Histoire des Canadiens-français, Tome VII/Chapitre 9

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Wilson & Cie (VIIp. 109-124).

CHAPITRE IX


1760-1765


Cession du Canada. — Banqueroute du trésor français. — Situation des Canadiens. — Conduite des généraux anglais. — Religion, lois, langue des Canadiens. — Immigrants anglais. — Le clergé catholique. — Pourquoi nous avons été conquis. — La « Gazette de Québec. » — Recensement de 1765.

L
a guerre, terminée l’automne de 1760 par la capitulation de Montréal et par le départ des troupes françaises qui eut lieu bientôt après, laissait le Canada dans une situation indécise et absolument livré aux mains du pouvoir militaire. Tant que dura ce régime, les affaires se ressentirent du malaise général. Enfin, le traité de Paris (février 1763) fixa nos destinées : nous sûmes que la France avait disposé de nous. Nous appartenions à l’Angleterre !

Peu après la cession du pays, les Canadiens apprirent que la monnaie de carte et les ordonnances étaient répudiées. « Cette nouvelle, dit Garneau, fut comme un coup de foudre pour ces malheureux, à qui l’on devait plus de quarante millions de francs ; tous étaient créanciers de l’État. Le papier qui nous reste, écrivait le chevalier de Lévis au ministre, est entièrement discrédité, et tous les habitants sont dans le désespoir. Ils ont tout sacrifié pour la conservation du Canada. Ils se trouvent actuellement sans ressource. »

Ainsi, ruine partout. Le Canadien était dans la situation d’un homme qui voit réduire par le feu, en quelques heures, les biens qu’il possède. Aurait-il le courage de recommencer la lutte contre l’indigence ? Cette question dut être, pendant quelques mois en suspend. Mais elle devait un jour se trouver résolue par la forte trempe de la race. L’habitant tenait le sol : il comprit ce que cela valait. Et puis, la banque changeait de forme avec les Anglais : le numéraire reprenait son empire bienfaisant pour le peuple. Le commerce devenait libre : plus de magasins privilégiés. C’était un monde nouveau ; la réflexion convainquit les Canadiens de la nécessité de le mettre à l’épreuve avant que de porter plainte — car du côté de la France rien n’éveillait plus l’espoir. Au milieu des angoisses de ces années terribles, le patriotisme se raffermit. On résolut d’accepter l’état des choses nouvelles et d’en tirer le meilleur parti possible. Savoir attendre est l’art de parvenir — et quand on a du cœur, l’attente même est douce et fortifiante. Le temps devait venir où le Canadien, embrassant l’horison d’un coup d’œil, découvrirait le moyen que ses ancêtres, les Normands, employaient avec succès contre leurs vainqueurs : l’adoption des mesures imposées mais avec le dessein de s’en servir adroitement. Un problème est-il difficile, on le retourne, et le plus souvent il est résolu. Depuis la conquête c’est là notre histoire.

À l’honneur des officiers militaires qui nous avaient combattus et que les circonstances appelèrent tout d’abord à l’administration du pays, nous devons dire qu’ils tinrent une conduite loyale et généreuse. Ils savaient ce que les habitants valaient et ils les respectaient. Ceci contribua beaucoup à pacifier les campagnes. Plus tard, on nous adressa de Londres des hommes non instruits de notre position et surtout préjugés — ils gâtèrent tout par un faux zèle britannique. Nos premiers défenseurs devant le public anglais furent ceux qui nous avaient rencontrés sur les champs de bataille et qui ensuite avaient étudié sur place nos sentiments et notre caractère. Ils n’hésitèrent pas à protester contre l’aveuglement de fonctionnaires mal inspirés et qui se modelaient sur leurs collègues des colonies anglaises avoisinant le Canada. Ces derniers ont donné naissance au mouvement révolutionnaire qui a créé les États-Unis.

Si, au lendemain de la conquête, on eut vu arriver en foule des immigrants de l’Angleterre, l’idée d’absorber les Canadiens et de les faire disparaître dans la masse du peuple nouveau eut pû avoir sa raison d’être, mais il ne vint ici aucun colon, seulement des marchands, en petit nombre. Une sage politique prescrivait par conséquent de s’en tenir à la situation toute faite et de calmer les appréhensions des Canadiens. C’est ainsi que le général Murray et d’autres de son entourage l’entendaient.

Les capitulations de Québec et de Montréal reconnaissaient la religion catholique, les lois françaises, la langue française et de plus mettaient les Canadiens sur le pied des sujets anglais pour toutes fins. Ces quatre conditions semblent avoir été regardées comme lettres mortes par les généraux Amherst et Murray, bien que leur administration puisse passer pour libérale, à une époque où les peuples des colonies étaient menés haut la main et tenus de se contenter de n’importe quoi.

Aussitôt le traité de paix connu en Canada (1763) le clergé fit des démarches pour donner un successeur à Mgr  de Pontbriand, décédé depuis trois ans ; Mgr  Briand, choisi en cette occasion, fut accepté par l’Angleterre. Bientôt après, on lui refusa le titre d’évêque de Québec, sous prétexte que ce titre appartenait à l’évêque protestant. Ensuite on voulut qu’il ne nommât aux cures que par la permission du gouverneur. D’autre part, on exigea le serment du reste de tous les habitants. Ce n’était pas respecter les capitulations.

Les tribunaux des campagnes furent composés généralement de capitaines de milice présidés par des officiers de l’armée anglaise. Pourquoi n’avoir pas maintenu les anciens juges ? Les appels au civil étaient portés devant les gouverneurs de place, c’est-à-dire un tribunal étranger au pays. Toutes les matières criminelles ressortissaient des seuls gouverneurs. Ce n’était pas encore respecter les capitulations.

Pour administrer un peuple qui ne parlait que la langue française, on nomma des fonctionnaires ignorant, pour la plupart, le premier mot de cette langue. Était-ce respecter les capitulations ?

Et la qualité de sujets anglais si pompeusement inscrite, en plus d’un endroit, dans les capitulations, de la main de Murray et d’Amherst, que devenait-elle sous ce régime ? Une simple moquerie puisque l’exercice des libertés essentielles nous était refusé.

Le « règne militaire, » comme on désigna les quatre années qui suivirent la conquête, constituait une violation formelle des deux capitulations. Il donna aux Canadiens une triste idée de ce qui les attendait si chacun d’eux ne veillait avec soin aux intérêts de tous. C’est alors que l’habitant se lia, en quelque sorte, avec le clergé et confia à celui-ci le sort de son avenir. Il n’a eu qu’à se féliciter de cette démarche, car à peine quelques années s’étaient-elles écoulées que déjà les prêtres canadiens formaient la moitié de tous les ecclésiastiques du pays, et pas un d’entre eux n’était capable de manquer à l’honneur.

De l’aristocratie du passé ou classe supérieure, il ne restait que quelques seigneurs ruinés, du reste assez mal vus des Anglais qui redoutaient leur influence. Le clergé seul avait assez de corps et d’instruction pour prendre, à ses risques et périls, la partie dirigeante. Privés de son aide patriotique nous serions devenus aussi malheureux que les peuples de la Pologne ou de l’Irlande.

