Histoire des églises et des chapelles de Lyon/II/06

La bibliothèque libre.
H. Lardanchet (vol. IIp. 191--).
Chapelle Saint-Clair en 1550 (Restitution de M. R. Lenail).

CHAPITRE VI

ANNONCIATION — BÉCHEVELIN — SAINT-ANDRÉ — CHAMPAGNEUX — SAINT-JEAN-DE-DIEU — SŒURS SAINT-CHARLES — SÉMINAIRE SAINT-CHARLES — SAINT-CLAIR — FEUILLANTS — RELIGIEUSES DU SAINT-SACREMENT


C ’est très légitimement que la ville de Lyon peut s’enorgueillir de sa parure de vêtements mystiques, je veux dire des innombrables œuvres de bienfaisance, des nombreux couvents de religieux, de religieuses et de vierges chrétiennes, éclos dans son enceinte. Ceux-ci contribuent largement à la splendeur spirituelle qui met notre cité au-dessus de la plupart des autres, et qui lui a valu le titre de ville des œuvres, de Rome des Gaules. Nous visiterons, dans le présent chapitre des églises paroissiales, comme l’Annonciation et Saint-André, des communautés d’enseignement comme Saint-Charles, et des couvents contemplatifs, tel le Saint-Sacrement.

L’ANNONCIATION

En mars 1860, le cardinal de Bonald voulant donner une vie spirituelle plus intense à l’agglomération ouvrière de la récente gare de Vaise, désigna pour créateur d’une nou velle paroisse, M. l’abbé Reuil, prêtre de haute valeur qui allait transformer, en peu de temps, ce quartier déshérité.

Il naquit à Lyon, en 1813, « d’une honnête famille d’ouvriers ; après avoir fait sa première communion à l’école cléricale de Saint-Denis de la Croix-Rousse, il fut destiné au métier de tisseur ; mais ses aspirations le portaient au sacerdoce. D’un esprit observateur, entreprenant, il attira l’attention du populaire abbé Collet, fondateur de la providence des orphelins de Saint-Joseph, à Cuire. Celui-ci proposa au jeune apprenti d’entrer dans l’atelier de tissage de sa providence d’abord comme ouvrier, puis comme contre-maître, et avec la promesse formelle qu’on lui donnerait des leçons de latin, préparatoires à celles du séminaire ».

Comme on ne remplissait guère cette condition, il fut reçu au séminaire Saint-Jodard « comme surveillant et y recevant en particulier des leçons de latin. Louis Reuil, après quelques années, fut jugé capable d’entrer au grand séminaire. Il avait alors vingt-huit ans. Après trois années de théologie, ses supérieurs l’envoyaient achever son éducation sacerdotale au séminaire Saint-Sulpice, à Paris. Ordonné prêtre en 1845, l’abbé Reuil retourna à Saint-Jodard comme préfet d’études ; mais bientôt il en fut retiré par le cardinal de Bonald, heureux de lui donner une marque particulière de sa haute estime en le plaçant vicaire à Saint-Nizier », et quelque temps après en lui confiant, comme on l’a dit, la fondation de l’Annonciation.

L’église provisoire fut bénite le 16 décembre 1860 ; le dimanche suivant eut lieu, à Saint-Nizier, la première messe de MM. les abbés Lémann, israélites convertis, nouveaux prêtres et nommés de suite vicaires de M. Reuil ; l’année suivante, le 13 décembre 1861, la paroisse fut, par décret, reconnue et érigée en succursale, et le premier conseil de fabrique installé le 9 mars 1862 ; on y remarquait des noms connus : MM. Jacquin, Chamecin, Forestier fondateur de l’œuvre des sourds-muets, Teste industriel. Les bienfaiteurs abondèrent ; on doit signaler en particulier les familles Récamier, La Porte, Mme  veuve Royer, MM. Claudius Duc, Aimé Perret, Granger et surtout Joseph Renard.

Aussi, M. Reuil fit-il sortir de terre, en moins de dix mois, une église provisoire, rue de La Claire, un presbytère et des écoles ; il appela à son aide les sœurs Saint-Charles, les frères Saint-Viateur et ceux de la Doctrine chrétienne ; il ouvrit une école gratuite pour les fillettes, une pour les garçons, des classes payantes pour les enfants des deux sexes, une école cléricale, enfin une salle d’asile la plus confortable et la mieux tenue de cette époque.

Les deux vaillants vicaires établirent des catéchismes de persévérance féconds en bons résultats. Deux ans plus tard, l’abbé A. Dubois, leur successeur, continua leur œuvre et transforma l’école cléricale en institution d’enseignement secondaire, avec élèves internes et externes. Une maîtrise, établie par le célèbre organiste Tony Guerrier, exécutait la musique palestrinienne aux offices paroissiaux que la population fréquentait avec une louable avidité. Une société de pères de famille s’occupait des pauvres et leur portait des secours à domicile : le budget de leur charité dépassait annuellement 4.000 francs. Cette institution, comme celle des écoles et des œuvres de persévérance, s’est conservée et développée.
l’annonciation
M. André Montfrey qui, en 1873, succéda à M. Reuil fit construire le patronage des garçons, inauguré en 1878, et celui des jeunes filles, béni en 1881 par Mgr Mermillod.
Église provisoire de l’Annonciation. L’autel.

L’église provisoire était artistement décorée et ornée d’un mobilier de choix ; en effet, Domer avait peint la chapelle Notre-Dame de la Salette ; L. Bégule et Hazuret avaient fait la décoration murale ; Bossan avait donné le dessin d’un devant d’autel ; Bourguignon, ornemaniste sur métaux, avait construit deux girandoles en cuivre repoussé ; enfin Fabisch avait sculpté la statue.

L’église définitive de l’Annonciation fut construite « sur un terrain cédé gratuitement à la société par les familles Laporte, Récamier et Dupré-la-Tour, co-propriétaires, sous la condition expresse que l’édifice serait toujours affecté à l’exercice public du culte catholique romain », comme le porte une inscription placée dans la chapelle de la Sainte-Vierge. La première pierre en fut posée par le cardinal Foulon, le 27 septembre 1891, et en carême 1896, le cardinal Coullié présidait à la cérémonie par laquelle on ouvrait au peuple chrétien le nouveau temple. Enfin, le 4 juin 1899, le même prélat consacrait solennellement l’église entière et l’autel majeur. Le principal bienfaiteur fut M. Joseph Henard-Villet dont la générosité était sans bornes. M. le curé de l’Annonciation a pensé rendre un juste témoignage à ce digne bienfaiteur en plaçant, après sa mort, son buste dans le porche de l’église.

L’Annonciation est l’œuvre de M. Bourbon, architecte, et du zélé curé M. Vaudier. Le portail est accosté de deux statues : saint Pothin tenant l’image de la Vierge et saint Irénée, second évêque de Lyon. Au-dessus du portail deux anges, l’un armé d’un glaive, l’autre portant un lis ; plus haut encore, deux vitraux éclairent l’église ; enfin, tout au sommet, on a sculpté les symboles des quatre évangélistes. Surmontant la flèche, une niche de goût discutable, contient un groupe de l’Annonciation.

Intérieur de l’Annonciation.

Pénétrons dans l’intérieur, après avoir traversé le porche où on a sculpté les armes du cardinal Coullié. L’édifice est de style gothique, à trois nefs et transept. Le maître-autel de marbre blanc est décoré, sur le devant, d’un bas-relief représentant la Cène, et au retable de petits anges ; des stalles de chêne sculpté sont placées le long du chœur. Dans la nef, se trouve la chaire dont la tribune est de pierre et décorée d’un bas-relief représentant le Christ enseignant au milieu des apôtres Pierre et Paul ; l’abat-voix est décoré d’un Saint-Esprit avec anges de pierre et de bois. Le chœur est séparé de la nef par deux tables de communion en pierre blanche, ornées de croix, de raisins et d’épis avec portes en cuivre. Au fond de la grande nef, au-dessus de la porte d’entrée, on a sculpté une grande croix de pierre et les instruments de la passion vénérés par deux anges.

Au sommet de la petite nef de gauche se trouve la chapelle de la Sainte-Vierge dont l’autel est décoré d’un bas-relief représentant l’Annonciation et surmonté d’une statue de la mère de Dieu. Tout à côté se trouve la chapelle du Sacré-Cœur ; à l’autel on a sculpté un groupe : Notre-Seigneur apparaissant à la bienheureuse Marguerite-Marie, et au-dessus de l’autel, on a placé une belle statue du Sacré-Cœur. Dans le transept se trouve un petit autel accompagné d’un grand et beau retable de pierre supportant un groupe : Notre-Dame de Pitié au pied de la croix, avec ange portant la couronne d’épines. Au bas de la même nef sont les fonts baptismaux, avec cuve en pierre el sculpture représentant le baptême de Notre-Seigneur.

