégation établie par l’un d’eux, et dont ils ont justement gardé la haute direction. Avant d’aborder l’histoire des trois maisons du Sacré-Cœur à Lyon, il importe de retracer, à grands traits, la biographie de la fondatrice de ce puissant institut.

Madeleine-Louise-Sophie Barat naquit à la fin de 1779, dans la petite ville de Joigny en Bourgogne, de parents vignerons. Sous la direction de son frère, l’abbé Louis Barat, elle apprit le latin, le grec, plusieurs langues vivantes et les sciences naturelles, et tout cela, tout en s’occupant des travaux domestiques.

En 1792, sa sœur Marie-Louise s’étant mariée, Madeleine en prit occasion pour déclarer qu’elle voulait entrer au couvent. Emmenée à Paris par son frère, elle en reçut les premiers éléments de la vie religieuse. Quelque temps après, en juillet 1800, elle lit la connaissance du P. Varin, Jésuite, et après avoir uni leur bonne volonté et leurs efforts, Sophie Barat et le digne religieux jetèrent les premiers fondements de la société des dames du Sacré-Cœur. Le 21 novembre est regardé dans l’institut comme la date de la fondation.

Un an après, le P. Varin et Mme Barat créèrent un pensionnat à Amiens ; ce fut la première maison de la congrégation. Le 7 juin 1802, Sophie Barat, et une de ses compagnes, Mme Deshayes, firent profession dans la chapelle de Mme de Rumilly ; lorsqu’elle fui nommée supérieure de la communauté, le 21 décembre, Sophie n’avait que vingt-trois ans.

Dieu, qui voulait l’élever à un haut degré de sainteté, éprouva Mme Barat par la maladie et les ennuis de toutes sortes ; mais, fidèle à la grâce, elle supporta courageusement ces épreuves, et soutenue par les conseils de l’éminent Jésuite, elle développa rapidement sa communauté, malgré la perte causée par quelques-unes de ses compagnes qui retournèrent dans le monde.

L’esprit de l’institut, tel que l’avait conçu ses fondateurs, était la vie apostolique de saint Ignace, vivifiée par l’amour enflammé de sainte Thérèse ; en outre, pour maintenir l’unité d’esprit et de cœur entre les maisons de la société naissante, Mme Barat ne cessait de les visiter. Ces voyages, loin de distraire la supérieure de la vie religieuse, furent au contraire pour elle une suite d’occasions de progresser dans les sentiers ardus du dépouillement, parce que des nouvelles affligeantes lui venaient sans cesse, soit de sa famille naturelle, soit de l’institut ; elle goûta parfois cependant des consolations, lorsque, par exemple, elle eut le bonheur de voir le pape Pie YII à Grenoble, et de recevoir sa bénédiction et ses encouragements.

Le Sacré-Cœur n’avait pas encore jusque-là de constitutions écrites et arrêtées. L’évêque d’Amiens avait nommé M. l’abbé de Saint-Estève aumônier du couvent de cette ville. À la tête de la maison se trouvait Mme Baudemont, ancienne Clarisse, esprit dominateur, qui, lors de l’élection de la mère générale, avait failli la supplanter dans cette charge. En communion d’idées avec M. de Saint-Estève, elle signait volontiers ses lettres du titre de supérieure des dames de l’Instruction chrétienne, dont M. de Saint-Estève se croyait le fondateur. Erappés de l’irrégularité de cette conduite, le P. Varin et Mme Barat voulurent donner à la société des constitutions. Dans ce dessein ils s’associèrent quelques amis sages et éclairés ; la collaboration de M. de Saint-Estève lui-même fut acceptée, mais ce ne fut pas sans inconvénient, car ce prêtre, directeur de la maison mère d’une société dont il se laissait volontiers appeler fondateur, voulut en être le législateur ; aussi changeant le nom de Sacré-Cœur en celui d’Apostolines, il écrivit des constitutions, mélange des règles de saint Basile et de sainte Claire.

À la chute de l’empire, M. de Saint-Estève obtint du gouvernement un emploi de secrétaire d’ambassade près du Saint-Siège. Dès qu’il fut arrivé à Rome, son premier soin fut de voir le pape ; s’intitulant toujours fondateur de la société, il obtint une approbation temporaire des constitutions qu’il avait rédigées. Mme Barat, profondément affligée, se soumit, et pria le Sacré-Cœur de défendre sa propre cause. Mgr de Pressigny, ambassadeur du roi, la rassura, et, quelque temps, après, M. de Saint-Estève, blâmé par ses supérieurs, dut quitter la Ville Éternelle, rentrer en France, et abandonner sa fondation à des destinées précaires.

L’heure était venue de publier les sages règlements que Mme Barat, de concert avec le P. Varin et le P. Druilhet, avait rédigés en grand secret, pour ne pas jeter la désunion dans la communauté naissante. Le 1er novembre 1805, elle convoqua à Paris les supérieures locales et leur soumit son projet, dont voici les principaux points. Le but de l’institut est de glorifier le Sacré-Cœur, de travailler au salut et à la perfection de ses membres, enfin à la sanctification du prochain par l’éducation et l’instruction des enfants ; la communauté comprend les sœurs de chœur et les coadjutrices, toutes liées par les trois vœux de religion.

Le 13 décembre 1805, la fondatrice prenait possession, à Grenoble, d’un ancien couvent de Visitandines, et y installait le noviciat. Le règlement avait prévu que lorsque la communauté aurait plusieurs maisons, on devrait procéder à l’élection d’une supérieure générale. Le 18 janvier 1806, la nomination eut lieu à Amiens, et la mère liarat fut acclamée supérieure générale des dames du Sacré-Cœur. Ce fut un motif de plus pour elle de se jeter dans les bras de la Providence, lui demander assistance et lumière, et solliciter de Dieu les vertus de douceur et de fermeté nécessaires à ceux qui sont appelés à diriger. Le Sacré-Cœur de Poitiers naquit de cet acte d’abandon et de foi. L’ancien couvent des Feuillants avait été racheté après la Révolution par Mme Chobelet pour s’y dévouer à l’éducation de la jeunesse ; n’y réussissant pas, cette personne et ses compagnes se donnèrent à Mme Barat ; celle-ci y installa un noviciat, qui ne tarda pas à recevoir des postulantes venues des pays environnants.

C’est à Poitiers que la digne supérieure apprit une nouvelle qui l’affligea profondément : Napoléon venait de supprimer la congrégation des Pères de la Foi, anciens Jésuites, sous prétexte d’attaches royalistes ; le P. Varin, qui en faisait partie, dut se rendre à Besançon, son diocèse d’origine. Cette épreuve n’empêcha pas l’essor de l’institut du Sacré-Cœur, puisque, peu de temps après, Mme Barat fonda la maison de Niort, sur les instances des vicaires généraux de Poitiers.

Toutefois un institut appelé à s’étendre au loin avait besoin d’un supérieur ecclésiastique pour le préserver de l’ingérence parfois abusive des évêques, en attendant l’approbation définitive des règles par Rome. Mme Barat pria Mgr Alexandre de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims, de prendre le titre de supérieur général, ce qu’il accepta volontiers. De plus le conseil, réuni à l’occasion de l’examen des constitutions provisoires, nomma les assistantes et les conseillères générales. Toutes les maisons de l’institut acceptèrent les règles nouvelles et il n’y eut désormais plus qu’un cœur et qu’une âme ; aussi à partir de ce moment, une ère nouvelle commença-t-elle pour la société qui couvrit de ses fondations les cinq parties du monde.

Au conseil général, on avait résolu, pour obtenir plus d’unité de direction, de n’avoir qu’un noviciat qui fut placé à Paris. Le 17 janvier 1817, Mgr Dubourg, évêque de la Nouvelle-Orléans, étant venu voir Mme Barat, la décida à fonder une maison dans son diocèse : Mme Duchesne, une des premières compagnes de la supérieure, fut chargée de conduire en Amérique la petite colonie du Sacré-Cœur. Le départ des sœurs n arrêta pas le cours des fondations en France. Après Chambéry, Lyon eut la bonne fortune de recevoir un essaim des dames du Sacré-Cœur ; il se fixa à la Ferrandière, paroisse de Villeurbanne, presqu’aux portes de Lyon. Le pensionnat qu’on y installa ouvrit ses portes au printemps de 1819. Vers cette même époque, Mgr d’Aviau obtenait de Mme Barat un établissement à Bordeaux. Ces fondations créaient beaucoup de soucis à la mère générale, mais son amour de Dieu lui faisait supporter avec courage les fatigues, les contrariétés et les ennuis qui résultent de semblables entreprises.

Chapelle du Sacré-Cœur dite des Anglais.

Un des buts que se proposait la société du Sacré-Cœur était l’éducation et l’instruction de la jeunesse. Jusqu’en 1820, la formation religieuse des membres de la communauté avait absorbé tous les soins de Mme Barat ; le moment était venu de mettre la dernière main à l’œuvre des pensionnats. Dans ce but, la mère générale convoqua à Paris, le 15 août 1820, les supérieures des maisons de l’institut. Toutes, à des degrés divers et à des titres différents, étaient propres à cet ouvrage. Les unes, comme Mme de Charbonnel, avaient recueilli, dans leur enfance, les traditions des familles françaises, si chrétiennes dans la simplicité de leur vie de province ; d’autres, comme Mme de Grammont d’Aster, avaient connu successivement la noblesse de cour et celle de l’émigration. Les mères Geoffray et Desmarquet étaient mieux douées pour les jeunes filles de la classe moyenne. Les pauvres et les orphelines n’avaient cessé d’être la prédilection et l’occupation de Mme Lalanne. En présence du P. Varin, et sous la présidence de M. l’abbé Perreau, délégué du supérieur général de la société, le conseil tint séance et acheva la constitution des maisons d’éducation. Le siège de la société fut, à cette époque, transporté à l’hôtel Biron qu’on venait d’acheter.

Dans le même temps, les princes de la maison de France honoraient le Sacré-Cœur d’une bienveillante protection. La chapelle du pensionnat de l’hôtel Biron ayant été construite en 1823, toute la famille royale, Louis XVIII le premier, voulut contribuer à sa décoration. Ces honneurs toutefois n’empêchèrent pas Mme Barat de surveiller particulièrement l’éducation et l’instruction religieuse des pensionnaires.

La congrégation n’avait pas encore été approuvée par l’autorité ecclésiastique ; à la suite de démarches, l’institut reçut d’abord un bref laudatif, puis, le 22 décembre 1826, le pape Léon XII approuvait définitivement l’institut ; Charles X, quelques mois plus tard, rendait à son tour une ordonnance, reconnaissant l’existence légale de la société. Cette même année vit la fondation de Lille et une seconde à Lyon. Dans cette dernière ville, Mme la comtesse de La Barmondière, excellente chrétienne, qui avait donné asile aux prêtres fidèles pendant la Révolution, offrit son hôtel de la rue Boissac pour y établir un pensionnat destiné aux jeunes filles de la noblesse. Mme Barat accepta et plaça à la tête la mère Geoffray.

L’année suivante, sur la demande de Léon XII, Charles X céda le couvent et l’église de la Trinité-des-Monts, à Rome, aux dames du Sacré-Cœur pour y établir un pensionnat. L’année 1829 vit les fondations de Perpignan et d’Avignon, suivant de près celles du Mans, d’Autun, de Besançon, de Turin, de Metz et de Bordeaux. C’est aux époques les plus troublées qu’éclatent les plus fortes vertus : la révolution de 1830 dispersa la communauté de Paris ; Mme Barat se réfugia au Montet, en Suisse, et une députation de la Ferrandière vint l’y rejoindre. Ce n’était pourtant pas la sécurité complète : la population était montée contre les Français, qui avaient tué les Suisses aux côtés du roi ; aussi la petite colonie vivait-elle retirée et ne faisait-elle que de rares promenades à travers la montagne dans le but de prier dans les modestes églises du pays.