Aussitôt après le traité de Paris (1763) les Anglais qui cherchaient, pour leur compte personnel, à exploiter la nouvelle colonie, commencèrent à nous arriver. La plupart apportaient des ballots de marchandises, d’autres des bibles, d’autres les lois anglaises. Ces derniers étaient des avocats, des juges, nommés, expédiés et installés ici par la couronne. Il en vint des Trois-Royaumes, mais encore plus de la Nouvelle-Angleterre. À vrai dire il en vint de partout.

Outre Murray et ses officiers, qui, sans doute, partageaient sa manière de voir sur bien des choses, il y eut bientôt dans le pays un cercle de personnes animées de tout autre sentiment. C’étaient des trafiquants, des spéculateurs, des hommes de rapine. Ceux-là ne s’occupaient guère de nos droits, de nos désastres, du respect qu’inspirait aux hommes de cœur notre tranquille et noble conduite après le départ du drapeau blanc. Le désir de nous faire disparaître du sol où dormaient quatre ou cinq générations de nos aïeux, était leur principal souci. Ils ne s’en cachaient nullement. Aussi trouvèrent-ils Murray trop francophile — ils le firent rappeler. Trente marchands anglais, dont quinze au plus domiciliés dans le pays, s’étaient mis en tête d’en finir avec nous. Ils pétitionnaient, s’agitaient, écrivaient et parlaient à eux trente, plus que tout un peuple. De nos jours, pareille chose s’est vue à Manitoba. Ceux qu’ils voulaient déposséder, faire proscrire, et déclarer hors la loi étaient dix mille chefs de famille qui avaient tout sacrifié pour la cause de leur souverain, et qui, écrasés par l’adversité, se déclaraient prêts à verser le reste de leur sang pour le roi d’Angleterre[1] si celui-ci voulait seulement permettre qu’on ne les molestât pas ! « Nous ne respirons que la soumission aux ordres de Votre Majesté, » disait une requête des Canadiens adressée au. monarque anglais, en 1764. Qu’importe, Murray fut rappelé.

Vers la fin de 1766, ce gouverneur écrivit au ministre que la province renfermait 76,275 âmes, « sur lesquelles il y a dans les paroisses dix-neuf familles protestantes, c’est-à-dire anglaises ; le reste de cette population (si on en excepte un petit nombre d’officiers à demi paie) sont des marchands, artisans et aubergistes qui résident dans les basses-villes de Québec et de Montréal, dont la plupart sont des gens d’une mince éducation qui ont suivi l’armée, ou des soldats congédiés à la réduction des troupes ; tous ont leur fortune à faire, et je crains bien que peu soient scrupuleux sur les moyens, lorsqu’ils peuvent atteindre leur but. Le rapport que j’en fais est qu’en général c’est le choix d’hommes le plus immoral que j’aie jamais connu, peu propre par conséquent à inspirer du goût aux nouveaux sujets (les Canadiens) pour nos lois… Les Canadiens, accoutumés à un gouvernement arbitraire et en quelque sorte militaire, sont une race d’hommes frugals, industrieux et de bonnes mœurs… Ils sont choqués des insultes que leur noblesse et les officiers du roi d’Angleterre ont reçues des marchands et des avocats anglais depuis que le gouvernement civil est établi… D’après mes instructions, les magistrats et les jurés devaient être pris sur un nombre de quatre cent cinquante méprisables trafiquants qui étaient venus commercer dans le pays… Ces derniers haïssent les nobles Canadiens parce que leur naissance et leur conduite leur attirent le respect et ils ont les habitants en exécration parce qu’ils les voient échapper à l’oppression qui les menaçait… Le mauvais choix et le nombre des officiers civils envoyés d’Angleterre augmenta les inquiétudes de la colonie. Au lieu d’hommes de talents et de mœurs pures, il en a été nommés qui avaient les qualités toutes contraires… Le juge choisi pour concilier les esprits des Canadiens fut tiré d’une prison, entièrement ignorant du droit civil et de la langue du pays. Le procureur-général n’était pas mieux qualifié par rapport à la langue. Les pauvres Canadiens se soumirent avec patience à ces abus et aux taxes pesantes qu’on leur faisait supporter… Je me glorifie d’avoir fait tout en mon pouvoir pour gagner à mon royal maître l’affection de ce peuple brave et courageux, dont le départ du pays, si jamais il avait lieu, serait une perte irréparable pour l’empire. » Pour tranquilliser les esprits, Murray avait rendu une ordonnance enjoignant de suivre les lois françaises dans les procès relatifs aux successions et à la tenure des terres. Comme le remarque Garneau, c’était revenir à la légalité. On ne pardonna pas cet acte au gouverneur.

Le cri de la bande sordide qui se jetait sur le pays résonnait partout, d’après un mot d’ordre : « Les Canadiens sont un peuple de valets incapables de voir à leurs propres affaires et qui nuisent par leur présence aux intérêts de la Grande-Bretagne en Amérique. La race française dont ils sont sortis est inférieure à la race anglo-saxonne. Ils ont été conquis par suite de leur état de décadence, etc. »

Durant un siècle et demi (1608-1760) de quel côté a été le beau rôle dans l’Amérique ?

Dans le commerce du côté des Yankees, si le fait de recevoir d’Europe des marchandises que l’on sacrifiait pour sustenter les colons peut s’appeler du commerce. Mais qui a exploité le premier, et sur une vaste échelle, les produits naturels du nouveau continent ? Qui a lié amitié avec les sept-huitièmes des nations sauvages ? Qui a réuni dans sa main le monopole de la traite des pelleteries ? Qui a ouvert des cultures et s’est mis sans tarder à l’abri de la famine. Les Canadiens ! Ceux-ci apprirent à suffire à leurs besoins ; ils fabriquaient les objets d’habillements ; ils avaient des artisans dans tous les métiers ; on construisit des navires qui exportaient le surplus des céréales récoltées et non consommées ; on établissait de puissantes forges ; les bois, les fourrures, le poisson, les huiles prenaient le chemin de la France et des îles du sud — et tout cela avait lieu à une époque où nous ne comptions pas six mille âmes de population. Et que faisaient les Yankees pendant ce temps ? Craintivement cabanés près du rivage, ils seraient morts de faim si leurs amis d’Angleterre n’y eussent pourvu ; ils attendaient d’Europe de quoi se vêtir ; ils ne tiraient presque rien du sol et encore moins de la forêt, où ils n’osaient jamais s’aventurer — à tel point que leurs récits mentionnent comme un fait des plus extraordinaires le voyage d’un de leurs ministres à trente lieues dans l’intérieur, alors que les Canadiens avaient parcouru la moitié du continent et traitaient au Mississipi. Ces contrastes sont accablants pour nos voisins.

Dans le choix des colons ? Ce n’est pas chez nous, Dieu merci, que l’on a envoyé des chargements de repris de justice et de filles équivoques. Notre population a été puisée à une source tellement pure et si parfaitement appropriée aux exigences du pays, qu’elle n’a pour ainsi dire demandé rien autre chose à la mère-patrie, tout en exécutant (bien au delà des espérances que l’on avait conçues d’elle) le plan de colonisation et d’extension préparé par ses chefs. Cinquante ans avant la cession, le Bas-Canada fournissait de colons, d’artisans, etc., sans l’aide de la France, la longue ligne de forts et d’établissements qui se prolongeait jusqu’aux bouches du Mississipi. Nos voisins ont-ils quelque chose de semblable à montrer, même en petit ?