Transportons-nous dans la petite nef de droite. La chapelle principale est dédiée à saint Joseph ; l’autel est orné d’un bas-relief représentant la mort du patriarche, dont la statue surmonte l’autel. Tout près est la chapelle Saint-Antoine de Padoue dont l’autel de pierre est décoré d’un bas-relief représentant ce saint religieux prêchant au peuple ; sa statue est placée au-dessus de l’autel dans une niche. Au fond du transept de droite, se trouve l’autel dédié à la Sainte-Famille, avec un beau retable sculpté et un groupe de la Sainte-Famille.

L’église est abondamment éclairée par de nombreux vitraux qu’il est intéressant de décrire en détail. Ceux du chœur sont au nombre de sept, et représentent les sacrements avec leurs symboles placés au-dessous, savoir ; 1o le baptême de Notre-Seigneur, 2o la descente du Saint-Esprit, 3o la Pâque des Juifs, 4o Notre-Seigneur donne à saint Pierre le pouvoir des clés, 5o Moïse consacre Aaron, 6o le bon Samaritain, 7o le mariage de saint, Joseph avec la Vierge Marie. Le long de la grande nef, derrière et au-dessus des tribunes se trouvent des verrières avec dessins géométriques et rosaces ; enfin, dans les basses nefs, on a placé de nombreux vitraux dont voici l’énumération : 1o, 2o et 3o les pèlerinages en l’honneur de la Sainte-Vierge : Fourvière, Lourdes et la Salette, 4o l’apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie ; des scènes de la vie de la Sainte-Vierge et de Notre-Seigneur, savoir : 5o Marie chez ses parents Joachim et Anne, 6o la Présentation de Marie au temple, 7o l’Annonciation, 8o la Visitation, 9o la Naissance du Sauveur, 10o Jésus présenté au temple, 11o l’ange annonçant à Joseph la nécessité de fuir, 12o la fuite en Égypte, 13o la sainte Famille se reposant sous un palmier, 14o Jésus travaillant dans l’atelier, 15" la sainte Famille de Nazareth, 16o l’agonie de Notre-Seigneur, 17o Jésus devant le sanhédrin, 18o la Flagellation, 19o le Couronnement d’épines, 20o Jésus portant sa croix, 21o sa mort, 22o la Résurrection, 23o l’Ascension, 24o la Descente du Saint-Esprit, 25o la bonne mort, 26o Notre-Dame du Rosaire, 27o enfin, dans la chapelle Saint-Antoine, ce saint opérant une guérison.

NOTRE-DAME DE BÉCHEVELIN

Il exista à la Guillotière, depuis une époque fort ancienne jusqu’en 1834, une Vierge dite de Béchevelin, qui donna lieu à une chapelle et à un pèlerinage très fréquenté. Quelle en est l’origine ?

« À une époque reculée, dit Ogier, un Bénédictin du chapitre d’Ainay, nommé Grillotier, était possesseur d’un terrain situé sur la rive gauche du Rhône, un peu après le pont de
Chapelle de Bèchevelin en 1550 (d’ap. le plan scénographique).

la Guillotière. Cette terre portait le nom de Bèchevelin ; ce religieux y fit construire une chapelle sous l’invocation de la Vierge : on l’appela dès lors Notre-Dame de Bèchevelin ; elle était assez simple, et existait encore au xvie siècle ; on croit qu’elle fut détruite par les Calvinistes. Néanmoins la dévotion à cette chapelle avait laissé des souvenirs, et, pour en perpétuer la mémoire, les habitants de la rive gauche du Rhône élevèrent un petit oratoire qui fut l’objet de continuels pèlerinages. Les troubles de 1834 entraînèrent la destruction de cet oratoire. Nous ne sommes fixés aujourd’hui sur le lieu que la primitive chapelle occupait que par un reste gothique de cet ancien souvenir, réduit à une chétive niche. »

Bas-relief de N.-D. de Bèchevelin (église Saint-André).

Il y a certainement des réserves à faire sur l’étymologie du mot Guillotière, mais les faits qui concernent Bèchevelin concordent avec les documents.

« Il existait, en 1812, raconte Meifred, à l’angle des rues de Bèchevelin et de la Vierge, une chapelle ou bien une armoire renfermant une madone connue sous le nom de Notre-Dame de Bèchevelin, sans doute parce que cette chapelle était située dans l’ancien mandement de ce nom particulièrement en grande vénération parmi les mariniers du Rhône, à cause des nombreux miracles qu’elle faisait en leur faveur. Elle était très ornée et très décorée, exposée sur son autel, entourée de petites jambes, de petits bras, et d’une multitude d’ex-votos. Près de la niche dont on voit encore les traces au lieu désigné, se trouvait toujours une vieille femme qui, moyennant la simple rétribution de cinq centimes par prière, se chargeait des neuvaines qu’on voulait à Notre-Dame de Bèchevelin. » En 1846, la niche était vide, et la statue transportée dans une maison particulière ; elle n’avait pu soutenir la concurrence avec Notre-Dame de Fourvière. Aussi, ajoute le même auteur : « Mme P. a été obligée de renfermer chez elle la Vierge, et elle professe pour cette sainte la plus grande vénération. »

SAINT-ANDRÉ

Église Saint-André, vue d’ensemble (D’après un dessin de M. Desjardins, architecte).

En 1845, le quartier qui s’étendait du cours Lafayette à Saint-Fons, le long du Rhône, était sans église et comptait une population d’environ 3.000 âmes. De généreux habitants, frappés de l’éloignement de la paroisse Saint-Louis de la Guillotière, conçurent le projet d’une nouvelle église. Parmi eux se trouvaient MM. André dit Adrien Combalot, Huvet, Jangot, Jean-Antoine Bermond de Vaulx, Blaise Rémy, Antoine Maulet, enfin Jean-Baptiste Ballet, architecte. Ils s’assemblèrent et reçurent promptement des adhésions et des souscriptions ; on fixa, près du chemin de Béchevelin, l’emplacement de la future église. Le principal propriétaire était M. Combalot ; généreusement, il offrit les 1.350 mètres de terrain nécessaires pour la construction projetée. Ses voisins, MM. Huvet et Jangot, cédèrent aussi 1.430 mètres de terrain, en vue d’établir une place et des rues autour de l’église. Deux actes furent passés à ce sujet le 2 août 1845 : il y est dit notamment que Combalot a hérité de ce terrain de son père, André Combalot, brasseur de bière, décédé le 16 mai 1841. Les souscripteurs s’engagèrent en outre à donner à la ville de la Guillotière la possession du terrain et de l’église une fois construite. Ajoutons qu’en effet, la ville accepta le don, et en retour, paya les frais de première installation évalués à 16.000 fr.

L’église, provisoire fut établie à cette époque : elle était à trois nefs, elle dura une quinzaine d’années, c’est-à-dire jusqu’au moment où fut établie, sur le même emplacement, l’église définitive. De son côté, l’administration ecclésiastique confia la direction de la paroisse à M. l’abbé Gorand, qui la dirigea pendant quatre années et qui, après plusieurs postes successifs, fui nommé curé de Saint-Pierre à Lyon, où il mourut. Son successeur fut M. Barjot, à qui est due l’idée première de l’église définitive.

Intérieur de Saint-André.

En 1859, l’église provisoire étant par trop exiguë pour la population qui augmentait sans cesse, M. Barjot, curé actif et dévoué, commença les travaux de l’église définitive. Le plan en fut achevé par M. Desjardins, architecte, le 16 août 1859 ; il fut approuvé par Mgr de Bonald le 20 février 1860, et le 11 juin suivant par M. Vaïsse, préfet du Rhône, et maire de Lyon.

On construisit l’abside, les transepts et la première travée des nefs ; à Noël 1864, on entra dans l’église neuve, qui, ajoutée à la partie conservée de l’ancienne église, formait un édifice suffisant pour la population de l’époque ; puis on s’arrêta, faute de ressources, en démolissant à mesure les parties de la chapelle provisoire qui ne servaient plus.

En 1897, M. l’abbé Laurent, curé depuis cinq ans, entreprit d’achever la vaste église commencée ; il confia cette œuvre à M. Desjardins architecte, fils de celui qui, quarante ans auparavant, avait commencé l’édifice. On hésita pendant quelque temps pour savoir si on exécuterait le plan primitif, ou si l’on diminuerait d’une travée la longueur de l’église. A la vérité, le 1er  février 1897, le conseil de fabrique avait volé l’achèvement de l’église sur le plan conçu primitivement, mais revenant sur sa première volonté, il décida, en avril 1897, de diminuer d’une travée la longueur de l’église. C’était, sans doute, économiser 60.000 francs, mais diminuer la superficie d’environ trois cents places. M. Laurent, après de mûres réflexions, déplora cette décision ; il comprit en effet que l’église perdrait ainsi son harmonie et ses proportions, et que plus tard elle serait trop petite pour contenir les fidèles d’une paroisse qui compte aujourd’hui 20.000 âmes et qui, à certains jours de fête, n’est point trop vaste avec ses 2.000 places. Enfin, le 29 décembre
Saint-André (façade actuelle).
1897, sur les observations de M. le curé, le conseil se décida à exécuter intégralement le plan primitif, c’est-à-dire à ajouter à ce qui était déjà construit, trois travées, le porche et le clocher. La dépense totale fut estimée par l’architecte à 341.000 francs, mais de fait, ce chiffre fut très largement dépassé, puisque la somme totale dépensée s’éleva à 443.000 francs. Les travaux furent commencés de suite, et durèrent jusqu’en 1901 ; le 20 octobre de cette année, l’édifice fut bénit par le cardinal Coullié. Pour couvrir la somme considérable des dépenses effectuées, MM. Cluzel et Laurent purent trouver de généreux bienfaiteurs, et ce ne sera pas manquer à la discrétion que de citer ici quelques-uns des noms les plus importants : en 1891, Mme  veuve Dupoizat lègue 30.000 francs ; Mme  Michon donne, en 1892, 3.000 francs ; M. Pition, membre du conseil de fabrique, 12.000 francs en 1890 ; Mme  Rajot, un legs important en 1896 ; enfin, une veuve Carnet, 3.000 francs.