Le radicalisme suisse demandait, sous l’impulsion de la France, la réforme de la constitution politique des cantons pour persécuter l’Église et chasser les religieux. Pour parer à toute éventualité, l’évêque de Fribourg engagea la communauté à s’assurer un refuge en Italie ou en Savoie. Mme Barat, souffrante d’un mal au pied, dut se rendre à Chambéry où son mal s’aggrava. Elle endura patiemment ses souffrances, les appliquant à l’amélioration des idées religieuses dans sa patrie. Dieu accepta le sacrifice de sa généreuse servante : le calme se fît dans les esprits, la Suisse se pacifia, et Mme Barat put retourner à Paris.

Peu après, le 21 octobre 1831, elle fondait la maison d’Annonay. Depuis quelques années, il existait à Lyon, sous le nom d’enfants de Marie, une association d’anciennes élèves du Sacré-Cœur, dirigée par Mme Lhuillier, supérieure du pensionnat de la rue Boissac. Mme Barat approuva cette œuvre et y joignit, comme complément naturel, celle des retraites pour les dames du monde. Chaque année, un prédicateur donnait, dans les maisons de l’institut, une retraite aux enfants de Marie et aux dames qui voulaient suivre ces exercices spirituels.

Le choléra ayant fait son apparition à Paris, la mère générale, pour exciter à la ferveur ses religieuses et pour attirer la protection du Sacré-Cœur sur la maison mère, recueillit douze orphelines dont les parents avaient été victimes du fléau ; elles furent élevées aux frais de la communauté.

Dans une visite que Mme Barat fit dans le Midi, elle fonda un établissement à Aix, et, poursuivant sa route, se rendit à Turin où le pied dont elle souffrait toujours, fut, dit-on, miraculeusement guéri ; enfin, à Rome, où, le 25 octobre 1832, elle fonda le noviciat de Sainte-Rufine. Le 3 juin suivant, après une audience du pape Grégoire XVI, elle reprenait le chemin de la France. De retour à Paris, elle assembla le Conseil pour le tenir au courant des progrès de l’institut. Mme Barat termina l’année par la visite des maisons et par les fondations de Charleville et de Marseille.

Tant de courses avaient brisé les forces physiques de l’apôtre, une fièvre intense retint Mme Barat pendant trois mois à la Ferrandière. À peine guérie, elle reprit ses voyages et fonda les maisons de Nantes, de Tours, de Pignerol et de la Villa-Santa à Rome. Durant son séjour dans cette ville, elle eut la douleur de perdre plusieurs religieuses atteintes du choléra : ce fut pour elle l’occasion de montrer sa résignation en cherchant, disait-elle, à imiter la conduite du saint homme Job.

L’institut du Sacré-Cœur subit une grave crise lorsque le Conseil voulut, en 1839, faire quelques transformations dans les statuts de la Communauté et transférer à Rome le siège de son gouvernement. La douceur de Mme Barat, qui était opposée à ces changements, calma les esprits. Dans le but d’atténuer des innovations qui n’avaient été admises que provisoirement, elle résolut de réunir le Conseil à Lyon, sur l’avis du cardinal Lambruschini, mais Mgr Affre, archevêque de Paris, prévenu contre le Sacré-Cœur, qualifia d’irrégulière toute réunion du Conseil en dehors de la maison mère. Vingt-deux évêques adhérèrent à ce réquisitoire, et tout semblait se liguer contre la supérieure générale. Dans sa détresse, elle demanda aux conseillères de se mettre en prières. Ce fut dans la maison dite des Anglais, à Lyon, don de Mme de La Barmondière, que la retraite commença. Dieu sembla sourd aux prières de la communauté, car le cardinal-archevêque de Lyon, Mgr de Bonald, craignant des difficultés avec le gouvernement, engagea le Conseil à se dissoudre, bien que Mme Barat eût reçu de Rome une réponse favorable à ses desseins. Elle se rendit à Autun où l’attendait une nouvelle foudroyante. M. Martin, ministre des cultes, instruit par Mgr Affre, menaça de disperser la Congrégation, si elle approuvait les nouvelles constitutions qui transportaient à Rome le siège de la société. L’archevêque de Paris envoya un mémoire au Pape, le priant de conjurer la ruine du Sacré-Cœur ; Mgr Matthieu, archevêque de Besançon et ami de Mme Barat, fut délégué à ce sujet auprès du Saint-Père. La commission cardinalice, réunie dans ce but, déclara que la Société devait être gouvernée selon les anciennes constitutions et le pape approuva la décision.

Cette crise n’avait pas arrêté le zèle de Mme Barat : les États-Unis, le Canada, l’Angleterre, l’Irlande, l’Italie recevaient des essaims de la congrégation du Sacré-Cœur. Durant ces longs voyages, la bonté et la générosité de la supérieure eurent l’occasion de se produire bien souvent. Son conducteur en Italie disait naïvement en la quittant : « Voilà une sainte comme je les avais rêvées ; je veux aller en paradis, si l’on y est avec du bon monde comme cela. » La persécution faillit arrêter la prospérité croissante de la Société, lorsqu’on ferma les maisons de Suisse, de Piémont et de Rome. Mais la bourrasque de 1818 ne fut que momentanée et les fondations reprirent leur cours.

Pour rendre plus facile le gouvernement de l’institut. Mme Barat sollicita de Pie IX des modifications aux Constitutions. Dans ce but, elle convoqua le conseil de l’Ordre qui se réunit à la Ferrandière et promulgua les modifications approuvées par le pape, enfin organisa la répartition des soixante-cinq maisons de la société en dix vicairies dont huit pour l’Europe et deux pour l’Amérique. L’œuvre de Mme Barat était achevée : son corps affaibli par la maladie et la vieillesse, son âme ornée des plus belles vertus religieuses, étaient mûrs pour le ciel. Le jour de l’Ascension, 25 mai 1865, elle s’éleignit à Paris à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, dont soixante-deux passés dans la vie religieuse. Par un décret du 5 juillet 1879, le pape Léon XIII l’a déclarée vénérable et la cérémonie de béatification a eu lieu en mai 1908.

D’une notice inédite sur l’institut du Sacré-Cœur, nous extrayons les lignes suivantes qui en retracent le caractère actuel et donnent quelques détails statistiques. « Cette congrégation, approuvée par les souverains pontifes Léon XII et Grégoire XVI, compte 134 maisons, 3.576 religieuses de chœur, 2.606 sœurs coadjutrices. Le but de la société est essentiellement apostolique : donner l’instruction à la jeunesse des classes élevées et moyennes ; la former à la vie chrétienne, et, pour atteindre cette fin, développer l’intelligence par l’étude des lettres, des sciences, des arts d’agrément et des travaux convenables à la position des jeunes filles. L’œuvre des retraites est une de celles qu’embrasse la société ; des écoles sont ouvertes pour les enfants pauvres ; des ouvroirs reçoivent les jeunes filles qui désirent se perfectionner dans la coulure ou la broderie. Différentes congrégations et associations réunissent à jour fixe les personnes désireuses de s’entretenir ou de se perfectionner dans la pratique de la vertu : 1° celle des enfants de Marie pour les jeunes filles et les dames de la société ; 2° les consolatrices de Marie, congrégation destinée aux jeunes ouvrières ; 3° les congréganistes de Sainte-Anne pour les femmes du peuple ; 4° quelques autres associations propres à différentes maisons : œuvre des petits ramoneurs, petits amis du Cœur de Jésus, catéchisme de persévérance, etc. ; des classes de normalistes et des écoles de paroisse, surtout en Angleterre et en Amérique. La société du Sacré-Cœur est gouvernée par une supérieure générale résidant à Paris, siège du conseil administratif. »

La principale maison du Sacré-Cœur dans notre région fut la Ferrandière. Placée sur la commune de Villeurbanne, aux portes de Lyon, ce couvent était installé dans une immense propriété autrefois en pleine campagne, aujourd’hui en pleine ville, car on sait qu’il n’y a aucune solution de continuité entre les maisons des villes de Lyon et celles de Villeurbanne, si bien que celle dernière cité sera sans doute avant peu annexée à la première. On comprend dès lors l’importance qui s’attachait à cet établissement. On a vu que Mme Baral avait songé un moment à transporter à la Ferrandière le gouvernement général de l’institut ; le projet n’aboutit pas, mais la maison fut depuis lors considérée comme une des plus importantes de la congrégation. La Société du Sacré-Cœur possédait, il y a peu d’années encore, deux résidences dans le diocèse de Lyon, un pensionnat aux Anglais et un externat rue Boissac. La maison dite des Anglais était située à Lyon, quartier des Massues, paroisse du Point-du-Jour ; elle fut fondée, en 1827, par Mme Thérèse de La Barmondière qui y constitua un certain nombre de bourses attribuées à des jeunes filles nobles. Le nombre des pensionnaires était de 85 vers 1900. Les religieuses annexèrent plus tard à leur pensionnat une école gratuite pour les enfants de la paroisse Notre-Dame du Point-du-Jour. Depuis les lois scolaires récentes, elles mirent à développer cette école un zèle qui mérite des éloges, et leurs classes étaient fréquentées par la presque totalité des enfants de la paroisse. Au moment du départ pour l’exil, la communauté des Anglais se composait de vingt-sept religieuses de chœur et de vingt-quatre sœurs coadjutrices, soit cinquante et une religieuses. La maison des Anglais a depuis été louée par l’école libre préparatoire à l’école des Mines de Saint-Étienne.

La maison de la rue Boissac a été fondée, en 1827, par la même comtesse de La Barmondière, chanoinesse de Bavière, en faveur de vingt-cinq jeunes filles nobles, sans fortune. D’autres pensionnaires, nobles aussi, y furent admises ; leur nombre s’augmentant chaque année, le pensionnat fut transféré sur la colline de Fourvière au lieu dit aux Anglais. La maison de la rue Boissac devint alors un demi-pensionnat ou externat. Il comprenait, vers 1900, quarante-cinq sujets, dont vingt-cinq religieuses de chœur, vingt sœurs coadjutrices pour cent soixante élèves. Après l’œuvre de l’éducation, la plus importante, celle pratiquée rue Boissac était l’œuvre des enfants de Marie qui comptait trois cent cinquante membres. La réunion était mensuelle, elle se composait d’une messe, d’une instruction, enfin de travail manuel pendant lesquelles on confectionnait du linge d’église et des ornements destinés aux missionnaires de Syrie ; la bénédiction du Saint-Sacrement clôturait les réunions. Rue Boissac on pratiquait aussi l’œuvre des retraites générales et particulières et aussi le patronage où une centaine de jeunes ouvrières recevaient chaque dimanche l’instruction religieuse, à laquelle on joignait quelques éléments des sciences les plus utiles. La congrégation Sainte-Anne pour les mères de ces mêmes jeunes filles fut établie les dernières années ; enfin, un jour par semaine, des conférences religieuses faites par un père Jésuite réunissaient environ 200 personnes venues pour éclairer et fortifier leur foi, ou combler les lacunes qu’y laisse nécessairement l’instruction puisée dans des cours ou des éducations particulières.

RELIGIEUSES NOTRE-DAME DE FOURVIÈRE

La congrégation des religieuses Notre-Dame de Fourvière doit son origine à la communauté des sœurs Notre-Dame établie à Usson (Loire) en 1733 ; celle-ci fut approuvée en 1745 par Mgr Lefranc de Pompignan et en 1755 par Mgr de Gallard, évêques du Puy ; Usson faisait alors partie du diocèse du Puy. Les sœurs se dévouaient à l’éducation chrétienne des petites filles, au soin des pauvres et des malades.

Chapelle des Religieuses Notre-Dame de Fourvière.

La communauté fut dispersée par la Révolution ; elle comptait alors seize sœurs : quatre d’entre elles furent arrêtées et emprisonnées à Feurs pour les services qu’elles rendaient soit aux prêtres, soit aux laïques proscrits : une mourut dans la prison, une autre fut guillotinée, et les deux autres, qui avaient aussi été condamnées, furent, par la mort de Robespierre, arrachées à l’échafaud révolutionnaire. La communauté se reconstitua en 1800, et put même, en 1830, fonder plusieurs maisons dans le diocèse de Clermont. Ces établissements auraient désiré continuer à dépendre de la maison d’Usson ; mais Mgr de Bonald, archevêque de Lyon, ne l’ayant pas jugé à propos, ils se séparèrent avec peine pour former un institut distinct du premier sous le nom de Notre-Dame de Clermont. Mais ces deux congrégations sont demeurées unies par le cœur et n’ont cessé d’avoir entre elles des rapports de la plus fraternelle charité.