Dans les découvertes ? Nul Yankee n’avait encore perdu de vue son campement, que déjà nous avions remonté l’Ottawa, visité les grands lacs, atteint le bas Wisconsin, et enfin pénétré au cœur du continent. Va-t-on croire que, par la suite, nos voisins se sont mis à nous imiter ! Pas du tout. Leur part dans la découverte de l’Amérique du Nord est représentée par zéro, ou à peu près ; car si Hudson (qui n’était pas Yankee) a fait connaître la baie qui porte son nom, ce sont les Canadiens qui l’ont occupée. De Terreneuve au Pacifique, à la Nouvelle-Orléans et aux Alleghanys, il n’y a pas un pouce de terrain qui ait été connu des Yankees avant la cession. Ainsi, une population qui ne pouvait pas se suffire à elle-même, faute d’industrie et d’organisation, ne sut pas, non plus, étendre son influence au-delà de son mince territoire et ne fit rien pour la civilisation. L’idée de la comparer aux groupes acadien et canadien fait sourire.

Dans les fondations ? Où sont les Yankees descendant des fondateurs du Massachusetts, le groupe le plus noble dont puissent s’enorgueillir les États-Unis ? Ils sont aussi clair-semés que la noblesse des croisades. Pourquoi ? Parce que leurs pères sont venus ici au hasard, sans ordre, sans plan, sans rien de ces grandes vues qui marquent le type canadien. Ils ont flotté au gré des événements, et, bien que plus nombreux que nos pères, leurs contemporains, ils n’ont jamais été capables de rivaliser dignement avec eux. Tandis que nous nous établissions, nos voisins tâtonnaient. Tandis que nous nous pourvoyions du nécessaire, puis du luxe, ils attendaient les vaisseaux d’Angleterre. Il a fallu des séries d’années pour mettre quelques éléments de vigueur parmi ce peuple flottant, et cela n’a eu lieu qu’à force d’immigration et parce que les Anglais ont pris la chose à cœur. Jusque là, rappelons-nous quelle était la faiblesse, la gaucherie et même la timidité des Yankees, comparée à notre élan. L’habitant canadien cultive aujourd’hui la terre défrichée par son septième ou huitième grand-père ; il n’a pas été supplanté, comme le Yankee, par des individus plus vigoureux, plus courageux, plus intelligents. Il est de la famille de ceux qui ont fondé cent postes dans des contrées où la conquête a tout balayé, croit-on : Haut-Canada, Nord-Ouest, Louisiane, et où, cependant, on voit reparaître, de nos jours, de fortes branches canadiennes. Sans l’espèce de marée humaine que l’Europe a refoulée sur les États-Unis, depuis moins d’un siècle, il n’existerait pas d’Américains. Et, précisément nous, les Canadiens, nous n’avons rien reçu de France depuis cent trente ans. Où est la gloire des fondateurs yankees, qui n’ont rien fondé ?

Dans la guerre ? Prendrons-nous la peine de répondre à cette question ? On saura toujours que nos chefs, avec quelques centaines d’hommes, ont établi et soutenu l’influence française dans un rayon immense, et qu’ils pesaient sur les colons yankees de manière à paralyser leurs forces. À toutes les époques, ceux-ci ont été plus nombreux que nous et toujours battus. Sans l’intervention si ferme et si patriotique de l’Angleterre durant la guerre de sept ans, la conquête du Canada n’avait pas lieu. Les Yankees ont tenté dix fois de franchir nos frontières et ils n’ont pu y réussir. En revanche, pendant les trois quarts de siècle qu’ont duré nos guerres, nous avons semé la terreur et la ruine dans leur pays.

L’Acadie et le Canada, que les auteurs américains ont si fort travaillé à faire passer pour des rêves ou des institutions qui se sont éteintes en 1713 et en 1760, sans laisser de trace, dominent malgré eux l’histoire de l’Amérique du Nord, le Mexique excepté.

Sommes-nous d’accord avec l’histoire, oui ou non ? Quel était donc ce noyau insignifiant d’aventuriers, comme on veut le désigner, qui n’a rien laissé sur ce continent sans y imprimer sa marque ? Comment, à côté des pages qui racontent ses faits et gestes, ose-t-on écrire un commentaire rancuneux ? Pourquoi ne pas aller droit au but et dire que la vérité ne plaît pas à une certaine école ?

L’Europe actuelle, digne fille, sous ce rapport, de l’Europe d’il y a deux siècles, n’étudie pas l’Amérique. Elle accepte des opinions habilement couchées dans certains livres et que les écrivains de la grande république ne se gênent pas de ressasser sans relâche. Il en est résulté un quiproquo complet, dans lequel les étrangers tombent facilement, sans réflection, sans calcul, sans se douter de rien. L’ensemble du siècle et demi qui va de 1604 à 1760 est, on peut dire, totalement lettre morte pour ces derniers.

Sans parler de Fenimore Cooper, qui a exploité notre histoire de l’Ohio, du Mississipi et de l’Ouest, mais qui s’est bien gardé de faire sentir que tout, absolument tout, y était canadien, et, sans faire trop de reproches à Bancroft, qui a enjambé si lestement les faits qui l’embarrassaient, nous avons sous les yeux quelques hommes de plume renommés, notamment Parkman, qui continuent la même tradition, quoique leurs procédés soient, en apparence, plus généreux. Le temps n’est plus, en effet, où l’on pouvait nous « ignorer, » selon l’expression anglaise. Il faut mettre de l’eau dans son vin ; on en met — avec une pointe de vinaigre. M. Parkman en est arrivé au persifflage, genre de la petite presse. Ses livres, très savants, que l’on nous représente comme écrits dans un esprit de libéralité digne d’éloge, sont huilés de jalousie. Les compliments qu’il nous adresse trempent dans une encre amère, et c’est ce qui lui nuira le plus, car tout se découvre, tout finit par être connu ; et, pour avoir été le plus érudit des écrivains de sa nation, il n’en subira pas moins l’abandon de ceux qui, un jour, ne voudront plus accepter ses réticences. Si M. Parkman osait écrire l’histoire des Puritains avec le ton de sarcasme qu’il a adopté pour parler des fondateurs du Canada, il n’amuserait pas ceux qui, aujourd’hui, se plaisent tant à consulter ses livres ! Et pourtant il y aurait de quoi dire sur les Puritains ! Cet écrivain met au jour des faits de notre histoire qui parlent d’eux-mêmes, dont il essaie constamment de dénaturer l’importance, et que ses successeurs sauront interpréter sans tenir compte de son faux point de vue. Dès que l’on cessera de nous traiter avec « libéralité, » on arrivera au sens véritable des choses. Inutile de se montrer généreux envers nous ; nous ne demandons que la justice. Quand on commence par vouloir agir libéralement, c’est que l’on est préjugé et que l’on n’a pas compris les faits. L’histoire se compose de faits ; étudions-les et ne faisons grâce de rien. Cette condescendance est humiliante, après tout. Dans son livre, The old régime in Canada, M. Parkman emploie plusieurs centaines de fois le mot but. Il constate un fait, puis : «  mais… mais… mais… »

Les deux couronnes ont eu, alternativement, l’honneur de bonnes conceptions et le désavantage de faux calculs extraordinaires. À tout prendre, l’Angleterre a su agir mieux que sa rivale. Le résultat l’a démontré, car tout n’est pas hasard et accident. Il est assez curieux de voir que la France, qui avait si intelligemment commencé ses colonies, les ait perdues par indifférence, tandis que l’Angleterre, qui au début, ne comprenait rien aux entreprises de ce genre, finit par en saisir toute la valeur… et par saisir aussi les possessions françaises.