Primitivement, il n’y eut à Saint-André que deux vicaires ; plus tard, pour desservir une paroisse aussi populeuse, on dut en ajouter un troisième, et, en 1883, un quatrième.

La chaire de Saint-André a vu parfois des prédicateurs célèbres qu’il convient de mentionner ; tels l’abbé Combalot, frère de celui qui donna le terrain de l’église primitive ; M. l’abbé Hernard, aumônier des sœurs Saint-Charles, à Oullins, dont les prédications obtinrent, à Saint-André, un succès mérité. Il importe de mentionner encore deux missions, prêchées, la première par le Père Nusbaum, Rédemptoriste la seconde, par le Père Tollin, de la même congrégation.

CHAMPAGNEUX ET SAINT-JEAN-DE-DIEU

« Le château de Champagneux, dit Ogier, au sud du territoire communal de la Guillotière, dans une plaine fertile, entre le Rhône et la route royale de Marseille, a appartenu longtemps à une famille de Jonage, qui le vendit à MM. Lassalle et Loyas, entrepreneurs. Les acquéreurs se divisèrent l’ensemble du château et ses dépendances : M. Layat eut le territoire, et M. Delassalle les bâtiments qu’il vendit, en 1824, aux frères dits Saint-Jean-de-Dieu, lesquels y ont établi un hospice pour les aliénés. »

Jean de Dieu était un moine espagnol qui, en 1338, fonda, à Grenade, une communauté de religieux chargés spécialement de soigner les malades et les aliénés. La congrégation Saint-Jean-de Dieu a été approuvée par le pape Pie V en 1571, par Grégoire XIII en 1576, et érigée en ordre religieux par Sixte-Quint, en 1586.

« Les vénérables hospitaliers, continue Ogier, parurent à Lyon en 1824 ; ils établirent, avec les secours de la charité et non sans de grands efforts, un hospice pour les hommes aliénés. L’habitation renferme de beaux bâtiments, qui peuvent contenir plus de quatre cents personnes ; une chapelle, des cours spacieuses, des terrasses qui dominent les bords du Rhône, des jardins, de grandes et superbes allées, de vastes et belles infirmeries contenant près de quarante lits, occupent les emplacements les plus favorables, au centre de l’établissement. » Ces lignes datent de cinquante ans ; depuis cette époque les bâtiments ont été accrus et le nombre des aliénés a considérablement augmenté. La chapelle primitive qui occupait le centre des constructions, fut d’abord un modeste oratoire. Elle avait la forme d’une croix grecque avec coupole centrale : elle fut construite en 1838, sur les plans et sous la direction de Pierre Bernard architecte, dans ce style classique de l’époque et en harmonie avec la façade de l’établissement, dont elle fait partie. Il est juste de rendre ici hommage à ce digne architecte qui a tracé le plan de nombreuses églises du diocèse de Lyon : Affoux, Champagne, Chazay d’Azergues, Chasselay, Caluire, Dardilly-le-Bas, Saint-Claude, Donmartin, Limonest, Poleymieux, Quincié, Saint-Cyr au Mont-d’Or, Saint-Didier au Mont-d’Or et Vaugneray.

Chapelle Saint-Jean-de-Dieu.

La façade de l’église, qui n’a pas été modifiée, fut ornée d’un bas-relief, par Bonnaire, sculpteur, représentant saint Jean de Dieu soignant un malade ; dans les niches, à droite et à gauche, les statues des saints Pierre et Paul, aussi par Bonnaire. À signaler, dans l’intérieur, les peintures des quatre pendentifs de la coupole, signées Bonirote, représentant les quatre évangélistes avec leurs attributs. La façade, à l’ouest, était surmontée du clocher. Par suite d’un agrandissement devenu nécessaire, le clocher et la façade ouest ont été démolis en 1898, pour permettre le prolongement d’un des bras de la croix grecque, afin d’en faire une vaste nef transformant le plan en croix latine.

Sur la façade reconstruite à l’ouest, se trouve un bas-relief, représentant saint Jean de Dieu lavant les pieds à Notre-Seigneur, caché sous la figure d’un pauvre ; ce bas-relief est dû à M. Chenevay, sculpteur, ancien professeur à la Martinière. Au-dessus de cette façade, le clocher a été reconstruit avec de nouvelles proportions et couvert d’un dôme en pierre de taille surmonté de la Croix. Les travaux d’agrandissement ont été dirigés par M. Joannès Bernard architecte, qui s’est attaché à maintenir le caractère architectural de l’œuvre primitive de son père, tout en se conformant aux nécessités actuelles du service. Les travaux ont été achevés en 1899, et l’église a maintenant les dimensions suivantes : longueur intérieure 40 mètres, plus le clocher 6m50 ; largeur 13 mètres. Elle se compose de trois nefs avec vastes tribunes surmontant les nefs latérales. Le maître-autel est en marbre blanc avec bas-relief ; au-dessus, s’élève une statue du Sacré-Cœur ; par côté, on a placé de remarquables statues des saints Pierre et Paul, en bois peint. Au fond de l’abside, derrière le maître-autel, trois tableaux : au milieu, L’Adoration des Mages ; à droite : Saint Philippe de Néri : à gauche : Saint Jean l’Aumônier.

Chapelles du transept ; du côté de l’épître, chapelle Saint-Jean de Dieu ; au-dessus se trouvent trois tableaux représentant, au milieu : le bienheureux Jean Grande ; à droite : la Sainte-Famille à gauche : L’Ascension. Du côté de l’évangile, chapelle de la Sainte-Vierge, avec ancienne statue de bois ; elle est ornée de trois tableaux : au milieu : Saint Roch ; à droite : Saint Augustin ; à gauche : le bienheureux Jean Grande soignant un malade.

Derrière le maître-autel se trouvent plusieurs autels : côté de l’épître : autel Saint-Augustin avec statue et tableau représentant Saint Jean l’Évangéliste ; du côté de l’évangile, autel Saint-Joseph avec statue et tableau de Saint Jean-Baptiste. Au bas des petites nefs, on a placé deux chapelles, à droite : chapelle Notre-Dame-de-Lourdes avec tableau de Saint-Michel ; et au-dessus, un vitrail de Saint Jean de Dieu ; à gauche : chapelle Saint-Antoine de Padoue avec tableau de Saint Raphaël et vitrail représentant Saint Augustin.

Dans la tribune de l’abside, derrière le maître-autel, se trouve un autel-tombeau : Notre-Dame des Sept-Douleurs, tenant le Christ dans ses bras. De chaque côté, dans le fond des tribunes des bas-côtés, on a placé les tableaux de Saint Vincent de Paul et de Saint Jean de Dieu ; en outre, à l’entrée, de chaque côté de la tribune des orgues, les tableaux du bienheureux Jean d’Avila et du vénérable Camacho. Enfin, dans le bas, de chaque côté de l’entrée, les tableaux des Saints Pierre et Paul. À signaler des orgues de 16 jeux, réparées récemment par M. Michel-Merklin.

L’église primitive avait été bénite le 8 décembre 1843, par le chanoine de Serres, vicaire-général, sous le vocable des saints apôtres Pierre et Paul ; l’église actuelle, sa transformation achevée, a été bénite le 18 novembre 1899, sous le même vocable, par le cardinal Coullié.


SŒURS SAINT-CHARLES

Le xviie siècle ne fut pas seulement une époque de bel apparat catholique, mais aussi l’âge de la réforme des lois et de l’éducation des pauvres et des enfants. Combien, parmi les justes admirateurs de Louis XIV, ignorent jusqu’aux noms de Le Nobletz, du Père Eudes Mézeray, de Bourdoise, du bienheureux Grignon de Montfort, de Lantages et de tant d’autres. Et pourtant des institutions comme celles des demoiselles de l’Instruction de Paris et du Puy, des sœurs de la Sagesse, des sœurs des Petites écoles, des Doctrinaires ont puissamment ajouté aux titres de cette glorieuse période de notre histoire. Les Messieurs de Saint-Charles, fondés par Démia, et à leur heure, rivaux en zèle et en succès des Eudistes de Grignon de Montfort, prennent rang parmi ces œuvres trop ignorées. Il importe de rappeler ici brièvement la vie et les mérites de Démia, fondateur des Filles de la Doctrine chrétienne, dites aujourd’hui sœurs Saint-Charles, et du séminaire du même nom.