Le 15 décembre 1863, un incendie détruisit le couvent d’Usson ; la chapelle seule, lieu de pèlerinage en l’honneur de Marie, invoquée sous le nom de Notre-Dame de Chambriac, chapelle qui date du xie siècle, fut préservée. Dès lors, trois religieuses de ce modeste institut vinrent prendre la direction d’un orphelinat, fondé en 1845, sur la colline de Fourvière, par une charitable Lyonnaise, Mme Laubreaux-Charrasson, qui, la première à Lyon, avait eu l’heureuse pensée de placer son œuvre sous le vocable de NotreDame de Fourvière. La piété filiale de Mme Laubreaux envers la Sainte Vierge l’avait fait surnommer, dans les hospices et les prisons qu’elle visitait : la dame au chapelet. En 1849, Mme Laubreaux trouva dans M. l’abbé J.-B. Rolly, donné par Mgr de Bonald pour aumônier à son œuvre naissante, un collaborateur plein de foi, de prudence et de dévouement. Il fut le soutien, le guide de Mme Laubreaux et celui de la congrégation Notre-Dame de Fourvière. Appelé à la direction de l’orphelinat, il le gouverna jusqu’au 2() novembre 1891 où Dieu appela à lui ce prêtre zélé.

En 1874, lors de la demande de reconnaissance légale de l’institut sous le titre de Sœurs de Notre-Dame, le gouvernement ayant fait remarquer que beaucoup de congrégations religieuses portaient déjà ce même titre, M. l’abbé Rolly, avec l’agrément de Mgr Ginouilhac, archevêque de Lyon, proposa d’y ajouter la dénomination : Notre-Dame de Fourvière, qui désignait déjà l’orphelinat fondé par Mme Laubreaux. La vie de cette grande chrétienne fut toute d’abnégation, de dévouement, d’abandon à Dieu et de confiance sans borne en Marie.

En 1879, le cardinal Caverot, archevêque de Lyon, rattacha à la congrégation Notre-Dame de Fourvière plusieurs maisons religieuses de son diocèse restées jusque-là indépendantes. La maison mère de l’institut où se trouve le noviciat dirige l’orphelinat fondé par Mme Laubreaux. La congrégation Notre-Dame de Fourvière comptait, avant les sécularisations, 132 membres et 26 établissements dans le Rhône, la Loire et l’Isère ; les œuvres de l’institut sont l’éducation chrétienne des enfants, des jeunes filles, des orphelines de la classe ouvrière, le soin des pauvres et des malades, soit dans les hospices, soit à domicile. Les constitutions des religieuses, modifiées par Mgr Caverot, et approuvées par lui, le 24 juin 1884, sont tirées de celles de saint Ignace, et le directoire des exercices spirituels de celui des religieuses de la Visitation.

La chapelle, terminée le 14 avril 1849, sur les plans de M. Paret, fut bénite le 23 décembre 1849, par M. de Serres, chanoine de la Primatiale. Elle fut, comme l’œuvre du Refuge, qui précéda l’œuvre de l’Orphelinat Noire-Dame de Fourvière, construite aux frais d’Anne-Marie-Adèle Charrasson et de son mari, Louis Laubreaux, aidés par M. l’abbé Jean-Baptiste Rolly. Les religieuses en prirent possession en 1865. La chapelle agrandie, en 1875, par M. l’abbé Rolly, sur les plans de M. Charles Franchet, fut bénite par M. Goutard, curé de la Primatiale, le 19 mars 1876. Ses dimensions approximatives sont : en longueur 18 m., en largeur 5 m. 50. Elle est dédiée au Sacré-Cœur et à la Sainte Vierge.

Le maître-autel est décoré d’un bas-relief représentant sainte Anne et saint Louis, roi de France, avec monogramme de la Mère de Dieu entouré de lis et de roses. Les vitraux sont l’œuvre de M. Miciol et datent de 1876. Ils représentent, au chœur, le Sacré-Cœur et saint Joseph ; dans la nef, du côté de l’épître, les Saints anges gardiens, saint Joseph, saint Louis, roi de France ; du côté de l’évangile, sainte Anne, sainte Victoire et sainte Catherine.

Trois tableaux ont été placés au fond de la nef : au milieu, Le Christ ; à droite, Saint Louis de Gonzague ; à gauche, La Cène, copie du tableau de Léonard de Vinci. La chapelle possède une châsse avec reliques de sainte Philomène, ayant appartenu à Mlle Jaricot, fondatrice de l’Œuvre de la Propagation de la foi, et donnée par sa fidèle compagne Maria Dubouis, en reconnaissance des services rendus par M. l’abbé Rolly à Mlle Jaricot.

RELIGIEUSES NOTRE-DAME DE L’ASSOMPTION

Le nom de l’abbé Combalot se trouve le premier à l’origine de l’Assomption, et c’est dans sa vie qu’il faut chercher la genèse de l’esprit assomptionniste et du mouvement d’idées qu’il représente ; l’œuvre lui doit sa première impulsion. Prédicateur renommé des dernières années de la Restauration, et du règne de Louis-Philippe, il était l’homme de foi et de zèle qui ne se démentit jamais au cours d’une longue et belle existence.

La rencontre providentielle survenue, en 1837, entre le prédicateur de Saint-Eustache et une jeune fille, Anne-Eugénie Milleret de Brou, décida de la vocation de cette dernière et de la fondation d’un ordre consacré à la Sainte-Vierge, fondation depuis longtemps mûrie dans le cœur de l’abbé Combalot. Cette personne appartenait par sa naissance à une honorable et noble famille de Luxembourg. À la suite de l’appel de Dieu, elle fit une année de retraite chez les Bénédictines du Saint-Sacrement, se rendit de là au couvent de la Visitation de la Côte-Saint-André où elle lut admise au noviciat, le 14 août 1838. Cependant, fidèle à sa vocation, Eugénie vint à Paris le 13 avril 1839. La fondation de l’Assomption eut lieu le 30 du même mois et la vie religieuse commença, modeste et cachée, dans un petit appartement de la rue Férou, où la communauté, composée de trois personnes, ne devait pas attendre longtemps de nouvelles et nombreuses recrues. Transporté rue de Vaugirard, où, par la protection de Mgr Affre, une chapelle fut autorisée, le petit institut y entendit la première messe le 9 novembre 1839, en présence de six religieuses non encore revêtues de l’habit, mais fixées par des constitutions qui avaient emprunté leur base et leur esprit à la règle de saint Augustin. Le but de la nouvelle congrégation était de christianiser l’éducation en la débarrassant des traditions païennes et mondaines. C’était donc une œuvre de charité extérieure, qui n’excluait pas la vie d’immolation intérieure, base de toute association spirituelle.

Le 14 août 1840 eut lieu la prise d’habit des vaillantes religieuses : une robe de serge violette, une cordelière de même couleur, une croix de laine blanche sur la poitrine, une guimpe de toile et un voile blanc, telle était leur livrée. M. Combalot restait l’âme de l’œuvre naissante ; mais le caractère autoritaire et l’esprit versatile du vénérable prêtre allaient susciter des difficultés et des épreuves heureusement atténuées par l’entrée en scène de l’abbé d’Alzon, ami de M. Combalot. Dans les desseins de Dieu, c’était l’abbé d’Alzon qui devait être, par suite de la rupture survenue entre M. Combalot et la communauté, l’appui, le guide et le soutien de la fondatrice, mère Marie-Eugénie de Jésus. Vicaire général de Nîmes, l’abbé d’Alzon ne vint à Paris qu’en 1843 ; il ne fut jamais supérieur de l’œuvre, mais le conseiller écouté et l’ami dévoué. Le 15 août 1841, les trois premières mères de l’Assomption prononcèrent leurs vœux. La cérémonie lut solennelle, les professes reçurent la croix de laine blanche sur la poitrine et au doigt l’anneau d’or. Mgr Gros, du clergé de Paris, avait accepté d’être le supérieur, par déférence pour l’archevêque Mgr Affre, qui protégeait la nouvelle fondation, mais non par inclination pour les œuvres de M. Combalot. Mgr Gros n’aurait pas vu de mauvais œil le retour de Marie-Eugénie à la Visitation et la dissolution de la communauté, et cela, non par préjugé ou esprit d’opposition, mais par charité, croyant de bonne foi que le nouvel institut n’avait aucune chance -de durée. La Providence en avait décidé autrement ; la communauté s’établit dans un autre local, impasse des Vignes, près de la rue des Postes, et c’est là que fut fondé, en 1842, Je premier pensionnat.

Couvent des Dames de l’Assomption, boulevard du Nord.

Le noviciat allait bientôt faire son apparition ; les épreuves du début étaient vaincues et la petite congrégation allait suivre une voie plus aplanie et plus heureuse. Le Père Lacordaire qui, lors de ses conférences, en 1836, à Notre-Dame de Paris, avait eu tant d’ascendant sur mère Marie-Eugénie de Jésus, devait être un des soutiens de l’œuvre qu’il appréciait et à laquelle il s’intéressa dès son retour à Paris en 1841. L’abbé d’Alzon, de son côté, ne cessait d’être en rapport avec la supérieure et de lui prodiguer ses encouragements et son appui ; il l’assista avec beaucoup de zèle lorsqu’il fallut élaborer les constitutions encore incomplètement tracées par M. Combalot. L’année 1845 verra se resserrer les liens de l’Assomption avec M. d’Alzon : il vint en effet à Paris et prêcha, à l’impasse des Vignes, une retraite, fort goûtée. Un nouveau changement de local survint en 1845 : l’Assomption fut transportée rue de Chaillot près les Champs-Élysées ; entre temps, l’abbé d’Alzon fondait un ordre à Nîmes pour l’extension du règne du Christ dans les âmes et l’amélioration de l’enseignement par l’esprit chrétien. Inutile de dire que, dès lors, l’union des fondateurs, le Père d’Alzon et la mère Marie-Eugénie de Jésus, devint plus intime encore que par le passé ; une même pensée et un même but les animaient. La Providence fit prospérer les modestes débuts à ce point qu’aujourd’hui l’Assomption compte vingt-cinq couvents disséminés en France, en Italie, en Espagne, en Angleterre dans l’Amérique centrale et aux îles Philippines.

L’installation à Lyon des religieuses eut lieu deux ans après la fondation de Bordeaux, c’est-à-dire en 1862. Elle fut proposée par un prêtre de Lyon qui offrit aux religieuses de l’Assomption de continuer un pensionnat séculier qu’on désirait céder à une communauté. Le P. d’Alzon poussa vivement celle affaire ; il était très lié avec l’abbé de Serre, secrétaire du cardinal de Donald, archevêque de Lyon, et par lui on obtint facilement l’autorisation du prélat. Celui-ci se montra, du reste, très heureux de voir arriver les religieuses de l’Assomption et, parmi elles, Cécile de Gouy, fille du général de Gouy, un de ses amis d’enfance.

Celle-ci appelée mère Marie du Saint-Sacrement, chargée de la fondation, y apportait ce dévouement humble et doux qui l’a suivie partout où la Providence s’est plu à l’envoyer. On lui donna comme auxiliaires tout un noviciat de jeunes professes qu’elle devait continuer à diriger et à former. Parmi ses élèves on compte sœur Agnès-Eugénie, devenue plus tard supérieure à Lyon, maîtresse des novices à Auteuil, puis chargée de la maison du Nicaragua ; sœur Jeanne-Emmanuel, si regrettée à Nîmes, où elle est morte supérieure en 1890, et sœur Marie-Raphaël, qui a laissé le souvenir d’une âme angélique et d’un cœur d’apôtre.