Quelle fut la conséquence des deux batailles d’Abraham (1759, 1760) ? Le drapeau anglais flotta sur le Saint-Laurent et le Mississipi. Prenons la carte et voyons ce que cela veut dire. Depuis cent ans, toutes ces contrées nous étaient connues, étaient à nous. Les Yankees n’avaient jamais su en tirer parti ; ils arrivèrent juste à point pour recueillir les fruits de nos immenses travaux, grâce à l’énergie et au coup d’œil des hommes d’État anglais.

On s’est mépris sur la valeur des premiers colons de la Nouvelle-Angleterre, parce que, ayant aujourd’hui sous les yeux le spectacle d’un développement industriel et agricole énorme, lequel n’est nullement le fruit de leurs labeurs, mais un résultat produit par les contingents nombreux d’hommes attirés en dernier lieu de tous les points du globe vers ce sol privilégié, on est porté à ne voir qu’une seule et même chose, du commencement à la fin de leur histoire. Avant 1760, c’était tout le contraire d’aujourd’hui : nous les dominions de beaucoup.

Il est intéressant de lire un article publié par le New-England Almanac, en 1758, pendant la guerre de la conquête, au moment où Montcalm remportant toujours des victoires, désespérait l’immense armée qui cherchait à nous envahir. En voici des extraits : « Les Français ont érigé une ligne de forts depuis l’Ohio jusqu’à la Nouvelle-Écosse, englobant dans leur domaine toute cette riche contrée, le jardin de l’univers, qui se trouve à l’oust de nos établissements… Il fut un temps où nous eussions pu nous mettre en possession de ce territoire, grand comme la France, l’Allemagne et la Pologne réunies… Deux puissants rois ont aujourd’hui tiré l’épée pour remporter ce prix de si haute valeur… L’occasion, dit le poète, n’a qu’une mèche de cheveux : saisissons-la ! N’avons-nous pas, jusqu’ici, trop compté sur notre nombre ? Le loup qui attaque un troupeau ne se préoccupe pas de la quantité de moutons qu’il renferme (le loup, c’est le Français)… Sachons que le nombre, bien préparé par la grâce de Dieu, ferait des merveilles, et que la science militaire et la discipline conduiraient à la victoire et comme un seul homme nos légions armées. Le chiffre de notre population ne nous servira de rien tant que nos colonies ne s’entendront pas pour agir ; car, divisés nous ressemblons aux petits royaumes de l’Afrique. Si nous ne nous coalisons, corps et âmes contre notre ennemi triomphant, si les disputes nous éloignent les uns des autres, il arrivera ce que le gouverneur de la Pennsylvanie prédisait : « Nous n’aurons plus rien à nous disputer, ni de pays pour y continuer nos chicanes. » Que d’aveux dans ces quelques lignes ! Rien qu’avec cela on pourrait répondre à toutes les comparaisons blessantes dont on a été si prodigue envers nous. Et certes s’il fallait imprimer un volume de citations de cette nature, elles ne nous manqueraient pas !

Qu’étaient, territorialement parlant, les États-Unis en 1763, au jour de la cession du Canada ! Une petite lisière sur les bords de l’Atlantique, rien de plus. Si l’Angleterre, active, prévoyante, prête à faire des sacrifices pour s’assurer l’avenir, n’avait pas décidé de reculer, coûte que coûte, cette barrière restreinte, jamais, au grand jamais, les Yankees ne l’eussent fait, et pourtant le chiffre de leur population était alors vingt fois plus considérable que celui de la nôtre ! Un siècle de défaites leur pesait sur la tête. Comme auxiliaires des Anglais, dans la guerre de la conquête même, les quelques mouvements qu’ils ont tentés les ont fait battre par nos gens : demandons-en des nouvelles à Washington et à ses Virginiens. Un seul Yankee a-t-il pu mettre le pied sur notre sol avant la capitulation de Montréal, dans l’automne 1760 ? On ne voit nulle part que cet élément ait eu du poids, de la valeur, de l’esprit d’entreprise. Alors, pourquoi chercher à la défendre ? Mieux vaut « garder de Conrard le silence prudent. »

Ceux qui n’ont pu nous battre, ceux que nous avons sans cesse battus, ceux qui n’ont laissé ni souvenirs de gloire, ni travaux civilisateurs, ni presque de familles, ne peuvent être mis en comparaison avec la race formée dans la Nouvelle-France sous le nom de Canadiens.

Que des hommes qui ne sont pas leurs descendants écrivent des livres avec la prétention d’être fort adroits ou méchants, cela ne change rien à la vérité. Comme le dit un proverbe, le sang est meilleur que l’encre. Or, c’est notre sang qui a tout fait dans la période de découvertes, de colonisation et de civilisation de nos deux pays, yankee et canadien. Il n’y a pas assez d’encre pour ternir ou dénaturer cette page incomparable.

Que l’on nous rende ces parties du Maine, du Vermont, de l’Ohio comprises autrefois dans nos limites, et que l’on appelle pour les garder, d’une part, les descendants des fondateurs du Canada, de l’autre, les descendants des pionniers des colonies anglaises. Cette démonstration vaudrait des volumes de raisonnements, car nos voisins auraient à peine assez de sentinelles pour couvrir leurs postes, et pas d’armée, tandis que nous aurions sous les armes trois cent mille hommes dans la fleur de l’âge. Est-ce assez concluant ?

De quelque manière que l’on retourne l’histoire, il faut en arriver à ceci : que les Canadiens ont su découvrir, fonder, coloniser et protéger très longtemps, par leurs armes, la moitié de ce continent, et que lorsque les deux couronnes — France et Angleterre — se virent au moment suprême où l’épée trancha leurs différends séculaires, le fruit de tant de persévérance, de labeurs et d’énergie passa, par un caprice du sort, aux mains de ceux qui n’avaient rien fait pour le mériter. De cette heure date l’existence des États-Unis tels que le monde les connaît. Que les citoyens de la grande république soient fiers des progrès qu’ils ont accomplis depuis ce temps, nous n’y voyons rien que de légitime, mais qu’ils ne parlent pas de l’époque antérieure ! Ni rhétorique, ni jactance, ni sophismes ne leur serviront. Enfants gâtés d’une race qui avait tout préparé pour eux, il leur sied mal de vouloir comparer leur jeunesse à celle d’un petit peuple qui a tiré tout de lui-même, et laissé des monuments uniques dans l’histoire de la colonisation américaine.

Le groupe canadien est inattaquable. Ce rameau transplanté du vieil arbre français s’est développé malgré les circonstances exceptionnellement difficiles qui paraissaient s’opposer à son acclimatation. À l’instar de l’érable, dont la feuille constitue, avec le castor, ses emblèmes nationaux, il a crû parmi les rochers, sur le flanc abrupt des montagnes, comme le disait M. Viger, mais sa vigueur n’en est que plus grande, ses racines plus tenaces, son fil plus solide et son poli plus attrayant. Fidèles au passé, industrieux comme le castor, les Canadiens, après cinq quarts de siècle de domination britannique, sont aussi fiers de leur origine française que jaloux de soutenir le rang honorable qu’ils se sont acquis au milieu de races étrangères qui leur furent souvent hostiles.