Charles Démia naquit à Bourg-en-Bresse, le 3 octobre 1636. Son père exerça d’abord la profession de pharmacien. Son intelligence des affaires et sa parfaite probité lui valurent la charge de secrétaire du marquis de Thiange, gouverneur de la Bresse. Quelques années plus tard, le maréchal de La Mothe-Houdancourt, vice-roi de Catalogne, l’attacha à sa personne ; il ne jouit pas longtemps de ce bénéfice, car il mourut d’une pleurésie, à l’âge de 48 ans, laissant deux fils en bas âge, Charles et Joseph Démia. Leur mère mourut peu de temps après. La Providence, qui voulait accoutumer Charles à l’esprit de sacrifice, lui enleva son frère Joseph deux ans après. Elle le consola de la mort de ses parents, en substituant à leur place l’une de ses tantes, Jacquema Démia, personne recommandable par sa piété et sa prudence ; elle se chargea de son éducation.

La charité de Charles pour les pauvres, qui devait être la caractéristique de sa vie, se manifesta dès sa plus tendre enfance. On le vit tout jeune quitter en hiver sa chemisette pour la donner à un petit malheureux qui implorait sa compassion.

Charles Démia fit ses premières études au collège des Jésuites de Bourg et prit le grade de docteur en droit canon. À l’âge de dix-huit ans, il fit un voyage à Lyon et y fut tonsuré le 31 mars 1654 ; le 8 septembre 1660, il entra au séminaire Saint-Sulpice à Paris pour se préparer à la vie sacerdotale. Il eut le bonheur d’avoir pour directeur le célèbre Tronson, qui, à l’imitation de M. Olier, s’efforçait d’inspirer à ses élèves une haute idée de la fonction de catéchiste. De ces catéchismes naquit l’idée de former des personnes chargées de seconder les prêtres dans cet apostolat de la jeunesse. Ce fut l’origine des Dames de l’Instruction de Paris et du Puy, des sœurs Saint-Joseph, Saint-Charles et des Frères des Écoles chrétiennes.

En s’efforçant de se rendre capable de travailler un jour à la sanctification des autres, M. Démia ne négligeait point son propre avancement spirituel ; après une sérieuse préparation, il reçut les saints ordres, le 14 mars 1663. Avant de revenir à Bourg, il donna de petites missions en Poitou et en Touraine. Arrivé dans sa ville natale, il se fit agréger en qualité de prêtre habitué à l’église collégiale Notre-Dame. Son exactitude à remplir les fonctions ecclésiastiques lui attira la haine des prêtres peu réguliers. Pour être plus utile au prochain et afin d’éviter de nouveaux froissements entre collègues, il se retira dans sa maison, où il établit des conférences cléricales dont le but était l’instruction et la sanctification du clergé.

Charles Démia, fondateur du Séminaire Saint-Charles et des sœurs Saint-Charles de Lyon.

Durant son séjour à Bourg, M. Démia allait faire le catéchisme aux enfants les dimanches et les fêtes dans les paroisses environnant la ville, et propageait la dévotion envers la Sainte Vierge en distribuant des médailles qu’il avait fait graver. Il n’oubliait pas les pauvres, visitait les hôpitaux, les prisons et les pauvres honteux. Il devint bientôt le père de tous les infortunés de Bourg. Comme cette ville était trop petite pour satisfaire un zèle aussi actif que le sien, Lyon lui parut être le lieu où Dieu voulait l’appliquer au salut des âmes.

L’archevêque de Lyon, Camille de Neuville, avait fondé le séminaire Saint-Irénée, pour la réforme de son clergé et de son diocèse, et en avait confié la direction à M. Hurtevent, prêtre de Saint-Sulpice. M. Démia alla offrir ses services au digne supérieur, afin de travailler sous ses ordres, et de s’occuper spécialement des enfants délaissés. M. Hurtevent comprit de suite quel trésor il possédait dans M. Démia. Il le présenta à Antoine de Neuville, abbé de Saint-Just et vicaire général, afin que, par son crédit, il eût libre accès auprès des personnes les plus recommandables de la ville. Par les soins d’Antoine de Neuville, l’archevêque de Lyon nomma M. Démia archiprêtre de la Bresse ; celui-ci, qui n’attendait que l’occasion d’exercer son zèle, s’acquitta de sa charge avec une activité et une ardeur qui justifièrent pleinement le choix du prélat. L’office de promoteur était venu à vaquer par la mort de M. Sève, chanoine de Saint-Nizier, M. Démia, sur les instances de M. Hurtevent, accepta encore cette charge qu’il remplit à la satisfaction de tous.

Son amour pour les pauvres lui fit établir un conseil et un bureau de prêt gratuit. Mgr de Neuville céda volontiers une chambre de son palais pour la réunion des personnes dévouées à ces institutions charitables. La première réunion eut lieu le 7 janvier 1678. Pour suffire à toutes les charges que ses supérieurs ecclésiastiques lui avaient imposées, il se fit un règlement journalier qu’il observa ponctuellement. Tous les jours, soir et matin, il faisait la prière avec ses domestiques, récitait les parties de l’office divin aux heures marquées par l’Église, et chaque année célébrait, avec action de grâces, l’anniversaire de son baptême et de son ordination. Sa mortification était connue de tous : jamais en hiver il n’usait de feu dans sa chambre ; sa table était d’une extrême simplicité, il se contentait des mets les plus ordinaires.

Ayant remarqué que la jeunesse et surtout les enfants du peuple vivaient dans un grand libertinage faute d’instruction, il prit la résolution d’appliquer tous ses soins à l’établissement des catéchismes et à la bonne discipline des écoles. Dans ce but, il adressa une supplique au prévôt des marchands et échevins de Lyon. Ses avis ne furent pas pris en considération. Cependant, malgré les difficultés, M. Démia ouvrit une école populaire dans le quartier Saint-Georges, le 9 janvier 1667.

Le maître d’école reçut 200 livres de gages par année. La classe des enfants pauvres attira l’attention des magistrats, et, le 30 décembre 1670, ils décidèrent qu’une somme de 200 livres serait prise sur les deniers communs pour être employés à une école publique où l’on apprendrait aux enfants les principes de la religion chrétienne et même à lire et à écrire : M. Chastal, prêtre de Clermont en eut la direction. Elle fut désignée sous le nom d’école de la Maison de Ville ou de Saint-Pierre. L’exemple des magistrats engagea des personnes charitables à créer les écoles de Saint-Michel, Saint-Nizier, Bourgchanin et Saint-Paul.

M. Démia, pour soutenir ces écoles, n’avait que les 200 livres fournies par la ville ; pour le reste, il comptait sur la Providence. Les épreuves ne manquèrent pas au digne fondateur. L’archevêque lui-même ne se montra pas d’abord favorable à ces projets. Le succès de l’entreprise vint dissiper toutes les hésitations. Au début, un prêtre était placé à la tête de chaque école, celles-ci se multipliant, M. Démia, en 1673, institua le Bureau des écoles, chargé d’inspecter les classes. Il fut décidé que chaque année, dans l’octave de la Nativité de la Vierge, le Bureau ferait un pèlerinage à Fourvière pour solliciter la protection de Marie, mère des pauvres. Pour attirer les enfants vagabonds et venir en aide à ceux qui vivaient d’aumône, M. Démia obtint que le Bureau de la Charité fournirait du pain et des habits aux élèves nécessiteux. Ces écoles produisirent un bien remarquable, non seulement les élèves devinrent plus nombreux mais ils se firent moniteurs et instruisirent leurs camarades qui ne pouvaient fréquenter les classes.

L’homme de Dieu voulut étendre les bienfaits de l’éducation chrétienne à tout le diocèse de Lyon. Pour cela il obtint un arrêt du roi, en date du 7 mai 1674, qui lui permit de réunir de vertueux laïques et de pieuses filles afin de les former à la direction des écoles. Cette œuvre fut mise sous le patronage de saint Charles Borrhomée « l’un des saints qui ont témoigné le plus de zèle et d’estime pour les écoles ». La célébrité des petites écoles de Lyon engagea les curés de Saint-Étienne, de Saint-Rambert en Forez, de Villefranche et de Saint-Chamond à en établir dans leurs paroisses. Les évêques de Châlons, de Grenoble, d’Agde et de Toulon désirèrent des maîtres formés par M. Démia. Le saint homme avait réglé dans le plus grand détail l’ordre et la manière des leçons. Pour la bonne marche de l’école, il avait établi des officiers chargés de seconder le maître d’école. Le but principal que s’était proposé M. Démia était surtout l’éducation religieuse des enfants : pour cela, il fonda un séminaire. Les maîtres qui en sortaient étaient destinés à être à la fois maîtres d’écoles et vicaires pour le peuple des campagnes. La fondation fut connue sous le nom de séminaire Saint-Charles. La maison occupée par cet établissement était située rue du Villars, paroisse Saint-Nizier.