Le départ d’Auteuil eut lieu le 15 mai 1862. Comme à Bordeaux, les difficultés ne manquèrent pas. Il fallait finir l’année scolaire avec des élèves venues de milieux très divers, assez indisciplinées et nullement formées à cet esprit de famille, à cette ouverture simple et franche qui caractérise les pensionnats de l’Assomption.

Un vaste local fut trouvé sur les hauteurs de Sainte-Foy, il était admirablement situé avec une vue splendide et trois larges terrasses qui servaient de jardin. Les sœurs s’y installèrent le 2 octobre, sous la protection des saints anges. » L’épître de la messe et le capitule de laudes semblaient faits pour nous, écrit la Supérieure : Je vais envoyer mon ange, afin qu’il marche devant vous, qu’il vous garde pendant le chemin, et qu’il vous fasse entrer dans la terre que je vous ai préparée. »

À Sainte-Foy, les sœurs de l’Assomption se trouvèrent très près d’un couvent de Pères Maristes, qui voulurent bien leur servir de chapelains et de confesseurs. Le supérieur M. Vitte, depuis évêque missionnaire de Nouméa, fut un Père pour cette communauté qui trouva en lui conseil et appui. « Dans toutes nos fondations, disent les religieuses de l’Assomption, nous avons pu admirer la charité fraternelle qui règne entre les enfants de Dieu, toujours prêts à s’unir pour le service de l’église et des âmes. »

En 1883, on acheta, près du Parc de la Tête-d’Or, l’hôtel Arlès-Dufour et on l’appropria à sa nouvelle destination. M. Pascalon, architecte, aménagea la chapelle qui fut achevée et décorée par M. Sainte-Marie Perrin. La décoration est remarquable par ses tons doux. M. Bégule l’a enrichie de beaux vitraux qui représentent, au milieu, l’Assomption de la Vierge, d’un côté, l’Annonciation et la Naissance du Sauveur, de l’autre l’Adoration des Mages et le Couronnement de Marie.

NAZARETH

La société de Nazareth n’est pas d’origine lyonnaise, mais c’est à Lyon que cette restauration à la fois si hardie et si modeste produisit ses premières fleurs et ses premiers fruits dans l’enseignement chrétien des jeunes filles. Elle commença modeste et pauvre d’abord, abondante par la suite. Rappelons en quelques mots, la vie admirable de la grande et pieuse dame nommée Mme de Larochefoucauld, duchesse de Doudeauville, fondatrice temporelle, parce qu’elle ne voulut jamais d’autre titre, quoiqu’elle en méritât un bien supérieur. Sa foi éclairée et prudente, son sens exquis de la vocation religieuse et des nécessités du siècle agité où elle prodigua sa vie jusqu’aux extrêmes limites de la vieillesse, après avoir traversé les péripéties de la Révolution, faisaient de l’épouse « du duc aux bienfaits » comme on appelait son mari, par antithèse « aux ducs à cordon », une initiatrice d’âmes, une régulatrice des tempéraments les plus opposés. Au demeurant. Mme RoUat, première supérieure de Nazareth, ne se considéra jamais que comme l’assistante, la seconde de la duchesse.

L’héritière de la branche aînée des Larochefoucauld était née Augustine-Françoise Le Tellier de Louvois de Montmirail : sa mère, fantasque au possible, dure par ostentation de rigorisme qu’elle mêlait aux excentricités les plus inattendues, comprima son enfance et en aurait tari les sources de tendresse si elles n’eussent été infinies. Elle fut jetée d’un coup dans le monde, comme une bouée en pleine eau, mariée à un enfant de quatorze ans qu’elle avait à peine aperçu dans une fête, le jeune Ambroise de Larochefoucauld-Montendre, fils du marquis philosophe à qui revenait le duché de Doudeauville ; elle avait à peine elle-même atteint à l’adolescence. Il va de soi que les deux époux en miniature furent séparés dès la messe dite et le contrat signé : c’était la mode, mais encore purent-ils s’écrire. Dieu avait bien fait les choses malgré les hasards apparents des usages frivoles. Ambroise de Larochefoucauld-Doudeauville avait un naturel sérieux, un cœur ardent au bien, une raison qui ne se laissait égarer par aucun sophisme ; il grandit, se fortifia de corps, s’embellit du reflet de ses pensées précoces, et quand les institutions de l’ancienne France s’écroulèrent, sa femme et lui émigrèrent. La duchesse, après avoir erré à l’étranger, retourna à Paris pour y veiller sur sa fortune devenue déjà le bien des pauvres. Elle se fit arrêter plutôt qu’on ne l’arrêta deux fois. La première fois elle émut ses juges ; convaincue d’entretenir correspondance avec son époux, elle fut néanmoins acquittée, après ce mot d’un juge : « Tu es une brave femme, citoyenne. » Elle fut plus brave encore en allant trouver Fouquier-Tinville pour revendiquer une lettre qui avait compromis un ami ; le pourvoyeur de la guillotine ne cacha pas son admiration et son respect, et il reconduisit la duchesse libre à son bras sanglant.

La tempête apaisée, le duc et la duchesse, plus heureux que beaucoup d’autres, étaient rentrés en possession de leurs biens. Ce fut pour en faire un noble usage ; le duc devint comme le conseiller des œuvres charitables. Tour à tour, directeur du comité de l’enseignement primaire de la Seine, directeur général des postes, administrateur des sourds-muets, ministre d’État et membre du conseil privé, ministre enfin de la maison du roi et pair de France, il donna les plus beaux exemples de dévoûment aux pauvres, aux malades, aux enfants délaissés. La duchesse cependant s’effaçait, voulant que tout l’honneur du nom brillât sur le chef de famille et se réservant les souffrances intimes. Dieu d’ailleurs ne la ménagea pas : elle perdit prématurément sa fille Pauline, Mme de Rastignac, puis sa belle-fille, fille unique du vertueux duc Mathieu de Montmorency, son gendre, M. de Rastignac, son fils Sosthène et quelques-uns de ses petits-enfants, sa sœur. Mme de Montesquiou, ex-gouvernante du roi de Rome ; auparavant sa belle-sœur, Mme de Dustal, était morte sur l’échafaud avec dix Larochefoucauld. « Le bon Dieu m’oublie en cette vallée de larmes », disait-elle : il ne l’oubliait pas, il prolongeait ses jours pour une œuvre où se montreraient toutes ses qualités.

Ancien couvent de Nazareth à Lyon.

M. et Mme de Doudeauville avaient une prédilection marquée pour le séjour du château paternel de Montmirail : c’était là que Paul de Gondi avait reçu les leçons de saint Vincent de Paul. Bien des années en deçà du temps où nous voici, la duchesse avait contribué pour une large part aux œuvres confiées, à Montléan, faubourg de Montmirail, aux mains expertes des filles de la Charité, et l’idée lui était venue de se faire un domaine propre parmi ces renaissances chrétiennes que Napoléon tolérait et parfois même favorisait. Non loin de l’église remplie de grands souvenirs, elle acheta une modique habitation, et y réunit quelques religieuses de congrégations diverses que la Révolution avait dispersées. La communauté prit le nom de Dames de la Paix. Le célèbre abbé Legris-Duval, confident, directeur et commensal des Larochefoucauld-Doudeauville, en fut le premier supérieur et lui donna de courts principes de conduite fort sages, en attendant les règles particulières dont le temps déciderait. C’était en 1806. À la mort de l’abbé Legris-Duval, en 1819, il y avait des tiraillements, chaque religieuse voulant faire prédominer son ancienne règle. Le père Roger, Jésuite, directeur ferme, doux et habile, Mgr de Frayijsinous en personne, tentèrent en vain de pacifier les Dames de la Paix. La duchesse retenue à Paris, absorbée par ses deuils renouvelés, par les occupations croissantes dont son rang remplissait son existence, ne pouvait, selon sa propre expression, suivre que d’un œil ses filles de Nazareth. Pourtant, quand elle eut peu à peu écarté d’elle tous ces honneurs, quand son mari se fut retiré de la vie politique et eut ressenti les premières atteintes du mal qui devait l’emporter, elle vint plus assidûment à Montmirail et la paix rentra bientôt à sa suite à Montléan, les dissentiments se fondirent, les caractères les plus éloignés se rapprochèrent ; enfin à la mort du duc, survenue en 1841, Mme de Doudeauville se donna presque exclusivement à Nazareth. Au père Roger qui avait sur la fin ressaisi son prestige et était mort en 1839, avait succédé le père Varin, un autre grand directeur d’âmes. Bref, la vénérable duchesse n’entendait plus que des paroles de joie et d’espérance autour de son fauteuil assiégé par ses petit-fils et petites-filles ; et il lui fut montré par des signes très nets que son œuvre vivrait et s’augmenterait. Mme Élisabeth Rollat, personne de caractère et de douceur, avait en quelque sorte fondé de nouveau la communauté en 1822, et la gouverna jusqu’à sa mort en 1842. Quant à Mme de Doudeauville, elle s’éteignit le 24 janvier 1849. Mieux que l’une des sœurs de Mme de Montesquieu, elle méritait cette épitaphe : » Qui l’emporta de sa grandeur, ou de sa beauté, ou de sa bonté ? » Ce qui l’emporta surtout cela en elle, ce fut Dieu et le désir du bien.

L’institut des religieuses de Nazareth a pour but l’instruction et l’éducation des jeunes filles par l’établissement de pensionnats, demi-pensionnats ou externats. À ce but principal de son zèle, la société ajoute les œuvres de pauvres comme écoles, patronages, catéchismes et aussi les missions en Orient.

Depuis l’époque déjà lointaine dont il a été question, la congrégation a largement prospéré ; en 1900, avant les brutales expulsions, elle comptait 300 sujets environ, dont 200 au rang de religieuses de chœur et 100 à celui de sœurs converses et auxiliaires. Il existait douze résidences qu’il importe d’énumérer : 1° à Oullins près de Lyon, maison mère, noviciat, pensionnat de 120 élèves, 2° à Montmirail (Marne), pensionnat de 30 élèves ; 3° à Boulogne-sur-Mer, pensionnat et demi-pensionnat de 100 élèves ; 4° à Reims, pensionnat et demi-pensionnat de 70 élèves ; 5° à Lyon, externat de 60 élèves ; 6° à Taling, près Londres, pensionnat de 35 élèves ; 7° à Rome, quartier des Prati di Castello, 60 élèves pensionnaires ou demi-pensionnaires ; 8° à Beyrouth (Syrie), pensionnat de 100 élèves et école de pauvres de 350 enfants ; 9° à Nazareth, Caïffa, Saint-Jean d’Acre, Cheffa-Amer (Galilée), maisons de mission comprenant des écoles fréquentées par 350 enfants, des dispensaires où viennent chaque jour 200 malades de toutes les religions et auxquels les remèdes sont donnés gratuitement, des congrégations séculières de mères et de jeunes filles chrétiennes, de chacune 150 membres ; enfin en préparation un pensionnat à Rouen.

Aujourd’hui la maison mère d’Oullins a été transportée en Suisse et l’externat de Lyon, situé quai des Brotteaux, vaste et belle construction toute récente, a été — ironie des choses — loué pour une école communale.

SERVANTES DES PAUVRES

Cardinal de Bonald, archevêque de Lyon.

La communauté dite Servantes des pauvres débuta le 17 septembre 1865. Elle fut fondée par sœur Marie-Rose de Sainte-Catherine, originaire du diocèse d’Annecy. Mgr de Bonald accueillit avec bonté cette personne qui voulait se consacrer au service des malades. Des âmes de bonne volonté se joignirent à elle, et, en 1808, elles formèrent une petite communauté sous la direction du Père Mathieu Lecomte, Dominicain, puis du Père Danzas. On s’était établi d’abord sur la paroisse Saint-Pothin, on se transporta bientôt sur celle de l’Immaculée Conception pour s’agrandir. Le cardinal de Bonald donna à ces dames comme costume un simple petit manteau et un camail. Elles n’étaient pas religieuses proprement dites, mais leur but était de se vouer au service des malades pauvres, à l’exclusion des riches, et à domicile. Cette communauté n’a eu qu’une existence éphémère, et elle a aujourd’hui disparu.