Le bon choix des sujets, un système de colonisation judicieux, l’excellence du climat, la moralité soutenue de génération en génération, les rendements faciles d’un sol nouveau, les exercices de la guerre, un peu de la vie des bois, une instruction générale, tel est le tableau que présente l’histoire des Canadiens sous l’ancien régime, celui que l’on est convenu de voir finir à la conquête. Depuis lors, traversant une phase nouvelle remplie de dangers, en butte aux dénigrements des uns et à l’oppression des autres, si nous avons fourni une carrière qui étonne tout le monde, cela est encore dû à nos origines. Avant d’être soumis aux épreuves que nous avons rencontrées sous le régime anglais, nous formions déjà un peuple avec des attributs de force et de solidité, avec des traditions, une expérience, des idées et des sentiments propres. Nous occupions le sol. Nos chefs étaient instruits et pleins d’idées nationales. Aussi, avons-nous été les premiers à comprendre le mode d’administration qu’il fallait adopter sous ces circonstance nouvelles, tandis que, à côté de nous, les marchands, les immigrants, les bureaucrates anglais, population flottante, sans lien ni expérience, ne faisaient que des bévues.

Il n’est pas mauvais, après tout, que l’on nie de temps à autres nos antiques vertus. Cela nous rappelle à nous-mêmes. Nos historiens feront reparaître dans le débat, des livres, des arguments, des observations, des faits trop souvent négligés. L’idée nationale sera moins en danger d’être oubliée, de faire fausse route. Dans une lettre récente, M. Rameau s’en réjouit, et il ajoute : « Montrer tout ce qu’il y avait de forces sociales, intellectuelles et morales en germe dans les temps primitifs du Canada ; faire voir comment les circonstances fortuites en ont retardé le développement et reporté à longue échéance le résultat des promesses que contenait l’aurore ; signaler aux Canadiens ce qu’ils peuvent faire pour poursuivre l’essor logique de cette destinée, que leur présageait la sagesse et la vertu de leurs ancêtres — voilà, ce me semble, quel doit être l’objectif de l’histoire du Canada aujourd’hui, si l’on veut que l’étude de l’histoire soit non seulement la fantaisie intellectuelle de quelques antiquaires, mais un enseignement vivant et fécond dans lequel les peuples sages et intelligents vont préparer les forces de leur avenir par l’observation du passé. Notez bien que c’est ainsi que l’Allemagne d’aujourd’hui a été préparée par les travaux patients et silencieux de deux ou trois générations laborieuses. Personne, en France n’ignore le rôle considérable que l’école historique, patronisée par les rois de Prusse depuis un siècle, a joué dans la régénération et l’organisation du peuple allemand. C’est maintenant à tous les travailleurs de bonne volonté de savoir s’entendre et de faire de l’histoire non pas seulement une satisfaction intellectuelle, mais une force patriotique. »

Enfin, le grand mot qu’on nous lance pour témoigner que nous étions inférieurs aux colonies rivales, ne renverse rien, ne prouve rien, et n’a d’importance qu’aux yeux des gens préjugés et des ignorants absolus : « Les Anglais vous ont écrasés ! »

Oui, les Anglais, pas les Yankees ! Oui, nous sommes les vaincus ; oui, nous avons été conquis, mais à qui la faute ? Les Alsaciens et les Lorrains, passés, il y a onze ans, sous le joug de la Prusse, sont-ils blâmables ? Va-t-on refuser à cette population le titre de « pépinière de braves, » que le premier Napoléon lui a décerné ? Que Louis XIV et Louis XV nous aient abandonnés ; que le second empire ait causé la perte de deux provinces de France, qu’est-ce que cela fait à l’histoire honorable et patriotique de nos petits peuples : Alsaciens, Lorrains, Acadiens et Canadiens ? Qui a combattu mieux que nous, et qui peut nous ôter l’honneur ?

Soyons sans crainte : la mémoire de nos pères ne périra pas. Dans le grand procès de l’histoire, on les verra toujours surgir avec éclat, dignes, de plus en plus, de notre amour et des égards de la postérité.

Le journal est fils de l’imprimerie. Il est impossible sans elle. On ne le voit que dans les pays où la discussion des affaires publiques est tolérée ou permise. Donc, sans imprimerie et sans liberté, pas de journal, mais on peut publier des feuilles qui se donnent l’apparence d’organes populaires et qui sont en réalité des instruments d’oppression.

Dès l’automne de 1763, un Écossais de Philadelphie, du nom de William Brown, visita Québec et proposa d’y fonder une gazette. Nous saluons en lui le premier journaliste canadien. C’est un marchand-tailleur de Québec, du nom de William Laing, qui paraît l’avoir attiré en ce pays. Il apportait de l’atelier de Benjamin Franklin, dit la tradition, un prospectus dans lequel il demandait « trois cents souscrivants, » et s’engageait à établir « une belle imprimerie dans une place convenable à Quebeck. » Les deux langues devaient figurer à côté l’une de l’autre dans la gazette qui sortirait de cette belle imprimerie, « comme c’est le moyen le plus efficace de faire réussir une entière Connaissance de la Langue Anglaise et Française parmi ces deux Nations, qui a présent se sont jointes heureusement dans cette partie du Monde. » Les Anglais ne doutent de rien. Ils prenaient ce baragouinage pour du français, et l’offraient comme tel. Il fallait être bien réduit, bien abattu par la conquête, bien désespéré pour accepter la langue barbare que promettait le prospectus. Aussi le nombre des « souscrivants » ne fut-il que de cent cinquante. Sans le patronage que lui fit entrevoir le gouvernement, jamais Brown ne serait revenu au Canada avec son « assortiment de nouvelles Charactères, » comme il s’exprime.

Encore plongés dans les malheurs où la guerre les avait jetés ; se sentant sous le sceptre d’un monarque injuste à leur égard ; méprisés et repoussés de partout par les aventuriers qu’apportait chaque navire, les Canadiens ne regardèrent évidemment pas d’un bon œil l’engin de publicité qui allait mettre dans la main de leurs ennemis une ressource de plus, ressource terrible, ils le sentaient bien. « D’ailleurs, écrit M. E. Gérin, sans parler du chiffre de la population, qui était faible, il est impossible que le goût de la lecture des journaux fût alors assez généralement répandu pour donner trois cents abonnés qui ne pouvaient se recruter qu’à la ville — les campagnes étant restées étrangères à cette nouvelle importation. » Le premier numéro de la Gazette de Québec parut le jeudi, 21 juin 1764, en quatre pages in-quarto, chaque page ayant deux colonnes, l’une en français, l’autre en anglais. Deux colonnes de nouvelles étrangères, et deux annonces. Le nom des imprimeurs, Brown et Gilmore, y figure avec l’adresse du bureau du journal : « rue St. Louis, deux portes au-dessus du Secrétariat. » C’est Brown qui était l’âme de l’entreprise ; il maniait assez habilement la plume, ce que son associé ne parait pas avoir su faire. La Gazette, en ses premiers temps, était loin de réaliser l’idée que de nos jours on se forme d’un journal. Elle ne se mêlait aucunement de politique. N’ayant point de rivale pour lui donner la riposte, elle ne s’engageait dans aucune polémique. Mais, dira-t-on, elle ne publiait donc que des nouvelles ? Oui, rien que des nouvelles… qu’elle empruntait aux papiers de Philadelphie et d’Angleterre. Pas un fait-divers canadien, pas non plus d’article traité au point de vue canadien. Il s’y rencontrait des annonces, par exemple. À tout prendre, la création de Brown et Gilmore était ce que nous nommons la Gazette Officielle, agrémentée de quelques annonces de commerce et de nouvelles étrangères. Il faut feuilleter plusieurs volumes de cette publication pour rencontrer une demi douzaine de petites notes d’actualité. Dans son premier numéro, l’éditeur avertit ses abonnés que, vu la rigueur de nos hivers, il sera parfois privé temporairement de ses échanges avec les autres pays, ce qui le mettra dans un embarras assez grave ; mais il se hâte d’ajouter qu’il espère bien suppléer alors à l’insuffisance des nouvelles étrangères par « des pièces originales, en vers et en prose, qui plairont à l’imagination, au même temps qu’elles instruiront le jugement. » En d’autres termes, cette brave Gazette ne se proposait d’employer un rédacteur que comme pis aller quand les autres sources feraient absolument, défaut !