M. Démia aurait désiré voir l’établissement d’un hospice pour les prêtres vieux ou infirmes. Il fit même le voyage de Paris où se tenait la réunion générale du Clergé de France pour recommander à cette noble assemblée ce projet et celui non moins important de fonder dans les principales villes de France des séminaires destinés à former des maîtres pour l’instruction des enfants pauvres ; mais ses pressantes sollicitations demeurèrent sans effet. De Paris, M. Démia vint à Orléans pour visiter les écoles de cette ville et ranimer le zèle de ceux qui les avaient fondées.

Il aurait cru son œuvre imparfaite s’il n’avait établi, pour l’instruction des jeunes filles des écoles sur le modèle de celles des petits garçons. Aussi après avoir créé une communauté de maîtres, en forma-t-il une seconde pour les maîtresses. Elle prit le nom de communauté des Filles de la Doctrine chrétienne, aujourd’hui sœurs Saint-Charles. En 1673, on trouve établies deux écoles de filles, l’une sur Saint-Nizier, l’autre sur Saint-Paul. M. Démia fut prié d’en prendre soin. Il est vrai que quelques années plus tôt, deux sœurs Saint-Vincent-de-Paul avaient été chargées d’instruire les filles pauvres des paroisses Saint-Pierre-le-Vieux, Sainte-Croix et Saint-Georges, mais il paraît qu’au début, ces sœurs n’ayant pu réunir beaucoup d’élèves, elles s’occupaient surtout des pauvres honteux. M. Démia perfectionna ces écoles, et en établit de nouvelles dans les paroisses de la ville. Le Directeur proposa au Bureau d’en prendre la direction et la surveillance. L’assemblée agréa ce dessin et pria M. Démia de créer une compagnie de Dames chargées de l’instruction des jeunes filles. Dans cette vue, il loua, en 1680, une maison et y rassembla les maîtresses qui acceptèrent la direction du Bureau. Ces maîtresses s’employaient avec un zèle infatigable à former aux vertus chrétiennes, aux travaux manuels et à l’instruction, les fillettes qui leur étaient confiées ; car, chose remarquable, M. Démia voulait « en faire des filles propres pour le ménage et capables de s’occuper dans l’état où Dieu les voudra ». Dans cet ordre d’idée, il fonda des chambres de travail où on occupait les jeunes filles désœuvrées.

Cependant la communauté des maîtresses n’était pas encore bien affermie. Dans ce but, le digne prêtre fit venir de Paris sœur Marie-Ursule d’Orlé, religieuse de la congrégation du Saint-Enfant-Jésus fondée par le père Barré. Vers la fin de septembre 1687, M. Démia, qui poursuivait toujours le projet de former une véritable communauté de maîtresses, inculqua si fortement la nécessité de cette communauté aux dames de l’œuvre des écoles, qu’elles consentirent à l’établir sur un pied stable et permanent. Le sage directeur leur donna des règlements particuliers, et composa à leur usage une retraite pour les exercices spirituels. Les vertus qu’il leur recommandait le plus étaient l’abandon à la volonté de Dieu, l’oraison mentale, une grande douceur et une religieuse modestie. Les maîtresses qui composaient la communauté Saint-Charles se rendaient deux fois le jour dans leurs classes, et revenaient à la maison pour y pratiquer la vie commune. Lorsque M. Démia mourut, la communauté n’avait encore que cette première forme. Pour assurer le succès de sa fondation, il légua tout son bien à l’œuvre des écoles.

Chapelle des sœurs Saint-Charles.

Sur la fin de sa vie, l’archevêque de Lyon le nomma visiteur extraordinaire des églises de son diocèse. Il s’acquitta de cette importante mission avec une grande ardeur. Cependant ce saint prêtre se sentant défaillir désirait finir ses jours dans la solitude ; il se démit de l’office de promoteur de la foi et ne conserva que celui de visiteur des écoles et des églises. Cette dernière fonction l’absorba complètement, et les fatigues que lui occasionnèrent ses fréquents voyages lui tirent contracter une fièvre maligne qui le conduisit au tombeau. Il mourut dans sa maison d’Ainay, le 23. octobre 1689, dans la 53e année de son âge. Les seize cents enfants qui fréquentaient les seize écoles de Lyon firent des funérailles remarquables à cet homme de devoir considéré comme un saint et un des bienfaiteurs de l’enfance au xviie siècle.

La maison-mère actuelle des sœurs Saint-Charles occupe le monastère dit des Bleues-Célestes, fondé, en 1624, par les religieuses de l’Annonciade. Les sœurs ayant été chassées de leur couvent par la Révolution, les bâtiments furent concédés par Napoléon Ier, en 1807, à la congrégation Saint-Charles.

L’église, dont la construction remonte à 1637, se trouvait alors hors d’état de service. Faute de ressources, la Communauté dut se contenter, tout d’abord, d’une chapelle provisoire. Enfin, avec le concours des Dames associées à leur œuvre et sous la direction de M. Dubost architecte, les sœurs Saint-Charles purent, vers 1817, réparer l’ancienne église. Le sanctuaire de la chapelle se trouvait en contre-bas de deux mètres du chœur des religieuses, lequel devint, par la suite, trop exigu pour la communauté. Il fallut, en conséquence, songer à l’agrandir. Mère Saint-Apollinaire Dupont prit l’initiative de cette mesure. Les travaux commencés en mai 1864, sous la direction de M. Bresson architecte, furent terminés en 1866, et le dimanche 6 mai, M. Grange, vicaire général et supérieur de la congrégation, bénissait solennellement la chapelle, sous son vocable primitif : le mystère de l’Annonciation ; le 19 novembre 1867, le cardinal de Donald consacra le maître-autel, sous le titre de l’Annonciation et en l’honneur de saint Charles Borrhomée, après y avoir renfermé des reliques des saints martyrs Clément, Clair, Léon et de plusieurs autres.

L’église actuelle, longue de 38 mètres et large de 10, est de style roman, à nef unique, avec, en plus, une chapelle latérale. Au maître-autel, se trouve un retable, style renaissance, conservé de l’ancienne église. Au-dessus de l’autel un tableau représente : L’Annonciation ; en 1895, la chapelle a été décorée par un peintre italien.

Dans la nef de droite se dresse un autel de marbre blanc élevé en l’honneur de la Sainte-Vierge et surmonté de sa statue. C’est l’accomplissement d’un vœu fait par la mère Nicoud, supérieure générale, le 31 mai 1832, pour obtenir que la communauté fût préservée du choléra qui désolait alors la France entière. L’autel fut bénit, le 7 octobre 1837, par M. Cattet, vicaire général et supérieur de la congrégation, sous le titre du Très-Saint-Cœur de Marie. Au côté gauche de l’autel majeur s’ouvre une chapelle en contre-haut qui renferme l’ancien chœur des Annonciades.

L’église possède des reliques considérables de saint Boniface martyr, trouvées dans les catacombes et apportées de Rome, en 1846, par M. Dartigue, curé de Sainte-Blandine. De plus le trésor de la chapelle possède un souvenir insigne ; c’est un calice monumental portant en exergue à sa base : « Du second monastère de l’Annonciade céleste, 1700. » Ce calice, qui avait disparu pendant la tourmente révolutionnaire, fut retiré du milieu de débris de ferrailles destinées à être refondues, et grâce, sans doute, à l’inscription susdite, offert par un bijoutier à la communauté Saint-Charles, qui en fit l’acquisition. C’est un travail remarquable : au milieu de têtes d’anges, de gerbes d’épis et de grappes de raisins, le mystère de l’Annonciation y est représenté par l’apparition de l’archange Gabriel à Marie. À l’entrée latérale de la chapelle, mais à l’extérieur, se trouve un oratoire de la Vierge, avec statuette du xviie siècle, très vénérée.

SÉMINAIRE SAINT-CHARLES

M. Démia avait pour principal objet de rendre les enfants chrétiens ; aussi choisissait-il de préférence ses maîtres parmi les ecclésiastiques ; on le lui reprochait : « Vous avez donné des écoles à quantité de prêtres », et pourtant il s’en honorait fort ; il prétendait, par là, sanctifier les prêtres aussi, dont pensait-il la sainteté enchaîne le salut du peuple. Peu à peu, par la suite de ses expériences et de ses pensées, il songea, après avoir créé quantité d’écoles pauvres, à un institut à deux fins ; un séminaire formant des maîtres d’école et des vicaires pour les campagnes. Il commença à le fonder le 27 mai 1672, mais ce ne fut pas sans se réduire à la gêne quoiqu’il eût de la fortune. En vain adressa-t-il une requête au prévôt des marchands de Lyon pour qu’il accrût les deux cents livres par an que la ville lui avait accordées jusque-là pour ses écoles : la Providence le laissait à lui-même.

Le régime de la communauté naissante ne tarda pas dès lors de voisiner l’anachorétisme. La pauvreté et la mortification y étaient à ce point qu’il passa en dicton, parmi les gens du monde, de menacer qui l’on voulait railler : « de l’envoyer faire pénitence à la communauté Saint-Charles » appelée d’abord : communauté des maîtres d’école, ou petit séminaire des maîtres d’école. Combien ce second nom était admirable et mériterait de reparaître ; toutefois, comme M. Démia avait donné saint Charles Borrhomée pour patron principal aux écoles de la ville, Saint-Charles devint l’appellation vulgaire du séminaire.