MISSIONS-AFRICAINES

Un des fleurons — et non des moindres — de la couronne religieuse dont est parée la ville de Lyon est la société des Missions-Africaines. Son fondateur fut Mgr Melchior-Marie-Joseph de Marion-Brésillac, qui, après avoir passé douze ans de sa vie dans les missions de l’Inde anglaise, eut la courageuse pensée de se dévouer aux peuples les plus abandonnés de la côte d’Afrique, les nègres de la côte des Esclaves encore privés de toute connaissance évangélique. Ayant sollicité du Saint-Siège l’autorisation de se rendre dans cette région avec quelques compagnons d’apostolat, il l’obtint, et, le 10 avril 1856, quitta Rome avec la bénédiction du pape et les encouragements de la Congrégation de la Propagande. C’est dans la cité de Clermont que l’évêque missionnaire, issu d’une des plus illustres familles de Castelnaudary (Aude), annonça, après une fervente retraite au couvent des Capucins de Versailles, sa grande entreprise. Il se rendit ensuite à Lyon où sa voix trouva de l’écho, et bientôt, sur la colline des martyrs, tout près de l’église Saint-Irénée, on vit s’ouvrir un nouveau séminaire. Les articles fondamentaux de la Société, rédigés et publiés, en 1858, par Mgr de Marion-Brésillac. disent notamment que, fondée sous les auspices de la Propagande de Rome, la Société des Missions-Africaines de Lyon « a pour but principal l’évangélisation des pays de l’Afrique qui ont le plus besoin de missionnaires ; elle travaillera constamment à préparer les voies pour pénétrer dans les lieux où il n’y a pas encore de missionnaires ; elle est essentiellement séculière, c’est-à-dire qu’on n’y fait point de vœux ; elle se composera du supérieur général, des supérieurs locaux, des conseillers, de confrères ecclésiastiques et aussi de frères laïques ; ces derniers devront, autant que possible, exercer un art ou un métier, afin d’être capables de l’enseigner aux enfants pauvres et aux jeunes Africains ; partout où plusieurs associés seront réunis, ils mèneront la vie commune ; à la Société adhèrent des affiliés qui participeront aux mérites de l’œuvre, s’ils s’attachent à la seconder par leur influence morale et par des secours matériels ».

Chapelle des Missions-Africaines.

La cérémonie du départ fut célébrée, au séminaire de Lyon, le 2 novembre 1858, et le départ effectif eut lieu le lendemain. Un mois après, les missionnaires prenaient contact avec la terre africaine. Le 11 mars 1859, l’intrépide Mgr de Marion-Brésillac s’embarquait à Brest pour aller rejoindre ses premiers envoyés sur la Côte des Esclaves. Lorsqu’il y aborda, une cruelle épidémie sévissait dans ce pays sauvage, et les joyeux embrassements de l’heureuse arrivée se confondirent presque avec les adieux déchirants du départ suprême. L’évêque vit mourir sous ses yeux deux de ses prêtres et son frère laïque, victimes de l’épidémie. Quand lui-même et son vicaire général, le P. Reymond, furent atteints, ils avaient enterré presque tous leurs chrétiens ; enfin, ils succombèrent à leur tour, à un jour d’intervalle l’un de l’autre ; seul, un frère échappa à la mort. À la fin de juin le désastre était accompli : la chrétienté naissante de Sierra-Leone avait péri dans son berceau. Mgr de Marion-Brésillac mourut l’avant-dernier de tous, plus frappé par la douleur de voir ses prêtres expirer sous ses yeux qu’emporté par la maladie. Le P. Reymond, vicaire général, succomba le lendemain, après avoir administré les derniers sacrements à son évêque.

Malgré ce coup terrible, l’œuvre de l’intrépide prélat ne mourut pas avec lui. Il eut un digne successeur dans le R. P. Planque qu’il avait laissé à la tête de son séminaire sur la demande du nouveau supérieur. Par un bref du 28 août 1860, le souverain pontife érigea un nouveau vicariat apostolique dans le golfe de Guinée, sous le nom de vicariat apostolique du Dahomey. Le 2 janvier 1861, trois nouveaux missionnaires s’embarquaient pour la mission d’Afrique et allaient bientôt y constater que, si le climat du Dahomey était plus salubre que celui de Sierra-Leone, la barbarie de son gouvernement dépassait ce qu’on trouvait de plus monstrueux, même en Afrique. Ils y abordèrent heureusement, après avoir béni, en passant à Sierra-Leone, les tombes de Mgr de Marion-Brésillac et du P. Reymond qui n’avaient point reçu les honneurs et les prières de l’Église. Les courageux missionnaires se mirent à l’œuvre, et, dans ce pays barbare, vrai repaire de Satan, réussirent à obtenir l’amitié du roi. La semence chrétienne, jetée par eux dans ces peuples déshérités, où les sacrifices humains étaient à peu près le seul culte rendu aux divinités, ne tarda pas à porter ses fruits. De leur centre Ouida, les apôtres du Dahomey rayonnèrent largement, et leur chef, le P. Borghero, fut un de ces ambitieux à qui rien ne coûte lorsqu’il s’agit d’étendre les conquêtes de la foi.

À Lyon, d’ailleurs, d’autres missionnaires étaient impatients de s’élancer vers les côtes d’Afrique. Les aumônes abondaient. En 1862, le séminaire provisoire fut transféré dans un nouvel établissement du cours de Brosses, aujourd’hui cours Gambetta. Les départs plus nombreux de missionnaires permirent à l’œuvre d’Afrique une plus grande moisson. Ouida, Porto-Novo, Lagos et Agoué furent successivement évangélisés. En 1873, une mission importante fut créée dans l’Afrique méridionale et confiée également à la Société des Missions-Africaines : elle comprenait plusieurs districts détachés des deux vicariats apostoliques du cap de Bonne-Espérance. C’est ainsi que se développèrent successivement les missions lyonnaises en Afrique. La sage et énergique administration du P. Planque, supérieur général, lui permit de fonder deux autres établissements importants qui complétèrent le système d’organisation. La maison établie à Nice pour les convalescents du Dahomey fut en peu de temps très prospère. L’église du Sacré-Cœur de Nice, desservie par les missionnaires, devint le rendez-vous des étrangers qui abondent pendant l’hiver dans ce pays privilégié et dont plusieurs étaient gagnés par les prédications de ces dignes missionnaires revenus de la Côte des Esclaves. Cette vaillante société continue à multiplier dans le désert africain le nombre des apôtres ; elle a son martyrologe, et, partant, une ample part à la moisson.

Le seul mot d’esclavage révolte aujourd’hui tous les cœurs honnêtes ; mais on ne s’était pas fait une idée précise du poids terrible dont cette institution cruelle ou plutôt cette malédiction divine a pesé sur les races nègres. Durant plusieurs siècles, la plus grande partie de l’Afrique, surtout cette malheureuse portion de la famille de Cham disséminée sur la Côte des Esclaves, a été mise en coupe réglée. Depuis Loi 7, date de la première licence délivrée par Charles-Quint, que de populations de noirs furent écrasées, amenées au rivage et entassées dans nos navires ! Oui, l’Europe et la France elle-même ont eu leur lourde part de responsabilité dans cette œuvre inique. Sans doute, la conscience européenne s’est réveillée de nos jours et l’esclavage a disparu en Amérique et à travers les océans ; mais, en Afrique, et surtout à l’intérieur de ses sables, l’esclave, comme par le passé, remplace le serviteur libre ; les trafiquants réclament leur proie. Du Maroc à Zanzibar, les esclaves gémissent encore. Dans tous les états musulmans, les harems fourmillent de ces êtres dégradés. On évalue à plus de quatre cent mille le nombre de ces malheureux enlevés annuellement aux populations de ces pays. Dans l’Afrique occidentale, la consommation de la traite est encore plus formidable, et, avec elle, les sacrifices humains, les razzias, les guerres atroces de tribus à tribus sont encore en honneur. Or, c’est l’honneur de la Société des Missions-Africaines de Lyon d’avoir porté la vertu de l’Évangile dans ces régions. Malheureusement, une des lois les plus inflexibles qui pèsent sur les œuvres divines veut que toute conquête et toute rédemption se fasse par le sacrifice ; la Société des Missions-Africaines a, pour une part déjà grande, subi avec honneur cette loi, prix de son influence toujours grandissante sur la ferre de Cham.

Intérieur de la chapelle des Missions-Africaines.

La chapelle des Missions-Africaines, située cours Gambetta, est placée sous le vocable de la Division des Apôtres (Divisio apostolorum). C’était le titulaire de l’ancienne église Saint-Nizier ; le cardinal de Bonald voulut conserver ce vocable à la ville de Lyon et le transféra à la chapelle des Missions-Africaines, comme il résulte de son ordonnance du 17 août 1869.

C’est un édifice très vaste, mais qui frappe par sa pauvreté d’ailleurs volontaire, les murs y sont nus. La chapelle n’est pas encore terminée, il y manque une abside et une travée de la nef. L’autel de marbre a été récemment enlevé par crainte d’une désaffectation qui menaçait. Il est orné d’un bas-relief sculpté qui représente Notre-Seigneur donnant à ses Apôtres la mission d’aller évangéliser le monde. Au fond et dominant l’autel se trouvent quatre statues : le Sacré-Cœur, la Vierge-Mère, saint Pierre Claver et le bienheureux Chanel.

Dans le transept de droite on a placé un grand tableau : Jésus bénissant les enfants, et au fond un petit autel dédié à Notre-Dame de Lourdes ; dans le transept gauche une peinture représentant La Présentation de Jésus au temple, et, dans le fond, la statue du bienheureux Vianney, curé d’Ars. Au fond de la grande nef se voit une peinture : L’Adoration des mages, enfin, à l’entrée du chœur : les saints Pierre et Paul.

Les chapelles latérales sont, du côté de l’épître : 1o celle Notre-Dame des Victoires ; 2o la chapelle du Sacré-Cœur dont la statue surmonte l’autel de bois peint ; à gauche de l’autel le groupe de Notre-Dame de Pitié, peint ; 3o la chapelle Saint-Antoine de Padoue, avec un gracieux autel de chêne sculpté et un bas-relief représentant les quatre évangélistes avec leurs symboles, et à gauche, sur un piédestal, la statue de saint Antoine de Padoue.

Du côté de l’évangile se trouvent : 1o la chapelle saint Joseph avec autel de bois sculpté, surmonté de la statue du saint conduisant Jésus enfant, avec une petite croix à la main ; 2o la chapelle Saint-Louis de Gonzague, avec, au-dessus de l’autel, statuette du saint ; 3o la chapelle Saint-Stanislas ; l’autel de pierre est surmonté d’une statue : Stanislas portant l’Enfant-Jésus ; à droite, se trouve un tableau de Notre-Dame du Perpétuel Secours. L’église des Missions-Africaines reçoit une abondante lumière par douze baies géminées qui ne sont pas encore ornées de leurs vitraux.

RELIGIEUSES NOTRE-DAME D’AFRIQUE

Le premier postulat de la congrégation Notre-Dame d’Afrique fui établi à Lyon. Il est nécessaire ici de rappeler quelques dates et quelques faits de la vie du fondateur de ces religieuses, prélat qui tint, au xixe siècle, une place si importante dans l’histoire de l’Église de France : le cardinal Lavigerie.

Charles-Martial-Allemand Lavigerie naquit à Bayonne (Basses-Pyrénées), le 31 octobre 1825. En 1840, il fut élève du séminaire Saint-Nicolas, à Paris, dont l’abbé Dupanloup était supérieur. Il y passa trois brillantes années au bout desquelles il entra au séminaire de philosophie d’Issy, puis à Saint-Sulpice. Ordonné sous-diacre par Mgr Affre, en décembre 1846, et diacre par Mgr Sibour, en décembre 1848, il reçut le sacerdoce le 2 juin 1849. Successivement chapelain de Sainte-Geneviève, professeur d’histoire ecclésiastique à la Sorbonne, directeur de l’œuvre des écoles d’Orient, il était mûr pour l’épiscopat : le 22 mars 1863, il était sacré, à Rome, évêque de Nancy. Il ne demeura que quatre ans dans cette ville, et fut élevé à la dignité d’archevêque d’Algérie 12 mars 1867. Il ne devait plus quitter notre grande colonie africaine, à laquelle il consacra désormais ses forces et sa vie entière. Le Saint-Siège avait sur lui des vues encore plus élevées : c’est ainsi que, le 28 juin 1881, il fut créé administrateur apostolique provisoire de Tunisie, en remplacement de Mgr Suter, démissionnaire ; enfin, le 27 mars 1882, il reçut le chapeau de cardinal.