Dans les seize premiers mois, écrit encore M. Gérin, la Gazette ne contient « pas l’ombre d’une appréciation politique, et bien heureux sommes-nous quand nous y trouvons un ou deux faits-divers. Les lecteurs étaient régulièrement mis au courant des faits et gestes des peuplades sauvages du Rhode Island et du Delaware qui repoussait le joug britannique, mais on leur laissait ignorer les événements qui s’accomplissaient dans la capitale du Canada. »

L’heure de la politique imprimée n’était pas encore venue. De part et d’autre on s’observait, indécis pour formuler des demandes ou des vœux, et manquant de l’habitude et de l’exercice de la presse, car les Anglais du Canada, pas plus que les Canadiens eux-mêmes ne comptaient alors dans leurs rangs un journaliste digne de ce nom — si toutefois il en existait un, rien ne nous témoigne de sa présence. Les chambres de Londres nommaient des comités qui étudiaient les affaires du Canada ; les yeux étaient tournés vers ces bureaux d’où pouvaient sortir des décisions bien graves pour la colonie.

Après Murray, qui nous défendit avec courage devant les communes (1766), Carleton alla en Angleterre (1770) et se fit accompagner de M. de Lotbinière, bon patriote, homme d’assez de fortune et instruit des besoins de notre situation, le même qui, plus tard (1774), se rendit de nouveau déposer aux pieds du trône les plaintes et les désirs des Canadiens. C’était à Londres, en somme, qu’agissaient nos représentants et il était sage d’attendre le résultat de leurs démarches avant que de risquer de parler haut, encore moins de recourir à la presse, à la dispute, à l’agitation.

Au nombre des Canadiens marquants mis par ces circonstances en contact avec les autorités impériales, il faut citer M. de Léry, lequel fut présenté à la cour avec sa femme, la belle Marie Louise-Madeleine Martel de Brouage, d’ancienne famille canadienne, qui reçut du roi ce compliment : « si les dames de votre pays vous ressemblent, en vérité j’ai fait une belle conquête. »

MÉNAGES, POPULATION, SEXES, ÉTAT DE MARIAGE. — 1765


Localités Ménages Population Sexes Mariés et Veuvage Enfants et non mariés
H. F. H. F. Total H. F. Total
Île aux Coudres 41 213 101 112 41 41 82 60 71 131
Éboulements 30 149 77 72 30 30 60 47 42 89
Baie Saint-Paul 88 540 280 260 88 87 175 192 173 365
Petite Rivière 27 152 81 71 26 27 53 55 44 99
Saint-Joachim 66 362 180 182 66 64 130 114 118 232
Saint-Féréol 23 123 64 61 25 25 50 39 36 75
Sainte-Anne du Nord 64 362 193 169 64 61 125 129 108 237
Château-Richer 87 495 250 245 85 87 172 165 158 323
L’Ange-Gardien 71 418 224 194 71 66 137 153 128 281
Beauport 167 891 451 440 167 165 332 284 275 559
Charlesbourg 235 1,239 631 608 220 235 455 411 373 784
Québec 8,997*
Rivière Saint-Charles 41 297 146 151 36 41 77 110 110 220
Sainte-Foye 75 363 179 183 71 75 146 108 108 216
Ancienne-Lorette 189 947 528 419 180 189 369 348 230 578
Saint-Augustin 151 795 364 441 150 149 299 204 292 496
Pointe-aux-Trembles 125 700 360 340 116 125 241 244 215 459
Écureuils 57 305 156 149 56 57 113 100 92 192
Cap-Santé 153 811 402 409 151 149 300 251 260 511
Deschambault 80 428 203 225 79 80 159 124 145 269
Grondines 50 254 120 134 43 50 93 77 84 161
Sainte-Anne de la Pérade 102 563 296 267 112 103 215 184 164 348
Batiscan 130 636 332 304 131 212 252 201 183 384
Champlain 45 228 130 98 46 33 79 84 65 149
Saint-Maurice 55 273 130 143 60 55 115 70 88 158
Cap de la Madeleine 30 170 90 80 32 24 56 58 56 114
Trois-Rivières 126 244 309 335 130 153 283 179 182 361
Pointe du Lac 33 182 91 91 33 35 68 58 56 114
Yamachiche 140 636 332 304 154 133 287 178 171 349
Maskinongé 70 353 189 164 83 70 153 106 94 200
Berthier 136 649 341 308 140 133 278 201 170 371
Petite Rivière de Berthier 80 372 184 188 91 77 168 93 111 204
Île Dupas 30 178 82 96 32 30 62 50 66 116
D’Autray 62 280 155 125 70 61 131 85 64 149
Lanoraye 41 183 94 89 41 37 78 53 52 105
La Valtrie 64 327 173 154 69 59 128 104 95 199
Saint-Sulpice 105 567 311 256 113 105 218 198 151 349
Repentigny 140 712 376 336 173 134 307 203 202 405
Saint-Pierre du Portage 209 1,000 528 472 217 201 418 311 271 582
La Chenaye 80 352 179 173 90 70 160 89 103 192
Mascouche 107 542 274 268 124 116 240 150 152 302
Terrebonne 103 540 267 273 116 112 228 151 161 312
Mascouche de Terrebonne 89 436 224 212 105 102 207 119 110 229
Sainte-Rose 187 835 421 414 206 186 392 215 228 443
Saint-François de Sales 42 233 127 106 45 43 88 82 63 145
Saint Vincent de Paul 238 1,311 711 600 240 242 482 471 358 829
Saut-au-Récollet 58 257 140 117 58 49 107 82 68 150
Pointe-aux-Trembles 100 459 223 236 104 102 206 119 134 253
Longue Pointe 78 390 209 181 79 77 156 130 104 234
Saint-Laurent 156 795 411 384 159 142 301 252 242 394
Montréal 5,733*
Lachine 76 423 212 211 76 79 155 136 132 268
La Pointe Claire 147 783 419 364 145 136 281 274 228 502
Sainte-Geneviève 172 796 404 392 185 171 356 219 221 440
Vaudreuil 83 377 186 191 86 82 168 100 109 209
Sainte-Anne 67 325 169 156 72 71 143 97 85 182
Île Perrot 60 294 157 137 63 59 122 94 78 172
Les Cèdres 56 309 170 139 63 57 120 107 82 189
La Prairie 72 360 202 164 77 68 145 125 96 221
Longueuil 129 714 386 328 131 120 251 255 208 463
Boucherville 165 748 374 674 176 157 333 198 217 415
Varennes 232 1,168 617 551 278 218 496 339 333 672
Verchères 186 963 499 464 186 181 377 313 273 586
Contrecœur 67 371 183 188 69 79 148 114 109 223
Grand Saint-Ours 44 243 132 111 45 50 98 84 61 145
Petit Saint-Ours 116 551 309 242 120 106 226 189 136 325
Sorel partie sur le fleuve 75 332 180 152 87 75 162 93 77 170
Sorel dans l’intérieur 160 677 363 314 167 144 311 196 170 366
Immaculée Conception 109 555 276 279 112 100 212 164 179 343
Chambly 98 544 282 262 96 93 189 186 169 355
Saint-Denis 58 312 162 150 62 59 121 100 91 191
Saint-Antoine 56 309 170 139 70 72 142 100 67 167
Saint-Charles 87 478 271 207 86 85 171 185 122 307
Yamaska 107 524 277 247 108 97 205 169 150 319
Nicolet 113 510 250 260 110 115 225 140 145 285
Saint-François du Lac 77 417 211 206 80 79 159 121 127 258
Baie Saint-Antoine 90 467 247 220 99 96 195 148 124 272