Les règlements qu’il élabora pour ses disciples étaient, à peu près, ceux qui se pratiquaient au séminaire Saint-Irénée. Il en confia l’application à un prêtre qu’il chargea de l’autorité de préfet ou supérieur, et il adjoignit un professeur de théologie dogmatique et un de morale, car il ne gouvernait pas la maison lui-même, se partageant entre cette nouvelle œuvre et ses chères écoles : « Rien n’est plus édifiant, témoigne un écrivain du temps, que de voir sortir, tous les jours, cette communauté, le matin et le soir, aux mêmes heures ; douze maîtres d’école, avec chacun leur sous-maître aussi ecclésiastique, vont dans les différents cantons de la ville instruire les garçons qui y sont assemblés dans des appartements que leur pieux instituteur a loués à cet effet ». Le Bureau des écoles, premier ouvrage de M. Démia, avait la conduite du séminaire des maîtres, comme des écoles. Monseigneur de Neuville l’approuva, le 1er février 1679, à condition qu’il fût pourvu d’au moins seize recteurs, dont huit seraient ecclésiastiques ; le directeur serait toujours pris parmi ces derniers et le trésorier parmi les laïques. Restait une difficulté majeure : le bureau, n’étant point autorisé par l’État, ne pouvait recevoir de succession. Le roi supprima l’obstacle par lettres patentes de mai 1680. En mourant M. Démia laissait la communauté Saint-Charles dans l’état d’instabilité : ce ne fut qu’en 1697 que le bureau acheta enfin la maison du Petit-Taureau pour la somme de 24.000 livres. Le laborieux et intelligent instituteur ne laissa pas seulement ses livres à ses disciples, il leur légua un trésor plus précieux : Le Trésor clérical, excellent abrégé des meilleurs ouvrages de pédagogie chrétienne. Ce livre, après tous les bons traités parus en la matière, est resté sans rival. La grande révolution a fait disparaître le séminaire Saint-Charles, mais la Providence a conservé l’institut de ses filles les sœurs Saint-Charles.

LA RECLUSERIE ET LA PAROISSE SAINT-CLAIR

Saint-Clair (d’après le projet de M. Sainte-Marie Perrin).

Parmi les onze recluseries de Lyon, une des plus célèbres était celle Saint-Irénée, ou Saint-Clair du Griffon, dépendante du monastère Saint-Pierre. L’abbesse en nommait le prébendier et touchait les oblations pour la fête de saint Clair (1er janvier). Cette chapelle, qui ne contenait plus de reclus à la fin du xvie siècle, n’était ni annexe, ni paroisse ; néanmoins, à cause de l’éloignement de l’église paroissiale, elle n’était pas sujette à fermer les dimanches et fêtes, comme d’autres chapelles dépendant du même monastère.

Façade actuelle de l’église Saint-Clair.

Dans un acte de 1618, il est stipulé que la chapelle Saint-Clair, ou recluserie ancienne, dite Saint-Irénée, n’ayant aucun revenu, ne pouvait être assimilée à un bénéfice. C’était donc une simple chapelle de dévotion où on ne pratiquait pas de service fixe. Après les transformations du quartier qui eurent lieu vers la moitié du xviiie siècle, la chapelle devint une aumônerie qui traversa les jours orageux de la Révolution. Mais au début du xixe siècle, ce titre de Saint-Clair fut transféré à une nouvelle église érigée sur la route de Lyon à Bourg, au faubourg de Bresse qui prenait le nom de faubourg Saint-Clair. L’église était située à trois kilomètres nord-est de remplacement de l’ancienne recluserie de ce nom ; elle fut érigée en paroisse avec territoire pris sur Caluire. Le 18 décembre 1809, l’église était bénie et livrée au culte. En 1832, on songeait à l’agrandir ; mais on dut patienter jusqu’en 1874, époque où une personne généreuse fit don d’un terrain pour construire la nouvelle église. Celle-ci fut achevée en 1877 ; elle est l’œuvre de M. Sainte-Marie Perrin, l’habile disciple de Bossan.

FEUILLANTS

Il n’est personne qui ne connaisse de nom la congrégation des Feuillants, établie avant la Révolution dans les grandes villes du royaume. Son origine première est l’ordre de Cluny qui eut une si grande importance au moyen âge. Cet ordre fut d’abord réformé par Robert de Molesmes qui fonda celui des Cisterciens, puis de nouveau par saint Bernard qui s’établit à Clairvaux. Dans le cours des siècles, il se produisit une nouvelle réforme qui prit le nom de congrégation des Feuillants. L’auteur en fut Jean de la Barrière, abbé commendataire de l’abbaye Notre-Dame-de-Feuillant, située dans les environs de Toulouse. Ce nom de Feuillant provenait d’une image de la Sainte Vierge, placée dans le feuillage des arbres. Jean de la Barrière prit possession de l’abbaye en 1365, puis résigna huit ans plus tard sa commande, rentra dans l’ordre comme simple religieux, avec l’intention de ramener le monastère à la stricte observance. La chose n’alla pas facilement, et son exemple mit quatre ans à gagner quelques religieux.

En 1587, le pape Sixte-Quint approuva enfin la réforme, et accorda plusieurs églises à la congrégation. Clément VIII et Paul V permirent aux religieux d’avoir des supérieurs particuliers et indépendants. Dès lors la réforme s’étendit en France et en Italie.

L’établissement des Feuillants à Lyon date de 1619. Le 19 avril de cette année, Pierre de Saint-Bernard et Jacques de Saint-Denis, religieux Feuillants, obtinrent du consulat l’autorisation nécessaire. Celui-ci se prêta volontiers à la demande et rendit une délibération dont voici les points principaux : « Il avait plu au roi de témoigner le désir que les Feuillants fussent établis en cette ville pour y exercer les mêmes fonctions religieuses qu’ils exercent ailleurs. Ils supplient le prévôt des marchands et les échevins d’agréer leur établissement, et de leur permettre de rechercher quelque lieu pour y faire construire une maison, entendant n’être à charge à la ville pour quelque cause que ce fût, et n’avoir d’autre occupation que de prier Dieu pour le roi, la paix et prospérité du royaume, et en particulier pour la conservation de la ville. Les dits échevins ont délibéré sur la requête, et conféré sur ce sujet avec Monseigneur d’Halincourt, gouverneur et lieutenant général du roi en cette ville, pays de Lyonnais, Forez et Beaujolais. » La municipalité s’attend aux protestations des autres maisons religieuses. Peu d’années avant, n’a-t-on pas vu des oppositions formées par les recteurs de l’Aumône générale et de l’Hôtel-Dieu, lors de l’établissement des Carmes réformés et déchaussés : on allégua alors « la diminution des bienfaits et charités que les pauvres de Lyon devaient recevoir, outre le grand nombre d’autres maisons religieuses, qui étaient déjà en cette ville, et qui avaient grand’peine à vivre ». Pourtant les échevins, en gens prudents, pour respecter la pieuse intention du roi, et sous l’assurance qu’ils ont que les Feuillants seront dotés comme ils le promettent, afin de n’être pas à charge à la ville, ni qu’ils puissent quêter, et sur l’avis favorable de Mgr d’Halincourt, consentent à l’établissement des Feuillants ; « sans qu’il puisse estre tiré à aucune conséquence pour l’avenir par aucun autre religieux ou religieuse de quelque sexe ou religion qu’ils soient ».

Voici donc les religieux en possession de l’autorisation du consulat ; ils s’empressent de signer l’acquisition de la maison sur laquelle ils avaient déjà jeté leurs vues. Ils achetèrent au prix de 12.000 francs une maison, un jardin et un verger à noble Jacques Dépure, sieur de Milaney, bourgeois de Lyon, dont la famille a laissé un souvenir historique dans notre cité. Ce tènement était situé rue du Griffon, territoire des Terrailles, paroisse Saint-Sorlin ; il contenait trois maisons, une écurie, deux jardins et un four ; ses limites s’étendaient à l’est du chemin tendant le long du Rhône, à la chapelle Saint-Clair ; au sud, de la rue tendant de la chapelle Saint-Claude au Rhône ; à l’ouest, les maisons et jardins du sieur Richard, le jardin du sieur Jean Ranquet, enfin au nord, la rue tendant de la place des Terreaux à la porte du Griffon au Peyrat.

Le prix de l’acquisition fut fixé, comme il a été dit, à 12.000 livres, payables en deux ans. Le vendeur posait, en outre, la condition qu’il lui serait permis d’édifier une chapelle dans l’église en construction, avec droit de sépulture pour ceux de sa famille.

La rue des Feuillants indique encore l’emplacement occupé par ces religieux. Le 26 août 1622, ils entrèrent en possession de la maison Ranquet. Peu à peu l’établissement s’agrandit, et, le 29 décembre 1627, ils achetèrent, au prix d’une rente de 39 livres par an, la place dite du Romarin, à Pierre Vellu charpentier et Antoine Genoud maçon.