On connaît les œuvres du grand prélat, et en particulier, la fondation des missionnaires appelés Pères blancs, chargés de l’évangélisation des régions centrales de l’Afrique.

Ce qu’on sait moins, c’est que le cardinal réalisa un projet qui lui tenait à cœur : la création d’une communauté de religieuses chargées d’aider les missionnaires dans leur apostolat. Voici dans quelles circonstances. Il y avait à peine six mois que l’évêque avait pris possession du siège d’Alger quand éclata, dans son diocèse, une affreuse famine à laquelle se joignit le typhus. C’est ce qui conduisit le prélat à fonder deux vastes orphelinats pour recueillir 1.800 orphelins arabes ; celui des garçons fut établi k Maison-Carrée, celui des filles à Saint-Charles de Kouba. Ce fut pour moraliser ces jeunes enfants et leur donner les principes de la religion chrétienne, que l’archevêque fonda, en 1868, la Société des missionnaires d’Alger, puis, en 1869, la Congrégation des Sœurs missionnaires d’Afrique pour les petites filles.

Huit bretonnes furent les premières pierres vivantes de cet édifice. Pour les former à la vie religieuse, on fit venir de Nancy quelques sœurs Saint-Charles. Bientôt la congrégation grandit : dix, vingt, trente sœurs se trouvèrent réunies pour se dévouer aux orphelines. Lorqu’arriva le moment de songer à l’avenir des orphelines, on les maria avec les orphelins de Maison-Carrée, ce qui facilita l’établissement de villages d’Arabes chrétiens. La première paroisse s’appela du nom de saint Cyprien et vingt ménages chrétiens y établirent domicile en 1873. Dès lors une nouvelle période s’ouvrit pour la Congrégation des Sœurs Notre-Dame d’Afrique et quelques-unes allèrent s’établir dans le village Saint-Cyprien pour continuer leur rôle d’éducatrices. Lorsqu’un hôpital devint nécessaire pour soigner les malades, les incurables, les vieillards et les infirmes, on le créa, en 1876, sous le nom d’hôpital Sainte-Élisabeth. Les sœurs missionnaires y prodiguèrent leur dévouement au point que, lors de la famine de 1893, cet établissement hospitalisa 1.313 malades.

En 1878, Mgr Lavigerie comprenant la nécessité de fonder des missions dans les hautes régions de la Kabylie, y envoya les sœurs pour ouvrir des écoles. Enfin, en 1882, après sa nomination comme administrateur apostolique de Tunisie, il établit à La Marsa, une maison de refuge pour les filles abandonnées ou égarées.

Pour répondre aux besoins des nouvelles fondations le prélat avait créé, en 1887, deux postulats en Europe. Il établit lui-même le premier à Lyon, puis se rendit en Hollande et choisit Maëstricht pour la seconde maison de probation. Le postulat de Lyon fut transféré à Paris en 1891 et rétabli à Lyon en 1893 ; enfin, en 1890, une troisième maison fut établie à Milhau dans l’Aveyron, et une procure à Marseille en 1898.

La congrégation comptait, en 1892, trois maisons en Tunisie, trois en Kabylie et trois dans la plaine du Chéliff ; elle avait, outre la maison mère et l’orphelinat Saint-Charles, plusieurs autres établissements sur le littoral. Après la mort du cardinal Lavigerie, son champ d’action s’étendit encore plus loin ; des sœurs partirent pour Biskra, pour Ghardaïa ; en outre, de nombreux hôpitaux furent fondés : celui de Sainte-Eugénie à Beni-Menguellath, 1894 ; de Saint-Augustin dans le massif entre Batna et Tebessa, 1895 ; celui de Biskra, 1896 ; de Ghardaïa ; l’hôpital Saint-André dans la province d’Oran, en 1899.

De plus, à partir de 1899, les sœurs furent envoyées dans les vicariats apostoliques de l’Afrique centrale, de l’Ounyanyembé, 7 juin 1894 ; du Tanganika et du Haut-Congo, 12 août 1894 ; du Nyanza septentrional en 1899 ; enfin en 1897, les sœurs missionnaires partirent pour le Soudan. En 1893, la congrégation comptait 16 résidences et environ 200 sujets.

La chapelle des sœurs missionnaires d’Afrique qui était établie à Lyon, chemin des Artichauts, était un modeste établissement. Elle était spécialement consacrée aux saints de l’Afrique. Au fond, contre le mur, au-dessus de l’autel était la statue de Notre-Dame, la première patronne de l’Institut ; à droite et à gauche de l’autel, les statues de saint Cyprien et de saint Augustin ; sur l’un des côtés, enfui, celle de saint Louis, roi de France. Les religieuses vénéraient tout spécialement ce grand roi, car c’est auprès de son tombeau qu’est désormais établi, à Carthage, dans une très vaste maison élevée par les soins du cardinal, le noviciat de la congrégation.

LES ORATORIENS — SAINT-POLYCARPE — ŒUVRE DE LA PROPAGATION DE LA FOI

D’après Cochard « Claude Besson, maître de la Monnaie de la marquise de Montferrat, acheta, en 1518, de l’Hôtel-Dieu, une vigne située près de la porte du Griffon ; il la divisa en vingt-six parties pour la revendre avec plus d’avantages et perça au travers, une rue appelée rue Besson ou de la Monnaie ». En 1601, elle prit le nom de rue de la Vieille-Monnaie, « pour la distinguer, dit Boitel, de celle où Henri IV venait de faire construire un nouvel hôtel de la Monnaie ».

Il est inutile de rappeler les commencements de la fameuse congrégation des Pères de l’Oratoire de France, fondée d’assez loin sur le modèle de l’Oratoire d’Italie, créé par saint Philippe de Néri. Le 18 octobre 1616, Mgr de Marquemont, archevêque de Lyon, originaire de Paris, où il avait connu le futur cardinal de Bérulle, pensant ne pouvoir être mieux secondé dans ses desseins que par les services que les prêtres de l’Oratoire pouvaient lui rendre dans son diocèse, jeta les yeux sur eux, et s’adressa au Père de Bérulle, supérieur général ; il lui demanda le Père Bourgoing pour commencer un établissement de l’Oratoire dans la ville de Châtillon. Dans la même lettre, l’archevêque témoigna son peu de pouvoir pour ce qui était nécessaire à l’établissement de la maison de Lyon. Il promit au Père de Bérulle de lui donner, de son bien propre, 1.000 livres de rente. Cette première lettre fut suivie d’une seconde, datée du 16 janvier 1617, dans laquelle l’archevêque marqua expressément qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir de lettre patente pour l’établissement de la maison de Lyon, parce que les magistrats de cette ville étaient tout disposés à favoriser ce dessein, que M. d’Halincourt, gouverneur de Lyon, appuyerait l’établissement de sa protection. Le prélat avait choisi un corps de logis auprès de l’église Saint-Jean, et l’on pouvait y commencer les exercices accoutumés de la congrégation.

La première maison de l’Oratoire à Lyon fut donc établie au cloître de la Primatiale, dans la maison appelée Manécanterie ; des chanoines-comtes confièrent aux religieux le soin d’élever les enfants de chœur et les diacres dans la piété et les lettres. Le 10 juillet 1618, par acte capitulaire passé entre les chanoines et le Père Jean Bence, supérieur de l’Oratoire de Lyon, il fut convenu que les premiers donneraient un maître de cérémonies et que les prêtres de l’Oratoire fourniraient cinq personnes : un supérieur pour la conduite de la maison et l’économat, un régent pour la grammaire, un portier et deux frères servants.

Sacré-Cœur (œuvre de Fabisch) à Saint-Polycarpe.

Le 29 juillet 1628, M. Guibourt donna aux prêtres de l’Oratoire, à perpétuité, une grande salle et des chambres pour y loger les ecclésiastiques qu’ils voudraient mettre sous leur conduite ; l’archevêque se réservait toutefois dans ce logement une chambre pour lui et ses successeurs quand bon leur semblerait de s’y retirer. Mais quoiqu’on eût accepté pour première habitation la maison que les chanoines donnaient aux Pères de l’Oratoire dans leur cloître, on avait déjà fait acquisition d’une maison dite maison Verte.

Le 10 février 1017, le Père Bourgoing, supérieur de la maison de Lyon, achetait, au prix de 24.000 livres, aux sieurs de Cappony, les maisons, terres, vignes, jardins, prés, bois et autres fonds dépendant de la seigneurie appelée maison Verte. Cette acquisition consistait : 1o en deux maisons, l’une grande et l’autre petite ; la grande située dans la rue qui allait du coin des Ursulines, côté du Rhône, à la Croix-Rousse ; la petite maison où on installa le séminaire ; 2o en un grand tènement de terre enclos de murailles et planté de vigne et d’arbres fruitiers. La vigne, qui était du côté du nord, joignait la muraille des religieuses Bernardines, depuis le mur du séminaire jusqu’à celui du grand chemin allant à Saint-Sébastien, côté du Rhône. Cette même année 1617, on prit possession de la maison Verte, et on y célébra, la nuit de Noël, la première messe à un petit oratoire donnant sur la rue. Le lendemain, jour de Saint-Étienne, l’archevêque envoya à la communauté un calice, un missel et quatre-vingts pistoles, qui servirent à mettre l’oratoire en état pour y faire les exercices en public. On bâtit une chapelle dédiée aux Grandeurs de Jésus.

En 1621, les Oratoriens reçurent la visite du cardinal de Bérulle et leur établissement devint prospère. En 1642, ils achetaient la maison Lespinasse ou du Grilfon avec quelques autres maisons avoisinantes, où l’on bâtit l’église. Le Père Mazenod, alors supérieur de Lyon, reçut 10.000 livres que M. Seguier, chancelier de France, avait obtenu pour la communauté. Le cardinal de Richelieu avait jeté les yeux sur cette maison pour la faire acquérir aux Ursulines qui étaient dans le voisinage ; on lui fit remarquer les incommodités de la maison du séminaire, et il accorda aux Oratoriens la permission d’acheter. Néanmoins, ils n’habitèrent pas de suite la maison du Griffon, mais la louèrent au prince Charles Barberini, et ce ne fut qu’en 1604 ou 1655 que la communauté en prit possession. « On fit une chapelle, dit un mémoire du xviie siècle, au bas du jardin en l’élal qu’elle est présentement, tournant à la rue Vieille-Monnoye, où l’on a continué les fonctions, en attendant que la grande église neuve, qui est commencée depuis quelques années, soit achevée. » En 1654, Camille de Neuville, archevêque de Lyon, eut le dessein de confier un séminaire à l’Oratoire pour les ecclésiastiques de son diocèse ; il voulut qu’il y eût trois prêtres et trois frères servants, promit pour les trois prêtres la somme de 900 livres et 600 livres pour les trois frères.

Vierge Marie (œuvre de Bonnassieux) à Saint-Polycarpe.

L’étendue de la propriété Lespinasse était considérable ; elle contenait non seulement la grande maison occupée par la communauté, et la petite maison où était la sacristie, mais encore un grand espace de terrain, où on bâtit les deux églises de l’Oratoire qui se succédèrent.