Bécancour 65 332 177 155 72 62 134 105 93 198
Gentilly 34 173 88 85 36 34 70 52 51 103
Saint-Pierre les Becquets 43 219 100 109 43 39 82 67 70 137
Saint-Jean d’Eschaillons 32 183 93 90 32 32 64 61 58 119
Lotbinière 75 391 188 203 75 68 143 113 135 248
Sainte-Croix 74 369 183 186 73 74 147 110 112 222
Saint-Antoine 108 559 283 276 108 105 213 175 171 346
Saint-Nicolas 92 421 209 212 87 86 173 122 126 248
Saint-Joseph de Lévis 161 802 411 391 142 163 305 269 228 497
Saint-Henri 72 317 172 145 72 70 142 100 75 175
Saint-Joseph de la Beauce 94 499 237 262 89 94 183 148 168 316
Sainte-Marie de la Beauce 69 357 187 170 69 68 137 118 102 220
Beaumont 81 398 204 194 73 72 165 121 112 233
Saint-Charles 204 1,073 546 527 204 198 402 342 329 671
Saint-Michel 170 909 475 434 165 170 335 310 264 574
Île d’Orléans Saint-Pierre 88 471 225 246 85 88 173 140 138 298
Île d’Orléans Saint-Laurent 87 473 242 231 87 83 170 155 148 303
Île d’Orléans Saint-Jean 91 524 264 260 91 90 181 173 170 343
Île d’Orléans Sainte-Famille 83 457 244 213 77 83 160 167 130 297
Île d’Orléans Saint-François 71 378 185 193 71 67 138 114 126 240
Saint-Vallier 131 676 353 323 128 131 259 225 192 417
Berthier 68 394 197 197 68 67 135 129 130 259
Saint-François du Sud 104 615 303 312 104 104 208 199 208 407
Saint-Pierre du Sud 104 597 311 286 104 102 206 207 184 391
Saint-Thomas 209 1,090 519 571 200 209 409 319 362 681
Cap Saint-Ignace 110 599 311 288 109 110 219 202 178 380
Îlet 108 598 308 290 108 102 210 200 188 388
Saint-Jean Port Joly 73 393 191 202 70 73 143 121 129 250
Saint-Roch 92 560 264 296 88 92 180 176 204 380
Sainte-Anne de la Pocatière 114 611 313 298 114 109 223 199 189 388
Rivière-Ouelle 339 819 408 411 135 139 274 273 272 545
Kamouraska 157 870 425 445 155 157 312 270 288 558
Rivière-du-Loup 16 68 36 32 16 14 30 20 18 38
Sauvages de Restigouche 24 93 54 39 24 23 47 30 16 46
Baie des Chaleurs 41 209 114 89 41 33 74 73 62 135
Gaspé 16 109 69 40 27 16 43 42 24 66
   Totaux 10,660 55,110 28,316 26,794 10,922 10,509 21,431 17,394 16,285 33,679
*Québec
*Montréal   14,700 — Total
69,810


L’état ci-dessus de la population du Canada en 1765 se prête si facilement aux observations du lecteur, que nous nous bornerons à le publier. Il convient d’y ajouter les notes suivantes sur les Acadiens, empruntées en partie à la même source. (Recensement de 1870-71).

En apprenant la signature du traité de Paris, plusieurs familles acadiennes cherchèrent un refuge en France ; d’autres allèrent rejoindre leurs parents du Canada. Néanmoins chaque jour voyait revenir au sol natal quelques groupes de ces pauvres exilés. Les émigrations successives de ce petit peuple avait fort réduit le chiffre des résidents français des provinces maritimes, aussi voyons-nous que, en 1765, ils comptaient à peine une dizaine de mille âmes, réparties comme suit, à côté de près de dix mille Anglais, Écossais et Allemands fixés dans la Nouvelle-Écosse :


Nouvelle-Écosse 1,700
Cap Breton 800
Nouveau-Brunswick 6,250
Île Saint-Jean 1,400


Au recensement de 1771 ce chiffre total baisse de 1708 âmes, soit à cause de l’émigration, soit par la manière dont le relevé a été fait.