Les Feuillants, bien accueillis de la population, ne tardèrent pas à recevoir d’importantes donations de la part de généreux Lyonnais et même d’étrangers. C’est ainsi que, le 16 février 1628, ils héritèrent d’un revenu appelé la garde des petits sceaux, pour la fondation d’une chapelle dite des martyrs de Lyon. Cette donation fui faite par Michel Antoine Scarron, sieur de Vaures, conseiller du roi, son maître d’hôtel, trésorier de France en Dauphiné, demeurant à Paris, rue du Jouy, paroisse Saint-Paul. L’année suivante, le 22 mai, Barthélémy Olivier, avocat à la sénéchaussée et siège présidial de Lyon, légua aux religieux une rente de 375 livres, sur la succession Roville.

Quatre ans après, le 11 avril 1631, les Feuillants s’agrandissaient encore et achetaient, au prix de 1750 livres, la maison et le jardin d’Anne Gillier, femme de Floris du Rien, maison située au quartier Saint-Claude ou Terrailles. La propriété des Feuillants limitait avec celle de M. de Chavanes, et à la date du 27 novembre 1643, on trouve une transaction entre eux à propos d’un mur de pisé. L’enclos des religieux relevait en partie de la directe des chanoinesses de Saint-Pierre, et les Feuillants devaient, par contrat du 12 novembre 1644, leur payer 600 livres tous les vingt-cinq ans. Aussi chargés d’obligations, ils obtiennent en compensation, le 12 novembre 1643, de l’intendant de Lyon, décharge d’une taxe de 6.000 livres du droit d’amortissement.

Église des Feuillants et chapelle Saint-Claude au xviie siècle.

Ils reprirent bientôt leurs avances, grâce aux bienfaits de leurs concitoyens. Un marchand de Lyon, Louis Marion, fonda le 13 avril 1643 une messe quotidienne perpétuelle, et à cet effet légua 1.500 livres. Le Consulat lui-même ne restait point en retard en générosité : le 14 novembre 1647, il donnait un quart de « poule d’eau de la pompe ». Quelques années plus tard, il voulut faire davantage. En écrivant la monographie de la chapelle de l’Hôtel de Ville, dans le premier volume du présent ouvrage, nous avons mentionné un acte consulaire daté du 19 décembre 1652, par lequel le Consulat conférait aux Feuillants la célébration de messes dans la chapelle de l’Hôtel de Ville ; c’est dire l’importance qu’avaient prise ces religieux au xviie siècle, importance qui ne fit que croître. L’année suivante, ils acquirent une maison et un jardin, à eux vendus, par le sieur Pinevenette et dame Jeanne Richard sa femme, fille et héritière de Jeanne Fontvieille : cet immeuble coûta 5.200 livres.

D’autre part, les fidèles fréquentaient de plus en plus l’église du couvent et lui faisaient de généreuses donations ; le 11 avril 1654, pour ne citer que quelques exemples, un pieux fidèle fonde, au prix de 300 livres, une messe basse à dire tous les lundis à perpétuité ; le 12 août 1661, Innocente de la Rossière donne 200 livres pour la fondation d’anniversaires ; Jean Gerbaud, bourgeois de Lyon, 400 livres pour une messe basse à célébrer perpétuellement ; enfin Agathe Brenot, femme Gay, 150 livres pour une messe à dire le premier samedi de chaque mois.

L’acte consulaire indiqué ci-dessus devait avoir un lendemain. Les échevins de Lyon, satisfaits des services rendus par les Feuillants, leur manifestèrent de nouveau leur confiance, le 28 août 1659, par un second traité. Bien plus, le Consulat désireux de leur donner une marque de sa satisfaction, vint, pour la fête de saint Bernard, assister à la messe du couvent et y reçut les honneurs auxquels il avait droit en qualité de fondateur de la maison. Peu après, le 1er septembre 1662, les échevins assistèrent à la bénédiction des nouveaux bâtiments du monastère.

L’établissement des Feuillants à Lyon n’avait pourtant pas encore reçu l’approbation définitive de l’autorité royale et de l’administration ecclésiastique ; jusque-là on n’avait eu qu’une autorisation provisoire et tacite. À la suite d’instantes suppliques et de longues négociations, ils reçurent une approbation royale datée du 4 janvier 1664, et dont voici les principaux passages :

« Les pères Feuillants de la province de Saint-Bernard de Bourgogne nous ont humblement fait remontrer que, dès 1619, ils s’étaient établis en la ville de Lyon, suivant le pieux désir, témoigné par notre père, et avaient fait construire une église et couvent pour y exercer les fonctions religieuses. Avec le consentement du sieur d’Halincourt, alors gouverneur, du prévôt des marchands et des échevins, il fut résolu qu’ils pourraient faire bâtir une église et couvent. Désirant favoriser les exposants, et contribuera l’exécution d’une si sainte résolution, comme ils n’ont pas encore obtenu nos lettres d’établissement, nous confirmons que les exposants fassent bâtir une église et couvent de leur ordre à l’endroit le plus commode qu’il sera possible, pour y demeurer et faire leurs fonctions, recevoir les dons d’héritage nécessaires. Nous donnons ordre à nos conseillers de la cour de parlement à Paris, notre sénéchal de Lyon, et autres officiers et justiciers que ces présentes lettres signées de nostre main, soient enregistrées afin que les exposants jouissent pleinement et paisiblement ; car tel est notre bon plaisir ».

L’approbation royale reçue, on s’adressa à l’autorité ecclésiastique, et le 18 avril 1664, les religieux reçurent un document dont on citera de larges extraits :

Camille de Neuville, archevêque de Lyon : « Sur ce qui nous a été exposé par les prieur et religieux Feuillants de Lyon, qu’étant établis en cette ville, au lieu où est leur monastère, depuis plusieurs années, au vu et su de nos prédécesseurs, il y ait une pleine prescription et une entière vraisemblance que leur établissement a été fait du consentement exprès de celui de nos prédécesseurs, qui occupait alors la place que nous tenons. Ayant voulu en chercher l’acte parmi leurs titres, ils ne l’ont pu rencontrer, soit qu’il ait été égaré, soit que le consentement n’ait été donné que verbalement ou que même il n’y ait eu qu’une simple tolérance de nos prédécesseurs. Reconnaissant la nécessité qu’il y a pour eux d’avoir leur acte d’établissement en due forme, ils nous supplient de le vouloir accorder et faire expédier. Pleinement informé de la bonne conduite des religieux et du bon exemple et avantages spirituels qu’en reçoit cette ville, nous confirmons l’établissement des religieux en cette ville, et le consentement qu’ils peuvent avoir obtenu de nos prédécesseurs, nous établissons de nouveau leur monastère, espérant qu’ils continueront à vivre avec piété et édification. Nous voulons toutefois qu’ils ne puissent confesser ou prêcher en notre diocèse sans notre approbation. »

Après avoir reconstitué, à l’aide des Archives départementales, l’histoire des Feuillants à Lyon, il importe de donner une courte description des bâtiments et de la chapelle. Presque tout a disparu de nos jours sous le pic des démolisseurs ; pourtant dans cette restitution, nous nous servirons des renseignements fournis par Paul Saint-Olive, qui connaissait si bien son vieux Lyon.

En entrant, écrit-il, dans la grande rue des Feuillants, du côté de la place Tolozan, on rencontre au n° 8 une allée assez large, sans communication avec les étages supérieurs, et débouchant sur la partie orientale du transept, qui termine la rue de Thou. En face de ce passage, on aperçoit, au n° 4, un portail à cintre légèrement surbaissé, donnant accès à un escalier monumental, style du xviie siècle. L’allée susdite était une des entrées de la communauté des Feuillants, et l’escalier, qui étonne par ses grandioses proportions, conduisait dans les bâtiments du couvent. Les Feuillants, ayant tenu un rang élevé à Lyon par leurs relations avec le Consulat et le corps des négociants, on comprendra qu’ils aient tenu à posséder un escalier vaste et d’un bel aspect. L’église des religieux fut commencée en 1637 et achevée en 1642 ; elle est due à la générosité de nos concitoyens, comme on l’a dit. Parmi eux, il convient de citer nommément Ch. de Neuville, seigneur d’Halincourt, gouverneur du Lyonnais, qu’on a vu prendre une part prépondérante à la fondation du couvent. L’église possédait quelques objets d’art, par exemple « le tableau du grand autel de l’église était de Leblanc, ainsi que les quatre tableaux attachés aux murs de la nef, où étaient représentées des saintes en figures à demi-corps. La chapelle de Saint-Irénée, à côté du grand autel, était encore ornée de remarquables peintures, par le même artiste ; il avait peint dans la voûte à calotte, la gloire du paradis, et, sur les murs de côté, l’histoire du martyre de saint Irénée ; cette chapelle appartenait aux Scarrons, et leurs armes se voyaient au-dessus de l’entrée ».