En 1665, les Oratoriens achetèrent la maison du sieur Berthon, sise rue Vieille-Monnaie : neuf prêtres et trois frères résidaient alors dans la communauté. La même année, les échevins de Lyon « sachant et reconnaissant la nécessité où sont réduits les révérends Pères de l’Oratoire de bâtir une église et n’ignorant pas qu’ils ne sont point du tout en étal de le faire, et que la ville et le public ont grand intérêt à contribuer à leur établissement à cause des secours et des assistances qu’ils donnent, et par le soin qu’ils prennent d’instruire les prêtres en leur séminaire, ayant délibéré, ont arrêté de faire payer des deniers communs, dons et octrois de la dite ville, aux révérends Pères de l’Oratoire de Jésus, la somme de 15.000 livres pour aider la construction d’une nouvelle église, et ce en cinq années ». L’église projetée ne tarda pas à être construite, puisque, quelques années après, les Oratoriens s’occupaient déjà de la gloire peinte dans la partie supérieure. La plus ancienne description que nous en connaissions est celle de Clapasson dans son livre intitulé : Description de la ville de Lyon. La voici intégralement :

« L’église de l’Oratoire, décorée d’un ordre corinthien, serait une des plus jolies de la ville, sans les colifichets dont elle est chargée et les arcs à pans coupés des tribunes qui font un très mauvais effet. Le grand autel a été refait depuis peu d’années, il paraît copié sur celui des Carmélites ; les deux grandes colonnes qui l’accompagnent sont de marbre de Savoie ; Perrache a exécuté cet ouvrage et a fait aussi les figures de saint Joseph et de la sainte Vierge placées sur les côtés. Le tableau du milieu qui représente La Nativité est une des bonnes productions de Blanchet ; on estime surtout la gloire peinte dans la partie supérieure. Le tabernacle, de bois doré, est encore un morceau de bon goût exécuté sur un dessin du même. Jacques Blanchard, le neveu, de l’Académie de Paris, a fait les quatre tableaux cintrés sous les arcs des formes du chœur : l’on y remarque du coloris, mais bien inférieur à celui de son oncle. La statue du Sauveur agonisant, qu’on trouve dans une des chapelles, a été exécutée par Simon, sur un dessin de Blanchet. »

Toutefois, l’église n’avait pas encore sa façade. Après avoir, le iO mai HoG, sollicité l’alignement et reçu ordre du Consulat de laisser, au-devant de la façade, une largeur de quinze pieds, on confia les travaux à Loyer, architecte de grand renom et successeur de Soufflot, choisi par celui-ci lors de la construction du grand dôme de l’hôpital. La façade de Loyer, plaquée contre le corps du bâtiment, est bien en rapport avec l’église ; elle a de grandes proportions et est assez riche de détails. Le perron et le grand portail sont encadrés de quatre hauts pilastres accouplés avec chapiteaux d’ordre corinthien. On voit, au-dessus, une balustrade et un fronton triangulaire qui occupe toute la largeur de la façade. Au-dessus de la porte d’entrée était un groupe représentant l’Enfant-Jésus au milieu des anges, œuvre de Chabry, fils ; par malheur, des éclats d’obus ont mutilé ce groupe pendant le siège de Lyon. On remarquera aussi les deux grandes portes qui sont d’un beau travail. En même temps que la façade, on construisit la tribune intérieure au-dessus de la porte d’entrée ; cette tribune était loin d’avoir les dimensions de la tribune actuelle construite pour recevoir l’orgue ; elle dépassait un peu le tambour actuel, sa forme et ses dimensions sont indiquées par un dallage correspondant, qui s’est conservé. Les travaux d’achèvement ont donné le change à plusieurs auteurs qui ont écrit que l’église des Oratoriens avait été construite, en 1760, par l’architecte Loyer.

En 1762, les Oratoriens, très en faveur, acceptèrent, après quelque hésitation, l’offre du Consulat de remplacer les Jésuites au grand collège de la Trinité. Ils gardèrent cet établissement jusqu’en 1793, sans abandonner pour cela leur résidence de la rue Vieille-Monnaie. Une de leurs dernières constructions fut, en 1779, une grande maison double près de la porte d’entrée de cette rue, alors sous les numéros 52 et 33, composée de caves, rez-de-chaussée, puits, cinq étages, deux bâtiments doubles séparés par une grande cour, avec une arrière-cour encore au delà. Cette ou plutôt ces deux maisons portent aujourd’hui les numéros 29 et 31.

Les biens des fils de Bérulle devinrent biens nationaux, en vertu de la loi du 2 novembre 1790. Dans sa séance du 5 février 1791, après avoir ouï le procureur de la Commune, on émit le vœu que la ville de Lyon fût divisée en neuf paroisses ; u que la cinquième division du Nord-Est, qui comprendrait tout l’espace depuis la ligne du milieu de la rue Puits-Gaillot, passant à quinze pieds de distance des maisons qui sont au nord de la place des Terreaux, la ligne du milieu de la rue Sainte-Marie, de la grande rue Sainte-Catherine, le milieu de la place neuve des Carmes, le milieu allant de la dite jilace à la porte des Capucins du Petit-Forez, le milieu de la montée de la grande Côte jusqu’à, et y compris, la porte de la Croix-Rousse, les fortifications de la ville jusqu’à la porte Saint-Clair et toute la largeur du lit du Rhône, depuis la porte Saint-Clair jusqu’au pont Morand, eût pour église paroissiale celle des Oratoriens de la rue Vieille-Monnaie, pour église succursale, celle des Feuillants, et pour église-oratoire, celle des Bernardines ».

Ce vœu fut sanctionné par la loi du 19 juin 1791, portant à dix le nombre des paroisses de Lyon. L’évêque saint Polycarpe avait donc enfin son église dans la ville, à laquelle il donna ses deux premiers évêques, saint Pothin et saint Irénée. Le premier curé fui un prêtre constitutionnel, François Rozier, agronome distingué, dont s’honore notre ville. Durant le siège, une bombe, lancée des Brotteaux, tomba sur la maison de l’Oratoire qu’il habitait et il fut écrasé dans son lit pendant la nuit du 28 au 29 septembre 1793. Il fut inhumé dans l’église et aucune inscription ne signale l’endroit où repose notre compatriote.

Après le Concordat, le cardinal Fesch mit à Saint-Polycarpe M. Horelli, ancien missionnaire de la congrégation des Joséphistes ou Crétenistes de Lyon, déjà âgé de 73 ans. En 1803, on fit une nouvelle délimitation, qui n’a pas sensiblement changé. Le successeur de M. Borelli fut, en 1818, M. Guichardot, qui se hâta de faire demander, par son conseil de fabrique, à la municipalité, une sacristie et un presbytère. Il ne fut satisfait à cette juste requête que sous l’administration de M. Gourdiat, en 1820. Depuis 1830 surtout, la population s’accrut considérablement ; en 1852, les travaux de décoration intérieure furent poussés avec activité et succès, sous la direction de M. Desjardins architecte. M. Donnel, chargé de l’ornementation, difficile d’un vaisseau aussi lourd, s’en acquitta avec un rare bonheur. La peinture de la coupole notamment ne laisse rien à désirer et pour l’effet et pour la composition. Que sont devenues les œuvres d’art louées par Clapasson ; la plupart heureusement sont encore conservées.

L’abbé Rozier, curé de Saint-Polycarpe.

L’autel, qui orne présentement la chapelle du Calvaire, est le maître-autel décrit par Clapasson. Les statues de saint Joseph et de la sainte Vierge qui l’entouraient au temps des Oratoriens subsistent encore, au fond du sanctuaire de chaque côté du maître-autel. Le tabernacle loué par l’auteur de la Description de Lyon n existe plus ; l’un des tableaux cintrés qu’il mentionne se voit dans la basse-nef de gauche, en entrant, au-dessus d’un petit confessionnal. De l’ancienne chapelle où était la statue du Christ agonisant, il ne reste que le retable en marbre de couleur ; elle a été restaurée totalement et est aujourd’hui la quatrième à gauche. Quant à la statue du Christ agonisant qui était fort belle, et dont plusieurs Lyonnais se souviennent encore, elle a disparu et a été remplacée par la statue en marbre blanc de saint François-Xavier, patron de la Propagation de la foi.

La chapelle où se trouve maintenant saint François-Régis, c’est-à-dire la quatrième à droite, était, avant 1832, dédiée à la Sainte Vierge et à Saint-Louis sous les Oratoriens, de qui date le retable ainsi que celui qui y fait face. L’autel est une ravissante composition tout à fait en dehors des données vulgaires, il rappelle le fameux sarcophage gallo-romain qui sert de maître-autel dans la cathédrale de Clermont et même il le rappelle en mieux, car s’il en retrace la magnifique ordonnance, il n’en reproduit pas les imperfections où se trahit une époque de transition, sinon de décadence. Au milieu du devant d’autel, la Vierge reçoit les hommages de douze vierges, parmi lesquelles les saintes Catherine, Blandine, Geneviève, Cécile, Thérèse, chacune portant ses attributs ou les insignes de son martyre. Leurs attitudes sont belles, leurs visages respirent le calme et la grandeur ; elles occupent toute la hauteur du coffre et ne laissent de place qu’au socle et au bord saillant de la table supérieure qui est décorée d’ornements dont les ciselures sont très fines. Au-dessous, derrière les têtes des saintes, court, dans toute sa longueur, une frise d’un motif antique. Au-dessus de l’autel, au centre du retable, dans une niche, la Sainte Vierge entoure de ses deux bras l’Enfant-Jésus qui, debout sur le genou gauche de sa mère dont le pied est posé sur un escabeau, penche la tête vers le peuple et dirige ses mains vers Marie pour indiquer qu’il faut recourir à elle. Ce groupe est attrayant.

La Cène, fresque de M. Janmot, à Saint-Polycarpe.

Le maître-autel, posé le 18 juillet 1806, est artistique ; il est orné sur le devant d’un groupe représentant Notre-Seigneur donnant à saint Pierre le pouvoir des clés. Notons enfin la riche mosaïque du sanctuaire, les marbres de différentes teintes qui parent le chœur même et la fresque de Janmot représentant le moment décisif de la Cène où Jésus-Christ, debout, une main sur son cœur, offre le calice à ses apôtres en disant : « Prenez et buvez. » La chaire, d’un aspect monumental, évoque les ambons des basiliques constantiniennes. Posée en octobre 1864, elle fut décorée, en novembre, des deux statuettes assises de saint Pierre et saint Paul, qui, outre qu’elles contribuent beaucoup à l’effet général, ont, prises à part, une réelle valeur. Elles sont l’œuvre de Dufraisne, l’auteur des principales sculptures de Fourvière ; l’abat-voix en chêne est d’un merveilleux dessin, où le premier regard reconnaît le crayon de Bossan.

À droite, chapelle Saint-Joseph ; l’autel de marbre noir veiné est surmonté d’une statue du saint et plus haut on a peint, dans une fresque, la mort du saint patriarche. Tout à côté, chapelle du Sacré-Cœur avec autel de marbre blanc, décoré d’un bas-relief et surmonté d’une statue du Sacré-Cœur dans une niche dorée. À gauche et à droite on a placé les statues de saint Polycarpe et de sainte Catherine. Dans le transept de droite, on voit la statue de saint Sébastien et des peintures représentant saint Joseph, saint Polycarpe et saint Clair. La chapelle Saint-François-Régis, qui suit, contient la statue du saint ; à gauche, se trouve un petit autel dédié à saint Antoine de Padoue, avec statue du saint religieux et nombreux ex-voto ; plus loin, un tableau représente la Vierge et l’Enfant-Jésus visités par sainte Élisabeth et saint Jean.