DEMEURES, DÉFRICHEMENTS ET BÉTAIL. — 1765


Localités Agriculture Bétail
Maisons Arpents
possédés
Minots
semés
Chevaux Boeufs Jeune
bétail
Vaches Moutons Cochons
Île aux Coudres 40 4,405 445 43 46 30 101 245 92
Éboulements 26 2,355 257 14 2 12 54 109 47
Baie Saint-Paul 81 10,689 1,130 88 98 94 195 424 255
Petite Rivière 24 8,962 220 24 22 17 56 88 60
Saint-Joachim 63 10,820 1,396 61 202 142 167 284 187
Saint-Féréol 23 2,560 357 21 30 24 43 53 40
Sainte-Anne du Nord 61 11,551 1,199 59 83 47 130 167 119
Château-Richer 85 9,090 891 50 67 169 115 89 105
L’Ange-Gardien 61 22,635 1,446 11 107 137 153 189 133
Beauport 147 8,854 3,827 175 255 230 370 175 417
Charlesbourg 208 11,702 4,009 208 600 238 509 353 451
Québec 1,400*
Rivière Saint-Charles 37 3,784 1,287 55 84 53 135 115 129
Sainte-Foye 63 5,162 1,659 72 110 84 180 54 146
Ancienne-Lorette 170 13,511 3,784 118 236 236 383 267 349
Saint-Augustin 149 8,212 2,145 110 194 170 259 244 252
Pointe-aux-Trembles 110 7,518 2,114 130 178 229 271 145 261
Écureuils 54 2,692 802 52 63 64 100 820 110
Cap-Santé 131 13,068 2,240 175 133 159 244 272 297
Deschambault 74 7,200 617 91 92 99 151 272 184
Grondines 42 5,824 755 66 28 50 94 89 93
Sainte-Anne de la Pérade 102 11,664 2,323 154 154 166 301 401 278
Batiscan 125 9,313 2,390 148 110 147 323 244 347
Champlain 42 5,481 1,257 77 49 87 134 29 156
Saint-Maurice 55 3,205 809 89 29 67 107 115 184
Cap de la Madeleine 29 3,945 1,019 53 15 71 105 30 116
Trois-Rivières 118 5,830 1,119 100 111 78 231 78 276
Pointe du Lac 32 2,070 621 39 32 35 74 2 81
Yamachiche 134 7,661 2,475 177 153 370 280 197 481
Maskinongé 67 7,599 1,192 105 48 146 161 96 213
Berthier 114 7,121 2,496 204 111 156 281 454 436
Petite Rivière de Berthier 78 7,295 1,281 122 41 71 139 254 246
Île Dupas 30 1,879 688 57 18 68 90 203 134
D’Autray 62 6,674 824 100 49 51 123 91 183
Lanoraye 40 4,610 737 73 41 71 89 108 148
La Valtrie 61 3,938 1,236 95 46 102 146 141 194
Saint-Sulpice 109 8,369 2,892 172 153 205 293 344 434
Repentigny 135 10,877 3,409 292 184 298 355 325 567
Saint-Pierre du Portage 215 12,763 3,708 287 193 251 423 471 518
La Chenaye 77 8,625 2,495 152 187 200 237 458 407
Mascouche 104 12,418 1,602 143 130 165 196 321 318
Terrebonne 95 5,829 1,284 110 103 119 181 270 308
Mascouche de Terrebonne 85 7,404 1,307 134 79 99 139 240 262
Sainte-Rose 173 16,527 2,730 266 222 297 343 767 827
Saint-François de Sales 39 3,286 1,296 75 105 353 138 311 158
Saint Vincent de Paul 226 17,012 3,996 374 357 460 466 714 987
Saut-au-Récollet 59 3,620 1,633 101 171 147 158 34 212
Pointe-aux-Trembles 94 3,179 2,861 169 160 335 343 351 202
Longue Pointe 71 4,207 3,286 139 138 151 239 335 292
Saint-Laurent 151 10,073 3,810 287 298 253 361 342 495
Montréal 900*
Lachine 75 5,047 1,758 154 144 180 204 143 269
La Pointe Claire 145 11,575 4,339 271 322 356 372 428 579
Sainte-Geneviève 163 14,264 3,107 245 205 260 310 301 753
Vaudreuil 83 4,892 927 66 70 54 107 20 231
Sainte-Anne 64 3,779 1,497 105 92 107 134 89 237
Île Perrot 59 3,908 1,352 92 94 85 150 129 197
Les Cèdres 55 5,398 1,180 91 74 106 102 32 225
La Prairie 70 5,185 1,467 124 101 60 178 153 187
Longueuil 124 8,552 2,828 269 200 272 382 160 466
Boucherville 161 25,581 3,004 256 198 221 449 401 407
Varennes 199 26,246 5,642 407 235 329 622 711 535
Verchères 174 20,382 4,595 336 282 382 492 468 587
Contrecœur 35 6,590 1,183 120 80 129 158 210 349
Grand Saint-Ours 47 5,057 740 81 34 76 102 137 134
Petit Saint-Ours 105 10,649 2,031 189 121 137 251 289 330
Sorel partie sur le fleuve 71 5,311 767 98 24 60 164 161 229
Sorel dans l’intérieur 148
Immaculée Conception 108 10,125 1,020 149 130 92 196 79 224
Chambly 98 8,766 1,177 156 142 131 232 71 250
Saint-Denis 58 6,510 1,211 116 124 111 163 107 193
Saint-Antoine 54 7,376 1,202 107 134 108 156 138 216
Saint-Charles 87 11,832 1,784 164 137 159 247 198 330
Yamaska 99 10,846 1,046 129 62 92 187 260 278
Nicolet 101 9,233 1,122 101 59 91 195 263 249
Saint-François du Lac 72 7,821 1,104 128 58 124 254 351 244
Baie Saint-Antoine 89 11,770 1,075 109 94 81 172 410 250

Bécancour 62 10,432 1,211 92 51 93 204 106 176
Gentilly 34 5,024 378 38 29 27 69 46 80
Saint-Pierre les Becquets 43 5,351 543 80 32 38 75 115 113
Saint-Jean d’Eschaillons 30 4,240 436 26 26 30 61 131 70
Lotbinière 72 8,154 551 83 100 98 149 305 164
Sainte-Croix 66 5,360 1,233 67 83 66 118 151 111
Saint-Antoine 99 9,972 1,872 117 115 123 179 191 183
Saint-Nicolas 74 9,000 1,540 83 101 76 131 166 133
Saint-Joseph de Lévis 145 16,806 2,023 133 140 106 252 205 291
Saint-Henri 66 7,900 648 61 49 54 99 114 106
Saint-Joseph de la Beauce 88 13,728 990 81 80 97 165 247 172
Sainte-Marie de la Beauce 68 9,220 785 44 53 37 116 133 112
Beaumont 70 7,428 1,252 71 90 86 144 232 165
Saint-Charles 197 20,490 1,792 163 132 139 312 406 435
Saint-Michel 155 14,700 2,261 166 183 178 336 630 37
Île d’Orléans Saint-Pierre 72 9,779 2,071 102 152 184 233 249 219
Île d’Orléans Saint-Laurent 77 6,281 2,213 146 134 153 211 233 246
Île d’Orléans Saint-Jean 80 10,173 2,028 97 113 144 216 297 227
Île d’Orléans Sainte-Famille 78 7,599 2,274 98 157 190 236 264 244
Île d’Orléans Saint-François 58 5,075 1,722 74 121 141 179 268 169
Saint-Vallier 122 9,538 2,134 158 176 185 319 586 229
Berthier 63 6,156 1,314 87 83 93 173 195 189
Saint-François du Sud 102 9,076 1,218 117 110 98 205 374 251
Saint-Pierre du Sud 95 7,346 1,799 145 112 148 260 465 288
Saint-Thomas 178 10,939 2,264 218 172 192 442 817 502
Cap Saint-Ignace 99 9,466 1,260 122 105 137 263 671 276
Îlet 103 10,955 1,381 117 114 120 215 516 265
Saint-Jean Port Joly 68 8,945 755 70 48 60 113 267 161
Saint-Roch 83 12,997 1,015 101 93 122 200 541 225
Sainte-Anne de la Pocatière 107 11,116 1,446 139 57 113 232 510 304
Rivière-Ouelle 129 13,249 1,523 144 109 114 286 663 352
Kamouraska 148 22,299 2,282 196 75 154 348 746 496
Rivière-du-Loup 15 2,578 34 15 7 19 33 25
Sauvages de Restigouche
Baie des Chaleurs 37 4 5 20 18
Gaspé 12 7 3 3 6
   Totaux 9,930 941,342 179,699 13,488 12,533 14,732 22,748 28,022 28,562
*Québec
*Montréal   2,300 — Total
12,230



  1. De 1764 à 1766, on enrôla volontairement six cents Canadiens qu’on envoya au Détroit réprimer la révolte de Pontiac.