Dans l’église des Feuillants avait été établie la confrérie des négociants de Lyon, dont le but était « d’arracher l’esprit des commerçants à l’avidité des calculs mercantiles qui refoulent tous les sentiments généreux ». Celui qui voulait en faire partie s’adressait au supérieur, ou au Père sacristain, pour se faire enregistrer sur le livre des associés ; il devait faire preuve de régularité dans sa conduite, et se montrer honorable dans ses affaires commerciales. La confrérie avait pour patron saint Hommebon. Ajoutons que l’église jouissait d’une indulgence plénière, accordée pour les fêtes de la Sainte Vierge, de saint Charles Borrhomée et de saint Eucher. Vers les premiers mois de 1833, en visitant les caves de la maison bâtie sur l’emplacement du monastère, on découvrit un caveau, dans lequel gisaient plusieurs squelettes. On en remarqua deux, dont la tête était séparée du tronc ; peut-être se trouvait-on en présence du squelette de Cinq-Mars, exécuté avec de Thou, sur la place des Terreaux ; l’autre pouvait être un sieur Capistan, décapité en septembre 1632.

RELIGIEUSES DU SAINT-SACREMENT

L’institut des Pères du Saint-Sacrement et celui des religieuses du même nom doivent le jour au vénérable Père Eymard. Celui-ci né à La Mure (Isère), le 4 février 1811, d’un père profondément chrétien et d’une mère dont la piété était aussi éclairée que tendre, reçut au baptême, les noms de Pierre-Julien. Sa mère avait coutume de le porter fréquemment à l’église ; plus tard il essaya ses premiers pas à suivre sa mère dans les visites journalières qu’elle faisait au Saint-Sacrement. L’Eucharistie s’empara de son âme pour être toujours son centre et son inspiration. Un jour on cherchait Julien absent depuis plusieurs heures ; on le retrouve à l’église paroissiale près du tabernacle : « Je suis près de Jésus et je l’écoute, dit-il. »

Intérieur de la Chapelle des Religieuses du Saint-Sacrement, Place Morel.

Il entra au noviciat des Oblats de Marie à Marseille, le 7 juin 1829, et au grand séminaire de Grenoble, en octobre 1831. Là, il fut tonsuré le 17 mars 1832, reçut, la même année, les ordres mineurs ; en 1833, le sous-diaconat et le diaconat ; enfin la prêtrise le 20 juillet 1834. Nommé vicaire à Chatte, puis, curé de Monteynard le 2 juillet 1837, il se sentit attiré vers la vie religieuse, entra au noviciat des Maristes à Lyon, le 20 août 1839, et fit, l’année suivante, sa profession religieuse. Il ne tarda pas à connaître les charges importantes : envoyé à Belley comme directeur du petit séminaire, il devint, le 24 septembre 1844, provincial à Lyon ; le 21 septembre 1846, visiteur ; enfin, en juin 1850, maître des novices ; l’année suivante supérieur du collège des Maristes à la Seyne-sur-Mer.

Mais là n’était point sa vocation. Depuis 1851, il avait la pensée de fonder la congrégation du Sainl-Sacrement, et il réalisa ce dessein en louant, le 1er juin 1856, une maison à Paris, rue d’Enfer, 114. Ce fut le berceau de l’institut du Saint-Sacrement dans lequel les religieux s’engagent à un culte spécial pour l’Eucharistie en psalmodiant quotidiennement l’office devant le Saint-Sacrement exposé, et par des saints très solennels. La congrégation a beaucoup prospéré en ces dernières années, et les maisons de Home et de Belgique, notamment, accusent l’existence d’une sève généreuse dans l’arbre de l’institut ; on ne s’étonnera pas que la congrégation des rites instruise eu ce moment le procès de béatification de cet homme de Dieu, qui a tant fait pour le culte eucharistique. Le P. Eymard fonda également en 1858 une communauté de religieuses qu’il appela les Servantes du Très-Saint-Sacrement ; elles ont pour but le service de la sainte Eucharistie par l’adoration perpétuelle du jour et de la nuit. En dehors du temps consacré à l’adoration et à la psalmodie de l’office divin, elles s’occupent à confectionner des ornements pour les églises pauvres. La maison mère est à Angers. La maison de Lyon, établie en 1874, place Aissel, sur la colline de Croix-Rousse, comptait, en 1900, vingt-six religieuses.

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE VI

ANNONCIATION

L’orfèvrerie religieuse lyonnaise à l’exposition de 1878, Exposition de M. Armand-Calliat. Lyon, Perrin et Marinet, 1878, in-8o, 57 p. — Contient une notice sur l’ostensoir de la paroisse de l’Annonciation.

BÉCHEVELIN

Recueil des principales pièces du procez jugé au conseil d’état du roy en faveur du présidial de Lyon contre le parlement de Grenoble, pour la juridiction de la Guillotière et du mandement de Béchevelin, avec l’arrest contradictoire rendu le 9 mars 1701, et la carte des lieux sur lesquels s’étend cette juridiction. Lyon, Langlois. 1702, in-4o, 4 parties, 27-28-40-20 p., plan.

Notice historique et topographique sur la ville de la Guillotière, projet d’embellissement : par Christophe Crépet, ancien élève de l’école royale des beaux-arts de Paris, architecte voyer de la ville de la Guillotière. Lyon, Marie, 1845, in-4o, 48 p.-2 f., grav.

Notre-Dame de Béchevelin à la Guillotière, Lyon, notice sur l’ancien et le nouveau pèlerinage ; par l’auteur de la vie de sœur Marguerite du Saint-Sacrement. Lyon, Josserand, 1872, in-12, 21 p.-1 f.

Steyert (André), Le mandement de Béchevelin, ses limites et ses paroisses. Lyon, 1876, in-8o.

Steyert (André), Changement de noms de rues de la ville de Lyon, proposés par la commission municipale, texte officiel publié avec des notes critiques. Lyon, imp. Pitrat, 1884, in-8o, 156 p., 8 pl. — Contient des notes sur Béchevelin.

SAINT-JEAN-DE-DIEU

Le p. Hilarion Tissot, frère hospitalier, ami de l’humanité, fondateur d’hospices d’aliénés, lithogr. de Deshayes, portr., in-4o. — Ce religieux philanthrope fonda l’hospice Saint-Jean-de-Dieu près Lyon, etc.

Charitas, ou fate ben, fratelli : notice historique sur l’ordre de Saint-Jean-de-Dieu et sur sa restauration en France ; par l’abbé Auguste Coudour. Lyon, imprimerie de Girard et Josserand, rue Saint-Dominique, 13 ; juin 1854. [Titre de la couverture :] S. Jean de Dieu et son ordre en France. Lyon…, 1858, in-8o, 48 p., grav.

Rapport pour l’année 1898, sur l’asile d’aliénés de Saint-Jean-de-Dieu à Lyon : par le Dr  F. Devay. Lyon, Vitte, 1899, in-8o, 24 p.

SŒURS SAINT-CHARLES

Aux filles de la confrérie de la doctrine chrestienne, érigées par la permission et autorité de Mgr Camille de Neuville. Lyon, 1680, in-8o.

Constitution du règlement pour la congrégation des filles de la Doctrine chrétienne, érigée à Lyon dans les chapelles de Saint-Romain, proche Saint-Pierre-le-Vieux et de Sainte-Catherine des Terreaux. Lyon, 1717, in-8o.

Règlements pour les maîtres et maîtresses des petites écoles de lecture, écriture, arithmétique et grammaire, de la ville, fauxbourgs et banlieue de Lyon. Lyon, aux dépens de la communauté, 1766. in-12. 4 f.-88 p.

Manuel des filles de la confrérie de la Doctrine chrétienne, érigée ou à ériger par la permission et autorité de Mgr… Camille de Neufville, archevêque et comte de Lyon, primat des Gaules. Lyon, Périsse, 1826, in-8, viii-200 p. (Suivi de :) Constitutions ou règlemens pour la congrégation.

Statuts des sœurs de Saint-Charles de Lyon, approuvés par décret, le 22 octobre 1810. Manuscrit, 190 sur 115 millim., 42 p.

Directoire des sœurs de Saint-Charles. Sans lieu, ni date, in-18 [manque le nombre] p.

Précis des pratiques adoptées et dûment autorisées pour les dames associées à l’œuvre des sœurs des Écoles chrétiennes de Saint-Charles. — Sans lieu, ni date, in-32, 14 p.

Congrégation des filles de la doctrine chrétienne, érigée à Lyon dans les chapelles de Saint-Romain, proche Saint-Pierre-le-Vieux, et de Sainte-Catherine sur les Terreaux ; avec une formule pour la réception des filles qui se présentent pour être reçues. Lyon, Périsse, 1816, in-8o, vi-200-45 p.

[Faillon, sulpicien], Vie de M. Démia, instituteur des sœurs de S.-Charles, suivie de l’esprit de cet institut, et d’une histoire abrégée de son premier patron Charles Borromée. Lyon, Rusand, 1829, in-12, xxviij-510 p.-1 f., portrait.

FEUILLANTS

Collombet (F.-Z.), Les Feuillants, dans : Revue du Lyonnais, (1846), série I, t. XXIV, p. 400.

Saint-Olive (P.), Les Feuillants à Lyon, dans : Revue du Lyonnais, (1870), série 3, t. IX, p. 383.