À gauche, chapelle de la Croix avec ancien autel de marbre ronge et blanc ; contre le mur, Jésus en croix entre la Vierge et saint Jean ; à droite, un groupe de Notre-Dame de Pitié. Tout à côté, statue du bienheureux Vianney, curé d"Ars, par Romillard d’Angers. À la suite, chapelle de la Sainte Vierge ; l’autel est orné de bas-reliefs représentant les saintes Thérèse, Rosalie, Barbe, Cécile, Agathe, Philomène, Catherine, Marguerite, Geneviève, Blandine, Agnès et Lucie. Il est surmonté d’une statue de la mère de Dieu, et plus haut d’une peinture : la crèche. À droite et à gauche on a placé une statue de saint Louis de Gonzague et de sainte Philomène. Sur un édicule voisin on a gravé cette inscription : » Ici repose le cœur de Pierre Gourdiat, né à Tarare, décédé à Lyon le 25 mars 1845, à l’âge de 82 ans, confesseur de la foi en des mauvais jours, chanoine d’honneur de la Primatiale, curé pendant 25 ans de la paroisse de Saint-Polycarpe ; il fut le père et l’ami de tous ses paroissiens ; aidé de leur concours, il agrandit cette église et fonda près d’elle l’hospice destiné à la vieillesse indigente. »

La chapelle de l’œuvre de la Propagation de la Foi.}}

La chapelle suivante est sous le vocable de saint François-Xavier et fut érigée en 1861 ; à droite, sur une plaque de marbre blanc, on a gravé l’éloge fait par Léon XIII de Pauline-Marie Jaricot, dont le cœur est conservé dans cette chapelle. À gauche se trouve la statue de saint Jude, et près de là les tableaux du Sacré-Cœur et de l’Annonciation. Plus bas se trouvent les fonts baptismaux ornés d’un bas-relief : le baptême du Christ.

On ne saurait mieux terminer cette notice qu’en donnant quelques courts détails sur la vie si belle de Mme Jaricot, dont on vient de rappeler le nom. Elle naquit à Lyon, le 22 juillet 1799, septième enfant d’Antoine Jaricot et de Jeanne Lattier.

L’enfant fit sa première communion le 16 avril 1812, et le même jour, reçut le sacrement de confirmation. Dès l’année 1816, elle brisa avec les vanités terrestres et se consacra tout entière à Dieu. Le ciel se servit d’elle pour être un des principaux instruments dans la création de l’Œuvre d’apostolat dont il avait formé le dessein.

Pauline s’occupa des missions étrangères, travailla à raviver la dévotion du saint Rosaire, d’où naquit l’Œuvre du Rosaire-Vivant, honorée de brefs du Saint-Siège ; elle songea même à créer une œuvre de régénération sociale, mais l’exécution de ce projet la mit en face d’inextricables embarras et la plaça dans la plus douloureuse situation, celle de ne pouvoir rembourser des créanciers ; elle dut tendre la main.

Pauline Jaricot mourut le 9 janvier 1862, après de longues souffrances supportées avec patience et parfaite soumission à la volonté de Dieu. Cette femme si ardente pour le bien dès sa jeunesse, qui avait été entourée de la paternelle bienveillance de Grégoire XVI et de Pie IX, qui avait été en rapport avec des princes de l’Église, comme les cardinaux Lambruscbini et Villecourt, avec des prélats comme Mgr de Forbin-Janson, avec de pieux personnages comme le curé d’Ars, le P. de Magallon, M. Dupont, etc., fut conduite à sa dernière demeure dans le plus modeste appareil.

Elle a raconté elle-même, en une page inoubliable, comment elle eut providentiellement l’idée de créer des dizaines pour étendre l’œuvre de la Propagation de la foi. « Un soir que mes parents jouaient au boston, et qu’assise au coin du feu, je cherchais en Dieu le secours, c’est-à-dire le plan désiré, la claire vue de ce plan me fut donnée, et je compris la facilité qu’aurait chaque personne de mon intimité à trouver des associés donnant un sou chaque semaine pour la Propagation de la foi. Je vis en même temps l’opportunité de choisir, parmi les plus capables des associés, ceux qui inspireraient le plus de confiance pour recevoir, de dix chefs de dizaines, la collecte de leurs associés, et la convenance d’un chef, réunissant les collectes de dix chefs de centaines, pour verser le tout à un centime commun. Dans la crainte d’oublier ce mode d’organisation, je l’écrivis tout de suite et m’étonnai, en voyant sa facilité et sa simplicité, que personne ne l’eût trouvé avant moi. Ce plan tracé au crayon sur une carte de rebut prise sur la table de jeu, je m’arrêtai à la pensée de le communiquer à mon confesseur. »

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE VII

CORDELIERS DE L’OBSERVANCE

Fodéré (Jacq.), Narration historique et topographique des couvents de l’ordre de Saint-François et des monastères de Sainte-Claire, érigés dans la province de Bourgogne. Lyon, 1619, in-4, 12 f.-1017 p.

Morel de Voleine, L’église des Cordeliers de l’Observance, dans : Lyon-Revue (1886), t. X, p. 9.

Les abbés L. Duplain et J. Giraud, vicaires à Saint-Paul, Saint-Paul de Lyon, étude d’histoire lyonnaise avec 3 plans, 24 gravures hors texte et S feuilles de blasons. Lyon, Rey, 1899, in-8, 296 p.-l f. — Contient des notes sur les Cordeliers de l’Observance.

PETITES-SŒURS DE L’ASSOMPTION

Le r. p. Étienne Pernel, religieux des Augustins de l’Assomption et fondateur des petites sœurs de l’Assomption, garde-malades des pauvres à domicile ; avec préface de S. G. Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier. Paris, Rondelet, sans date (1901), in-18, xxiv-S.M p., grav.

SŒURS DE MARIE-JOSEPH

Vie de la révérende mère Saint-Augustin, née Anne Quinon, fondatrice et première supérieure générale de la congrégation des sœurs de Marie-Joseph, pour les prisons. Lyon et Paris, Delhomme et Briguet, s. d., in-18, 178 p., portrait.

RELIGIEUSES DU SACRÉ-CŒUR

Règles des dames du Sacré-Cœur de Jésus, première partie. Paris, Poussielgue-Rusand, 1828, in-12, 2 f.-180 p.

Histoire de la vénérable mère Madeleine-Sophie Barat, fondatrice de la Société du Sacré-Cœur de Jésus ; par M. l’abbé Baunard, chanoine honoraire d’Orléans, professeur d’éloquence sacrée aux facultés catholiques de Lille, docteur eu théologie, docteur es lettres. Cinquième édition. Paris, librairie Poussielgue frères, 1883, in-18. 2 vol., xxviii-547 p., 2f-628 p.

Ludovie dans la famille et la religion, souvenirs recueillis par son frère. Lyon, imp. catholique, 1878, in-16, 263 p. — Concerne La Ferrandière et les Anglais.

RELIGIEUSES NOTRE-DAME DE L’ASSOMPTION

Notes et documents, les origines de t Assomption, souvenirs de famille. Tours, A. Mame et fils, 1898-1902. in-8, 4 vol., 503, 512, 504 p., 2 f.-555 p., portr. et grav. — 2e édition, 1903.

RELIGIEUSES DE NAZARETH

Vie de Madame de La Rochefoucanld. duchesse de Doudeauville, fondatrice de la société de Nazareth. Paris et Lyon, Lecoffre, 1877, in-18. x p.-1 f.-343 p.-1 f., portr.

Vie de la révérende mère Élisabeth Rottat, première supérieure de Nazareth. Deuxième édition. Paris et Lyon, Lecoffre, 1879, in-18, 1 f.-.xiv-311 p.-1 f., portr.

La société des dames de Nazareth, conférence faite aux élèves de l’externat des dames de Nazareth, à Lyon, par l’abbé Louis Picard, aumônier de l’externat. Lyon, Legendre, 1901, in-8, 97 p.

Abrégé des constitutions et des règles de la congrégation de Nazareth. Lyon, Vingtrinier, 1875, in-8, 148 p.

SERVANTES DES PAUVRES

Notice manuscrite et inédite écrite par la fondatrice ; aux Archives de l’Archevêché.

MISSIONS AFRICAINES

Notice sur la Société des Missions Africaines, suivie d’un sermon pour engager les fidèles à concourir à la fondation de celle société ; par Mgr de Marion-Brésillac, évêque de Pruse, vicaire apostolique de Sierra-Leone. Lyon. A. Perisse, 1858, in-12, 75 p.

L’évangile au Dahomey et à la côte des esclaves, ou histoire des Missions-Africaines de Lyon ; par M. l’abbé E. Desribes, membre de la Société de géographie. Clermont-Ferrand, Meneboode. 1877, in-8, 1 f.-xxx-502 p.-1 f., 1 carte.

La Guinée supérieure et ses missions, étude géographique, sociale et religieuse des contrées évangélisées par les missionnaires de la société des Missions-Africaines de Lyon ; par J. Teilhard de Chardin, membre de la Société géographique de Paris. Tours, Cattier, 1889. in-8o, 237 p., grav.

RELIGIEUSES DE NOTRE-DAME D’AFRIQUE

Quelques documents sur la communauté des sœurs missionnaires de Notre-Dame des Missions d’Afrique, extraits du Bulletin des missions d’Alger. 1° Lettre de s. ém. le cardinal Lavigerie sur l’apostolat des femmes païennes : 2° Courte notice sur la société des sœurs missionnaires ; 3° Lettre sur la mission de Kabylie par une postulante de la société des sœurs Missionnaires ; 4° Prise d’habit d’une sœur missionnaire à Notre-Dame d’Afrique ; 5° Cérémonial de la profession d’une sœur missionnaire : 6° Prières pour l’œuvre, de la Propagation de la foi et la conversion des femmes païennes ; 7° Adoption des sœurs missionnaires ; 8° Décret de louange accordé par le saint-siège à la société des sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique. Lyon, au postulat des sœurs des missions d’Afrique, 1887, in-8. 84 p.-1 f.

Notice historique sur la congrégation des sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique. Lyon, Paquet, 1891, in-16, 41 p.

Notice historique sur la congrégation des sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, précédée d’une introduction de s. é. le cardinal Perraud. Lyon, Paquet, 1901, in-12, 87 p.

ORATORIENS ET SAINT-POLYCARPE

Lyon ancien et modernerr, par les collaborateurs de la Revue du Lyonnaisrr, sous la direction de Léon Boitel, ; avec des gravures à l’eau-forte et des vignettes sur bois par H. Leymarie. Lyon, impr. Boitel, 1838-43, in-4o, 2 vol. Tome II, p. 517 : Cherpin, L’église Saint-Polycarpe, autrefois les pères de l’Oratoire.

A. Steyert, Topographie historique, l’ancien quartier des Capucins, lettre à M. Vermorel. Lyon, imp. Pitrat, 1881, in-8, 14 p.et 5 grav. Extrait de la Revue Lyonnaise, juin 1881.

[Abbé Bergeron, Manuel de Saint-Polycarpe, recueil de prières, de chants liturgiques et de cantiques. Lyon, Paquet, 1896, in-32, liv-391 ]). Avec importante notice historique.

ŒUVRE DE LA PROPAGATION DE LA FOI

Cœur d’apôtre et de mère, Pauline-Marie Jaricot, fondatrice de l’œuvre de la Propagation de la foi et du Rosaire vivant, martyre de la cause ouvrière ; par J.-M. Maurin. Lille, Grammont, sans date, in-18, 259 p., grav.

L’Œuvre de la Propagation de la foi, Notice publiée par les conseils centraux de Lyon et de Paris. [Paris], Dumoulin, sans date (1898), in-8, 59 p.

Pauline-Marie Jaricot, fondatrice de la Propagation de la foi et du Rosaire vivant. Abbeville, Paillart, sans date (1899), in-16, 32 p., grav.

Pauline-Marie Jaricot, fondatrice de la Propagation de la foi et du Rosaire vivant ; par Emile Valsayre. Abbeville, Paillart, sans date (1899), in-8, 283 p.

L. Petit, prêtre de la congrégation des ff. de St. Vincent de Paul. Une gloire de Lyon, Pauline-Marie Jaricot, fondatrice de la Propagation de la foi, institutrice du Rosaire vivant, promotrice du culte de sainte Philomène en France, martyre de son dévouement à la classe ouvrière. Lyon, Vitte, sans date, in-16, 61 p.

Vie nouvelle de Pauline-Marie Jaricot, fondatrice de la Propagation de la foi et du Rosaire vivant ; par M. J. Maurin. Paris, Palmé ; Bruxelles ; Genève, Trembley, 1892, in-18, XXII p.-l f.-568 p., portrait et fac-similé.

G. Colin, La vraie fondatrice de l’œuvre de la Propagation de la foi ; dans le Journal : La Vérité, 7 mai 1896.

Pauline-Marie Jaricot ; par L. Masson. Lyon, Vitte, 1899,. in-8o, 155 p., portrait.